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apparaissait, bien entendu, comme le héros grandiose ou très malin.

Publié le 06/01/2014

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apparaissait, bien entendu, comme le héros grandiose ou très malin. Par exemple, il y avait cette histoire où, ma grand-mère s'étant retrouvée à court d'insuline, son mari ne s'était pas soucié d'en trouver, de façon ordinaire, dans une pharmacie ou un hôpital, mais avait appelé le consulat américain pour se faire transporter en vedette jusqu'à un navire de guerre ancré non loin de là et où il était sûr de trouver de l'insuline (Tu le connais, avait ajouté ma mère en me racontant une nouvelle fois l'histoire, récemment, il n'avait peur de personne). Ou celle dans laquelle il avait pris sous son aile les enfants d'un orphelinat, et se rendait à cet orphelinat à pied - aujourd'hui seulement, longtemps après que toute réponse est devenue impossible, je me demande, De qui étaient-ils les enfants ? -, il s'y rendait à pied et emmenait les enfants se promener dans le parc, et leur achetait des bonbons. L'orphelinat était son truc préféré, s'est rappelée ma mère, l'autre jour, quand je lui ai posé des questions sur le voyage de son père en Israël et sur d'autres choses. C'est pour ça que je leur envoie de l'argent. Beth David Zvi. Elle a gloussé, avant de continuer, Je me souviens qu'il m'avait dit : « Le jour où je passe l'arme à gauche, chaque yorsteyt, chaque fête, chaque yontef, envoie-leur un peu d'argent. Mais tu sais, ces Juifs, ils te prendraient tout ce que tu as ! Alors envoie-leur un peu seulement à chaque fois ! » Elle s'est tue un instant et elle a ajouté ensuite, inutilement, Alors c'est ce que j'ai fait. Mon grand-père est donc resté le même, pendant l'année qu'il a passée en Israël. Ce qui est étrange, compte tenu du fait que mon grand-père parlait beaucoup de son grand voyage en Israël et de son long séjour là-bas, c'est que j'ai su très peu de choses sur Itzhak quand j'étais enfant. Longtemps après que mon grand-père s'est jeté dans l'eau fraîche de la piscine du 1100 West Avenue, à Miami Beach, je me suis rendu compte que je n'avais pas la moindre idée de ce qu'avait été la personnalité d'Itzhak, quels drames avaient rempli sa vie, en dehors de celui d'avoir eu la prescience de quitter Bolechow, poussé par les convictions idéologiques de sa fervente épouse ; comme s'il avait suffi que nous sachions qu'il était Celui Qui Avait Été Assez Intelligent Pour Partir Juste A Temps. Sur Itzhak, je savais exactement deux choses précises. L'une d'elles, je l'ai apprise d'Elkana, son fils, quand je suis finalement allé en Israël : comme mon grand-père, Elkana m'a dit que son père utilisait en souriant une formule rigolote, un peu absurde, en guise de réponse à ses enfants (et, plus tard, à ses petits-enfants) qui lui demandaient de l'argent pour s'acheter une glace ou un bonbon : Qui vous croyez que je suis, grafpototski Je n'avais pas la moindre idée de ce que pouvait vouloir dire grafpototski quand mon grand-père faisait cette réponse à la sonorité ridicule à mes requêtes de quelques pièces, mais ça me paraissait drôle. Bien entendu, à l'époque où j'ai étudié l'allemand, des années plus tard, et que j'ai appris que Graf est le mot correspondant au titre nobiliaire de « comte », j'avais complètement oublié cette phrase absurde de mon grand-père. C'est donc une des choses que j'ai apprises au sujet d'Oncle Itzhak, longtemps après que lui et mon grand-père étaient morts. C'est de ma mère que j'ai obtenu l'autre vif éclairage de ce qu'avait pu être la personnalité d'Itzhak. Ma mère avait l'habitude de me dire que, comme son frère, mon grand-père, Oncle Itzhak avait un grand sens de l'humour. L'unique photo que j'ai de lui (à part la petite photo de lui prise dans les années 1920, portant deux tampons officiels apparemment, peut-être pour un passeport, photo sur laquelle il est mince et regarde un peu dans le vague et sur sa gauche, un peu rêveur, souriant pour lui-même, l'air préoccupé) montre un homme entre deux âges, replet, solide, et un air de bonne humeur permanent (je me dis maintenant : regarde quelle chance il a eue). Ma mère se souvenait d'avoir écrit régulièrement, quand elle était jeune fille, des lettres à cet oncle qu'elle n'avait jamais rencontré, et de recopier soigneusement l'adresse que lui avait donnée son père : itzhak yäger, telle rue à Kiryiat Hayim, israël.       Ma mère a ri en repensant à tout cela, récemment. Je me souviens, a-t-elle dit, qu'Oncle Itzhak me répondait, « Où est le respect ? Tu écris itzhak yäger sur l'enveloppe. Tu aurais dû écrire Monsieur itzhak yäger ! ! » Nous avons ri tous les deux - mais je pensais à ceci en vérité : le sujet de la plaisanterie, l'humour en question, dépendait d'une certaine idée de soi, à la fois impérieuse et hautaine, une idée de qui il était dans le monde. Ce qui est, comme nous le savons, quelque chose de très présent dans la famille de son père. C'était donc le premier voyage en Israël d'un membre de la famille. Il y a un certain nombre de photos de ce voyage : pas simplement celles que mon grand-père a prises au moment où ils montaient à bord sur le West Side Piers, à New York, les photos de ma mère et de sa mère, et des tantes et des oncles debout dans la salle de réception avant que la sirène retentisse, mais aussi les photos de mes grands-parents en Israël. Les voici à bord du paquebot, bras dessus bras dessous, par une journée ensoleillée au milieu de l'océan, une photo prise par un inconnu sur laquelle ma grand-mère, qui porte une robe d'été blanche, a l'air heureuse et même rayonnante de santé, ce qui n'était pourtant pas le cas ; une autre photo d'elle, avec la même robe, assise, l'air pensif, sur une chaise longue ; là, ils sont en Israël, posant devant des ruines gréco-romaines avec le très jeune Elkana, ou bien dans une calèche-taxi dans une rue ombragée par les palmiers de Tel-Aviv, je crois. Une de mes préférées montre ma grand-mère, ma Nana, sur une route de terre à côté d'un Bédouin assis sur un âne et tirant un chameau : au dos de la photo, mon grand-père a écrit 1957 en Israël, Grandma avec un chameau et un ARABE. J'adore cette photo parce que je pense souvent, maintenant, à la difficulté de la vie de ma grand-mère, avec son diabète (tous les jours, elle devait faire bouillir ces horribles aiguilles dans un shissl, se rappelait récemment ma mère, utilisant - curieusement, m'a-t-il semblé - le mot yiddish pour casserole, un mot que j'avais appris dans les conversations à propos de kasha et de golaki) et la cohabitation avec mon grand-père ; et lorsque je vois cette photo d'elle avec le chameau, je suis heureux à l'idée qu'elle ait connu cette petite aventure, elle qui avait eu une éducation misérable, elle qui avait été si pauvre, petite fille. Comme je l'ai dit, il y a eu une époque où je n'aimais personne comme j'aimais ma grand-mère, peut-être parce qu'elle ne racontait pas d'histoires, qu'elle était simplement chaleureuse et souriante, qu'elle était silencieuse et peu exigeante quand elle me laissait jouer avec ses boucles d'oreilles, quand nous étions assis sur les marches du perron ; et le fait qu'elle est morte depuis quarante ans ne me rend pas moins protecteur à son égard. Il y a encore une photo, une photo d'un petit groupe de gens qui se tiennent loin de l'objectif, peut-être sur un trottoir, une photo qu'il m'a fallu des années pour déchiffrer. C'était en partie parce qu'elle est un peu floue et que les visages sont difficiles à discerner, en partie à cause de l'angle étrange dans lequel elle a été prise : une curieuse ligne diagonale coupe le coin inférieur gauche de la photo. C'est récemment que j'ai compris que mon grand-père avait pris cette photo le jour où il a quitté Israël, en fait au moment même où il est monté sur la passerelle du navire qui le ramenait chez lui, lui et ma grand-mère, après leur année passée en Israël ; c'était, je l'ai vu, la rambarde de la passerelle qui coupait le coin gauche de la photo. C'est seulement après avoir compris ce qu'était cette barre oblique que j'ai pu voir que le petit groupe qui se trouvait en bas était Oncle Itzhak et sa famille, attendant sur le quai le départ de mes grandsparents     Il faudrait près de vingt ans avant que quiconque dans ma famille rende visite aux cousins israéliens, et encore trente ans de plus exactement, avant que je m'y rende moi-même, même si, comme je l'ai dit, ce qui m'intéressait n'était pas Israël mais Bolechow pendant ces vingt années, pourtant, Israël s'est fait sentir. De temps en temps, alors que ces années passaient, nous recevions des visites des Israéliens à la maison, des gens qui, pour mon jeune esprit étaient d'un exotisme intéressant et, pour cette raison essentielle, dignes de mon attention. Il y avait, par exemple, cette femme, un peu plus jeune que mes parents, du nom de Yona - un autre de ces noms israéliens mystérieusement brefs, réduits à deux syllabes, qui me donnaient l'impression, à l'époque, de représenter une qualité essentielle d'Israël : dépouillé, bref, nécessairement pratique, impatient avec une ornementation sentimentale. Cette Yona faisait de temps en temps son apparition, seule, chez nous, mais le plus souvent elle arrivait avec mon grand-père, qui avait été brièvement, vers le milieu des années 1960, «entre deux épouses», comme j'avais entendu quelqu'un le dire, avant de savoir ce que cela signifiait réellement - l'esprit des enfants étant tout à fait littéral, j'avais imaginé mon grand-père compressé entre Nana morte et une autre femme quelconque - et de pouvoir comprendre le dédain sous-jacent dans ce commentaire. C'était cette remarque entendue qui m'avait peut-être poussé à me demander, devant ma mère qui faisait chauffer une poêle remplie des petits pois minuscules qui étaient les seuls que mangeait mon grand-père, si Yona allait épouser Grandpa. Yona ! avait dit ma mère en riant et en secouant la tête. Mais non, idiot, Yona est notre cousine ! Comme ma mère est fille unique, je savais déjà à ce moment-là que lorsqu'elle parlait de

«     Ma mère ari en repensant àtout cela, récemment.

Jeme souviens, a-t-elledit,qu'Oncle Itzhak me répondait, « Oùestle respect ? Tu écris itzhak yäger surl'enveloppe.

Tuaurais dûécrire Monsieur itzhak yäger ! ! » Nous avons ritous lesdeux – mais jepensais àceci envérité :le sujet delaplaisanterie, l'humour enquestion, dépendait d'unecertaine idéedesoi, àla fois impérieuse ethautaine, une idée dequi ilétait dans lemonde. Ce qui est, comme nouslesavons, quelque chosedetrès présent danslafamille deson père.

C 'était donclepremier voyageenIsraël d'unmembre delafamille.

Ilya un certain nombre de photos decevoyage :pas simplement cellesquemon grand-père aprises aumoment oùils montaient àbord surle West SidePiers, à New York, lesphotos dema mère etde samère, et des tantes etdes oncles debout danslasalle deréception avantquelasirène retentisse, mais aussi lesphotos demes grands-parents enIsraël.

Lesvoici àbord dupaquebot, brasdessus bras dessous, parune journée ensoleillée aumilieu del'océan, unephoto priseparuninconnu sur laquelle magrand-mère, quiporte unerobe d'été blanche, al'air heureuse etmême rayonnante desanté, cequi n'était pourtant paslecas ;une autre photo d'elle, aveclamême robe, assise, l'airpensif, surune chaise longue ;là, ilssont enIsraël, posant devant desruines gréco-romaines avecletrès jeune Elkana, oubien dans unecalèche-taxi dansunerue ombragée parlespalmiers deTel-Aviv, jecrois.

Unedemes préférées montremagrand-mère, ma Nana, surune route deterre àcôté d'un Bédouin assissurunâne ettirant unchameau :au dos delaphoto, mongrand-père aécrit 1957 enIsraël, Grandma avecunchameau etun ARABE.

J'adore cettephoto parcequejepense souvent, maintenant, àla difficulté delavie de ma grand-mère, avecsondiabète (tous lesjours, elledevait fairebouillir ceshorribles aiguilles dans un shissl, serappelait récemment mamère, utilisant – curieusement, m'a-t-ilsemblé – le mot yiddish pourcasserole, unmot quej'avais appris danslesconversations àpropos de kasha et de golaki) et lacohabitation avecmon grand-père ;et lorsque jevois cette photo d'elleavec le chameau, jesuis heureux àl'idée qu'elle aitconnu cettepetite aventure, ellequiavait euune éducation misérable, ellequiavait étésipauvre, petitefille.Comme jel'ai dit, ilya eu une époque oùjen'aimais personne commej'aimais magrand-mère, peut-êtreparcequ'elle ne racontait pasd'histoires, qu'elleétaitsimplement chaleureuse etsouriante, qu'elleétait silencieuse etpeu exigeante quandellemelaissait joueravecsesboucles d'oreilles, quandnous étions assissurlesmarches duperron ;et lefait qu'elle estmorte depuis quarante ansneme rend pasmoins protecteur àson égard. Il ya encore unephoto, unephoto d'unpetit groupe degens quisetiennent loindel'objectif,. »

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