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CAR1, conjonction de coordination.

Publié le 08/11/2015

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CAR1, conjonction de coordination.  

Conjonction de coordination introduisant une proposition qui explique ou justifie ce qui vient d'être énoncé. 

A.—  Introduisant une proposition qui explique ou justifie une proposition précédemment énoncée. 

1. [La proposition est affirmative ou négative] 

a) Après ponctuation faible ou absence de ponctuation : 

Ø 1. Grâce au médecin, l'existence prit un rythme normal. Cette espèce de confort n'influençait guère les enfants, car ils avaient le leur et qui n'était pas de ce monde.

JEAN COCTEAU, Les Enfants terribles,  1929, page 53. 

Ø 2. Félicien, en revanche, s'était installé à califourchon sur une chaise, s'essuyait les mains à son tablier, un bout de chiffon à l'un ou l'autre doigt car il s'était coupé,...

BLAISE CENDRARS, Bourlinguer,  1948, page 283. 

b) Après ponctuation forte : 

Ø 3. Et je sortis avec une grande soif. Car le goût passionné des mauvaises lectures engendre un besoin proportionnel du grand air et des rafraîchissants.

CHARLES BAUDELAIRE, Petits poèmes en prose, Assommons les pauvres!, 1867, page 216. 

Ø 4. Et je suis sûr que c'était un mort; car il a disparu tout d'un coup en remuant son doigt comme pour me faire signe de venir.

JULIEN VIAUD, DIT PIERRE LOTI, Mon frère Yves,  1883, page 87. 

Ø 5.... telle fut la dernière vision que Marie eut de ce monde. Car tout aussitôt une atroce déchirure se fit à son côté (...) et... et Joseph, les jambes écartées pour avoir toute sa force, sentait les chairs de Marie s'ouvrir sous le couteau;...

PIERRE-JEAN JOUVE, La Scène capitale,  1935, page 21. 

Remarque : Car est, le plus souvent, précédé d'un signe de ponctuation; la tendance à employer dans le récit des phrases courtes explique la présence assez fréquente de car derrière un point, un point virgule, un point d'exclamation... Toutefois, lorsque la raison explicative introduite par car semble naturellement découler de ce qui vient d'être dit, on préfère, pour éviter une coupure, ne pas mettre de signe de ponctuation. Cette façon de procéder tend, actuellement, à se généraliser. 

2. [La proposition est interrogative (interrogation oratoire, à valeur énonciative) ou, plus rarement, exclamative] :

Ø 6. Si, parmi les auditeurs du fameux discours dont ses amis nous ont parlé, il s'en était trouvé un seul qui fût capable de doute, ce seul article des prophéties était fait peut-être pour le troubler. Car que de hardiesses! Que de témérités! Que d'aveux qui lui échappent,...

CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 3, 1848, page 379. 

Ø 7. « Ainsi pense-t-il [Léopold] et, sans un mot de récrimination, il distribue à tous des croix de grâce, que chacun accepte parfaitement, car dans le doute qu'est-ce qu'on risque?... »

MAURICE BARRÈS, La Colline inspirée,  1913, page 313. 

Ø 8. JEAN :... C'est à cela que j'ai sacrifié mes humeurs envers toi, mes rancunes, les divagations, à cette volupté d'une alliance parfaite. Le premier amour s'y fût-il apaisé, c'est par ces couples que Dieu voit le monde, et qu'il le justifie, et qu'il le juge.

LIA : Car nous ne nous aimons plus?

JEAN GIRAUDOUX, Sodome et Gomorrhe,  1943, I, 3, page 73. 

3. [La proposition est elliptique] :

Ø 9. L'hiver on souffrait du froid, car pas de vitres aux fenêtres, ou plutôt pas de fenêtres du tout, mais de vastes trous dans les murs.

ANDRÉ GIDE, L'Immoraliste,  1902, page 370. 

Ø 10. Plus avertis, eussent-ils eu cette curiosité naïve qui fait marcher la découverte à pas candides, en suivant une embryogénèse tant soit peu ridicule a posteriori, car déjà désuète?...

PIERRE SCHAEFFER, À la recherche d'une musique concrète,  1952, page 178. 

Remarque : 1. Car en effet (qui cherche à rendre plus expressif le monosyllabe), fréquent dans la langue parlée qui est pléonastique hormis le cas où en effet est adverbe et signifie « effectivement, en fait », « il est bien vrai que »; la distinction des 2 emplois n'est pas toujours aisée : Un jour il m'a été donné d'assister à une exécution, je ne peux pas dire de la voir car en effet, c'est un spectacle intolérable (MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 7, 1908, page 28). Car en effet n'est souvent qu'un ligament renforcé de et en effet : 

Ø 11. S'il [son futur gendre] était un bon travailleur, par la vertu de son travail, il serait un bon mari. Car en effet, pour bien travailler, il faut être continent dans ses plaisirs, réglé.

PIERRE DRIEU LA ROCHELLE, Rêveuse bourgeoisie,  1939, page 76. 

Remarque : 2. Car/Parce que, Car/Puisque. Contrairement à car, parce que et puisque peuvent être utilisés après certaines conjonctions de coordination : et, mais, ni parce que ou et, mais, ni puisque; de même ils peuvent être repris par que : parce que... et que ou puisque... et que. D'autre part, parce que peut introduire une proposition en réponse à la question pourquoi?, s'employer derrière des adverbes tels que précisément, justement, uniquement, seulement, surtout..., après le tour uniceptif ne... que et le présentatif c'est, tous emplois impossibles avec car. La conjonction car qui introduit une explication peut avoir la même valeur que puisque, qui garantit le bien-fondé véridique de l'énoncé. Noter dans l'exemple suivant la reprise de car par puisque : 

Ø 12.... toute l'inclinaison (générale) du corps en avant dénonce, trahit ce que je suis, car je le deviens, puisque je le deviens : un paysan (...). L'inclinaison commençante générale vers la terre nourricière, vers la terre mère, vers la terre tombeau.

CHARLES PÉGUY, Victor-Marie, Comte Hugo, 1910, page 672. 

B.—  En incise.  [Entre crochets ou parenthèses ou entre 2 signes de ponctuation introduisant une proposition qui justifie ce qui vient d'être dit par une précision que l'interlocuteur était censé ignorer et que le locuteur juge utile de souligner en passant] :

Ø 13. Sur deux cent cinquante-quatre personnes et demie (car je compte un monsieur sans jambes pour une fraction) dont j'analysai la démarche, je ne trouvai pas une personne qui eût des mouvements gracieux et naturels.

HONORÉ DE BALZAC, Théorie de la démarche,  1833, page 638. 

Ø 14. Le docteur reconnut alors que le cri de l'enfant avait faibli, qu'il faiblissait encore et qu'il venait de s'arrêter. Autour de lui, les plaintes reprenaient mais sourdement, et comme un écho lointain de cette lutte qui venait de s'achever. Car elle s'était achevée.

ALBERT CAMUS, La Peste,  1947, page 1394. 

C.—  Fonctionnement en tête de phrase et en relation avec des propositions coordonnées. 

1. [En tête de phrase]  \" La coordination étant le rapport d'une phrase à une autre déjà énoncée, le coordonnant car ne peut pas fonctionner en tête de phrase [logiquement indépendante] , à l'encontre de ce qui a lieu pour les syntagmes adverbiaux introduits par parce que ou puisque \" (Roger Martin, Le mot puisque, Notion d'adverbe et de présupposition sémantique, dans Studia Neophilologica, volume 45, n° 1, 1973, page 104-114). Dans l'exemple suivant, qui appartient au style de la conversation, il faut interpréter la proposition car je suis trop bonne placée en tête de phrase, comme une tournure elliptique pour [je fais ce que vous me demandez] car je suis trop bonne : 

Ø 15. MONSIEUR DE MONTLUCAR. —  Faites cela pour moi... Je vous en supplie en grâce!

ZOÉ. —  Eh bien! Monsieur, car je suis trop bonne... Je consens à la traiter comme une amie... de la troisième classe... Mais je fais mes conditions.

EUGÈNE SCRIBE, La Camaraderie,  1837, I, 1, page 235. 

2. [En relation avec des propositions coordonnées] 

a) [La proposition introduite par car peut être coordonnée à une autre proposition à l'aide de et ou de ni et on ne répète pas car devant la seconde] :

Ø 16.... nous étions fort contents quand il venait, car il était gai et contait des histoires.

JULES MICHELET, Mémorial,  1822, page 189. 

b) En français moderne, la reprise de car par que dans la seconde proposition est jugée incorrecte (type : il dormit jusqu'à midi car il s'était couché tard et qu'il était en vacances). Généralement, on préfère la juxtaposition, car n'introduisant alors que la 1re.  proposition : 

Ø 17. Là, vivent le chasseur et son aide, en silence, aux aguets, de l'aube au crépuscule. Car on ne rit point, on ne parle point, on respire à peine, la palombe étant inquiète et farouche.

JOSEPH DE PESQUIDOUX, Chez nous,  1921, page 27. 

Il peut aussi être répété devant les autres propositions, notamment lorsque le discours prend une allure quelque peu oratoire ou lyrique : 

Ø 18. Ô mon cher et charmant confrère, je voudrais bien être à Paris, car je vous verrais, car je pourrais serrer votre main et baiser la main de votre noble et gracieuse femme.

VICTOR HUGO, Correspondance,  1873, page 344. 

Ø 19. Heureux qui sait se réjouir au coeur de la nuit, de cela seulement qu'il sait qu'elle est grosse, car les ténèbres lui porteront fruit, car la lumière lui sera prodiguée.

JULIEN GRACQ, Le Rivage des Syrtes,  1951, page 195. 

D.—  Car.  en emploi comme substantif (invariable au pluriel) : 

Ø 20. L'écrivain multiplie les si, les comme, les d'autant, et ne s'embarrasse point du nombre des qui et des que. (...). Il fait un usage excellent des car, des mais, des aussi bien, des tout de même que. 

JULES LEMAÎTRE, Les Contemporains,  1885, page 224. 

Ø 21. Remarquons d'abord, dans la première phrase de ce texte, le car qui annonce une explication de ce qu'on vient d'affirmer et qui n'explique rien du tout.

JULIEN BENDA, La France byzantine ou le Triomphe de la littérature pure.  1945, page 203. 

 

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