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AIR1, substantif masculin.

Publié le 18/10/2015

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AIR2, substantif masculin.  

A.—  Apparence, comportement, attitude extérieure d'une personne (maintien, expression des traits...). 

Remarque : Ce substantif (hormis les cas d'ellipse) ne s'emploie que dans certaines conditions syntaxiques : il est obligatoirement suivi d'un adjectif, d'un substantif en fonction adjective, d'un complément déterminatif, d'une proposition relative, ou, plus rarement, précédé d'un possessif ou d'un démonstratif. Il sert à attribuer à une personne une certaine apparence, une manière d'être précisée par l'adjectif ou le syntagme équivalent. Il a l'air bête signifie « il est apparemment bête ». 

1. Air suivi d'un adjectif. 

a) Un air, l'air, avec l'air, sous l'air... + adjectif : 

Ø 1. La figure est brune, éveillée, coquette, le nez retroussé, les lèvres roses, le regard noir et droit, l'air franc, amical, fripon et bon enfant, plus spirituel de beaucoup que celui de Mme.  d'Humières, par exemple, avec sa bouche rose en coeur si sensuelle et tout humide.

GUSTAVE FLAUBERT, Par les champs et par les grèves, Touraine et Bretagne, 1848, page 183. 

Ø 2. Non. Sous le faux air virginal

Je vois l'être inepte et vénal,

Mais c'est le rôle seul que j'aime.

CHARLES CROS, Le Coffret de santal, Sonnet, 1873, page 101. 

Ø 3. Les hommes et les femmes sont si mauvais, si incorrigibles, que je marche toujours avec un petit air penché. 

JULES RENARD, Journal,  1905, page 1000. 

b) Avoir, prendre l'air, un air... + adjectif : 

Ø 4. Il [l'abbé] quitta instantanément son aspect bonhomme, et prit son air sacerdotal... 

GUY DE MAUPASSANT, Une Vie,  1883, page 177. 

Ø 5. —  Mahaut n'a pas l'air bien portante. 

RAYMOND RADIGUET, Le Bal du comte d'Orgel,  1923, page 163. 

Ø 6. Ils avaient l'air tout à fait calmes et presque contents. 

ALBERT CAMUS, L'Étranger,  1942, page 1163. 

Remarque : Syntagmes fréquents (avoir) l'air absent, agréable, attentif, fâché, honnête, hypocrite, indifférent, joyeux, maladif, moqueur, naïf, prétentieux, provocant, triste, ... 

—   Locution. Avoir bel air, bon air, grand air. Avoir belle apparence, grande allure : 

Ø 7. Une Madame de Pontcarré, dévote de bel air, qui s'était venue loger à Port-Royal, avait induit à ces dépenses par un don de vingt-quatre mille livres qui n'avaient servi qu'à payer les fondements.

CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 1, 1840, page 332. 

Ø 8. Osez-vous bien dire que vous aimez autre chose qu'un beau cheval ou un habit bien fait et d'une couleur nouvelle qui vous donne bon air, le matin, en vous promenant au bois de Boulogne, ou le soir, dans votre loge, à l'Opéra, ou dans les coulisses?

HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Lamiel,  1842, page 178. 

Ø 9. Mais, parmi vos libérateurs, quel était ce jeune homme qui semblait diriger l'attaque, et qui a blessé Vallombreuse? Un comédien, sans doute, quoiqu'il m'ait paru de bien grand air et de hardi courage.

THÉOPHILE GAUTIER, Le Capitaine Fracasse,  1863, page 445. 

Remarque : \" Un homme du bel air, les gens du bel air, les gens du grand air, se dit de ceux qui veulent se distinguer des autres par des manières plus recherchées. Il est le plus souvent ironique. \" (Dictionnaire de l'Académie Française tome 1 1932). Expressions aujourd'hui vieillies. 

·    Avoir mauvais air. Avoir une allure inquiétante, une façon de se comporter peu recommandable. 

c) Adjectif démonstratif ou possessif + air + adjectif : 

Ø 10. C'est probablement à cet air féroce que les Valenciens doivent la réputation de mauvaises gens qu'ils ont dans les autres provinces d'Espagne.

THÉOPHILE GAUTIER, Tra los montes, Voyage en Espagne, 1845, page 372. 

Ø 11.... [considérez... les personnages] ... leur ligne irréprochable, leur air figé, leur expression de foi fixe et profonde...

HYPPOLYTE-ADOLPHE TAINE, Philosophie de l'Art, tome 2, 1865, page 17. 

d) D'un air, de son air + adjectif : 

Ø 12.... mais il chantait si bien, en levant la tête vers le ciel d'un air désolé, que le froid m'entrait jusque dans les cheveux de l'entendre. Et comme il parlait de patrie, d'amante, de vieux père, je me levai tout pâle, et je sortis pour cacher mon trouble, parce que je pensais à Marguerite.

ÉMILE ERCKMANN ET ALEXANDRE CHATRIAN, DITS ERCKMANN-CHATRIAN, Histoire d'un paysan, tome 2, 1870, pages 42-43. 

Ø 13. Pierrette dit d'un petit air canaille :

—  J'espérais qu'il y aurait du champagne.

RAYMOND QUENEAU, Loin de Rueil,  1944, page 117. 

Remarque : 1. Accord au féminin ou au pluriel : l'accord se fait en principe au masculin singulier. Elle a l'air sot, elles ont l'air sot. Mais les exemples d'accord au féminin ou au pluriel ne sont pas rares (confer exemple 5, 6). Cette remarque : vaut également pour B (confer exemple 60). 2. Dans l'exemple suivant, l'adjectif est employé en fonction d'attribut : 

Ø 14. Néanmoins l'air de Lourdois n'était pas naturel, pensa-t-il, il y a quelque anguille sous roche.

HONORÉ DE BALZAC, Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau,  1837, page 230. 

2. Air suivi d'un substantif (en fonction adjective) : 

Ø 15.... « cela m'ennuie de n'avoir pas un bijou, pas une pierre, rien à mettre sur moi. J'aurai l'air misère comme tout. J'aimerais presque mieux ne pas aller à cette soirée. »

GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, La Parure, 1884, page 456. 

Ø 16. Elle baissa les paupières avant de répondre, avec un air un peu grande soeur, très fille-du-monde, qui signifiait : « Mais voyons, c'est une question qui ne se pose pas »,...

HENRI DE MONTHERLANT, Le Démon du bien,  1937, page 1358. 

3. Air + complément déterminatif. 

a) [Le complément déterminatif est un substantif abstrait] :

Ø 17. Il y en avait de remarquablement belles : elles n'ont point cet air de douceur, de modestie timide et de langueur voluptueuse des femmes arabes de la Syrie;...

ALPHONSE DE LAMARTINE, Souvenirs, impressions, pensées et paysages pendant un voyage en Orient (1832-1833) ou Note d'un voyageur, tome 2, 1835, page 12. 

Ø 18. Il retenait longtemps dans son bureau les clients qui venaient le voir, parlait beaucoup, revenait sur un point déjà examiné comme pour racheter son air de jeunesse et son défaut d'expérience par la grâce d'une conversation aimable et une grande attention à chaque affaire.

JACQUES CHARDONNE, L'Épithalame,  1921, page 159. 

Ø 19. L'air de la réussite, quand il est porté d'une certaine manière, rendrait un âne enragé.

ALBERT CAMUS, La Chute,  1956, page 1514. 

Remarque : Syntagmes fréquents un air d'abattement, d'accablement, d'approbation, d'autorité, de bonté, de bravade, de béatitude, de candeur, de commisération, de compassion, de complaisance, de contentement, de conviction, de convoitise, de dissimulation, de dédain, de désapprobation, de détachement, d'extase, de fatuité, de fierté, de franchise, de fureur, de gaieté, d'humilité, d'impatience, d'incrédulité, d'indifférence, d'innocence, d'inquiétude, d'insouciance, de jovialité, de mécontentement, de moquerie, de mystère, de nonchalance, de négligence, de perfidie, de raillerie, de recueillement, de réprobation, de résignation, de satisfaction, de stupeur, de stupéfaction, de suffisance, de supériorité, de tristesse, ... 

—   Locution. Air de famille, air de parenté, air de ressemblance : 

Ø 20. Ghéon a pris un air de ressemblance avec le brave curé de Cuverville.

ANDRÉ GIDE, Journal,  1917, page 627. 

Ø 21. Nous nous regardions à la dérobée. Il y avait entre nous, me sembla-t-il, un air de parenté : quelque chose de pauvre, d'inquiet, d'humilié; une certaine défiance réciproque, aussi.

GEORGES DUHAMEL, Confession de minuit,  1920, page 122. 

Ø 22. —  Entendons-nous : vous ne refuserez pas d'admettre qu'il puisse exister entre des individus plus ou moins liés par le même secret, les mêmes mensonges, une certaine ressemblance —  ce que les bonnes gens appellent un air de famille! —  L'air de famille, c'est tout, et ce n'est rien, ça échappe aux classifications ordinaires, il faut plus que de l'oeil pour le reconnaître, un don... une faculté. J'ai ainsi une vieille parente un peu folle qui repère jusqu'à des cousinages éloignés.

GEORGES BERNANOS, Un crime,  1935, page 845. 

Remarque : Le mot air peut simplement signifier « ressemblance entre deux personnes », confer cet exemple :  \" Les enfants ont presque toujours l'air du père ou de la mère. \" (Nouveau Larousse illustré). De même avoir un faux air de quelqu'un, « avoir quelque ressemblance avec lui ». Il a beaucoup de votre air (Dictionnaire de l'Académie Française tome 1 1932). 

b) [Le complément déterminatif est un substantif concret non actualisé] :

Ø 23. Elle [la comtesse] ne répondit rien, et demeurait étendue dans sa voiture avec un air de reine irritée. 

GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, L'Inutile beauté, 1890, page 1146. 

—  PEINTURE, SCULPTURE.  Un air de tête. \" L'attitude d'une tête, la manière dont une tête est dessinée. \" (Dictionnaire de l'Académie Française) : 

Ø 24. —  Je crois entendre ce que dit en ce moment ma mère, me répondit-elle en prenant l'air de tête qu'Ingres a trouvé pour sa mère de Dieu, cette vierge déjà douloureuse et qui s'apprête à protéger le monde où son fils va périr.

HONORÉ DE BALZAC, Le Lys dans la vallée,  1836, page 307. 

c) [Le complément déterminatif est un substantif concret actualisé] :

Ø 25. Vraiment on a l'air d'un laquais, et non pas d'un amant 

THÉODORE DE BANVILLE, Les Cariatides, Les Baisers de pierre, 1842, page 63. 

Ø 26. J'ai l'air d'un propriétaire d'écurie de courses, d'un cercleux, d'un vieux marcheur, Justin s'était pris à tourner autour de notre ami, l'oeil mi-clos, la lèvre inférieure, qu'il avait grosse et fendue, avancée d'un air méditatif.

—  Mais non, mais non, disait-il. C'est parfait. Tu n'as pas l'air d'un grand-duc.

GEORGES DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Le Désert de Bièvres, 1937, page 26. 

—   Locution. L'air de tous les jours, des mauvais jours : 

Ø 27. Davis se présenta, prit son air des mauvais jours pour toucher la main que lui tendait l'ingénieur, puis dit à Grayson : —  ils grognent là-dedans, mais ils ne démarrent pas.

ÉDOUARD PEISSON, Parti de Liverpool,  1932, page 76. 

d) [Le complément déterminatif est un nom propre] 

Ø 28.... son imagination et sa coquetterie furent intéressées à ce drôle de garçon qui, sans avoir aucun air de Paris, était assez vivant pour s'organiser un jeu si compliqué.

MAURICE BARRÈS, Les Déracinés,  1897, page 110. 

e) [Le complément déterminatif est un démonstratif antécédent d'une relative] :

Ø 29. Mais j'aimais mieux avoir l'air de celui qui sait que de celui qui questionne. 

MARCEL PROUST, À la Recherche du temps perdu, Sodome et Gomorrhe, 1922, page 1097. 

f) [Le complément déterminatif est un infinitif] 

—  De + infinitif : 

Ø 30. Je m'avançais vers elle et, modeste, ingénu :

« Vous m'avez accordé cette valse, Madame? »

J'avais l'air de prier n'importe quelle femme,

Elle me disait : « oui », comme au premier venu.

ARMAND PRUDHOMME, DIT SULLY PRUDHOMME, Les Vaines tendresses, Invitation à la valse, 1875, page 160. 

—   Locutions. 

·    Un air de ne pas y toucher : 

Ø 31. Pauliet était habile et avec son air de n'y pas toucher il avait l'art de poser les questions.

PIERRE-JEAN JOUVE, La Scène capitale,  1935, page 219. 

·    Un faux air de + infinitif : 

Ø 32. Ce secrétaire était un jeune homme d'une trentaine d'années qui, derrière son bureau moisi, se donnait un faux air de sortir des Sciences po : rasoir strict. Col dur et cravate impeccable.

RAYMOND ABELLIO, Heureux les pacifiques,  1946, page 165. 

Remarque : Avoir l'air + adverbe ou locution adverbiale mis pour avoir l'air d'être + adverbe : 

Ø 33. Elle cherche ses intonations en dedans, et sa physionomie prend un air « ailleurs »;...

JULES RENARD, Journal,  1897, page 394. 

—  À + infinitif : 

Ø 34. Et lui présentant à la face une main mutilée, d'un air à épouvanter, il lui jeta le : « ton temps viendra! » de Chenerailles.

HENRI POURRAT, Gaspard des Montagnes, À la belle bergère, 1925, page 71. 

g) [Complément déterminatifs divers] :

Ø 35. Les invités se regardaient avec un air, comme des gens au chaud dans une maison au bord de la mer un soir de tempête, qui n'aiment pas penser aux tourbillons que fabrique la nuit. 

PAUL NIZAN, La Conspiration,  1938, page 39. 

·    L'air comme il faut. Attitude très convenable, très correcte : 

Ø 36. Puis, derrière l'habilleuse, fermant le cortège, venait Satin tâchant d'avoir un air comme il faut et s'ennuyant déjà à crever.

ÉMILE ZOLA, Nana,  1880, pages 1201-1202. 

·    Un air à la mode : 

Ø 37. Charles IV ne nous montre qu'un trait nouveau, le désir de paraître; c'est qu'il avait été élevé à la cour de France, et que les circonstances le forcèrent toute sa vie à vivre parmi les étrangers; or nous avons vu le caractère, l'art lorrains, toujours craintifs de paraître ridicules, prendre l'air à la mode. 

MAURICE BARRÈS, Un Homme libre,  1889, pages 115-116. 

·    Un air \" sur les dents \" : 

Ø 38.... et tout, de Magnin, l'intéressait : son absence d'aisance, son apparente distraction, son air « sur les dents », son aspect de contremaître supérieur (il était, en fait, ingénieur de Centrale), l'énergie évidente et ordonnée qui s'agitait sous ses rondes lunettes ahuries.

ANDRÉ MALRAUX, L'Espoir,  1937, page 528. 

·    (N'avoir) l'air de rien. \" Ne pas se faire remarquer : Il n'a l'air de rien, mais il pense à tout. \" (Dictionnaire du français contemporain (JEAN DUBOIS)). 

·    En avoir l'air. Sembler, paraître. 

·    Sans en avoir l'air. Sans le laisser voir, sans le laisser paraître : 

Ø 39. Je comprenais déjà ce raisonnement, et quand elle parlait de mon avenir avec mon oncle de Beaumont, qui la pressait vivement de céder, j'écoutais de toutes mes oreilles sans en avoir l'air.

AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Histoire de ma vie, tome 2, 1855, page 241. 

Ø 40. Les commerçants d'Edimbourg jugèrent que ce jeune homme à tête de fille était plus dangereux qu'il n'en avait l'air, et lui souhaitant le bonsoir avec respect, redescendirent à toute vitesse.

ÉMILE HERZOG, DIT ANDRÉ MAUROIS, Ariel ou la Vie de Shelley,  1923, page 75. 

4. Air + proposition relative : 

Ø 41. —  Eh bien! monsieur, lui dit-il enfin avec un soupir et de l'air dont il eût appelé le chirurgien pour l'opération la plus douloureuse, j'accède à votre demande.

HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Le Rouge et le Noir,  1830, page 61. 

Ø 42. Camille regarda sa mère d'un air où se mêlaient la convoitise et l'inquiétude. 

PIERRE DRIEU LA ROCHELLE, Rêveuse bourgeoisie,  1939, page 21. 

5. Cet air, son air, (de) quel air... (sans complément déterminatif) : 

Ø 43. Il y a du conspirateur, du prisonnier et du faiseur de coups d'état dans sa marche, son regard, son air.

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  janvier 1863, page 1219. 

Ø 44.... il fallait être bien perspicace, ou averti autant que l'était Fleurissoire, pour découvrir sous la jovialité de son air, une discrète onction cardinalice.

ANDRÉ GIDE, Les Caves du Vatican,  1914, page 800. 

Ø 45. —  Eh bien, et votre mari? Qu'est-ce qu'il devient?

Elle changea d'air immédiatement, inclina la tête avec une gravité douloureuse.

MAURICE DRUON, Les Grandes familles, tome 1, 1948, page 178. 

—  Populaire. Avoir de l'air, se donner de l'air : 

Ø 46. Se donner ou avoir de l'air, avoir un air chagrin.

GEORGES DELESALLE, Dictionnaire argot-français et français-argot, 1896, page 8. 

—  Régionalisme. Donner de l'air à quelqu'un : 

Ø 47. Ressemblance. Nous disons : Donner de l'air à quelqu'un, pour signifier : Avoir de son air, avoir sa tournure, avoir son allure, lui ressembler à plusieurs égards. Il donne beaucoup d'air à son frère, et encore davantage à son oncle. Expression méridionale.

JEAN HUMBERT, Nouveau glossaire genevois,  1852, page 13. 

—   Locution. Gagner de l'air. Changer à son profit : 

Ø 48. —  Comme vous êtes changé! Vous avez gagné de l'air. Paris vous fait du bien.

GUY DE MAUPASSANT, Bel-Ami,  1885, page 75. 

6. Au pluriel. Airs. 

a) Airs + adjectif : 

Ø 49. J'avais beau affecter des airs dégagés, préparer mes entrées avec soin, étudier mes poses, je sentais encore le novice, le conscrit. Pour tromper mon inexpérience, je pris des airs écrasants vis-à-vis des huissiers.

LOUIS REYBAUD, Jérôme Paturot à la recherche d'une position sociale,  1842, page 338. 

Ø 50. Les élèves de l'école supérieure de Villeneuve (...) affectent bien encore des airs prudes et dégoûtés en passant près de nous...

GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, Claudine à l'école,  1900, page 228. 

—  Familier. Prendre, avoir des airs penchés. Prendre certaines attitudes dans le but de plaire, de séduire. 

·    Grands airs (souvent en mauvaise part). Attitude hautaine se voulant pleine de distinction : 

Ø 51. Ces dames alors avaient recours à de grands airs, rappelaient négligemment les noms illustres qu'elles portaient, et demandaient une pension comme un maréchal de France se plaindrait d'un passe-droit.

GERMAINE NECKER, BARONNE DE STAËL, Considérations sur les principaux événements de la Révolution française,   1817, page 77. 

b) Airs + de + substantif abstrait : 

Ø 52.... ils ont lié les bras à vos défenseurs séduits par leurs faux airs de fraternité, et ils sont parvenus à vous enchaîner sur l'autel même de la liberté :...

JEAN-PAUL MARA, DIT MARAT, Les Pamphlets, C'est un beau rêve, gare au réveil, 1790, page 234. 

Ø 53.... mais elle reprenait, comme honteuse, son orgueil de femme décente et ses airs de vertu, ni plus ni moins qu'une Anglaise, et aplatissait toujours son Crevel sous le poids de sa dignité, car Crevel l'avait de prime abord avalée vertueuse.

HONORÉ DE BALZAC, La Cousine Bette,  1847, page 144. 

Remarque : Syntagmes fréquents airs d'importance, airs de supériorité. 

c) Airs + de + substantif concret : 

Ø 54. Si tu m'aimes en amant, fuis donc ces airs de mari qui étouffent l'amour et font bien mal à l'amitié.

GERMAINE NECKER, BARONNE DE STAËL, Lettres de jeunesse,  1786, page 81. 

Ø 55. M. de Metternich (ambassadeur d'Autriche) affectait les airs d'un homme des anciennes cours modernes. 

ÉTIENNE-JEAN DELÉCLUZE, Journal,  1825, page 122. 

d) Airs + de + infinitif : 

Ø 56. Vous êtes extraordinaire, vous me permettrez de vous le dire, avec vos airs de me mettre à la porte d'une maison qui n'est pas la vôtre; et si je veux bien me rendre à vos ordres, eu égard à votre état d'exaltation, vous ne sauriez moins faire, convenez-en, que de céder à ma prière.

GEORGES MOINAUX, DIT GEORGES COURTELINE, Boubouroche,  1893, II, 3, page 72. 

e) De ces airs, se donner des airs, prendre des airs : 

Ø 57. Bref, je voulais dominer en toutes choses. C'est pourquoi je prenais des airs, je mettais mes coquetteries à montrer mon habileté physique plutôt que mes dons intellectuels.

ALBERT CAMUS, La Chute,  1956, page 1501. 

—  Familier. Se donner de grands airs. 

—   Locution populaire. Être à plusieurs airs; un air sur deux airs : 

Ø 58. Être à plusieurs airs : être hypocrite ou fantasque; jouer en cachette plusieurs rôles à la fois, ou faire tantôt bonne et tantôt mauvaise mine à la même personne sans motif apparent.

LORÉDAN LARCHEY, Les Excentricités de la langue française en 1860,  page 362. 

Ø 59. MARIUS. —  Et puis, je n'aime pas qu'on me regarde d'un air sur deux airs! 

PANISSE. —  Moi, je te regarde d'un air sur deux airs?

FANNY. —  Tu deviens fou, mon pauvre Marius!

MARCEL PAGNOL, Marius,  1931, I, 10, page 84. 

B.—  Plus rare.  Apparence extérieure d'une chose. Synonymes : sembler, paraître. 

Remarque : Air s'emploie dans les mêmes conditions syntaxiques que sous A. Les grammairiens jugent cet usage incorrect. 

1. Air + adjectif : 

Ø 60. Nous continuons à ne rien savoir. Mais les nouvelles m'ont l'air mauvaises. 

GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance,  1871, page 252. 

Ø 61.... et il a relevé ses chaussettes, qui avaient un peu l'air mélancolique. 

LOUIS ARAGON, Les Beaux quartiers,  1936, page 257. 

—   Locution. Avoir bon air, grand air. Avoir une belle apparence, une belle ordonnance : 

Ø 62. Ce palais d'un si grand air, ces jardins, c'est le lieu où le terrien français est venu se corrompre.

MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 10, 3 avril -août 1913, page 80. 

Ø 63. La maison, reconstruite après l'incendie de 1922, a bon air entre les vieux arbres.

JULIEN GREEN, Journal,  1944, page 118. 

2. Air + substantif (en fonction adjective) : 

Ø 64.... elle voulait donner un air « fiançailles » à cette liaison, pour que les apparences fussent sauves, mais seulement un air, pas de réalité.

HENRI DE MONTHERLANT, Pitié pour les femmes,  1936, page 562. 

3. Air + complément déterminatif. 

a) [Le complément déterminatif est un substantif abstrait] :

Ø 65. L'univers porte en soi d'infaillibles conseils

Dont la sagesse a l'air d'une atroce démence :

...

ARMAND PRUDHOMME, DIT SULLY PRUDHOMME, La Justice, Commencements, 1878, page 88. 

Ø 66. Sur la nappe blanche, deux flambeaux d'argent prêtaient un faux air de richesse à cette pièce pauvrement meublée où les derniers rayons du soleil couchant brillaient encore au bas d'une plinthe.

JULIEN GREEN, Moïra,  1950, page 9. 

—   Locution. Air de famille, air de parenté : 

Ø 67. Les jardiniers descendirent de leurs carrioles une collection de Caladiums qui appuyaient sur des tiges turgides et velues d'énormes feuilles, de la forme d'un coeur; tout en conservant entre eux un air de parenté, aucun ne se répétait.

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, À rebours,  1884, page 119. 

b) [Le complément déterminatif est un substantif concret non actualisé] :

Ø 68. Vraiment aussi, il trouve que cet arbre a trop l'air en bois.  

JULES RENARD, Journal,  1894, page 210. 

c) [Le complément déterminatif est un substantif concret actualisé] :

Ø 69. Beaucoup de voitures, beaucoup de bruit, l'air d'une capitale, un petit Paris méridional, voilà Naples.

GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance,  1851, page 127. 

Ø 70. Il a, dans la cuisse, une douleur rhumatismale qui a tout l'air d'une sciatique. 

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  février 1880, page 59. 

d) [Le complément déterminatif est un infinitif] :

Ø 71. Une eau d'une limpidité qui a l'air de laver les pierres moussues, vert de bouteille, qui sont au fond, faisant des feuilles du velours, et des cailloux jaunes, de la topaze brûlée.

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  août 1858, page 520. 

—   Locution. En avoir tout l'air : 

Ø 72. Il neigeait. Je regardais par la fenêtre les flocons immaculés s'amasser sur le gazon. Peyrot sonna. J'ouvris moi-même.

—  Je savais vous trouver, monsieur, par un temps pareil.

—  Un temps qui déshonore le pays.

—  Ça en a tout l'air. Il va bientôt falloir un traîneau.

JOSEPH DE PESQUIDOUX, Le Livre de raison, tome 3, 1932, page 86. 

4. Au pluriel. Airs : 

a) Airs + adjectif : 

Ø 73....

Si bien qu'on vous admire, écouteurs infidèles,

(...)

Et que l'eau, palpitant sous le chant qui l'effleure,

Baise avec un sanglot le beau saule qui pleure;

Et que le dur tronc d'arbre a des airs attendris;

...

VICTOR HUGO, Les Contemplations, En écoutant les oiseaux, tome 2, 1856, page 34. 

b) Airs + complément déterminatif : 

Ø 74. Il était assis sur un banc de pierre, sous l'arcade d'une galerie qui donne à la maison du Bon-Sauveur des airs d'ancien cloître. 

JULES BARBEY D'AUREVILLY, Troisième memorandum, introduction 1856, page 63. 

Ø 75. Des nuées de mouettes passaient devant les fenêtres, et s'ébattaient sur les berges de l'Arve, dont le cours rapide mais peu profond se donnait des airs de torrent en couvrant d'écume ses rochers à fleur d'eau.

ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, page 21. 

c) MANÈGE.  \" Se dit des allures d'un cheval. \" (Dictionnaire de l'Académie Française). Airs bas, \" Airs bas, ceux où le cheval manie près de terre. \" (Dictionnaire de l'Académie Française). Airs relevés. \" Airs relevés, ceux où le cheval s'enlève davantage en maniant \" (Dictionnaire de l'Académie Française). Aller à tous airs, \" Ce cheval va à tous airs, on le manie comme on veut. \" (Dictionnaire de l'Académie Française). 

 

 

 

AIR1, substantif masculin.  

I.—  Fluide gazeux, invisible, inodore, pesant, compressible et élastique, qui entoure le globe terrestre et dont la masse forme l'atmosphère; un des quatre éléments de la physique ancienne. 

A.—  Généralement au singulier.  L'air en tant que milieu naturel. 

1. L'air en tant qu'il est respiré : 

Ø 1.... j'ai respiré ces airs tièdes et énergiques des vagues et des glaciers; rien n'a pu me rendre cette jeunesse flétrie dans mon coeur, bien que sur ma figure elle trompe encore quelquefois mes propres yeux.

ALPHONSE DE LAMARTINE, Raphaël,  1849, page 174. 

Ø 2. L'air agit chimiquement sur le contenu de la graine et le rend propre à servir de nourriture première à la plante. Toute graine enfouie trop profondément est privée du contact de l'air, elle pourrit et ne germe pas. Les graines doivent être assez recouvertes pour être maintenues humides, et assez peu pour rester sous l'influence de l'air.

ALFRED GRESSENT, Traité complet de la création des parcs et jardins,  1891, page 694. 

Ø 3. Ces cellules se laissent traverser par l'oxygène de l'air, et par l'acide carbonique du sang veineux (...) L'air atmosphérique, avant de les atteindre, traverse le nez, l'arrière-gorge, le larynx, la trachée, et les bronches où il s'humidifie et se débarrasse des poussières et des microbes qu'il transporte avec lui. Mais cette protection naturelle est devenue insuffisante depuis que l'air des villes a été pollué par les poussières du charbon, les vapeurs d'essence, et les bactéries libérées par la foule des êtres humains.

ALEXIS CARREL, L'Homme cet inconnu,  1935, page 78. 

Remarque : Syntagmes fréquents un air automnal, brumeux, chaud, débilitant, empesté, ensoleillé, frais, froid, glacé, humide, impur, insalubre, irrespirable, limpide, lumineux, malsain, marécageux, marin, maritime, moite, nauséabond, pestilentiel, pluvieux, pollué, printanier, pur, rafraîchi, raréfié, sain, salin, salubre, vicié, vif, vivifiant, volcanique... (L'adjectif est toujours postposé sauf dans quelques syntagmes comme bon air, grand air, mauvais air); l'air de la campagne, des champs, des cimes, de cristal, du jour, du matin, de la mer, des montagnes, de la nuit, du soir...; la douceur, la griserie, l'inclémence, la langueur, la limpidité, la moiteur, la pureté, la salubrité de l'air ...; l'action, l'altération, la décomposition, l'exhalaison, l'expiration, l'insufflation, l'ionisation, la pesanteur, la pression, la respiration de l'air ...; aspirer, exhaler, expirer, expulser, insuffler de l'air, manquer d'air, renouveler l'air ...; le volume d'air; l'air se dilate, se réchauffe... 

—   Locutions. 

a) Le bon air. L'air pur et sain : 

Ø 4. —  Il ne faudra pas travailler aujourd'hui, chéri... Nous prendrons un jour de vacance, au bon air... Ça te remettra... Veux-tu?

ROGER MARTIN DU GARD, Devenir,  1909, page 115. 

·    Par opposition. Air confiné. \" L'air des enceintes dans lesquelles séjournent des êtres vivants, et qui se trouve par conséquent plus ou moins vicié. \" (Dictionnaire de la langue française (ÉMILE LITTRÉ)). 

b) Prendre, aspirer un(e) bol (ée) d'air, faire une cure d'air. Aller dans un lieu où l'air a une valeur curative : 

Ø 5. Malgré la gêne monétaire où vivait le ménage, Mme.  Méridier trouva le moyen de fournir à la petite Jacqueline la cure d'air à la montagne dont elle avait besoin.

JOSEPH MALÈGUE, Augustin ou le Maître est là, tome 1, 1933, page 193. 

c) Littéraire. D'air. Léger, transparent. L'air en tant que transparent et interprété comme symbole de l'inconsistance, voire de l'inexistence d'une chose : 

Ø 6. Ce que vous me dites des toilettes modernes me réjouit. Je me prépare à voir nos belles dames habillées d'air. Ainsi s'habillait une princesse de Kandahar, à qui son père reprochait d'être trop décolletée.

PROSPER MÉRIMÉE, Lettres à Madame de Beaulaincourt,  1870, page 42. 

Ø 7. Il [un homme] m'a si peu sentie, si peu devinée, que j'ai eu l'impression d'être (...) le fantôme d'air qu'il allait traverser.

GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, L'Entrave,  1913, page 2. 

2. L'air en tant qu'il circule et se meut autour des hommes et des choses (air a un sens voisin de vent) : 

Ø 8.... il se croyait à la campagne; et un rhume de cerveau lui apporta, comme un « coup d'air » pris dans un wagon où la glace ferme mal, l'impression délicieuse qu'il avait vu du pays;...

MARCEL PROUST, À la recherche du temps perdu, Le Côté de Guermantes 1, 1920, pages 9-10. 

Ø 9. La brume monte peu à peu au flanc des pâturages, jusqu'à ce que la lente oscillation de l'air la repousse à mi-côte.

GEORGES BERNANOS, Monsieur Ouine,  1943, page 1471. 

Remarque : Syntagmes fréquents appel, bouffée, chasse, coup, courant, déplacement, filet, onde, retour, ride, souffle, vague, vibration d'air...; caresse, morsure, mouvement, roulis, tremblement de l'air... 

—   Locutions. 

a) MARINE.  Air de vent (confer aire* de vent). 

b) Se mettre entre deux airs. Se mettre dans un courant d'air : 

Ø 10. —  Mon cher maréchal! cria-t-elle en l'accompagnant au perron, levez les glaces, ne vous mettez pas entre deux airs, faites cela pour moi!...

HONORÉ DE BALZAC, La Cousine Bette,  1846, page 301. 

c) Donner de l'air. Aérer  absolument : de l'air. S'emploie pour réclamer l'aération d'une pièce, d'un appartement, d'un local quelconque : 

Ø 11. DONA LUCREZIA, éperdue. —  On étouffe ici! De l'air! De l'air! J'ai besoin de respirer un peu!

VICTOR HUGO, Lucrèce Borgia,  1833, II, partie 1, 3, page 89. 

d) Se donner de l'air : 

Ø 12. Elle dut écarter le haut de sa robe pour se donner de l'air.

HENRI POURRAT, Gaspard des montagnes, À la belle bergère, 1925, page 122. 

e) Familier. Le fond de l'air : 

Ø 13. Il s'indignait ou se gaussait d'expressions comme : « le fond de l'air ». Qu'y faire? L'expression a raison contre lui; elle exprime excellemment ce qu'elle a mission d'exprimer; et, lorsque sa mère lui disait : « Mon enfant, couvre-toi; le fond de l'air est froid », elle entendait par là qu'il ne se fallait point fier à la température des endroits abrités où le soleil avait pu quelque peu tiédir l'air, mais qu'en lieux découverts où, dès qu'un souffle s'élevait, etc... En trente mots je parviens mal à exprimer ce que raconte si simplement cette banale phrase.

ANDRÉ GIDE, Journal,  1910, page 311. 

f) Vieux. Un air de feu. Souffle d'air chaud près du feu : 

Ø 14. Nous pendant ce temps, nous n'étions pas là, nous étions restés dehors à nous chauffer avec les gens de peu, un petit air de feu ne fait pas mal par ces temps humides et frissonnants du mois de mars.

PAUL CLAUDEL, Un Poète regarde la Croix,  1938, page 37. 

g) Proverbialement, par comparaison. Être libre comme l'air. Être libre d'aller où l'on désire, de faire ce que l'on veut sans entrave, sans rien qui retienne : 

Ø 15. Mais, en vérité, ce n'est pas là votre situation, vous n'êtes pas prisonnier, par Dieu! Vous êtes libre comme l'air.

ALFRED DE VIGNY, Servitude et grandeur militaires,  1835, page 159. 

3. L'air en tant qu'élément extérieur aux habitations. 

—   Locution fréquente. 

a) (Exposé) à l'air (par opposition à enfermé, recouvert...) : 

Ø 16. Elle était dorée comme le blé mûr, fonçant à la nuque, aux reins, aux aisselles, couleur de brique aux bras et aux jambes, si souvent exposés à l'air, couleur de feu sur l'étroit rectangle décolleté par sa tunique de sport et qui avait reçu, comme son nez, un coup de soleil.

HENRI DE MONTHERLANT, Le Songe,  1922, pages 43-44. 

b) Vivre à l'air. Vivre au sein de la nature : 

Ø 17. Presque nu, sans sabots, avec un morceau de pain noir, il garde une vache ou des oies, il vit à l'air, il joue. Les travaux agricoles auxquels on l'associe peu à peu, ne font que le fortifier.

JULES MICHELET, Le Peuple,  1846, page 92. 

c) À l'air libre (variante dans l'air libre, en air libre). Être, sortir à l'air libre. Être dehors, généralement après avoir été enfermé : 

Ø 18. Pourtant je suffoquais un peu, habitué que j'étais, je l'ai dit, à ne me sentir bien qu'en air libre, oppressé par l'atmosphère factice de ce lieu.

ANDRÉ GIDE, Thésée,  1946, page 1439. 

d) Prendre l'air. Sortir hors de chez soi, aller se promener. Se dit aussi de substances qui ont été altérées par le contact avec l'air : 

Ø 19. Voilà! Je comptais cet été sur un peu d'argent pour prendre l'air. 

GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance,  1861, page 456. 

e) Le grand air. S'emploie surtout dans les expressions Vivre au grand air, aller au grand air. Vivre dehors, au contact de la nature, là où l'air est supposé pur et vivifiant : 

Ø 20. Parmi toutes ces figures brunes, hâlées par le grand air et le soleil, sa figure était la plus brune et la plus hâlée; ses vêtements montraient de nombreuses cicatrices; un plan de son gilet de laine déchiré lui retombait sur l'épaule; des mocassins avaient remplacé ses bottes de printemps.

LOUIS HÉMON, Maria Chapdelaine,  1916, page 84. 

f) Au plein air, en plein air. Au sein de la nature, hors d'une habitation : 

Ø 21. Hélas! Le malheureux n'a jamais en d'enfance;

Il n'a pas grandi libre et joyeux en plein air,

Au murmure des pins, sur le bord de la mer;...

AUGUSTE BRIZEUX, Marie,  1840, page 12. 

·    Emploi comme substantif. Le plein-air. Lieu où l'on pratique un sport en plein air : 

Ø 22. Je ferme les yeux et tout cela reprend vie, ce petit matin percé de bruine, cette solitude, ce silence, cette fille qui n'était plus fraîche courant dans ce plein-air désolé.

HENRI DE MONTHERLANT, Les Olympiques,  1924, page 286. 

·    Néologisme.  Sports qui sont pratiqués en plein air. Une séance de plein air. 

·    MUSIQUE.  Orchestre de plein air, musique de plein air : 

Ø 23. Nota. La prétention de substituer l'Harmonie à l'orchestre symphonique est loin de notre pensée. (...) Mais qu'il nous soit permis d'affirmer qu'un orchestre de plein air comme celui que nous préconisons peut produire une impression profonde sur un auditoire non prévenu.

THÉOPHILE DUREAU, Instrumentation et orchestration à l'usage des sociétés de musique instrumentale, harmonies et fanfares,  1905, page 7. 

·    PEINTURE.  École de peinture : 

Ø 24. Depuis le salon des refusés, l'école du plein air s'était élargie, toute une influence croissante se faisait sentir; malheureusement, les efforts s'éparpillaient, les nouvelles recrues se contentaient d'ébauches, d'impressions bâclées en trois coups de pinceau; et l'on attendait l'homme de génie nécessaire, celui qui incarnerait la formule en chefs-d'oeuvre.

ÉMILE ZOLA, L'Œuvre,  1886, page 213. 

B.—  L'air en tant qu'espace au-dessus du niveau du sol. 

1. En l'air : 

Ø 25. On ne la fait pas, la guerre aux femmes, aux enfants? Vous ne le savez pas, qu'il en crève de faim et de froid des milliers tous les jours, là-bas? C'est plus loyal, peut-être, que de foutre un paquebot la quille en l'air?

MAXENCE VAN DER MEERSCH, Invasion 14,  1935, page 320. 

Remarque : Associations les plus fréquentes : jeter, regarder, sauter, tirer en l'air... 

—  CHORÉGRAPHIE.  Dégagé en l'air. 

—  TOURNAGE.  Tour en l'air, tournage en l'air. 

2. Lieu où volent les oiseaux et autres volatiles : 

Ø 26. Des grives que le vent d'est amenait, des oiseaux de passage qui émigraient du nord au sud, traversaient l'air au-dessus du village et s'appelaient constamment, comme des voyageurs de nuit.

EUGÈNE FROMENTIN, Dominique,  1863, page 10. 

Ø 27. Et ce fut le soleil : la lumière qui donne tant d'aise au coeur, la belle lumière emplissant la lande, et là-haut les campagnes de l'air où se jouaient deux aigles.

HENRI POURRAT, Gaspard des Montagnes, Le Pavillon des amourettes, 1930, page 250. 

3. AVIATION.  

a) Espace aérien. Conquête de l'air, transport par air : 

Ø 28. Une telle beauté d'héroïsme rayonnait du poète infirme, quand il évoquait les victoires de l'esprit, devancières d'autres victoires, la conquête de l'air, le « dieu volant » qui soulevait les foules et comme l'étoile de Bethléem, les entraînait à sa suite, extasiées, vers quels lointains espaces ou quelles revanches prochaines!

ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, La Nouvelle journée, 1912, page 1492. 

·    Prendre l'air. Décoller : 

Ø 29. Aucun avion de Vichy n'avait pris l'air jusqu'au milieu de la journée.

CHARLES DE GAULLE, Mémoires de guerre, L'Appel, 1954, pages 105-106. 

·    Par l'air, (par les airs), ou de préférence par air. Par la voie des airs : 

Ø 30. De telles bombes pourraient cependant se révéler trop lourdes pour le transport par air.

BERTRAND GOLDSCHMIDT, L'Aventure atomique, ses aspects politiques et techniques,  1962, page 32. 

·    Trou d'air. Espace où, passagèrement, l'air est moins dense : 

Ø 31. Un remous ou un trou d'air précipita l'oiseau de toile.

ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos,  1931, page 1035. 

·    Mal de l'air. Malaises (nausées, vomissements, etc.) qui se manifestent chez certains passagers lorsqu'un avion est secoué par des mouvements analogues à ceux qui produisent le mal de mer. 

·    Médecine de l'air. Partie de la médecine qui étudie les problèmes biologiques posés par le vol. 

b) Par métonymie. Ministère de l'air, Armée de l'air, École de l'air, hôtesse de l'air. 

Remarque : 1. Syntagmes fréquents nappe d'air...; fendre l'air, les airs; flotter, planer, tournoyer, voler, voltiger dans l'air, dans les airs. 2. Le pluriel les airs est littéraire : 

Ø 32. Ainsi quand deux esprits, errants au sein des airs,

Ont vomi la tempête et soulevé les mers (...),

Tranquilles au-dessus et des vents et des flots,

Sur leur char nébuleux ils goûtent le repos.

PIERRE-MARIE-FRANÇOIS-LOUIS BAOUR-LORMIAN, Ossian, La Bataille de Témora, 1827, page 168. 

Ø 33. Le garde sourit, et, semblable à une flèche aiguë décochée d'un arc mogol, notre homme fendit de nouveau les airs en rasant les boutiques.

ALFRED DE MUSSET.  dans Le Temps \" en 1830 et 1831, 1831, page 60. 

4. L'air en tant qu'il amortit. Coussin d'air, matelas d'air, boudin d'air : 

Ø 34. Les salves venaient de loin, étouffées, à cause des murs, du matelas d'air; entre elles et moi, la nuit, il y avait ce petit chahut de cuivre à droite, à gauche, tout autour. Mon vieux, je sentais l'étendue de la prison à l'éloignement du son des sous.

ANDRÉ MALRAUX, L'Espoir,  1937, page 624. 

C.—  Au singulier,  SCIENCES et TECHIQUES.  

1. [Accompagné d'un adjectif déterminatif] 

a) Vieux.  Air sert à désigner divers gaz particuliers. Air fixe (gaz carbonique), air inflammable (hydrogène), air méphitique (azote), air vital, air pur ou déphlogistiqué (oxygène). 

b) Air sert à désigner l'air obtenu après diverses transformations industrielles. 

·    Air brûlé. Air ayant passé sur les foyers de combustion. 

·    Air comprimé : 

Ø 35.... la seule préparation de l'air comprimé destiné à la transmission de force se traduit, dans les conditions ordinaires de l'industrie minière, par une perte initiale d'un tiers de l'énergie motrice...

JULIEN-NAPOLÉON HATON DE LA GOUPILLIÈRE, Cours d'exploitation des mines,  1905, page 531. 

Ø 36. Les autobus démarraient plus vite, grimpaient mieux les côtes, fréquentes en cette ville de collines. Les tramways électriques, les derniers tramways à air comprimé ou à vapeur trouvaient devant eux de longs morceaux de voie libre.

LOUIS FARIGOULE, DIT JULES ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, Le 6 octobre, 1932, page 204. 

·    Air inactif : 

Ø 37.... pour cela on y fait le vide, et on laisse ensuite rentrer de l'air inactif séché et filtré.

MARIE SKLODOWSKA, MADAME CURIE, Traité de radioactivité, tome 1, 1910, page 287. 

·    Air liquide. Liquide bleu pâle obtenu en liquéfiant l'air et contenant principalement de l'oxygène liquide et de l'azote liquide. 

·    Air ozoné ou ozone : 

Ø 38. La préparation industrielle de l'ozone, ou mieux de l'air ozoné, s'effectue exclusivement par l'action de l'effluve;...

CHARLES-ADOLPHE WURTZ, Dictionnaire de chimie pure et appliquée, 2e.  supplément, tome 3, 1892-1908, page 439. 

·    Air secondaire : 

Ø 39. Il est [le jour] chauffé par combustion de gaz de gazogènes dans de l'air secondaire réchauffé à 700o.  dans des appareils Cowper.

LÉON GUILLET, Traité de métallurgie générale.  1923, page 14. 

Remarque : 1. Parfois air est suivi d'un complément de nom introduit par la préposition de, qui spécifie la fonction industrielle de l'air.  Mécanique , air d'injection... : 

Ø 40.... il faut que l'air de balayage introduit dans le cylindre [du moteur] agisse (...) à la manière d'un piston qui refoule devant lui les gaz...

PAUL DUMANOIS, Moteurs à combustion interne,  1924, page 230. 

Remarque : 2. Théâtre, bande d'air : 

Ø 41. On appelle bande d'air, plafond ou frise ces parties de décor qui réunissent à chaque plan les extrémités supérieures des châssis et qui sont destinées à arrêter les regards du spectateur.

GEORGES MOYNET, La Machinerie théâtrale, Trucs et décors, 1893, page 67. 

2. [Comme complément de nom] 

a) Air sert à former des syntagmes désignant des engins fonctionnant à l'aide de l'air (préposition à). 

—  MÉDECINE.  Dans le fonctionnement d'instruments de chirurgie ou dans les pansements faits aux malades : 

Ø 42. Gynécologie (...) Pessaire à air de Gariel.

MAISON COLLIN, Catalogue d'instruments de chirurgie,  1935, page 295. 

—  MUSIQUE.  Dans la construction et le fonctionnement d'instruments de musique : 

Ø 43.... harmoniums (...) à air refoulé (à la française)...

Catalogue Kasriel (musique), 1936, page 3. 

Remarque : 1. Autres syntagmes bateau à air; chambre à air; cloche à air; condensateur à air; écluse à air; insufflateur à air chaud; machine frigorifique à air; manomètre à air; pompe à air; sas à air; thermomètre à air; carabine, émulseur, locomotive, manomètre, moteur, pilon, pistolet, traction à air comprimé... 2. Lorsque air est déterminé par l'article le, la préposition est normalement par : 

Ø 44.... on a (...) dans une partie de l'étuve un chauffage par l'air, et, dans l'autre partie, un chauffage par la fumée.

LOUIS SER, Traité de physique industrielle, tome 2, 1890, page 433. 

b) Air sert à former des syntagmes désignant des appareils ayant pour objet de traiter l'air (préposition de). Aspirateur d'air, chambre d'air, cloche d'air, éjecteur d'air. 

II.—  Au figuré. 

A.—  [Les différents emplois analysés sous A 1 et A 2 notamment se prêtent à des emplois figurés variés] 

1. Air (milieu physique). Climat affectif, moral : 

Ø 45. Un souffle d'épouvante, un air chargé de deuil

Plane autour du croisé qui ne prie et ne chasse,

Et qui s'est clos, vivant, dans ce morne cercueil.

CHARLES-MARIE LECONTE DE LISLE, Poèmes tragiques, Le Lévrier de Magnus, 1886, page 115. 

Ø 46. Il voyait une saine et libre nature, opprimée, qui se débattait contre ses chaînes, qui aspirait à une vie franche, large, au plein air de l'âme, et puis, qui en avait peur, qui combattait ses instincts, parce qu'ils ne pouvaient s'accorder avec sa destinée et qu'ils la lui rendaient plus douloureuse encore.

ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, Le Buisson ardent, 1911, page 1406. 

Ø 47. L'indécis est un anémié psychique qu'il faut sortir au grand air de l'action. 

EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère,  1946, page 418. 

2. Air (vent qui circule). 

—  LITTÉRATURE : 

Ø 48. Il y a tant de dialogues que cela ressemble à du théâtre, mais c'est ainsi que le livre s'est présenté à moi. Je ne veux à aucun prix l'alourdir d'explications. La page trop dense m'ennuie. Il faut qu'il y ait de l'air.

JULIEN GREEN, Journal,  1949, page 251. 

—  MUSIQUE.   [En parlant d'un morceau de musique] :

Ø 49. On pense « harmonies » on oublie « harmoniques » (...) Cet oubli crée dans l'oeuvre un manque d'air, un manque de fluidité et de résonances...

GEORGES MIGOT, Lexique de quelques termes utilisés en musique avec des commentaires pouvant servir à la compréhension de cet art, 1935, page 83. 

—  PEINTURE.  \" Atmosphère dans laquelle les figures représentées sur un tableau semblent se mouvoir. On dit qu'une toile manque d'air pour indiquer que la figure paraît plaquée sur la toile et qu'elle ne peut donner l'illusion de la réalité. \" (Jules Adeline, Lexique des termes d'art, 1884) : 

Ø 50. Au fond de la scène, par la croisée d'où s'épand le jour, l'oeil aperçoit la maison d'en face, les grandes lettres d'or que l'industrie fait ramper sur les balustres des balcons, sur l'appui des fenêtres, dans cette échappée sur la ville. L'air circule, il semble que le lourd roulement des voitures va monter avec le brouhaha des passants battant le pavé, en bas. C'est un coin de l'existence contemporaine, fixé tel que. Le couple s'ennuie, comme cela arrive dans la vie, souvent; une senteur de ménage dans une situation d'argent facile, s'échappe de cet intérieur. M. Caillebotte est le peintre de la bourgeoisie à l'aise, du commerce et de la finance, pourvoyant largement à leurs besoins, sans être pour cela très riches, habitant près de la rue Lafayette ou dans les environs du boulevard Haussmann.

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, L'Art moderne,  1883, page 111. 

B.—  Emplois figurés de diverses locution. 

1. Battre l'air. \" Agir inutilement. \" (Jean-François Rolland, Dictionnaire du mauvais langage, 1813, page 6). 

2. Dans l'air (quelque chose est dans l'air). [En parlant d'une idée, d'un événement, etc. qu'un grand nombre d'esprits s'attend à voir prendre corps]  La révolution était dans l'air (Dictionnaire de l'Académie Française); Il y a de l'orage, de la bagarre dans l'air... : 

Ø 51. Il y avait dans l'air de cette époque une foule d'idées à l'état nébuleux, de problèmes à l'état d'espérances, de générosités en mouvement qui devaient se condenser plus tard et former ce qu'on appelle aujourd'hui le ciel orageux de la politique moderne.

EUGÈNE FROMENTIN, Dominique,  1863, page 246. 

Ø 52. Le jeune homme d'alors, séduit aux enchantements de poètes purs et maudits, hésitant sur le seuil de cette littérature inquiétante dont tout le monde lui enseignait les périls et lui dénonçait les folies, pressentait dans l'air de son temps cette excitante émotion, cette disposition intime que l'on éprouve au concert cependant que l'orchestre s'essaie, et que chaque instrument cherche pour soi-même, et pousse librement sa note.

PAUL VALÉRY, Variété IV,  1938, page 18. 

3. Donner de l'air. Rajeunir : 

Ø 53. Même un paralysé atteint d'agraphie après une attaque (...) aurait compris que Mme.  de Cambremer appartenait à une vieille famille où la culture enthousiaste des lettres et des arts avait donné un peu d'air aux traditions aristocratiques.

MARCEL PROUST, À la recherche du temps perdu, Sodome et Gomorrhe, 1922, page 945. 

·    Se donner de l'air : Se libérer : 

Ø 54. [Jean] . —  Manassé n'est pas au théâtre?

—  Il se donne de l'air. Je crois qu'il flirte avec la nouvelle figurante...

LÉON DAUDET, Médée,  1935, page 141. 

4. En l'air. 

a) Être en l'air. 

—   [En parlant d'une armée, d'un régiment...] (Être) sans appui, sans protection : 

Ø 55. Toute la soirée, M. de Vineuil avait paru très inquiet (...). Il sentait son régiment en l'air, trop en avant, bien qu'il eût reculé déjà...

ÉMILE ZOLA, La Débâcle,  1892, page 203. 

—   Dans la langue courante. Se sentir en l'air, rester en l'air. (Être) sans résultat : 

Ø 56.... c'est qu'aujourd'hui, dans ce soir d'été, convaincu de ses échecs de politique et d'amour, se sentant de toutes parts « en l'air », auprès de sa mère encore il se retrouve tout naturellement...

MAURICE BARRÈS, Leurs figures,  1901, page 299. 

—  Par extension.  Inachevé : 

Ø 57. C'est [le manque d'un dessein suivi] ce qui donne au romantisme son caractère « en l'air », d'inachèvement et de transports (...) pour rien.

LÉON DAUDET, Études et milieux littéraires,  1927, page 7. 

b) (Parler de quelque chose) en l'air, (accuser quelqu'un) en l'air. Sans appui dans la réalité, sans fondement. Paroles, contes, promesses en l'air : 

Ø 58. Et il ne l'accusait pas en l'air, il donnait des preuves, publiant très haut le souvenir de ses propres entretiens avec Saint-Cyran, toutes ces extravagances, auxquelles il trouvait jadis un sens orthodoxe, ou qu'il se refusait de prendre au sérieux.

ABBÉ HENRI BREMOND, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, tome 4, 1920, page 79. 

—   Substantif + en l'air..  Sans solidité : 

Ø 59. —  Isabelle, vous perdez la tête! Comment vous iriez vous enfermer, là-bas, dans cette vieille maison?... C'est une idée en l'air, je l'espère bien!

PAUL REIDER, Mademoiselle Vallantin,  1862, page 33. 

·    Tête en l'air. Personne très étourdie. 

c) [En parlant d'une personne ou d'un groupe de personnes]  En émoi, en ébullition : 

Ø 60. Toute la Suisse fut en l'air. Les messieurs de Berne, de Fribourg, de Soleure, qui se doutaient bien qu'on en voulait à leurs écus, au lieu de renoncer à de vieux privilèges sur d'autres cantons, firent marcher des troupes contre nous.

ÉMILE ERCKMANN ET ALEXANDRE CHATRIAN, DITS ERCKMANN-CHATRIAN, Histoire d'un paysan, tome 2, 1870, page 457. 

d) Locutions. 

—  IMPRIMERIE.  En l'air. \" Appel du linotypiste pour signaler au mécanicien que la distribution de sa machine est arrêtée. \" (Glossaire typographique (ÉMILE CHAUTARD) 1937). 

—  Avoir un pied en l'air. Attendre : 

Ø 61. Il serait dangereux de laisser trop longuement à tout ce monde-là le pied en l'air.

PAUL CLAUDEL, Le Soulier de satin,  1944, II, 1, page 1043. 

—  Tirer en l'air. \" Habler, se vanter, mentir avec audace. \" (Jean-François Rolland, Dictionnaire du mauvais langage, 1813, page 6). 

—  Familier. Jeter, envoyer, ficher, flanquer quelque chose en l'air. Le détruire, y renoncer : 

Ø 62. Ce lettré qui a pris tous ses grades, jette volontiers en l'air son bonnet de docteur...

ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, La Vie littéraire, tome 2, 1890, page 172. 

—  Populaire. Foutre en l'air. Même sens : 

Ø 63. Je n'ai pas envie que ce bougre de sans-soin aille foutre tout en l'air!

PAUL CLAUDEL, Protée, 2e.  version, 1927, I, 5, page 375. 

·    Cracher en l'air pour que cela vous retombe sur le nez. Faire une action qui se retourne contre son auteur. 

—  Argot. Envoyer, flanquer, foutre, mettre en l'air. Cambrioler, tuer : 

Ø 64. C'que je comprends pas, c'est l'entrée des caracos dans le cirque [dans l'intrigue] ! Et pourquoi ils l'ont mis [Riton] en l'air de cette façon [en le torturant] ?

ALBERT SIMONIN, Touchez pas au grisbi,  1953, page 170. 

Remarque : Mettre en l'air signifie aussi « mettre en désordre ». 

—  Foutre les tripes en l'air. Tuer : 

Ø 65. Je veux les voir, les roussins!... Je leur fouterai les tripes en l'air... Je veux leur manger le coeur.

OSCAR MÉTÉNIER, La Lutte pour l'amour, Études d'argot, 1891, page 207. 

—  Metteur en l'air. Assassin. 

—  Monte-en-l'air. Voleur par escalade. 

—  Être en l'air. Être sans argent. 

5. Fendre l'air : 

Ø 66. Fendre l'air, s'enfuir avec vîtesse, disparoître tout-à-coup à la vue. Il fend l'air, se dit aussi par hyperbole d'un homme vaniteux et hautain, qui prend un ton bien au-dessus de sa condition.

JEAN-FRANÇOIS ROLLAND, Dictionnaire du mauvais langage,  1813, page 6. 

6. Mettre à l'air. Faire montre de quelque chose avec ostentation : 

Ø 67. Césaire, très bavard, très galant, mit toutes ses grâces à l'air pour éblouir la Parisienne.

ALPHONSE DAUDET, Sapho,  1884, page 108. 

—  Régionalisme.  Sous la forme \" mettre à l'ar [= air] , ébruiter, divulguer. \" (Glossaire étymologique et historique des patois et des parlers de l'Anjou (ANATOLE-JOSEPH VERRIER, RENÉ ONILLION) tome 1 1908, page 45). 

7. Prendre l'air du bureau. \" Ce qui paraît en bien ou en mal des sentiments, des dispositions de ceux à qui l'on a affaire. J'allai prendre l'air du bureau et je m'aperçus qu'il m'était contraire. \" (Dictionnaire de l'Académie Française) : 

Ø 68. Les musiciens sont mieux traités à mon avis. Les deux dernières années de leur pension, ils les passent à Paris... Ils peuvent, comme on dit, prendre l'air du bureau... 

PROSPER MÉRIMÉE, Mélanges historiques et littéraires,  1855, page 339. 

8. Vivre de l'air du temps. Être dans la misère, sans argent pour subsister : 

Ø 69. Il peut tenir à ses richesses, à ses gratifications et d'ailleurs il le faut bien, puisqu'il a de nombreuses charges et qu'un poète ne vit pas de l'air du temps. 

ROBERT BRASILLACH, Pierre Corneille,  1938, page 310. 

9. Locution populaire et argotique. 

a) Familier. Avoir un courant d'air dans la cervelle. Ne pas savoir ce que l'on dit, ce que l'on fait : 

Ø 70. Dieu, que je suis sotte! Voulez-vous ne pas pleurer? Comme si ça comptait, ce que je dis! Vous savez bien, enfant battue, que Claudine a un courant d'air dans la cervelle...  

GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, Claudine s'en va,  1903, page 51. 

b) De l'air! S'emploie pour inviter à partir une personne dont la présence n'est pas souhaitée : 

Ø 71. Locution usitée pour (...) inviter le contradicteur à disparaître de votre vue (...) Tes salades, j'en ai quine... de l'air!

ALBERT SIMONIN, Le Petit Simonin illustré, Dictionnaire d'usage, 1957, page 22. 

c) Un nom à courants d'air. Un nom long, compliqué et généralement à particule : 

Ø 72. Il doit s'agir de faits assez graves, car la bonne dame, qui porte un nom à courant d'air, —  entre parenthèses, —  m'a écrit une lettre angoissée et pleine de réticences.

PAUL BOURGET, Nos actes nous suivent,  1926, page 139. 

d) Se déguiser, se transformer en courant d'air. S'enfuir se sauver : 

Ø 73. Si tu lui proposes de tirer les conséquences de ce qu'il dit, il prétend qu'il est d'accord naturellement pour ne pas avoir l'air de se dégonfler, mais dès que tu as le dos tourné, il se transforme en courant d'air : j'en ai fait dix fois l'expérience.

JEAN-PAUL SARTRE, La Mort dans l'âme,  1949, pages 261-262. 

e) Se donner de l'air, jouer la fille de l'air, se pousser de l'air. Se sauver : 

Ø 74. Il s'agit de se donner de l'air (de se sauver [de Pontanezen, dépôt préalable du bagne de Brest] ). Tout est préparé.

LOUIS-FRANÇOIS RABAN, MARCO SAINT-HILAIRE, Mémoires d'un forçat, ou Vidocq dévoilé,tome 1, 1828-1829, page 164. 

f) Prendre de l'air. S'en aller, s'esquiver. 

g) Mettre de l'air dans l'estomac. Assassiner, tuer. 

h) Manquer d'air. Manquer de courage, d'audace ou être déconcerté. 

i) Pomper l'air. Ennuyer, importuner. 

Remarque : Dans la langue populaire air peut prendre le genre féminin, de même que air2  et air3 : 

Ø 75. —  L'air est malsaine ici, dangéreuse à respirer.

MAURICE GENEVOIX, Raboliot,  1925, page 163. 

 

AIR3, substantif masculin.  

A.—  MUSIQUE.  

1. Mélodie composée pour accompagner les paroles d'un chant Apprendre un air nouveau : 

Ø 1.... mais souvent le bruissement des feuilles emportait l'air avec les paroles. 

ALPHONSE DE CHATEAUBRIANT, Monsieur des Lourdines,  1911, page 4. 

—  Par extension.  Cette mélodie et les paroles qu'elle accompagne : 

Ø 2. Le père Dodu se mit à entonner un air à boire; on voulut en vain l'arrêter à un certain couplet scabreux que tout le monde savait par coeur.

GÉRARD DE NERVAL, Les Filles du feu, Sylvie, 1854, page 619. 

Remarque : Syntagmes fréquents un air ancien, un air populaire, célèbre, connu, à la mode; chanter, oublier un air, composer un air sur des paroles; l'air va bien aux paroles. 

2. Locutions proverbiales, généralement vieillies (quelques-unes de ces locutions s'entendent au propre et au figuré, confer infra B 1 au figuré) 

·    Vous n'êtes pas dans l'air. Vous chantez faux; vous êtes à côté de la question. 

·    C'est l'air qui fait la chanson. C'est la mélodie qui caractérise le mieux une chanson; c'est le ton qui révèle les intentions cachées sous les paroles. 

·    L'air et la chanson. L'apparence et la réalité. 

·    En avoir l'air et la chanson. Être réellement ce qu'on paraît. 

·    Se donner plus l'air qu'on n'en a la chanson. N'avoir que l'apparence de quelque chose : 

Ø 3. Alors, Anne-Marie reconnut la Mariette de L'Imberdis. Une déraisonnée qui s'en donnait peut-être plus l'air qu'elle n'en avait la chanson, afin de pouvoir insulter les personnes.

HENRI POURRAT, Gaspard des Montagnes, Le Pavillon des amourettes, 1930, page 122. 

·    Crier sur l'air des lampions. [Allusion au cri scandé par la foule en 1827 pour réclamer les illuminations]  En deux ou trois syllabes détachées et sur un seul ton : 

Ø 4. Tous les miliciens se retournèrent, même Manuel qui conduisait et hurlèrent : « hourra! » Et tous de vociférer en espagnol, sur l'air des lampions cette fois, tapant des pieds : A-dieu! Notre peu-titeu ta-ble! 

ANDRÉ MALRAUX, L'Espoir,  1937, page 482. 

B.—  Par extension.  Mélodie vocale ou instrumentale, qui forme un tout et peut se détacher d'une oeuvre. 

1. Mélodie d'opéra, d'oratorio, de cantate (généralement avec les paroles) : 

Ø 5.... les trois principaux acteurs de l'opéra, doivent chacun chanter cinq airs : un air passionné /l'aria patetica/, un air brillant /di bravura/, un air d'un style uni /aria parlante/, un air de demi-caractère, et enfin un air qui respire la joie /aria brillante/. 

HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase,  1817, page 305. 

Ø 6. Chanter « un air » de Gluck au concert, passe encore; jouer tout un acte... je n'écoute plus.

ANDRÉ GIDE, Journal,  1902, page 118. 

Remarque : Syntagmes fréquents un air d'opéra, d'opérette; l'air du ténor, un air de bravoure. 

—  Au figuré, littéraire.  Thème, propos : 

Ø 7.... les lettres françaises furent jadis profondément conservatrices, alors même qu'elles chantaient des airs de fronde. 

CHARLES MAURRAS, L'Avenir de l'Intelligence,  1905, page 50. 

—   Locution proverbiale. Je connais des paroles sur cet air-là. \" J'ai entendu en pareille occasion les mêmes choses que vous venez de dire pour vous excuser, pour soutenir cette opinion. \" (Dictionnaire de l'Académie Française). 

2. Mélodie instrumentale. 

·    Un air de flûte, de guitare, de mandoline, de pipeau, de violon,...; des airs d'accordéon, de cornemuse : 

Ø 8. Beaucoup de choses s'éveillent autour de lui : le visage rond et charmant entrevu jadis à sa fenêtre de la rue aux Juifs, la fraîcheur d'un air ancien écouté au clavecin ou au luth,... 

ROBERT BRASILLACH, Pierre Corneille,  1938, page 175. 

·    Air de danse, de ballet, de valse : 

Ø 9. On entend presque aussitôt un air de valse extrêmement banal et populaire.

MARCEL ACHARD, Jean de la Lune,  1929, I, 2, page 5. 

·    Air de jazz, de mazurka, de menuet, de gavotte,... 

·    Des airs de café-concert, de cabaret, de guinguette,... 

—  Par comparaison, locution familière. 

·    Jouer un air de quelque chose Prendre sa part de quelque chose : 

Ø 10. —  Un vermouth-cassis, un!... et présenté par Mam'selle Annette! Mlle.  Annette, il ne se cachait point pour dire tout haut qu'il la trouvait de son goût. C'était la petite bonne du café : vingt ans à peine, blonde, niaise, mais des lèvres fraîches et le trottinement drôle. Gaspard la regardait servir et soupirait :

—  Nom d'une pipe! J'en jouerais bien un air!

Elle ne venait jamais près de lui sans qu'il lui parlât, la chatouillât, lui prît les mains, les bras, la taille.

RENÉ BENJAMIN, Gaspard,  1915, page 146. 

·    Jouer (toujours) le même air. \" Rabâcher. \" (Nouveau Larousse illustré). 

—  Argot : 

Ø 11. En jouer un air : fuir, s'enfuir, se sauver, s'évader.

ÉVARISTE NOUGUIER, Notes manuscrites interfoliées au dictionnaire de Delesalle,  10 janvier 1900, page 157. 

Ø 12. La première fois qu'on va au feu, il est permis d'avoir les grelots, mais jamais d'en jouer un air. [Écho des Marmites, no.  2, Supplément, février 1915] .

LAZARE SAINÉAN, L'Argot des tranchées,  1915, page 108. 

Remarque : \" L'explication [de en jouer un air] par la Fille de l'air est fausse : 1o.  les parlants ont en tête un air de musique; 2o.  le chevauchement supposé donnerait seulement *se donner la Fille de l'air, qui ne se dit pas. La vraie explication est par jouer un air de flûtes, de jambes. \" (GASTON ESNAULT, Notes complétant et rectifiant « Le Poilu tel qu'il se parle », 1956). 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 41 759. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 48 518, b) 67 731; XXe.  siècle : a) 69 075, b) 58 360. 

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