CANONIQUE, adjectif et substantif féminin.

CANONIQUEMENT, adverbe.  

Conformément aux canons (de l'Église, des Beaux-Arts); d'une manière canonique. Concile canoniquement assemblé (ANATOLE FRANCE, Vie de Jeanne d'Arc, 1908, page 439), nudité canoniquement belle (CAMILLE MAUCLAIR, Les Maîtres de l'impressionnisme,  1904, page 119 ). 

—  Par ironie.  Conformément aux habitudes des gens d'Église : 

Ø Et l'on parle de la fin de la France, de son épuisement en fait d'hommes de valeur, de l'état convulsif par lequel elle va soubresautante à la mort. Pendant ce temps, Renan, affaissé, les mains canoniquement croisées sur le ventre, jette de temps en temps dans l'oreille de Saint-Victor, jubilant d'entendre du latin, des versets de la Bible. Au milieu du rabâchage sur les causes de notre ruine, Nefftzer crie : « Ce qui a perdu la France, c'est la routine et la rhétorique! »

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  1870, page 661. 

—  Spécialement.  MATHÉMATIQUES.  Confer canonique B 2. Variables canoniquement conjuguées (LOUIS DE BROGLIE, Éléments de théorie des quanta et de mécanique ondulatoire 1959, page 206 ). 

CANONIQUE, adjectif et substantif féminin.  

I.—  Adjectif. 

A.—  HISTOIRE DE LA RELIGION.  

1. Conforme aux canons de l'Église. Présider, après le jugement canonique, les débats civils (GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Là-bas, tome 2, 1891, page 104 ). Quel moyen canonique auroit-on en France de procéder à la déposition d'un évêque ouvertement hérétique? (FÉLICITÉ-ROBERT DE LAMENNAIS, De la Religion considérée dans ses rapports avec l'ordre politique et civil, 2e.  partie, 1826, page 24 ). 

—  Âge canonique. Âge requis par le droit canon pour l'exercice de certaines fonctions; en particulier, âge minimum de quarante ans à partir duquel, une femme peut entrer au service d'un ecclésiastique. 

·    Par métonymie.  [En parlant d'une personne]  Qui a l'âge canonique. Vieux chanoine servi par une servante mafflue, moustachue et canonique, qui sent la cuisine mijotée (ALEXANDRE ARNOUX, Pour solde de tout compte,  1958, page 79 ). 

·    Par extension et familier.  Âge relativement avancé impliquant maturité et respectabilité. [Mes invités] (...) ont presque tous l'âge canonique, cela ne tire pas à conséquence pour eux (MARCEL PROUST, La Prisonnière,  1922, page 222 ). 

—  Par extension.  Conforme aux règles liturgiques : 

Ø 1. Pendant deux jours, Traquet dut remplir son calice de vin blanc ordinaire. Il n'était pas très sûr que l'emploi de cette piquette fût canonique. Le tonneau avait pu être soufré. En classe, j'en fis la remarque à l'abbé.

—  Oh! répondit-il, il ne faut tout de même pas être trop pointilleux. Le vin de votre père vient directement du producteur.

HERVÉ BAZIN, Vipère au poing,  1948, page 180. 

2. Relatif aux canons de l'Église. Droit canonique. Synonyme : droit canon* :  

Ø 2. Le droit canonique du Moyen Âge qui représentait une combinaison complexe des règles empruntées à l'Écriture Sainte et aux Pères de l'Église d'une part, au droit romain d'autre part, se trouve doublement rationalisé quant à son contenu (par l'intervention des juristes, formés dans les universités et par le droit romain), tandis que sa source reste mystique.

Traité de sociologie (sous la direction de Georges Gurvitch)  1968, page 182. 

3. Qui entre dans la composition du canon, de la collection officielle des livres saints. Livres, Évangiles canoniques : 

Ø 3. Je constate qu'au IVe.  siècle le concile de Laodicée, donnant la liste des livres saints, décrétait : « On ne doit lire dans l'Église d'autres livres que les écritures canoniques de l'Ancien et du Nouveau Testament. »

MARC BOEGNER, Foi et vie,  1936, page 110. 

—  Par analogie.  Qui est contenu dans le recueil des textes inspirés bouddhiques, brahmaniques (Confer Philosophie, Religion (SOUS LA DIRECTION DE GASTON BERGER), 1957, page 5214). 

B.—  Conforme à un canon, à une norme reconnue. 

1. BEAUX-ARTS.  Conforme aux canons de la beauté. Las de la « beauté caractériste » moderne certains esthéticiens se retournent vers la beauté canonique (CAMILLE MAUCLAIR, De Watteau à Whistler,  1905, page 49 ). 

2. MATHÉMATIQUES.  Qui a les qualités d'un canon, d'une norme dominante. Forme, équation canonique : 

Ø 4. La science de l'incertitude, Paris, 1959. Les modèles proposés par Gibbs comportent évidemment des hypothèses, mais ces systèmes dits canoniques possèdent un module qui a les propriétés de la température.

Histoire générale des sciences (sous la direction de René Taton)  tome 3, volume 1, 1961, page 90. 

II.—  Substantif féminin,  PHILOSOPHIE.  La canonique. Ensemble des règles de la logique (dans la philosophie d'Épicure) : 

Ø 5.... il n'y a pas d'idées nécessaires et absolues; il n'y a que des idées contingentes et relatives. Telle est la canonique d'Épicure, sa théorie de la raison humaine.

VICTOR COUSIN. Cours d'histoire de la philosophie moderne, tome 2, 1847, page 192. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 103. 

DÉRIVÉS : Canonicité,  substantif féminin.   THÉOLOGIE.   [En parlant de livres saints]  Reconnaissance officielle fixant l'appartenance d'un livre au canon des livres inspirés. Le livre [le IVe.  Évangile] fut écrit avant l'an 100, c'est-à-dire à une époque où les synoptiques n'avaient pas encore une pleine canonicité (ERNEST RENAN, Histoire des origines du Christianisme, Vie de Jésus, 1863, page LXXV. ).