BONNET, substantif masculin.

BONNET, substantif masculin. A.— Coiffure d'homme ou de femme en matière souple et sans bord ni visière : Ø 1. Il vaut mieux épouser un brave garçon, et continuer à porter des bonnets, qu'avoir des plumes à son chapeau comme font beaucoup de jeunes filles qui se laissent entortiller par un tas de petits serins... PIERRE-ALEXIS, VICOMTE PONSON DU TERRAIL, Rocambole, les drames de Paris, tome 1, L'Héritage mystérieux, 1859, page 121. SYNTAXE : Bonnet grec; bonnet de soie, de dentelle, de fourrure; ôter, tirer, toucher son bonnet (pour saluer). — Spécialement. Bonnet de bain. Bonnet de caoutchouc destiné à éviter aux cheveux le contact de l'eau. Bonnet à poil. Haute toque de certaines troupes : Ø 2. Le bonnet à poil, noir, ensanglanté d'un plumet pourpre, aggravait la figure jeune des hommes coupée par la jugulaire massive en cuivre fourbi. Les soldats rouges marchaient raides, grandis par la masse sombre de leur coiffure en poil de bête. PIERRE HAMP, Vin de Champagne, 1909, page 210. — Par extension. Bonnet de cheval. Enveloppe dont on couvre la tête des chevaux. Bonnet à oeillères. Remarque : Attesté dans Dictionnaire de l'Académie Française 1932 et DICTIONNAIRE ALPHABÉTIQUE ET ANALOGIQUE DE LA LANGUE FRANÇAISE (PAUL ROBERT. · Par métaphore. Une montagne violette coiffée d'un gros bonnet de nuages blancs (JULIEN GREEN, Journal, 1948, page 185 ). 1. En particulier. — Vieilli. Bonnet de police. Calot Biquet nous rejoint, en petite tenue : veste et bonnet de police (HENRI BARBUSSE, Le Feu, 1916, page 93 ). Bonnet carré. Barrette des ecclésiastiques; toque des professeurs, des juges... Donner, prendre, recevoir le bonnet (carré). Être reçu docteur (Confer aussi infra C, botanique, mines [et carrières] , vénerie) : Ø 3.... ce mélange confus de robes violettes, rouges, blanches, noires, bigarrées, de têtes à tonsure, à cheveux courts ou rasés, à chapeaux rouges, à bonnets carrés, à mitres pointues, même à longues barbes, est l'étendard du pontife de Rome,... CONSTANTIN-FRANÇOIS CHASSBOEUF, COMTE DE VOLNEY, Les Ruines ou Méditations sur les révolutions des empires, 1791, page 150. · Par métaphore : Ø 4.... quant au clocher du grand Givet, il est d'une architecture plus compliquée et plus savante. Voici évidemment comment l'inventeur l'a composé. Le brave architecte a pris un bonnet carré de prêtre ou d'avocat. Sur ce bonnet carré il a échafaudé un saladier renversé; sur le fond de ce saladier devenu plate-forme il a posé un sucrier;... VICTOR HUGO, Le Rhin, 1842, page 48. · Par métonymie : Ø 5. Le conseiller l'examinait avec stupéfaction. C'était un pur bonnet carré, tout droit canon et tout hermine, et qui, dans l'exercice de ses fonctions, passait pour aussi tranchant qu'un canif ouvert de toutes ses lames. ALPHONSE DE CHATEAUBRIANT, Monsieur des Lourdines, 1911, page 88. — Par extension. · Bonnet de nuit ou, vieux, bonnet de coton. Coiffure que l'on porte pour dormir. Expression familière. Être triste (ou gai par antiphrase) comme un bonnet de nuit (sans coiffe); être un bonnet de nuit (confer aussi infra C, jeux) : Ø 6.... j'emportai, autant qu'il m'en souvienne, deux ou trois chemises de nuit, un gilet de laine, ou peut-être de coton, et une demi-douzaine de bonnets de nuit, de ces bonnets de nuit, vraiment hideux, qu'on nommait casques à mèche, couvre-chefs emblématiques du bourgeois tranquille. ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, La Vie en fleur, 1922, page 303. · Littéraire. Bonnet de fer. Casque. Tu mis sur est cheveux le dur bonnet de fer (THÉODORE DE BANVILLE, Les Exilés, 1874, page 136 ). 2. Spécialement. — Vieux. Bonnet à grelots, à sonnettes. Coiffure des fous. Bonnet vert. Coiffure des banqueroutiers. Prendre, porter le bonnet vert. Faire faillite, être en faillite; coiffure des condamnés au bagne. On introduisit Chenildieu, forçat à vie, comme l'indiquaient sa casaque rouge et son bonnet vert (VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 1, 1862, page 334 ). — Bonnet d'âne*. · Par métonymie : Ø 7. Et ces deux grands docteurs et ces deux bonnets d'ânes... CHARLES PÉGUY, Ève, 1913, page 825. — Bonnet phrygien, bonnet rouge. Coiffure des révolutionnaires, en particulier de la Révolution française de 1789. Synonymes : vieilli, littéraire bonnet de la liberté. · Par métaphore. [Par analogie de forme et de couleur] : Ø 8. Droite sous son bonnet phrygien, l'oeil vif, le jabot avantageux, elle [la poule] écoute de l'une et de l'autre oreille. JULES RENARD, Histoires naturelles, 1896, page 14. [Par référence au symbole révolutionnaire] : Ø 9.... sur l'Académie, aïeule et douairière, Cachant sous ses jupons les tropes effarés, Et sur les bataillons d'alexandrins carrés, Je fis souffler un vent révolutionnaire. Je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire. Plus de mot sénateur! Plus de mot roturier! VICTOR HUGO, Les Contemplations, tome 1, 1856, page 51. · Par métonymie. Un bonnet rouge. Un révolutionnaire. Par opposition. Le bonnet de coton. L'aristocratie, les royalistes dont la couleur est le blanc : Ø 10.... l'aristocratie eut les fureurs de la crapule, et le bonnet de coton ne se montra pas moins hideux que le bonnet rouge. GUSTAVE FLAUBERT, L'Éducation sentimentale, tome 2, 1869, page 173. B.— Emplois métaphoriques ou figurés. 1. Familier, courant. Un gros bonnet. Un personnage important : Ø 11. M. de Pressensé est le président de la Ligue des Droits de l'Homme ou enfin il est le président du Comité Central ou enfin il est le gros bonnet et le plus gros personnage de la Ligue des Droits de l'Homme. Non seulement cela, mais il est essentiellement la Ligue des Droits de l'Homme. Il en est la tête, il en est la moelle, il en est le noyau, il en est le mage, il en est le corps et tout le volume. CHARLES PÉGUY, L'Argent, 1913, page 1235. Ø 12.... ils [Angélo et ses compagnons] entendirent des bruits de roues : c'était une berline qui arrivait au pas; quatre lanciers l'escortaient... Le cocher conduisait comme s'il était en train de porter le Saint-Sacrement. — On doit trimbaler un bonnet fameusement gros. Les lanciers cependant n'avaient pas l'air d'être « en service d'huiles ». JEAN GIONO, Le Bonheur fou, 1957, page 373. Remarque : LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, tome 1, 1823, page 952 : gros bonnets pour les grenadiers de l'Empire (confer A, exemple 2). 2. Locutions proverbiales. · Vieilli. Avoir mis son bonnet de travers. Être de mauvaise humeur. Parler à son bonnet. Se parler à soi-même. Remarque : Écrire pour son bonnet de nuit (confer SAINTE-BEUVE, Nouveaux lundis, tome 3, 1863-69, page 110). Ne dire quelque chose qu'à son bonnet (confer ALAIN, Propos, 1931, page 1052). Ne pas parler de quelque chose à son bonnet de nuit, ne pas dire quelque chose à son bonnet de police (confer E. AUGIER, Maître Guérin, 1865, V, page 215 et BALZAC, Les Paysans, 1844, page 166). · Prendre quelque chose chose sous son bonnet. (Vieilli). Imaginer quelque chose qui n'a aucun fondement. Prendre quelque chose chose sous son bonnet. (Moderne). Agir de sa propre initiative; prendre quelque chose sous sa responsabilité. Prendre quelqu'un sous son bonnet. Accueillir, protéger quelqu'un. C'est bonnet blanc (et) blanc bonnet, blanc bonnet (et) bonnet blanc. Confer blanc. (Ce sont) deux, trois (...) têtes dans, sous un bonnet, le même bonnet. (Ce sont) deux, trois (...) personnes toujours du même avis : Ø 13. Vous allez créer ici les diversions les plus heureuses : à force de vivre tous la tête sous le même bonnet, nous finissions par ne plus y voir clair... FRANÇOIS MAURIAC, Asmodée, 1938, III, 10, page 130. · Avoir la tête près du bonnet. Être prompt à s'emporter. Il a la plume un peu trop près du bonnet (ANDRÉ GIDE, Journal, 1910, page 326 ). Jeter son bonnet par-dessus les moulins (les toits). Ne pas tenir compte des convenances, de l'opinion publique. Opiner du bonnet, ou, plus rare, approuver du bonnet. Adhérer à l'avis de quelqu'un sans donner ses raisons : Ø 14. Taschereau était un amphitryon insupportable et mon Hase approuvait du bonnet et de la parole toutes les brutalités de l'autre,... EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal, 1885, page 434. 3. Locution familière ou argotique. a) Casser le bonnet à quelqu'un. Importuner quelqu'un (Confer Henri Barbusse, Le Feu, 1916, page 214). b) Se casser le bonnet. S'inquiéter. (confer A. Le Breton, Du Rififi chez les hommes, 1953, page 68, 127, 144...). c) Tenir quelque chose chose sous son bonnet. Tenir quelque chose en son pouvoir. (Confer Louis Aragon, Les Beaux quartiers, 1936, page 328). d) Voir clair sous le bonnet de quelqu'un. Voir clair dans son esprit (Confer Roger Martin du Gard, La Gonfle, 1928, II, 5, page 1207). C.— Emplois techniques (par analogie de forme) — ARCHITECTURE. Bonnet d'évêque. Petite loge du dernier étage, en forme de mitre (Lettre de Mérimée dans Adèle Hugo, Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie, 1863, page 119, 123). Remarque : Attesté dans la plupart des dictionnaires généraux. · Par extension : Ø 15. Sur la façade latérale d'une église, entre les grands bonnets d'évêque de deux vieux arcs en tiers-point, un portique de la Renaissance... ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Pierre Nozière, 1899, page 243. — CHIRURGIE. Bonnet d'Hippocrate. Capeline de la tête. Remarque : 1. Attesté dans Dictionnaire de l'Académie Française, Compléments 1842, DICTIONNAIRE UNIVERSEL DE LA LANGUE FRANÇAISE (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845, Grand dictionnaire universel du XIXe. siècle (Pierre Larousse), DICTIONNAIRE DES DICTIONNAIRES (SOUS LA DIRECTION DE PAUL GUÉRIN) 1892, Dictionnaire général de la langue française (Adolphe Hatzfeld, ARSÈNE DARMESTETER), DICTIONNAIRE ALPHABÉTIQUE ET ANALOGIQUE DE LA LANGUE FRANÇAISE (PAUL ROBERT ) 2. Confer ALAIN, Propos, 1922, page 360, bonnet d'Hippocrate, symbole de la médecine. — (ART CULINAIRE). familier. Bonnet d'évêque ou d'archevêque. Arrière-train d'une volaille découpée l' arrière-train de la bête se sépara et se tint debout, le croupion en l' air : c' était le bonnet d' êvêque. (ÉMILE ZOLA, L'Assommoir, 1877, page 577 ). Remarque : Attesté dans la plupart des dictionnaires généraux. — ÉCONOMIE DOMESTIQUE. Bonnet d'évêque. Manière de plier les serviettes. Remarque : Attesté dans DICTIONNAIRE ALPHABÉTIQUE ET ANALOGIQUE DE LA LANGUE FRANÇAISE (PAUL ROBERT) et Grand Larousse de la Langue française. — Spécialement. FORTIFICATIONS. Bonnet à/de prêtre. Redans accolés. Remarque : Attesté dans la plupart des dictionnaires généraux. — HABILLEMENT. Poche de soutien-gorge. Remarque : Attesté dans Grand Larousse encyclopédique en dix volumes, DICTIONNAIRE ALPHABÉTIQUE ET ANALOGIQUE DE LA LANGUE FRANÇAISE (PAUL ROBERT ) Supplément 1970, Grand Larousse de la Langue française. — JEUX. argotique. Bonnet (de coton). Bonneteau* (Confer Hogier-Grison (PSEUDONYME COLLECTIF), Les hommes de proie, Le monde où l'on vole, 1887, page 301). Remarque : Attesté dans Langue verte et noirs desseins (Auguste Le Breton), 1960, Dictionnaire de l'argot moderne (Géo Sandry, Marcel Carrère) 1963, etc. — MINES (et CARRIÈRES). Bonnet carré, de prêtre, d'évêque. Foret ou trépan à quatre ailes (Confer Eugène Schneider, Le Charbon, son histoire, destin, 1945, page 155). Remarque : Attesté dans la plupart des dictionnaires généraux. — MUSIQUE MILITAIRE. vieux. Bonnet chinois. Instrument formé d'un ou plusieurs disques ou cônes de cuivre, garnis de clochettes et fixés à un manche. Remarque : 1. Synonyme : chapeau chinois (Grand Larousse de la langue française en six volumes). 2. Confer Renan, Souvenirs d'enfance et de jeunesse, 1883, pages 146-147. 3. Attesté dans la plupart des dictionnaires généraux du XIXe. siècle et dans le Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française (Paul Robert), Grand Larousse de la langue française en six volumes. — SCIENCES NATURELLES. · ANATOMIE ANIMALE. Second estomac des ruminants (Confer Georges Cuvier, Leçons d'anatomie comparée, tome 3, 1805, page 393). Remarque : Attesté dans tous les dictionnaires généraux à partir de Dictionnaire de l'Académie Française, Compléments 1842. · BOTANIQUE. Bonnet à/de prêtre, bonnet carré. Nom commun du fusain d'Europe, de son fruit qui en a la forme (Confer Colette, La Maison de Claudine, 1922, page 68). Remarque : Attesté dans la plupart des dictionnaires généraux. Bonnet à/de prêtre, d'électeur, de Turc. Nom commun de certaines variétés de courges, de potirons. Remarque : Attesté dans la plupart des dictionnaires généraux. Bonnet d'argent. Nom commun de certaines variétés d'agarics. Remarque : Attesté dans la plupart des dictionnaires généraux. · ZOOLOGIE. Bonnet chinois. Macaque (Macacus sinicus), dont la tête en a la forme (Confer Georges Cuvier, Leçons d'anatomie comparée, tome 1, 1805, page 227). Remarque : Attesté dans la plupart des dictionnaires généraux du XIXe. siècle et dans Dictionnaire général de la langue française (Adolphe Hatzfeld, Arsène Darmesteter), Larousse du xxe. siècle en six volumes, Grand Larousse encyclopédique en dix volumes, DICTIONNAIRE ENCYCLOPÉDIQUE QUILLET 1965. — TECHNOLOGIE. · Partie supérieure d'un encensoir. Remarque : Attesté dans la plupart des dictionnaires généraux du XIXe. siècle, Larousse du xxe. siècle en six volumes, DICTIONNAIRE ALPHABÉTIQUE ET ANALOGIQUE DE LA LANGUE FRANÇAISE (PAUL ROBERT. · Écrou qui n'est pas entièrement percé. Remarque : Attesté dans la plupart des dictionnaires généraux du XIXe. siècle, Larousse du xxe. siècle en six volumes, ROB, Grand Larousse encyclopédique. — VÉNERIE. Bonnet carré. Tête du cerf quand le nouveau bois atteint le niveau des oreilles. Remarque : Attesté dans la plupart des dictionnaires généraux du XIXe. siècle, et dans Larousse du xxe. siècle en six volumes. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 2 068. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 2 915, b) 5 763; XXe. siècle : a) 3 208, b) 1 289.