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aux Arabes, autant dire au pire.

Publié le 06/01/2014

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aux Arabes, autant dire au pire. Seulement, la religion qui pousse aux viie et viiie siècles les nouveaux conquérants n'a rien à voir avec l'idée que l'on peut s'en faire aujourd'hui. Leur foi est celle de la jeunesse, leur religion vient d'être révélée, elle est toute d'enthousiasme. Elle accouche bientôt d'une des civilisations les plus brillantes que l'humanité ait connues, une civilisation de conquérants et de soldats, mais aussi de poètes et de savants, d'érudits et d'artistes extraordinaires. Bagdad vers l'an 900 sera considérée par tous ceux qui la visitent comme la plus belle ville du monde. Elle en est d'ailleurs la plus peuplée. Et bientôt elle sera concurrencée sur tous les plans par Cordoue, la perle d'Al Andalus, l'Espagne musulmane. Il ne s'agit pas de tomber dans les excès d'admiration pour cette Andalousie des califes des historiens romantiques : par détestation du catholicisme, ils finirent par en faire un paradis absolu. Elle ne mérite sans doute pas tant d'honneur. Au cours des huit siècles qu'elle dura, elle connut comme toute civilisation son lot de dynasties obscurantistes, de crispations puritaines, mais aussi, c'est indéniable, inventa un raffinement, un art de vivre, une tolérance religieuse qui contrastent avec la noirceur du haut Moyen Âge occidental. En ayant donc recadré les choses, osons nous le demander à nouveau : si les Arabes avaient gagné à Poitiers, et si, contre toute attente, ils avaient décidé d'étendre leur empire à la Gaule, celle-ci aurait-elle vraiment perdu au change ? Il est certain qu'aujourd'hui encore cette question apparaîtra sacrilège à beaucoup. Curieusement, elle n'est pas si neuve. On enseignait même pareil blasphème dans les classes primaires il n'y a pas si longtemps. Ainsi ce commentaire, suivant la présentation de la bataille de Poitiers, que je retrouve dans un livre de classe de l'entre-deux-guerres3 : « Si les Arabes avaient été les plus forts [...] ils auraient rendu la France plus belle et plus riche. Ils auraient bâti de grandes villes et de superbes maisons [...]. En effet, les Arabes n'étaient pas des Barbares. Ils étaient plus civilisés que les Francs d'alors. » Il est vrai que le manuel date de la période coloniale. Le raisonnement servait surtout à être inversé : maintenant c'est nous, les Français, qui sommes « plus civilisés », aussi, chers petits Arabes, laissez-vous coloniser, et vous verrez comme vos pays seront beaux. Glissons donc sur ce qui peut n'apparaître que comme une des ruses de la propagande impériale. N'oublions pas quelques faits. La conquête arabe fut souvent combattue. Dans de nombreux endroits, en Afrique du Nord par exemple, elle buta longtemps sur l'opposition obstinée de peuples refusant de se soumettre. Mais dans d'autres pays, les cavaliers à turban furent accueillis comme des libérateurs, du moins par certaines parties de la population. Les Juifs d'Espagne, qui avaient été atrocement persécutés par les rois wisigoths, firent ce qui était en leur pouvoir pour aider à la victoire d'une religion qui leur promettait la protection et la tolérance. Cent ans avant Poitiers, lorsque les Arabes mirent la main sur le Proche ou le Moyen-Orient (l'Irak, la Syrie, la Palestine), de nombreux chrétiens firent de même, en particulier ceux qui avaient été décrétés hérétiques lors des innombrables querelles théologiques qui avaient ensanglanté les débuts du christianisme. Partout, les premiers siècles de domination musulmane furent des temps d'expansion intellectuelle et de prospérité. Comment en serait-il allé en Gaule ? Aurait-on vu à Toulouse, à Bordeaux, de riches émirs se faire construire des palais aussi beaux que celui de l'Alhambra, à Grenade ? Les mosquées de Provence seraient-elles aujourd'hui encore aussi célèbres que celle de Cordoue ? Peut-être les musulmans auraient-ils réussi peu à peu à concrétiser leur nouveau rêve, recréer autour de la Méditerranée l'Empire romain, unifié, paisible ? Et peut-être les peuples n'en auraient pas été plus malheureux ? Chrétiens d'Orient, musulmans d'Europe Comment le savoir ? L'esprit a du mal à concevoir pareilles images à cause de cette troisième idée dont il serait bon, enfin, de se débarrasser aussi : celle d'une Europe qui serait chrétienne de toute éternité, destinée depuis la nuit des temps à faire face à un monde voué tout aussi éternellement à être autre, l'Afrique du Nord, l'Orient. Il ne s'agit pas de nier les réalités historiques : tout notre continent se vivra pendant des siècles comme « la chrétienté », de la même manière que l'Égypte ou le Maghreb se vivront, et se vivent toujours d'ailleurs, comme des « terres d'islam ». Pour autant, contrairement à ce qu'on pense sans réfléchir, tout cela n'a aucun fondement ni religieux ni éternel. Je n'écris pas cela en étant mû par un quelconque sentiment antireligieux, bien au contraire. À mon sens, la qualité la plus noble des deux grands monothéismes dont nous parlons est de transcender les frontières, les ethnies, les patries, et de poser que la croyance est liée à une foi ou à une pratique, pas à une terre. Il a existé pendant des siècles un islam profondément européen : celui de l'Espagne musulmane, dont on vient de parler. Un autre a pris sa place plus à l'est dès le xvie siècle et il existe toujours : celui de Bosnie, d'Albanie, legs de l'Empire ottoman dans les Balkans. Un nouvel islam d'Europe est en train de naître, grâce aux nombreux musulmans qui le font vivre aujourd'hui. Par ailleurs, contrairement à ce que veulent nous faire croire quelques islamistes bas du turban, il existe toujours un christianisme oriental essentiel et fervent, au Liban, en Égypte, en Syrie, en Irak, il est l'héritier le plus direct des premiers siècles de cette religion. Tous les grands conciles où furent définis les fondements de la foi chrétienne - Éphèse, Chalcédoine ou Nicée - se tinrent dans ce qui est aujourd'hui la Turquie. Et les Pères de l'Église s'appellent Athanase d'Alexandrie ou saint Augustin, un Berbère. Le christianisme est tout bonnement une religion orientale, exactement comme l'est l'islam, et la géographie qui est devenue la leur ne tient qu'aux hasards de l'histoire. Mais non, écoutez une certaine droite identitaire parler de nos « vieilles terres chrétiennes », écoutez les nationalistes que le nom de Charles Martel fait vibrer encore. Pour eux, Jésus-Christ est aussi français que le roquefort ou le général de Gaulle. Ils oublient juste que si ce malheureux arrivait aujourd'hui de sa Palestine natale avec ses pratiques bizarres et son dieu étonnant, ils appelleraient la police pour le faire reconduire à la frontière. 1 Larousse, nouvelle édition, 2008. 2 Albin Michel, 2006. 3 Petite histoire du peuple français, par Henri Pomot et Henri Besseige, PUF, 1932. 5 Charlemagne Nouvel empereur des Romains Pépin est petit, c'est pour cette raison qu'on l'appelle le Bref. Son ambition est grande. Il saute donc le pas que son père Charles Martel n'avait pas su ou voulu franchir. Il chasse du trône l'obscur Chilpéric III, le dernier Mérovingien de l'histoire, et l'envoie finir ses jours dans un froid monastère du Nord, à Saint-Bertin, près de Saint-Omer, après l'avoir fait tondre - c'est là la marque de sa déchéance. Quand j'étais enfant, dans tous les manuels d'histoire, on avait encore droit à une illustration saisissante de cette scène - le petit Mérovingien terrifié ployant le cou sous les ciseaux d'un coiffeur aux airs de bourreau devant un Pépin exultant et terrible - et d'innombrables peintres pompiers l'ont représentée, preuve que le pouvoir symbolique que l'on accorde à ces histoires de cheveux a continué de fasciner bien après la disparition de ces lointains Barbares. Repères - 742 (?) : naissance de Charlemagne - 772-804 : guerre pour soumettre les Saxons - 774 : conquête de l'Italie du Nord, Charles roi des Lombards - 778 : soumission de la Bavière ; bataille de Roncevaux - 796 : victoire contre les Avars - 800 : Charlemagne sacré à Rome « empereur des Romains » par le pape Comme le font tous ceux qui usurpent un pouvoir, le nouveau roi a une obsession : asseoir la dynastie naissante sur le trône grâce à une légitimité incontestable. Les grands, le clergé, les guerriers l'ont acclamé, comme le voulait la tradition franque. Il lui faut mieux. Plus exactement, il lui faut viser plus haut. Il décide de se faire « sacrer » roi. La pratique est alors inconnue. Contrairement à une erreur que l'on commet souvent, Clovis, par exemple, a été désigné comme chef par ses guerriers puis, dans la cathédrale de Reims, il a été baptisé. Il n'a jamais été sacré. Pépin emprunte cette coutume aux rois wisigoths d'Espagne, qui eux-mêmes l'avaient copiée des rois hébreux de la Bible. Au cours d'une cérémonie, l'évêque touche diverses parties du corps du souverain agenouillé avec une huile bénite (le saint chrême) et cette onction est le signe que le roi a été choisi par Dieu lui-même. On peut difficilement trouver meilleur parrainage. Il faut croire que Pépin était un homme d'une grande prudence. En 754, à Saint-Denis, il se fait sacrer une deuxième fois, et ses deux fils avec lui, par le pape en personne, trop content d'appuyer le seul puissant d'Europe qui l'aidera à combattre les Lombards qui règnent sur le Nord de l'Italie et le menacent. Le saint homme sera dignement remercié : après une campagne contre ses ennemis, Pépin fait cadeau au trône de saint Pierre de territoires de l'Italie centrale qui deviendront les États pontificaux. Ils le resteront jusqu'en 1870 : un cadeau qui dure plus de mille ans, c'est assez rare en histoire pour qu'on le souligne. À sa mort en 768, le Franc laisse un royaume considérablement agrandi par de nombreuses conquêtes, et deux fils qui, selon l'éternelle malédiction des héritages de ces temps instables, peuvent commencer à se le disputer. L'un des deux, Carloman, meurt opportunément trois ans plus tard. Son frère Charles a toute la place pour se tailler un destin. C'est lui le personnage le plus prestigieux de la lignée, lui qui donne son nom à la dynastie : les Carolingiens. Il est aussi grand que son père était court de taille. En latin, on l'appelle Carolus Magnus. En français, cela donne Charlemagne.

« exactement commel’estl’islam, etlagéographie quiestdevenue laleur netient qu’aux hasards del’histoire.

Mais non, écoutez unecertaine droiteidentitaire parlerdenos « vieilles terreschrétiennes », écoutezlesnationalistes que lenom deCharles Martelfaitvibrer encore.

Poureux,Jésus-Christ estaussi français queleroquefort oule général deGaulle.

Ilsoublient justequesice malheureux arrivaitaujourd’hui desaPalestine nataleavecses pratiques bizarresetson dieu étonnant, ilsappelleraient lapolice pourlefaire reconduire àla frontière.

1 Larousse, nouvelleédition,2008.

2 Albin Michel, 2006.

3 Petite histoire dupeuple français , par Henri Pomot etHenri Besseige, PUF,1932.. »

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