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L'islam et son expansion par Maxime Rodinson Directeur d'études à l'École Pratique des Hautes Etudes (Sorbonne) Les Arabes et l'origine de l'Islam L'expansion musulmane est un des phénomènes les plus importants de l'histoire mondiale.

Publié le 05/04/2015

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histoire
L'islam et son expansion par Maxime Rodinson Directeur d'études à l'École Pratique des Hautes Etudes (Sorbonne) Les Arabes et l'origine de l'Islam L'expansion musulmane est un des phénomènes les plus importants de l'histoire mondiale. Bien peu d'événements ont eu une telle portée. Les contemporains qui purent en avoir une vision un tant soit peu globale en furent frappés de stupeur. Encore de nos jours, son mécanisme, ses causes, ses conséquences multiples font l'objet de débats qui n'atteignent qu'un public savant et limité et l'étonnement prévaut encore chez tous ceux qui entrevoient l'événement sans avoir le loisir de l'étudier de près. Une chevauchée immense, folle, sans plan et sans but, toujours plus loin vers l'horizon jusqu'à buter contre l'obstacle de la nature ou de trop fortes armées, telle est la vision des choses qu'eurent sans doute beaucoup des participants à la première vague de conquêtes et beaucoup de ceux qui la subirent. C'est la vision romantique qui, dans notre mémoire, a subsisté de nos lectures enfantines. Tous les historiens musulmans répètent avec délectation le mot historique - sans doute faux comme tous les mots historiques, mais non moins significatif - qu'aurait prononcé le conquérant du Maghreb, 'Oqba ibn Nâfi, en atteignant l'Atlantique vers le Sud du Maroc autour de l'an 681 : " Lorsqu'il parvint à l'Océan, il poussa son cheval dans les flots jusqu'à ce que l'eau atteignit son poitrail. Et il dit : Mon Dieu, je te prends à témoin qu'on ne peut aller plus loin et que si j'avais trouvé un chemin pour avancer, je l'eus pris. " Cette allure de chevauchée fantastique a sa part de réalité. Mais il faut aller audelà pour comprendre l'événement. Le monde a vu, à maintes reprises, depuis les temps les plus reculés, de ces avancées foudroyantes de peuples dotés de moyens militaires supérieurs (souvent avant l'époque moderne des nomades montés), détruisant devant eux des États de sédentaires qu'affaiblissaient les discordes internes ou qu'une longue paix avait désaccoutumés des vertus guerrières. Ainsi se formèrent des Empires dont le dernier fut l'impressionnant, l'immense Empire mongol au XIIIe siècle. Mais la création, en quelques décennies, du non moins immense Empire arabe fut aussi autre chose. C'était un empire idéologique fondé par des conquérants, conquis euxmêmes, peu d'années auparavant, par une foi. Ils s'emparaient du monde en accomplissant les desseins de Dieu, comme ils disaient, " sur le chemin d'Allah ", fî sabîl Allâh. Les conquérants n'étaient pas seulement arabes, ils étaient musulmans. Au milieu d'eux, vers l'an 610 de l'ère chrétienne, était paru un prophète, Mohammad que nous appelons Mahomet, issu d'une ville commerçante isolée dans le désert, Mekka, que nous appelons La Mecque. Cette ville était habitée par une tribu, les Qoraysh, qui vivait du grand trafic caravanier et d'un sanctuaire, centre de pèlerinage lié à ce trafic. Mohammad avait reçu des révélations divines que ses amis enregistraient et qui devaient plus tard former un livre, le Coran. Sa nation, les Arabes, devait reconnaître un Dieu toutpuissant qui avait créé le Ciel et la Terre, qui était infiniment juste et généreux, qui faisait naître et périr, qui ressuscitait les morts pour les récompenser ou les punir. Ce Dieu suprême - Allah en arabe - était connu des juifs et des chrétiens grâce aux prophètes qu'il leur avait déjà envoyés, en tout premier lieu Moïse et jésus. Il voulait que maintenant les Arabes aussi connaissent et accomplissent sa volonté. Mal accueilli par ses concitoyens, les membres de la tribu de Qoraysh dont il était, Mohammad trouva refuge avec un petit nombre de ses fidèles en 622 (l'an de l'" hégire ", en arabe hijra ou émigration) à Médine, une oasis, dont les habitants le prirent pour arbitre. Les circonstances l'amenèrent à y y constituer an État d'abord minuscule doté de troupes, d'un trésor et d'une foi qu'on appela bientôt l'Islam, la soumission à Allah. Étonné de l'accueil des juifs de Médine qui ne reconnaissaient pas leur révélation dans son message et en contestaient donc la validité, il fut poussé à arabiser de plus en plus ses conceptions, à reconnaître au temple même de cette Mekka qui l'avait chassé une valeur sacrale dans le plan de Dieu. Il la reconquit d'ailleurs par un mélange d'opérations militaires et de diplomatie habile. Il gagna à lui peu à peu presque toutes les tribus du désert arabe, à moitié convaincues, à moitié séduites par le système ordonné de paix interne qu'il instaurait. Quand il mourut, en 632, toute l'Arabie ou presque le regardait comme son chef spirituel et temporel. Cela ne s'était jamais vu. L'Arabie était un monde en marge de l'univers qui se considérait et qu'on considérait comme " civilisé ". Les Arabes d'Arabie étaient pour la plupart des nomades, éleveurs de chameaux, divisés en de multiples unités, tribus ou clans, parfaitement indépendantes l'une à l'égard de l'autre. Leur niveau de culture matérielle était fort bas, mais ils aimaient l'art de la parole et notamment la poésie. Ils adoraient de nombreuses divinités qui n'étaient pas dotées d'une puissance excessive et, pour eux, la mort était bien le terme définitif des rares biens et des nombreux maux apportés par le Destin. Mais beaucoup étaient déjà séduits par les idées monothéistes émanant du monde " civilisé " qui les entourait et les écrasait de son prestige. Parmi ces nomades - les Bédouins - on trouvait aussi quelques agriculteurs dans certains cantons favorisés par la nature et un grand nombre, relativement, gagnaient leur subsistance par le commerce caravanier à longue distance. Les colonies d'agriculteurs juifs étaient nombreuses au Hedjaz. C'est tout ce milieu qui avait formé Mohammad et ses idées. Le Sud de la péninsule, montagneux, arrosé par les moussons, cultivé, appartenait à un monde différent, pourvu de cités policées, organisé en royaumes, vivant dans le luxe grâce à la culture des aromates et au trafic de transit entre l'Inde, l'Afrique orientale et le monde méditerranéen. Les SudArabiques parlaient une langue différente, quoique parente, de l'arabe. Ils devaient se reconnaître pourtant une certaine parenté avec les Arabes. Mais leur civilisation était, au VIe siècle en décadence. Ils avaient été conquis depuis un siècle par les Éthiopiens, puis par les Perses. La plupart s'étaient faits juifs ou chrétiens et le judaïsmes y avait été religion d'État pendant un temps plus ou moins long. Les Arabes bédouins pénétraient l'Arabie du Sud, s'y établissaient, l'arabisaient. Les frontières de l'Arabie étaient dominées par deux puissances, les " deux grands " pour toute cette région du globe : l'Empire romain byzantin de religion chrétienne et l'Empire perse sassanide dont la...
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