AIS, substantif masculin.

AIS, substantif masculin.  

A.—  Vieux.  Planche de bois (chêne, hêtre, sapin...) : 

Ø 1. M. Hamon était un médecin de la faculté de Paris qui, à l'âge de trente-trois ans, vendit son bien et se retira à Port-Royal-des-Champs. Toujours pauvre, vêtu en paysan, couchant sur un ais au lieu de lit, ne mangeant que du pain de son qu'il dérobait sur la part des animaux, et distribuant ses repas en cachette aux indigents, sa vie fut une humilité, une mortification et une fuite continuelles.

CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Volupté, tome 2, 1834, page 185. 

B.—  TECHNOLOGIE GÉNÉRALE.  Planche de bois appropriée à divers usages particuliers : 

Ø 2. Dans notre riche et fastueuse capitale, nous n'employons, pour les funérailles, que quatre ais de sapin. On en fait, avec quelques clous, un coffre oblong où l'on renferme le corps de son parent, empaqueté dans un mauvais drap; on le transporte ensuite, sans convoi, à l'extrémité d'un faubourg, dans un fond de carrière où l'on a creusé une fosse vaste et profonde. C'est dans ce barathrum qu'on le précipite pour jamais, au milieu d'une foule de morts de tout sexe et de tout âge.

JACQUES-HENRI BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harmonies de la nature,  1814, page 100. 

Ø 3.... ses cheveux se dressèrent sur son front, une sueur froide inonda ses membres, et elle perdit connoissance. Elle ne revint à elle qu'au bruit des roues d'une voiture qui la conduisoit, et sous laquelle trembloient, en grondant sourdement, les ais retentissants d'un pont-levis. 

CHARLES NODIER, Jean Sbogar,  1818, pages 198-199. 

Ø 4. La nuit est tout à fait sur la terre. Vous n'entendez plus retentir sur le pavé sonore les pas du citadin qui regagne sa maison, ou la sole armée des mules qui arrivent au gîte du soir. Le bruit du vent qui pleure ou siffle entre les ais mal joints de la croisée, voilà tout ce qui vous reste des impressions ordinaires de vos sens, et au bout de quelques instants, vous imaginez que ce murmure lui-même existe en vous.

CHARLES NODIER, Smarra ou Les Démons de la nuit,  1821, page 31. 

Ø 5. Il attendait depuis un quart d'heure; il lui semblait avoir vieilli d'un siècle. Tout à coup il entendit craquer les ais de l'escalier de bois. Quelqu'un montait.

VICTOR HUGO, Notre-Dame de Paris,  1832, page 339. 

Ø 6.... Madame Le Maître, qui demeurait à Port-Royal de Paris, décida au plus tôt de faire bâtir un petit logis extérieur attenant au monastère, pour y retirer ses fils; (...) On mit grande hâte à cette construction, on revêtit les murailles humides d'ais de sapin pour les rendre habitables et le logis fut prêt en trois mois :...

CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 1, 1840, page 391. 

Ø 7. La porte, sans cesse ébranlée par de nouveaux assauts, plia, les ais se disjoignirent, l'amas de planches tomba avec grand bruit;...

JOSEPH ARTHUR COMTE DE GOBINEAU, Nouvelles asiatiques, Les Amants de Kandahar, 1876, page 258. 

Ø 8. À cette vue, le bedeau et les fabriciens se mirent à rire de l'innocent qui prenait les ais rompus d'un bateau pour la croix de Jésus-Christ.

ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Crainquebille, Le Christ de l'océan, 1901, page 262. 

Ø 9. Le reclus (...) se couchera sur un lit, composé d'ais de bois et d'un matelas;...

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, L'Oblat, tome 1, 1903, page 169. 

Ø 10. M. César commençait de prendre peur. Il croyait à un complot formé contre ses biens. En hâte, il envoya chercher le charpentier, lui fit barricader l'entrée avec des ais et des planches. 

HENRI POURRAT, Gaspard des Montagnes, Le Pavillon des amourettes, 1930, page 78. 

Ø 11. Au premier carrefour on entendit tinter doucement des sonnailles, et un cheval apparut sur la neige, un cheval brun qui semblait ne rien traîner. Quand il passa, on vit, derrière sa croupe sur une luge précaire, faite d'une planche clouée sur deux ais, un paysan blanc qui nous leva son bonnet de fourrure et, détourné, nous regarda longtemps.

ROGER CRÉTIN, DIT ROGER VERCEL, Capitaine Conan,  1934, page 123. 

Remarque : 1. Ais est souvent suivi d'un déterminant indiquant la matière (exemple 2, 6, 9) ou l'usage qui en est fait (exemple 3, 4, 8). 2. L'ais est utilisé dans le charpentage d'un bateau, d'une maison, d'un pont, dans la construction des escaliers, portes et fenêtres, et en menuiserie, dans la fabrication de meubles, de coffres et de cercueils. 3. Lorsque ais s'oppose à planche, il désigne une surface moins large (exemple 10, 11). 4. Dictionnaire de l'Académie Française 1835-1878 note pour l'emploi général : \" Il commence à vieillir. \" Aucune mention dans Dictionnaire de l'Académie Française tome 1 1932. 5. Syntagme fréquent : ais mal joints. 

·    Emploi familier. Renfermé entre quatre ais, pour dire \" dans une bière \" (Dictionnaire universel de la langue française (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845). 

·    Par analogie, poétique, rare. Ais de fer : 

Ø 12. La porte aux ais de fer, aux trois barres d'airain,

Sur ses gonds ébranlés roule et s'ouvre soudain;

Une femme, un enfant, dans la salle sonore

Entrent, enveloppés d'une vapeur d'aurore.

CHARLES-MARIE LECONTE DE LISLE, Poèmes barbares, Le Runoïa, 1878, page 87. 

C.—  Emplois spéciaux. 

1. BOUCHERIE : 

Ø 13. Ais à chaplu : Petite table sur laquelle on hache les viandes et les herbes;...

ÉTIENNE MOLARD, Le Mauvais langage corrigé,  1810, page 15. 

Ø 14. Ais. Chez les bouchers, établi ou forte table pour couper ou dépecer la viande.

NOUVEAU DICTIONNAIRE PORTATIF DE LA LANGUE FRANÇAISE  (ABBÉ CLAUDE-MARIE GATTEL)  1841. 

2. IMPRIMERIE : 

Ø 15. Si la garniture ne doit pas immédiatement servir, elle est placée en ordre sur un ais ou plateau de bois... 

ÉMILE LECLERC, Nouveau manuel complet de typographie,  1897, page 298. 

Ø 16. Ais. Panneau de bois sur lequel on range les feuilles de papier à mesure qu'on les trempe.

Charles-Louis Carabelli, [Langue de l'imprimerie] début du XXe.  s. 

Ø 17. Ais. Planche de bois sur laquelle on dessine les formes pour préparer la distribution des caractères dans les casses.

Charles-Louis Carabelli, [Langue de la typographie] début du XXe.  s. 

3. MENUISERIE : 

Ø 18. Bois employé par les charpentiers et les menuisiers et que le commerce débite en planches de 3 à 6 cm d'épaisseur. Ais de boutique, ais d'entrevoux, ais de bateau, ais feuillés.  

Dictionnaire des termes employés dans la construction (PIERRE CHABAT)  tome 1 1875. 

4. RELIURE : 

a) \" Terme générique désignant toutes les pièces de bois minces servant à l'usage du relieur. \" (Albert Maire, Manuel pratique du bibliothécaire, 1896, page 283) : 

Ø 19. Au XVIIIe.  siècle, ils [les ais] comprenaient les ais à endosser, à presser, à rogner de devant, à rogner de derrière, à fouetter.

ALBERT MAIRE, Manuel pratique du bibliothécaire, 1896, page 283. 

Ø 20. [Plateau en bois de hêtre, de chêne ou de sapin] , que les imprimeurs emploient à maintenir les rames de papier dépliées et quelquefois encore mouillées pour l'impression, ou [dont se servent les brocheurs, les cartonneurs et les relieurs pour serrer les volumes pendant leur travail et transporter en bonnes conditions ceux qu'ils ont à livrer en nombre.]

Vocabulaire technique de l'éditeur en sept langues.  1913. 

b) Spécialement.  Pour désigner les plats d'un in-folio : 

Ø 21. Il me fit asseoir, et, pendant ce temps, s'empressa de relever les deux in-folio, dont il avait considéré les ais fracassés avec plus d'émotion sans doute qu'il n'en avait ressenti en parlant à la belle juive.

RODOLPHE TOEPFFER, Nouvelles genevoises,  1839, page 150. 

5. Autres emplois. 

a) Emplacement constitué par des planches en bois dont se servent les fondeurs en sable pour poser les châssis. (Attesté dans le Dictionnaire de l'Académie Française, Compléments 1842, Dictionnaire de la langue française (ÉMILE LITTRÉ), Larousse du XXe.  siècle en six volumes)  

b) Planches feuillées et à rainures dans lesquelles les vitriers coulent l'étain. (Attesté dans DICTIONNAIRE UNIVERSEL DE LA LANGUE FRANÇAISE  (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845, Nouveau Larousse illustré)  

c)  [Chez les fabricants d'étoffe de soie]  Ais de corps  \" Ais de corps, partie du bois du métier servant à tenir les mailles de corps et les arcades dans la direction voulue. \" (Dictionnaire universel de la langue française (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845) 

d)  Dans la serrurerie d'ornement.  \" Petit morceau de bois porté sur deux pieds, percé de trous ronds pour emboutir des demi-boucles. \" (Dictionnaire universel de la langue française (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845)  

e)  Au jeu de paume.  Cloison d'ais. \" Ais maçonné dans le mur qui est du côté du service \" (Dictionnaire universel de la langue française (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845);  d'où. coup d'ais.   Coup où la balle est envoyée contre la cloison d'ais : 

Ø 22. Voilà un beau coup d'ais.

Dictionnaire de l'Académie française.  tome 1  1932. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 84.