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AGRESSION, substantif féminin.

Publié le 15/10/2015

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AGRESSION, substantif féminin.  

Action d'attaquer une personne ou un groupe de personnes de façon soudaine et brutale, et sans avoir été provoqué. 

A.—  Généralement. 

1. Action d'attaquer de façon violente une ou plusieurs personnes : 

Ø 1. Il crut que pour sa résistance vertueuse le jeune duc l'avait tuée ou fait tuer, et, sa furie s'exaspérant à cette idée, il tomba à grands coups d'épée sur les marauds, qui, surpris de cette agression subite dont ils ne pouvaient se défendre, ayant les mains empêchées, lâchèrent leur proie et détalèrent comme s'ils eussent eu le diable à leurs trousses.

THÉOPHILE GAUTIER, Le Capitaine Fracasse,  1863, pages 420-421. 

Ø 2. Elle allait sortir par la porte qui donnait sur le vestibule, lorsqu'elle crut entendre un bruit de pas. Elle se rejeta en arrière, d'un mouvement brusque et effaré, comme si elle eût voulu échapper à une agression subite; puis elle se hâta de disparaître par une porte qui conduisait au salon.

ÉMILE ZOLA, Madeleine Férat,  1868, page 135. 

Ø 3. La sauvagerie de cette agression, ce vieillard assommé par ce jeune homme, puis cet innocent domestique, la lâcheté de ce guet-apens rendu plus ignoble par l'emploi d'un faux, fabriqué sans doute grâce à un cachet volé, tout, dans le compte rendu de cet attentat, révoltait l'étudiant de Harvard, élevé dans cette atmosphère de franchise rude mais saine que la tradition puritaine crée dans la grande université du Massachusetts,...

PAUL BOURGET, Nos actes nous suivent,  1926, page 75. 

Ø 4. Les juges écoutent attentifs. Il est vraiment adroit ce défenseur! il s'efforce de ramener l'agression aux proportions banales d'une rixe de quartier réservé. Il parle de pistolets qui n'ont blessé que des glaces, d'une fille piétinée, mais peut-être d'abord par ses danseurs en fuite. Une autre a eu le crâne fracturé : un coup de siphon, d'après le médecin légiste. Mais personne n'a vu donner ce coup!...

ROGER CRÉTIN, DIT ROGER VERCEL, Capitaine Conan,  1934, pages 136-137. 

Ø 5. Après le hold-up de Levallois (...), les spécialistes de l'agression à main armée viennent de faire de nouveau parler d'eux en s'emparant de 8 millions à Nanterre.

Cinq gangsters attaquent deux encaisseurs, Le Figaro. 19-20 janvier 1952, page 2, colonne 5-6. 

Remarque : L'agression est souvent présentée comme étant subite (exemple 1, 2), brusque (Dictionnaire général de la langue française (ADOLPHE HATZFELD, ARSÈNE DARMESTETER)) et partant injuste (Dictionnaire de l'Académie Française 1835, 1878, Dictionnaire de l'Académie Française tome 1 1932). 

—  Par extension.  [En parlant d'un mal] :

Ø 6. Si, d'autre part, nous nous reportons aux événements et aux émotions notés par Beethoven dans son journal (manuscrit Fischhoff), nous constatons qu'en effet l'opus 101 a bénéficié de la période d'accalmie relative, qui prend fin, en octobre 1816, avec l'agression de la maladie. L'oeuvre correspond aux mois où il s'enveloppe des pensées de l'Inde, de la paix des champs et des forêts...

ROMAIN ROLLAND, Beethoven, tome 1, 1903, pages 112-113. 

—  Au pluriel, dans le langage de l'amour (confer aguicher) : 

Ø 7. Sa grâce [de Mlle.  Renouardt] qui n'oublie jamais la réserve convient mal à des agressions de divan.

GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, La Jumelle noire,  1938, page 255. 

2. Au figuré.  Attitude ou paroles visant à critiquer âprement quelqu'un ou à le blesser moralement : 

Ø 8. « Quand toute ma force enveloppait mes enfants, m'écrivait-elle, pouvais-je l'employer contre Monsieur de Mortsauf et pouvais-je me défendre de ses agressions en me défendant contre la mort?... »

HONORÉ DE BALZAC, Le Lys dans la vallée,  1836, page 225. 

Ø 9. Vous êtes ingrat de bonne heure, vous ferez votre chemin, répondit Ève atteinte au coeur moins par les reproches de Cérizet que par la grossièreté de son accent, par sa menaçante attitude et par l'agression de ses regards.  

HONORÉ DE BALZAC, Les Illusions perdues,  1843, page 562. 

Ø 10. Elle n'aimait pas ce ton de persiflage qui s'était développé chez Wilfrid et avait pris la place des éclats d'exaltation auxquels il s'abandonnait autrefois à tout propos. Elle ne comprenait pas que son ami avait subi l'action du monde ambiant, qu'il avait souffert beaucoup et ne se souciait plus d'exposer ce qu'il sentait au contact des sots et des méchants, et que, dérobant en lui-même son individualité, il la tenait garantie sous une carapace rugueuse et piquante d'ironie et d'agression.  

JOSEPH ARTHUR COMTE DE GOBINEAU, Les Pléiades,  1874, page 142. 

Ø 11. J'ai vécu, sans vergogne, dans une extrême solitude peuplée des ressentiments et des désirs fauves que mon exécration des contemporains enfantait, écrivant ou vociférant ce qui me paraissait juste, fallût-il crever, et ne réclamant pour mes agressions ou pour ma défense, le secours d'aucune autre plume séculière.

LÉON BLOY, Journal,  1895, page 51. 

Remarque : Dictionnaire de l'Académie Française 1835, 1878, et Dictionnaire de l'Académie Française tome 1 1932 notent cette expression : \" Cette critique est une véritable agression. \" 

B.—  DROIT INTERNATIONAL.  Attaque armée d'un État par un autre, faite sans provocation et non justifiée par la légitime défense : 

Ø 12. Il est facile au chef d'un État de réduire par des insultes, des menaces, des préparatifs hostiles, son voisin à l'attaquer, et dans ce cas, le coupable n'est pas l'agresseur, mais celui qui a réduit l'autre à chercher son salut dans l'agression. Ainsi la défensive peut n'être quelquefois qu'une adroite hypocrisie, et l'offensive devenir une précaution de défense légitime.

BENJAMIN HENRI CONSTANT DE REBECQUE, Principes de politique,  1815, page 104. 

Ø 13.... le bruit de la double agression tentée contre Melun et contre Bourges fit sortir le roi Gonthramn de son inertie et de ses habitudes peu militaires. Depuis les premières conquêtes des Neustriens en Aquitaine, il n'avait prêté de secours aux villes de son partage que par l'envoi de ses généraux, et jamais il ne s'était mis en personne à la tête d'une armée. Menacé de voir sa frontière de l'ouest ouverte sur deux points différents, et l'invasion neustrienne pénétrer cette fois au coeur de son royaume, il n'hésita pas à marcher lui-même contre le roi de Neustrie,...

AUGUSTIN THIERRY, Récits des temps mérovingiens, tome 2, 1840, page 343. 

Ø 14. « La guerre hors la loi? Oui, la guerre d'agression, mais non pas la guerre défensive. » Admirez ce coup oblique. Nous avions raison; nous étions tous d'accord; et soudainement notre belle idée est par terre et brisée. Il est odieux et inhumain que les nations aient des armées, des conseils de guerre, des canons et des gaz empoisonnés en vue de s'agrandir, de conquérir, d'envahir; mais il est légitime et même heureux que les nations aient des armées, des conseils de guerre, des canons et des gaz empoisonnés en vue de repousser l'agression ou l'insulte. Ainsi la guerre subsiste toute. Le bon sens était contre la guerre, mais le bon sens est pour la guerre. Enfants, nous lançons notre flèche, et elle nous revient en plein visage. Nous sommes battus encore une fois, par nous-mêmes battus. Il y a quelque diablerie là-dedans; et le diable est bien cet esprit rusé, à marche oblique, qui tue l'esprit.

ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos,  1928, page 758. 

Ø 15. L'Autriche est liée à l'Allemagne par un traité signé en 1879 et publié en 1888. L'alliance a été renouvelée. Aux termes du traité de 1879, le casus foederis doit jouer s'il y a agression de la part d'une tierce puissance contre l'un des deux empires, ou si l'agression est soutenue par la Russie. Il semble donc que le traité ne vise que des buts défensifs. Cependant, de plus en plus, l'Autriche a partie liée avec l'Allemagne comme l'ont montré les incidents de Bosnie et d'Herzégovine, et nous estimons, en conséquence, que selon toutes probabilités, l'Autriche serait prête à soutenir l'Allemagne dans toutes les éventualités de conflit avec la France appuyée par la Russie.

MARÉCHAL JOSEPH JOFFRE, Mémoires, tome 1, 1931, page 107. 

Ø 16. C'est pour ça —  aussi —  qu'il est tellement important que le prolétariat, cette fois, gagne la partie! Le jour où il aura vu, dans les faits, qu'il peut, par ses seuls moyens, mettre un obstacle infranchissable aux politiques d'agression, et faire reculer les gouvernements, alors il connaîtra vraiment sa force, alors il aura pris conscience qu'il peut tout!

ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, page 490. 

Ø 17. Mussolini veut ici un gouvernement sur lequel il puisse agir. Pour cela, il a fait du Maroc une base d'agression. De là, part une armée moderne, avec un armement moderne.

ANDRÉ MALRAUX, L'Espoir,  1937, page 531. 

Ø 18. Ces conditions rendaient assez laborieuse toute préparation méthodique et continue à une guerre que nul ne voulait, ni ne pouvait vouloir; et que chacun, quand il y pensait, ne concevait que comme un acte de défense, une réponse à quelque agression. On peut affirmer que l'idée de déclarer la guerre à quelqu'une des nations voisines ne s'est jamais présentée à un esprit français depuis 1870...

PAUL VALÉRY, Variété IV,  1938, page 68. 

Ø 19. On ajoute dans les milieux officiels de la capitale américaine qu'un accord a été également conclu au sujet des mesures à prendre par la Grande-Bretagne, par la France et par les États-Unis au cas où les communistes chinois tireraient parti d'une trêve en Corée pour se livrer à une agression en Asie du Sud-Est.

La Politique asiatique de Londres, Le Monde.  19 janvier 1952, page 1, colonne 2. 

·    Non-agression (pacte de) : 

Ø 20.... « les Soviets sont alliés à l'Allemagne. » « Mais non, dit Brunet avec impatience. Ils ont conclu un pacte de non-agression, et encore tout provisoire... »

JEAN-PAUL SARTRE, La Mort dans l'âme,  1949, page 242. 

C.—  PSYCHOLOGIE.  

1. Instinct d'agression (en allemand Agressionstrieb, \" pulsion d'agression \"). Partie de la pulsion de mort tournée vers l'extérieur avec l'aide notamment de la musculature (d'après Vocabulaire de la psychanalyse (JEAN LAPLANCHE, JEAN-BAPTISTE PONTALIS) 1967) : 

Ø 21.... il y a en nous d'autres sources de pulsion que l'égocentrisme. Le triple univers des choses, des hommes et des valeurs peut nous appeler aussi fortement que l'instinct de conservation, de possession ou d'agression. Freud et Marx ont vigoureusement nettoyé l'emphase creuse d'un spiritualisme décadent. Il est temps maintenant de les dépasser. C'est l'élan personnel tout entier, uni à un élan collectif complice, qui dans l'univers global se cherche des sphères d'épanouissement, et non pas seulement des moments de satisfaction.

EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère,  1946, page 336. 

Ø 22.... [les pulsions sadiques] sont bien plus marquées dans la deuxième phase, celle que nous appelons sadique-anale parce qu'alors la satisfaction est recherchée dans l'agression et dans la fonction excrémentielle.

SIGMUND FREUD, Abrégé de psychanalyse, traduit par Anne Bermann, 1949. 

Ø 23. On observe souvent la transformation d'une agressivité entravée en auto-destruction chez un sujet qui retourne son agression contre lui-même...

SIGMUND FREUD, Abrégé de psychanalyse, traduit par Anne Bermann, 1949. 

Ø 24. La seule description du comportement apparent de la colère et de ses expressions paraîtrait donc, en dépit des critiques précédentes, justifier l'idée d'un « instinct d'agression », et assimiler ce sentiment non pas à l'ordre de l'émotion, mais à celui du sentiment et de la tendance.

JULES VUILLEMIN, Essai sur la signification de la mort,  1949, page 138. 

Remarque : Dans le vocabulaire freudien le terme agression désigne aussi bien l'agression que l'agressivité*. 

2. Synonyme : stress.  \"... action violente exercée sur un organisme : bruit violent, secousse électrique intense, immersion brusque dans l'eau froide, vive frustration, grand choc émotionnel, etc., tous facteurs \" stressants \". \" (Selye dans Vocabulaire de la psychologie (HENRI PIÉRON), 1963, au mot stress). 

 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 221. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 204, b) 301; XXe.  siècle : a) 204, b) 480. 

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