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AHURI, -IE, participe passé, adjectif et substantif.

Publié le 17/10/2015

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AHURI, -IE, participe passé, adjectif et substantif.  

I.—  Participe passé de ahurir* 

II.—  Emploi adjectival. 

A.—  [En parlant d'une personne ou d'un attribut de la personne : expression du visage, attitude, etc.] 

1. Absolument. 

a) Qui manifeste de manière expressive un grand étonnement : 

Ø 1. « Ah çà! est-ce que je vais rester là planté comme une idole, se dit à lui-même le bretteur impatienté de ses propres tergiversations; je dois avoir l'air d'un franc viédaze regardant voler des coquecigrues, avec ma mine ahurie et quidditative. Pardieu! si je n'allais ni au cabaret ni au tripot, et rendais visite à ma déesse, à mon Iris, à la nonpareille beauté qui me retient en ses lacs.

THÉOPHILE GAUTIER, Le Capitaine Fracasse,  1863, page 310. 

Ø 2. À la fin de la journée, M. Chèbe ahuri, abasourdi, fatigué du travail des autres, s'allongeait dans son fauteuil...

ALPHONSE DAUDET, Fromont jeune et Risler aîné,  1874, page 152. 

Ø 3. Pourtant Tunis me surprit fort. Au toucher de nouvelles sensations s'émouvaient telles parties de moi, des facultés endormies qui, n'ayant pas encore servi, avaient gardé toute leur mystérieuse jeunesse. J'étais plus étonné, ahuri, qu'amusé, et ce qui me plaisait surtout, c'était la joie de Marceline.

ANDRÉ GIDE, L'Immoraliste,  1902, page 376. 

Ø 4. Cependant la salle ne le troublait pas. Étonnée, ahurie, intimidée de cette force oratoire et de ce poète absurde, elle ne faisait aucune manifestation (sauf ses mamelucks).

MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 5, 1906-1907, page 25. 

Ø 5. Il prit une serviette et commença à se frotter le torse. Il avait l'air ahuri. C'est marrant, pensa-t-elle : il vient de décider de toute sa vie. Elle s'assit sur le lit; il se frottait énergiquement, mais il restait sombre.

JEAN-PAUL SARTRE, La Mort dans l'âme,  1949, page 182. 

Remarque : Synonymes : abasourdi, ébahi, ébaudi, éberlué, étonné, interdit, interloqué, stupéfié, surpris. 

b) Qui traduit un état de trouble, de bouleversement intérieur : 

Ø 6. Sur un toit bas et incliné, je vois, d'une même averse, tomber tout un déluge d'insectes ailés qui semblaient étourdis, ahuris, délirants. Dire leur agitation, leurs courses désordonnées, leurs culbutes et leurs chocs pour arriver plus tôt au but, serait chose impossible.

JULES MICHELET, L'Insecte,  1857, page 253. 

Ø 7. Sa voix trahissait une vive surexcitation.

—  Quand est-ce qu'ils vont les arrêter, ces diables de boches-là? fit-il comme ahuri et tout décontenancé. 

—  Attendez qu'on arrive, nous autres! s'écria Eugène.

GABRIELLE ROY, Bonheur d'occasion,  1945, page 295. 

Ø 8. J'étais tombée dans un traquenard; la bourgeoisie m'avait persuadée que ses intérêts se confondaient avec ceux de l'humanité; je croyais pouvoir atteindre en accord avec elle des vérités valables pour tous : dès que je m'en approchais, elle se dressait contre moi. Je me sentais « ahurie, désorientée, douloureusement ». Qui m'avait mystifiée? Pourquoi? Comment?

SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, page 190. 

Remarque : Synonymes : confus, déconcerté, décontenancé, démonté, dérouté, désemparé, désorienté, effaré, étourdi, hagard, médusé, pétrifié, sidéré, troublé. Antonymes : calme, impassible, imperturbable, serein, tranquille. 

c) Péjoratif.  Qui exprime, sans raison apparente, une sorte de stupidité, d'hébétude durable (se manifestant surtout par l'expression du visage). Synonymes : abêti, abruti, hébété, stupide :  

Ø 9.... il descendit. Dans quelle tenue, Mon Dieu! dans son costume de tous les jours, les doigts barbouillés par le blanc du tableau, avec un gros foulard rouge autour du cou, et des chaussons de lisière aux pieds, et étonné, confus, ébahi, ne sachant s'il devait s'en aller ou rester, s'enfuir ou s'asseoir, les bras ballants, le nez au vent, ahuri, stupide. 

GUSTAVE FLAUBERT, La Première éducation sentimentale 1845, page 39. 

Ø 10.... une houle de corps en transpiration où ballotteront, à côté de la lourde commère à rubans tricolores, engraissée derrière son comptoir et geignant d'essoufflement, l'employé rachitique remorquant sa femme et son mioche, l'ouvrier portant le sien à califourchon sur la tête, le provincial ahuri, à la physionomie de crétin stupéfait, le palefrenier rasé légèrement, encore parfumé d'écurie.

GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, Les Dimanches d'un Bourgeois de Paris, 1880, page 312. 

Ø 11. Elle [Victoire] répétait ces horribles choses de son air ahuri de fille simple, que Paris n'avait pas encore rendue menteuse, disant jusqu'au bout ce qu'elle savait.

ÉMILE ZOLA, Fécondité,  1899, page 256. 

Ø 12. N'allons plus croire que quelque amateur de jardins, un homme qui perd son temps comme il perd ses bas; à demi ahuri, à demi inspiré; un peu niais, un peu narquois, un peu sentencieux...

PAUL VALÉRY, Variété I,  1924, pages 61-62. 

Ø 13. Il leva sur Alain un visage rouge, abêti, ahuri. De loin leur parvenait la clameur de la noce et le rougeoiement du brasier. Alain entraîna son cousin vers une haie. François s'allongea à terre, la tête dans les mains, pour dormir.

MAXENCE VAN DER MEERSCH, Invasion 14,  1935, page 235. 

2. Littéraire. Ahuri de + substantif abstrait. 

a) [Suivi d'un substantif au singulier]  Affolé, effaré, étourdi par quelque chose : 

Ø 14. « Ah! qui nous a enlevés à dîner au Moulin Rouge la veille de notre départ? Asseline le millionnaire. Étourdi, ahuri encore de sa fortune, la palpant, l'auscultant, la faisant sonner pour s'en convaincre, foudroyé presque, mal éveillé et mordant des billets de banque pour toucher et saisir le rêve d'une telle aventure.

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  octobre 1856, page 276. 

Ø 15. Comme il s'appuyait contre le battant pour ne point tomber, il céda, s'ouvrit, et Jérémie, perdant son appui, entra chez lui en s'écroulant, alla rouler sur le nez au milieu de son logis, et il sentit que quelque chose de lourd lui passait sur le corps, puis s'enfuyait dans la nuit. Il ne bougeait plus, ahuri de peur, éperdu, dans une épouvante du diable, des revenants, de toutes les choses mystérieuses des ténèbres, et il attendit longtemps sans oser faire un mouvement.

GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, L'Ivrogne, 1884, page 933. 

Ø 16. L'adjudant leur donnait la chasse, traînait sa quille à trois pas derrière eux, les conduisait jusqu'à la chambre où ils faisaient une apparition d'un instant, le temps de se sangler le sabre sur les flancs, de décrocher leurs mousquetons et leurs shakos, idiotisés, affolés, ahuris de la sauvagerie de cette poursuite, de cette voix qui, du dehors, leur arrivait par la fenêtre ouverte...

GEORGES MOINAUX, DIT GEORGES COURTELINE, Le Train de 8 h 47,  1888, 3e.  partie, 3, page 238. 

b) [Suivi d'un substantif au pluriel; avec l'idée d'accablement excessif, de surmenage intellectuel]  Abruti par : 

Ø 17. Un Vathek part, à l'adresse de Marzials, que vous remercierez bien de son aimable pensée (je n'ai pas le temps de lui écrire, ahuri de besognes nombreuses)...

STÉPHANE MALLARMÉ, Correspondance,  1876, page 125. 

Ø 18. Nous en étions là, ahuris de tant d'événements aussi terribles qu'inexplicables, quand, pour mettre le comble à la stupéfaction de tous, nous vîmes arriver au château Frédéric Larsan, qui en était parti aussitôt après avoir vu le juge d'instruction et qui en revenait, accompagné d'un employé du chemin de fer.

GASTON LEROUX, Le Mystère de la Chambre jaune,  1907, page 121. 

Ø 19. Ne jamais donner à un enfant l'impression qu'il est classé définitivement comme un mauvais élève, un paria... Ahuri de punitions par tous les professeurs, poussé par eux au désespoir —  et moi aussi, quelquefois, j'ai dû le punir à l'excès, pour bien montrer à tous que je ne le favorisais pas, — ...

HENRI DE MONTHERLANT, La Ville dont le prince est un enfant,  1951, III, 7, page 930. 

Remarque : Dans tous ces exemples, ahuri garde quelque chose de sa valeur passive, et les compléments introduits par la préposition de pourraient en effet être interprétés comme des compléments du passif lorsque le substantif complément est accompagné d'un article défini ou d'un adjectif passif (exemple 14, 16) ou d'un déterminatif de qualification (exemple 18). Quand de est immédiatement suivi du substantif non déterminé, la valeur passive de ahuri s'estompe et de pourrait être « traduit » par « à force de ». 

B.—  Par extension.  [En parlant d'une impression ou d'une valeur humaine]  Qui s'accompagne d'ahurissement ou en provient : 

Ø 20. Ils avaient sur la face tout l'éblouissement du grand soleil de l'après-midi, les pieds blancs, l'échine gonflée sous le poids du sac et du fusil. Et ils s'étaient tant ennuyés, au milieu des poussées de la foule, qu'ils en gardaient un air de bêtise ahurie. 

—  J'adore l'armée française, dit Clorinde ravie, se penchant pour mieux voir.

ÉMILE ZOLA, Son Excellence Eugène Rougon,  1876, page 107. 

Ø 21. M. Madinier ne parlait plus, menait lentement le cortège, qui le suivait en ordre, tous les cous tordus et les yeux en l'air. Des siècles d'art passaient devant leur ignorance ahurie, la sécheresse fine des primitifs, les splendeurs des Vénitiens, la vie grasse et belle de lumière des Hollandais.

ÉMILE ZOLA, L'Assommoir,  1877, page 445. 

Ø 22. Mais que devient la majesté du régiment dans ces (...) pénibles scènes où se déroulent (...) la niaiserie (...) du capitaine Simard, et l'enthousiasme ahuri du capitaine Ratelot...

ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, La Vie littéraire, tome 1, 1888, page 78. 

Ø 23. Moi, je cuve mes inquiétudes et ambitions. Sommeils et estomac ou intérieurs, toujours difficiles. Fatigue que je n'arrive pas à liquider depuis tant de mois. Cerveau ahuri, à vapeur toujours puante, jamais bien éveillé, jamais bien endormi.

PAUL VALÉRY, ANDRÉ GIDE, Correspondance, lettre de Paul Valéry à André Gide, juillet 1912, page 427. 

—  Exceptionnellement. Synonyme : ahurissant :  

Ø 24. Ma mère a voulu à toute force rester à Paris, et la voilà, déraisonnablement, seule dans une pension de famille! puis le spectre éternel de l'artillerie me travaille. Enfin, des incertitudes ou perspectives de déménagements, emménagements, embêtements, toutes ces choses ahuries et arithmétiques qu'on appelle le sérieux de la vie...

PAUL VALÉRY, ANDRÉ GIDE, Correspondance, juin 1900, page 368. 

Remarque : Il y a en réalité dans cet emploi, de style parlé, un cas d'hypallage (\" ces choses ahuries \" : « ces choses où je suis ahuri »). 

III.—  Emploi comme substantif.  [Souvent en mauvaise part]  Personne dont l'attitude exprime la stupeur, la stupéfaction ou l'affolement et s'accompagne souvent d'un air hébété, stupide : 

Ø 25. —  C'est comme ça que vous apprenez l'Histoire, vous?

—  Pur chauvinisme, monsieur! l'Histoire de France seule m'intéresse.

Chance inespérée : il rit!

—  J'aime mieux avoir affaire à des impertinentes qu'à des ahuries. Parlez-moi de Louis XV (1742).

GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, Claudine à l'école,  1900, page 221. 

Ø 26. Alban entendit une voix qui parlait français : elle sortait d'un ahuri lorgnonard, à teint de cloporte, avec des pellicules sur son col de veston. « Qu'est-ce qu'il vient fiche ici, celui-là? » grogna-t-il, s'écartant pour ne plus entendre la voix. Un Français, en ce lieu-ci, ne pouvait dire que des bêtises. 

HENRI DE MONTHERLANT, Les Bestiaires,  1926, page 532. 

Ø 27. J'ai quelque lassitude est-ce l'heure est-ce l'âge

À faire ce qu'il faut pour être bien compris

Car il ne suffit pas de soigner ses images

Et de serrer de près le sens dans le langage

Il faut compter avec les sourds les ahuris 

Il faut compter avec ceux-là que tout installe

Dans l'idée a priori qu'ils se font de vous...

LOUIS ARAGON, Le Roman inachevé, La Beauté du diable, 1956, page 19. 

Ø 28. J'étais donc amené à des promesses de plus en plus explicites, j'en venais à exiger de mon coeur un sentiment de plus en plus vaste. Je me pris ainsi d'une fausse passion pour une charmante ahurie qui avait si bien lu la presse du coeur qu'elle parlait de l'amour avec la sûreté et la conviction d'un intellectuel annonçant la société sans classes.

ALBERT CAMUS, La Chute,  1956, page 1524. 

—  Exceptionnellement (sous forme de mot composé) : 

Ø 29. Appuyé sur l'épaule de son copain Séruzier, dit l'ahuri-volatil à cause de son affolement permanent, Leclerc, maigre singe en combinaison (...) commença une chanson de geste.

ANDRÉ MALRAUX, L'Espoir,  1937, page 476. 

—  Argot. Ahuri de Chaillot. Abruti, écervelé, imbécile, homme un peu fou : 

Ø 30. On acheva le cassis, Gervaise souhaita le bonsoir à la compagnie. Lorsqu'elle ne parlait plus, elle prenait tout de suite la tête d'un ahuri de Chaillot, les yeux grands ouverts. Sans doute elle voyait son homme en train de valser.

ÉMILE ZOLA, L'Assommoir,  1877, page 785. 

Ø 31. Une des nombreuses parodies de Taronnet (...) porte pour titre : Les Ahuris de Chaillot ou Gros-Jean Belesprit. 

LUCIEN RIGAUD, Dictionnaire du jargon parisien, L'Argot ancien et moderne, 1878, page 76. 

Remarque générale : Ahuri est noté comme familier dans Dictionnaire de l'Académie Française 1798, DICTIONNAIRE UNIVERSEL DE LA LANGUE FRANÇAISE  (PIERRE-CLAUDE-VICTOIRE BOISTE ) 1834, DICTIONNAIRE GÉNÉRAL ET GRAMMATICAL DES DICTIONNAIRES FRANÇAIS  (NAPOLÉON LANDAIS) 1834, Dictionnaire de l'Académie Française tome 1 1932, DICTIONNAIRE ENCYCLOPÉDIQUE QUILLET 1965. 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 512. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 39, b) 968; XXe.  siècle : a) 1 477, b) 735. 

 

Forme dérivée du verbe \"ahurir\"

 ahurir

AHURIR, verbe transitif.  

Provoquer une réaction très vive (de nature physique et morale) d'étonnement, de trouble, d'abêtissement. 

I.—  Emploi transitif.  [Souvent à la voix passive]  Ahurir quelqu'un (de, par, sous, etc.). Confer aussi ahuri II A 2. 

A.—  [L'idée de surprise domine]  Jeter dans la stupéfaction, frapper d'étonnement : 

Ø 1. D'ailleurs, madame Josserand continuait, ahurissait son gendre par des déclarations extraordinaires... 

ÉMILE ZOLA, Pot-Bouille,  1882, page 231. 

Ø 2. Christophe fit de nouvelles démarches chez des marchands de musique : elles ne servirent à rien. Il trouvait les Français peu accueillants; et leur agitation désordonnée l'ahurissait. Il avait l'impression d'une société anarchique, dirigée par une bureaucratie rogue et despotique.

ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, La Foire sur la place, 1908, page 669. 

Ø 3. Je m'étais enfoncée dans une telle solitude que par moments je devenais tout à fait étrangère au monde et il m'ahurissait par son étrangeté; les objets n'avaient plus de sens, ni les visages, ni moi-même : comme je ne reconnaissais rien, il était tentant d'imaginer que j'avais atteint l'inconnu.

SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée,  1958, page 265. 

Remarque : Synonymes : abasourdir, ébahir, éberluer, étonner, interdire, interloquer, stupéfier, surprendre. 

B.—  [L'idée de trouble, de désordre psychique domine]  Faire perdre la tête : 

Ø 4. Quelques minutes avaient suffi pour poudrer à blanc, sous la toile palpitante de la charrette, Isabelle, Sérafine et Léonarde, quoiqu'elles se fussent réfugiées tout au fond et abritées d'un rempart de paquets. Ahuri par les flagellations de la neige et du vent, le cheval n'avançait plus qu'à grand'peine. Il soufflait, ses flancs battaient, et ses sabots glissaient à chaque pas.

THÉOPHILE GAUTIER, Le Capitaine Fracasse,  1863, page 143. 

Ø 5. Il [Anatole] madrigalisait avec la femme, l'ahurissait, l'étourdissait... 

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Manette Salomon,  1867, page 366. 

Ø 6. Il y aurait de quoi me conduire à Charenton si je n'avais pas la tête forte. D'ailleurs, c'est mon but (secret) : ahurir tellement le lecteur qu'il en devienne fou. Mais mon but ne sera pas atteint, par la raison que le lecteur ne me lira pas; il se sera endormi dès le commencement.

GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance,  1878, page 175. 

Ø 7. Jeté près de Froeschwiller (...) il [le soldat de la ligne] avait vu des lueurs rouges filer dans des bouquets de fumée blanche, et il avait baissé la tête, tremblant, ahuri par la canonnade, effaré par le sifflet des balles.

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Les Soirées de Médan, Sac au dos, 1880, page 132. 

Ø 8.... attribuer enfin au suspect de Vincennes l'organisation et la mise en train d'une secte qu'il n'aura peut-être néanmoins ni prévue ni voulue d'aucune manière et dont le développement, s'il avait pu prophétiquement le connaître, ne l'aurait peut-être pas moins ahuri que désolé. À ce pauvre cerveau si peu cohérent, on fait couver de vastes desseins, à ces épaules que nous avons vues si chancelantes, on fait porter un long siècle de manoeuvres tenaces.

ABBÉ HENRI BREMOND, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, tome 4, 1920, page 69. 

Remarque : Synonymes : confondre, déconcerter, décontenancer, démonter, dérouter, désemparer, désorienter, effarer, étourdir, méduser, pétrifier, troubler. Antonymes : rasséréner, rassurer, tranquilliser. 

C.—  Péjoratif.  Rendre stupide, hébéter : 

Ø 9. L'étonnement de se voir attaché, la vue de tout ce monde qui le regardait, l'ahurissaient, l'abêtissaient davantage. Comme il ne parlait et n'entendait que le patois, il ne put deviner ce que voulait le gendarme. Il levait vers lui sa face épaisse, faisait effort...

ÉMILE ZOLA, La Fortune des Rougon,  1871, page 308. 

II.—  Emploi pronominal, rare. 

A.—  S'étonner, se troubler : 

Ø 10. Il n'était pas encore bien éveillé. Les paroles de Lisa retentissaient, comme s'il eût déjà entendu les fortes bottes des gendarmes, à la porte de la chambre. Il la regardait, coiffée, serrée dans son corset, sur son pied de toilette habituel, et il s'ahurissait davantage, à la trouver si correcte dans cette circonstance dramatique.

ÉMILE ZOLA, Le Ventre de Paris,  1873, page 756. 

B.—  Perdre contenance, s'affoler : 

Ø 11. Contre toute attente, le bourreau-des-faubourgs, bien moins endommagé qu'il n'en avait l'air, se porta si brusquement en avant, que le mâle de la Grésigne, étourdi de cette attaque impétueuse, si contraire aux pratiques habituelles de l'escobard, oscilla sur ses orteils, la clavicule à demi-rompue par ce choc à poings fermés plutôt qu'à mains ouvertes, s'ahurit et manqua de choir en arrière, à la grande ire des rustres, qui s'écrièrent d'une voix unanime, en le gourmandant :

—  Tu n'as donc plus de sève?

LÉON CLADEL, Ompdrailles, le tombeau des lutteurs,  1879, page 289. 

C.—  S'abrutir, devenir stupide : 

Ø 12.... sachant (...) assez d'escrime, quelque peu de calcul et d'histoire —  très peu, crainte de s'ahurir —  et toutes les danses connues.

GEORGES D'ESPARBÈS, La Grogne,  1905, page 18. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 51. 

 

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