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ALAMBIC, substantif masculin.

Publié le 19/10/2015

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ALAMBIC, substantif masculin.  

A.—  Appareil composé essentiellement d'une chaudière en forme de cornue surmontée d'un gros tuyau terminé par un serpentin placé dans une cuve d'eau froide, et qui sert à distiller : 

Ø 1. Un pandémonium! où sur la même ligne,

Se heurtent mille objets fantasquement mêlés.

—  Maigres chauves-souris aux diaphanes ailes,

Se cramponnant au mur de leurs quatre ongles frêles,

Bouteilles sans goulot, plats de terre fêlés,

Crocodiles, serpents empaillés, plantes rares,

Alambics contournés en spirales bizarres,

Vieux manuscrits ouverts sur un fauteuil bancal,

Foetus mal conservés saisissant d'une lieue

L'odorat, et collant leur face jaune et bleue

Contre le verre du bocal!

THÉOPHILE GAUTIER, Albertus ou l'Âme et le péché,  1833, page 127. 

Ø 2. —  Savez-vous, dit-elle, Monsieur le Comte, que vous êtes un terrible argumentateur, et que vous voyez le monde sous un jour quelque peu livide? Est-ce donc en regardant l'humanité à travers les alambics et les cornues que vous l'avez jugée telle? Car vous aviez raison, vous êtes un grand chimiste, et cet élixir que vous avez fait prendre à mon fils, et qui l'a si rapidement rappelé à la vie...

ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Le Comte de Monte-Cristo, tome 1, 1846, page 766. 

Ø 3. La cuisine est en même temps le laboratoire. Un alambic monstrueux y courbe parmi les casseroles l'effrayante longueur de son cuivre qui fume et souvent on ne peut mettre le pot au feu à cause des préparations pharmaceutiques.

GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance,  1853, page 316. 

Ø 4. La sève s'écoule alors dans le récipient et devient, après fermentation, une boisson gazeuse assez agréable. Soumise à l'alambic, elle se réduit de moitié et donne une eau-de-vie blanche de vingt-deux degrés.

MAXIME DU CAMP, Le Nil, Égypte et Nubie,  1854, page 297. 

Ø 5. Mais la curiosité de la maison était, au fond, de l'autre côté d'une barrière de chêne, dans une cour vitrée, l'appareil à distiller que les consommateurs voyaient fonctionner, des alambics aux longs cols, des serpentins descendant sous terre, une cuisine du diable devant laquelle venaient rêver les ouvriers soûlards.

ÉMILE ZOLA, L'Assommoir,  1877, page 404. 

Ø 6. La mer est l'alambic d'où jaillit son éveil [de la goutte de pluie] .

Cet alambic (...)

Présente (...) l'équateur pour chaudière.

Les hauts confins de l'air en sont le chapiteau. 

JEAN RICHEPIN, La Mer,  1886, page 336. 

Ø 7. Les lois les plus élevées des sciences physiques ont été constatées par des manipulations fort peu différentes de celles de l'artisan. Si les plus hautes vérités peuvent sortir de l'alambic et du creuset, pourquoi ne pourraient-elles résulter également de l'étude des restes poudreux du passé?

ERNEST RENAN, L'Avenir de la science,  1890, pages 212-213. 

Ø 8. On sait que l'affaire capitale en Armagnac est de « brûler », de distiller son vin. Or, le premier voisin passe pour dégustateur-né. Dès que le fin filet blanc parfumé coule de l'alambic, tiède encore du feu éprouvé, on met des châtaignes sous la cendre, et on « galope » pour le chercher.

JOSEPH DE PESQUIDOUX, Le Livre de raison, tome 1, 1925, page 17. 

Ø 9. Ces études sur les explosifs me passionnaient maintenant pour elles-mêmes. Un problème d'ordre technique, en particulier, s'était posé : le même que Turpin a résolu plus tard. Peinant ainsi entre mes creusets, mes alambics et mes cornues, avec le bruit de la canonnade dans le lointain, un étrange sentiment se développait en moi : ces substances, ces gaz, ces acides, ces métaux que je manipulais, autant de forces naturelles au repos devant moi et dans mon laboratoire, mais qui portaient cachées en elles, de formidables puissances de destruction.

PAUL BOURGET, Nos actes nous suivent,  1926, page 13. 

Ø 10. Il y a, dans l'art et dans le sport, des questions de chambre noire et d'alambic qui passionnent les foules.

LÉON-PAUL FARGUE, Le Piéton de Paris,  1939, page 10. 

Ø 11. Il était une fois un alchimiste qui étudiait les mystères de la vie. Il se fit que de ses cornues, de ses alambics, de ses drogues il retira un minuscule fragment de pâte vivante.

ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Citadelle,  1944, page 693. 

Remarque : 1. En raison de ses formes souvent complexes et bizarres pour le profane, l'alambic apparaît parfois comme un objet chargé de mystère quand il évoque le domaine de la chimie (exemple 2, 3, 7, 9), voire celui de l'alchimie (exemple 1, 10, 11). Noter aussi l'association fréquente alambic/cornue (exemple 2, 9, 11). 2. Syntagmes rencontrés alambic de verre, alambic de cuivre, alambic de terre, le bec d'un alambic, le col d'un alambic, la panse d'un alambic, la voûte d'un alambic, déflegmateur ou rectificateur d'un alambic-; carafe à col d'alambic « à goulot recourbé » : 

Ø 12. Les assiettes et les carafes à col d'alambic réverbéraient comme des vers luisants les mille points de lumière des briques trouées, à travers l'énorme nature morte.

ANDRÉ MALRAUX, L'Espoir,  1937, page 604. 

B.—  Au figuré, vieilli.  [Pour suggérer une idée de recherches très compliquées, de raisonnement subtil]  Ce raisonnement est tiré à l'alambic (Dictionnaire de la langue française (ÉMILE LITTRÉ)); poésie à l'alambic (Grand dictionnaire universel du XIXe.  siècle (Pierre Larousse)). 

·    Passer par l'alambic. Passer une affaire par l'alambic (Dictionnaire universel de la langue française (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845) : 

Ø 13.... quel dommage qu'en passant par l'alambic la pensée humaine prenne le chemin contraire à celui de l'eau de roses, et qu'à la troisième ou quatrième épuration elle se dessèche, au lieu de s'exprimer en quintessence!

ALFRED DE MUSSET, Le Temps,  1831, page 138. 

·    Passer à l'alambic : 

Ø 14. Cette vie parisienne, dans les bas-fonds, a passé l'homme à l'alambic, l'a concentré, brûlé, gâté. Avec du vin, elle a fait du trois-six.

HYPPOLYTE-ADOLPHE TAINE, Notes sur Paris, Vie et opinions de Monsieur Frédéric-Thomas Graindorge, 1867, page 44. 

·    Se mettre l'esprit/la cervelle à l'alambic : 

Ø 15.... craignant d'avoir blessé cet homme, il s'était mis l'esprit à l'alambic pour réparer sa gaffe, lui avait fait un galimatias qui avait toute l'apparence d'être des excuses, et enfin ne se tint pour lavé à son endroit que six ans plus tard, par le cadeau de première communion qu'il fit à son fils.

HENRI DE MONTHERLANT, Les Célibataires,  1934, page 803. 

Remarque : Confer aussi HENRI DE MONTHERLANT, Les Jeunes filles, 1936, page 1021. 

 

 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 109. 

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