ARGUTIE, substantif féminin.

ARGUTIE, substantif féminin.  

A.—  Rare.  Raisonnement ingénieux, subtil : 

Ø 1. Tortillé et précieux, doctoral et complexe, Hello, par les pénétrantes arguties de son analyse, rappelait à Des Esseintes les études fouillées et pointues de quelques-uns des psychologues incrédules du précédent et du présent siècle.

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, À rebours,  1884, page 205. 

SYNTAXE : Arguties des docteurs; arguties logiques. 

B.—  Péjoratif (souvent au pluriel).  Subtilité excessive d'argumentation dont on use pour pallier la faiblesse, le vide ou la fausseté de la pensée : 

Ø 2. Je me croyais un grand observateur parce que je réfléchissais beaucoup. Les arguties de mes analyses m'en cachaient la fausseté.

PAUL BOURGET, Le Disciple,  1889, page 203. 

SYNTAXE : Se perdre en arguties, être rompu aux arguties; tourner, s'enfoncer dans les arguties, être noyé dans l'argutie; se rendre coupable d'argutie. 

—  En particulier. 

1. Argumentation spécieuse pour abuser d'autrui. Arguties de mauvaise foi, de mauvaise volonté; insipides, vaines arguties : 

Ø 3. —  Mais enfin, monsieur le marquis, reprit Hafner avec une visible souffrance, tant les arguties et la mauvaise volonté du gentilhomme irritaient en lui le sens de l'arrangement pratique et facile, où voulez-vous en venir?

PAUL BOURGET, Cosmopolis,  1893, page 262. 

Ø 4. Aucune argutie ne pouvait, en effet, dissimuler aux officiers et aux soldats qui prenaient position sur la « dorsale » de Tunisie qu'ils faisaient, à présent, exactement la même chose que leurs camarades engagés en Libye et au Fezzan.

CHARLES DE GAULLE, Mémoires de guerre,  1956, page 58. 

2. Subtilité de pure forme, marquant le vide de la pensée. Arguties de mots : 

Ø 5. Une action indigente ou forcée, des personnages abstraits comme des arguments de rhétorique, ou insipides comme une conversation de femmes du monde. Une caricature des sujets et des héros antiques. Un étalage de raison, de raisons, d'arguties, de psychologie, d'archéologie démodée. Des discours, des discours, des discours : l'éternel bavardage français.

ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, La Foire sur la place, 1908, page 715. 

—   Locution. Trêve d'arguties! Expression de l'impatience plus ou moins irritée, mettant un terme aux subtilités d'autrui ou de soi-même. 

Remarque : On rencontre dans la documentation 2 néologisme d'auteur a) Argutial, ale, aux, adjectif (1885, Laforgue, Les Complaintes, page 198; suffixe -al). Ambigu, subtil. b) Argutier, verbe transitif (1863, Edmond et Jules de Goncourt, Journal, page 1257; désinence -er). Raisonner avec une subtilité exagérée, raisonner sur des riens. Il gronde, il gronde, il argutie (Edmond et Jules de Goncourt, Journal, 1869, page 500). \" Zola demande un exemple d'homme spirituel. Daudet lui cite Rochefort : \" Merci! vous l'avez entendu, c'est lui qui a dit l'autre jour que Toché était un journaliste de talent! —  Voyons, lui disons-nous, ça, c'est une faute de jugement, ça n'a rien à voir avec l'esprit! \" Et après une conversation où il argutie sur l'esprit parlé, sur l'esprit écrit, il finit par dire : \" Non, l'esprit, je ne sais pas ce que c'est : je cherche et je ne trouve pas... (...) \". \" (Edmond et Jules de Goncourt, Journal, 1881, page 102). 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : Argutie. 44. Argutiales. 1.