ÂCRETÉ, substantif féminin.
Publié le 04/10/2015
Extrait du document
ÂCRETÉ, substantif féminin.
Qualité de ce qui est âcre.
A.— [En parlant d'une sensation du goût ou de l'odorat, et par extension de l'ouïe ou de la vue] :
Ø 1. Or, cette mort, toute terrible qu'elle soit, n'arrive pas brusquement! ces hémorragies si étonnantes ne terminent pas seules le destin de tant d'infortunés! des vomissemens continuels ont une telle âcreté, qu'ils irritent violemment le gosier, la langue et les lèvres.
HENRI DE LATOUCHE, LOUIS-FRANÇOIS L'HÉRITIER, Dernières lettres de deux amans de Barcelone, 1821, page 100.
Ø 2. J'ai parlé du tabac grec, qui est excellent. Il a plus de parfum et moins d'âcreté que le nôtre; il est d'ailleurs d'une couleur beaucoup plus appétissante.
EDMOND ABOUT, La Grèce contemporaine, 1854, page 391.
Ø 3. Il suffit de voir les fourmis, maigres à ce point, brillantes et vernissées, pour supposer qu'elles sont les plus adustes, les plus brûlés de tous les êtres. Leur singulière âcreté est constatée par la chimie, qui a su tirer de leur corps le mordant acide formique.
JULES MICHELET, L'Insecte, 1857, page 260.
Ø 4. L'odeur vigoureuse du vin naissant tenait épaisse dans le local à haut plafond et s'augmentait d'âcreté au dernier coup de vis, à outrance, qui rendait la rebêche, le vin rose, sur, bu dans le pays.
PIERRE HAMP, Vin de champagne, 1909, page 141.
Ø 5.... l'air délavé du matin et du soir semblait y influencer jusqu'aux cordes des instruments. Morel avait beau jouer merveilleusement, les sons que rendait son violon me parurent singulièrement perçants, presque criards. Cette âcreté plaisait et, comme dans certaines voix, on y sentait une sorte de qualité morale et de supériorité intellectuelle.
MARCEL PROUST, À la recherche du temps perdu,La Prisonnière, 1922, page 257.
Ø 6. Malgré l'âcreté des humeurs qui la couperosaient, cette figure était assez prévenante, avec une pointe aigre qu'on retrouvait dans la voix.
HENRI POURRAT, Gaspard des Montagnes, À la belle bergère, 1925, page 14.
Ø 7. « Et j'en connais qui cherchent la mer au pas lent de leur caravane et qui ont besoin de la mer. Et qui, lorsqu'ils arrivent sur le promontoire et dominent cette étendue pleine de silence et d'épaisseur et qui interdit à leurs regards ses provisions d'algues ou de coraux, respirent l'âcreté du sel et s'émerveillent d'un spectacle qui ne leur sert de rien dans l'instant, car on ne saisit point la mer. Mais ils sont lavés dans leur coeur de l'esclavage des petites choses... »
ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Citadelle, 1944, page 572.
Remarque : 1. Syntagmes fréquents : Âcreté d'un parfum, d'une essence, de la poussière; du vin, de la fumée, d'un son. 2. On trouve, d'autre part, âcreté associé à acide (exemple 3) à pointe aigre (exemple 6), qui définissent en partie cette qualité. L'idée de sensation désagréable et de causticité est plus apparente dans l'alliance avec des verbes comme irriter (exemple 1) ou des adjectifs comme brûlé, mordant (exemple 3), sur (exemple 4), etc.
B.— Au figuré. [En parlant du caractère, de l'esprit d'une personne, de son humeur ou de ce qui la manifeste; de la personne elle-même (exemple 10)] :
Ø 8. Lucien comprit l'air aigre qui glaçait cette figure envieuse l'âcreté des reparties que ce journaliste semait dans sa conversation, l'acerbité de sa phrase, toujours pointue et travaillée comme un stylet.
HONORÉ DE BALZAC, Les Illusions perdues, 1843, page 380.
Ø 9.... Saint-Simon ne se put guérir de l'âcreté de son humeur dans une solitude où le petit fils du comte de Toulouse perfectionna sa vertu : le fiel et le miel se composent quelquefois sous les mêmes arbres.
FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Vie de Rancé, 1844, page 171.
Ø 10. Reprenons l'article de M. Langlois, puisque c'est notre document. Ni la méchanceté naturelle au plus éminent de nos bons maîtres, ni l'aigreur, ni la furie, ni la fureur ni l'âcreté ne suffisent à expliquer tout le ton de cet article.
CHARLES PÉGUY, L'Argent, 1913, page 1152.
Ø 11. « Il a dû faire un peu de physique pour entrer à Saint-Cyr. Pour ce que ça lui sert!... »
Il avait proféré cette dernière petite phrase avec tant d'âcreté que la conversation tourna court. La jalousie lui mordait de nouveau le coeur.
PAUL BOURGET, Le Sens de la mort, 1915, page 228.
Ø 12. Tandis que je restai avec les Alibert, sur les aires, je n'eus pas le loisir d'éprouver violemment cette amertume. Mon chagrin, lié à celui de mes compagnons de travail, en perdit son âcreté.
HENRI BOSCO, Le Mas Théotime, 1945, page 171.
— Au pluriel. Manifestations de l'âcreté, réactions d'amertume, de rancoeur :
Ø 13. Ces feuillets sont mon exutoire, mon maillot Priessnitz, où se déposent toutes les âcretés engendrées par la vie. Leur aigreur fait mon assainissement.
HENRI-FRÉDÉRIC AMIEL, Journal intime, 26 février 1866, page 162.
Ø 14.... sa rupture providentielle (sataniquement providentielle) avec Rome — conséquence immédiate de la triple symbiose qu'on vient de voir — a porté l'A. F. sur un champ de bataille où ses humeurs belliqueuses, ses acides, ses âcretés, ont immédiatement retrouvé leur emploi.
JEAN-RICHARD BLOCH, Destin du siècle, 1931, page 25.
Remarque : 1. On rencontre fréquemment le tour avec âcreté (exemple 11), employé surtout au figuré, de préférence à âcrement*, plus proche du sens concret 2. Associations paradigmatiques : acerbité (exemple 8), aigreur (exemple 13), amertume (exemple 12), acide (exemple 14), fiel (exemple 9), fureur, furie (exemple 10), rancoeur, rancune, violence, etc.
STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 112.
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