ANESTHÉSIE, substantif féminin.

ANESTHÉSIE, substantif féminin. A.— MEDECINE. 1. Suspension momentanée de la sensibilité dans une partie ou dans l'ensemble du corps, provoquée en vue d'une intervention chirurgicale. Anesthésie générale, anesthésie locale, être sous anesthésie : Ø 1.... le souffle s'arrêtait, soit par ces mêmes changements d'octaves qu'il y a dans la respiration d'un dormeur, soit par une intermittence naturelle, un effet de l'anesthésie, le progrès de l'asphyxie, quelque défaillance du coeur. MARCEL PROUST, À la recherche du temps perdu, Le Côté de Guermantes 2, 1921, page 344. 2. Perte partielle ou totale de la sensibilité (au froid, à la chaleur, à la douleur, etc.) consécutive à une affection du système nerveux : Ø 2. En général, l'urémie produit une anesthésie croissante, une mort assez douce. ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, La Mort du père, 1929, page 1275. Ø 3.... Dupré notait que la fabulation mythomaniaque peut se traduire aussi bien en simulations organiques : maladies, anesthésies, paralysies, contractures, idiosyncrasies, amnésies qu'en mensonges oraux ou écrits. EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère, 1946, page 383. B.— Par analogie, au figuré. État d'indifférence allant de l'inertie à la quiétude et à l'oubli. Anesthésie affective, morale, religieuse : Ø 4. Cette théorie, qui se raccordait si bien à ma vue scientiste de l'univers, m'avait procuré une sorte d'anesthésie intellectuelle; une autre anesthésie, le surmenage des affaires et du travail; une anesthésie encore, la paisible atmosphère de ma vie de famille. PAUL BOURGET, Nos actes nous suivent, 1926, page 30. Ø 5. Mais non, je ne veux plus rien. Je lis encore et toujours; les lettres passent; à ma limite de charge, j'ai vaincu la nausée et atteint l'anesthésie. Je ne suis plus qu'un robot qui fut inspiré, une machine enregistreuse qui se déglingue, un automate aux ressorts fatigués, qui s'avachit... RAYMOND ABELLIO, Heureux les pacifiques, 1946, page 358. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 47. Forme dérivée du verbe "anesthésier" anesthésier ANESTHÉSIER, verbe transitif. A.— MÉDECINE. Provoquer l'état d'anesthésie. Synonyme familier : endormir : — Pronominal, rare. Faire effort sur soi-même pour se priver de sensibilité : Ø 1.... tout le temps que je me faisais prier (...) je suis arrivée à m'anesthésier. Complètement. Dieu sait pourtant que j'ai la peau sensible : je n'ai rien senti,... JEAN-PAUL SARTRE, La Nausée, 1938, page 189. B.— Par analogie, au figuré. Rendre indifférent, insensible quelqu'un; endormir (le désir, la pitié, etc.). Être anesthésié par le chagrin : Ø 2. Subitement étaient revenus à sa mémoire l'aventure de sa vocation, les paroles expertes du père Propiac, l'entraînement méthodique subi jadis en vue d'un veuvage perpétuel, et cette superstition de la chasteté restée, en quelque sorte, collée à sa conscience... En vérité, le mal était celui-là : son coeur avait été anesthésié, un miracle seul aurait pu l'éveiller! ÉDOUARD ESTAUNIÉ, L'Empreinte, 1896, page 217. Ø 3. La monotonie des demandes et des réponses, le rabâchage des matières d'interrogation a anesthésié leur sens critique, a noyé en eux [les examinateurs] l'état d'alerte. ALEXANDRE ARNOUX, Algorithme, 1948, page 79. — Pronominal. S'amoindrir, perdre de son acuité : Ø 4. Le miracle désiré s'accomplissait. Pour quelques minutes, le remords [d'Odette] s'anesthésiait. PAUL BOURGET, Un Drame dans le monde, 1921, page 123. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 6.