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Chinois de Zheng He avaient « découvert l'Amérique » soixante-dix ans avant les Espagnols.

Publié le 06/01/2014

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Chinois de Zheng He avaient « découvert l'Amérique » soixante-dix ans avant les Espagnols. La thèse a été démontée par tous les historiens sérieux. Prenons-la pour ce qu'elle nous offre : un peu de rêve. Imaginons que l'histoire se soit passée dans ce sens-là : les Chinois débarquent chez les Aztèques et les Incas par le Pacifique. Admettons qu'ils ne cherchent que le commerce et vendent ce qu'ils ont, la poudre à canon, les instruments de navigation, les bateaux. Que se serait-il passé ? Aurait-on vu, un demi-siècle avant Colomb, l'Inca en majesté, ou un cacique aztèque, couvert d'or et de plumes magnifiques, débarquer un beau matin, sur une plage, quelque part entre Lisbonne et Anvers ? Avançons sur cette pure hypothèse d'école et posons-nous la question : combien de temps aurait-il fallu aux Européens pour venir se prosterner devant lui en le prenant pour le Messie ? Coureurs des bois et Indiens d'Honfleur On ne saura jamais ce qu'aurait pu être une autre « rencontre de ces deux mondes », pacifique, heureuse, enrichissante pour l'une et l'autre parties. Seules quelques exceptions viennent nous en donner un aperçu. La plupart des conquérants furent cupides, cruels et racistes. Pas tous. On en a vu aimer et respecter les peuples qu'ils rencontraient. Nombreux sont même ceux qui ont décidé de refaire leur vie chez les Indiens. Ce sera le cas d'Espagnols ou de Portugais faits prisonniers au départ, et qui, in fine, choisiront de rester dans ce camp. Ce sera le cas de nombreux Français au Canada. Là-haut, dans un premier temps, il n'est pas question de conquête mais de commerce : les rares colons vivent surtout du trafic des fourrures. Parmi eux, quelques aventuriers intrépides s'enfoncent loin dans les terres inconnues pour acheter de la marchandise : ce sont les « coureurs des bois ». À force de côtoyer les tribus, ils finissent par adopter la vie et les moeurs des Indiens. Le mécanisme inverse est beaucoup plus rare. Les Indiens transportés dans le monde des Blancs y dépérissent ou veulent repartir au plus vite. Il y a des exceptions. Citons, pour honorer sa mémoire et celle de son protégé, le nom du Honfleurais Paumier de Gonneville. Au début du xvie siècle, il se rend au Brésil où les Français tentent de s'installer. Il tisse des liens avec le chef d'une tribu locale et le convainc de laisser partir Essomeric, son fils, pour lui faire découvrir le pays des Blancs, avant de le lui ramener, mieux formé, plus instruit. Lors du retour en France, son bateau fait naufrage devant le Cotentin. On finit à pied le voyage jusqu'à Honfleur. Le navire est irrécupérable, Paumier n'a plus de moyen de transport, il comprend qu'il ne pourra jamais honorer sa promesse de ramener Essomeric à son père. Il est scrupuleux et honnête homme : faute de pouvoir rendre sa famille au jeune homme, il lui ouvre la sienne. Il l'adopte, en fait son héritier et bientôt le marie à l'une de ses cousines. L'histoire rapporte que le mariage fut heureux et que, de cette union franco-brésilienne, naquirent douze enfants. 1 Selon les chiffres donnés dans Une histoire du monde aux Temps modernes, Larousse, 2008. 2 Oxford University Press, New York, 1972. 3 Un film écrit d'après un scénario de l'écrivain Jean-Claude Carrière l'a rendue célèbre en France. 18 Le temps des grands rois Autres souverains, autres façons de régner Nous voilà, via Honfleur, de retour au royaume de France. Revenons-en donc à ceux qui y règnent. On constatera, une fois encore, que l'étude des rois peut être plus riche d'enseignements que l'on ne l'a cru naguère. Renouons le fil dynastique. Après Louis XI vient son fils Charles VIII (né en 1470, règne en 1483, meurt en 1498), celui qui, le premier, a entraîné le pays dans les guerres d'Italie. Il est mort sans enfants. Puis son cousin, Louis XII (né en 1462, règne en 1498, meurt en 1515), mort lui aussi sans fils mais laissant une fille. C'est son gendre, le jeune Valois-Angoulême, qui régnera. Tous les Français le connaissent sous son nom de roi : François Ier (né en 1494, règne en 1515, meurt en 1547). Il est celui qui nous intéresse. Repères - 1519 : Charles de Habsbourg, héritier bourguignon, roi d'Espagne, élu empereur du Saint Empire sous le nom de Charles Quint - 1520 : entrevue du camp du Drap d'or entre François ier et Henri VIII, roi d'Angleterre - 1520-1566 : règne de Soliman le Magnifique - 1539 : ordonnance de Villers-Cotterêts imposant l'usage du français dans les actes administratifs - 1559 : traité du Cateau-Cambrésis L'homme est de son époque, la chose est évidente. Qui mieux que lui incarne cette période de transition qu'est la Renaissance ? Il a toujours un pied dans le Moyen Âge. On l'appelle le « roi chevalier », il aime le fracas des armes et les rituels qui rappellent les temps anciens : sa légende ne pose-t-elle pas qu'il s'est fait adouber en armure, un genoux planté à terre, par l'épée du prestigieux Bayard, au soir d'une victoire fameuse contre les mercenaires suisses dans les plaines lombardes lors des guerres d'Italie, Marignan, 1515 ? Son autre pied est solidement planté dans les temps nouveaux, ceux du raffinement et des plaisirs. Il est très grand, bel homme, aimable, porté sur les dames, aimant immodérément les dépenses et les bijoux. Rien n'est trop beau pour satisfaire et sa gloire et son goût, qu'il a très sûr. Il fait venir dans son royaume les meilleurs artistes transalpins, le Primatice, André del Sarte et le plus prestigieux de tous, l'immense Léonard de Vinci, qu'il appelle son « père », arrivé d'Italie en rapportant dans ses bagages une autre merveille, la Joconde. Il fait bâtir ou remanier des châteaux de la Loire, Blois, Chambord, ou encore son préféré, celui de Fontainebleau. Concentrons-nous sur un aspect de son action : la construction politique de notre pays. Le rôle de notre roi dans ce domaine est considérable. C'est sous son impulsion que s'accentue dans ce domaine aussi le lent passage de l'univers féodal à la nouvelle organisation qui peu à peu va dominer notre pays, la monarchie absolue. François, dans ses palais, est le premier à mettre en place autour de lui une institution apparemment frivole, et qui est appelée à tenir un grand rôle politique : la Cour. Au Moyen Âge, le mot désignait le conseil du roi, les grands qui l'aidaient à gouverner. La Cour prend la forme que nous lui connaissons : cet aréopage brillant de jolies femmes et de beaux messieurs, de nobles, de poètes et de savants qui forment l'entourage du roi. L'assemblée est nombreuse. Qu'importe. Le prince ne regarde pas à la dépense et il aime bouger, cela fait du mouvement sur les routes chaotiques du royaume. Quand il erre de château en château, de Blois en Chambord et de Chambord en Fontainebleau, la Cour le suit. Avec les domestiques, l'intendance, les gardes, on pouvait voir jusqu'à 15 000 personnes brinquebalées dans de beaux carrosses ou d'humbles charrettes, suivies par des malles débordant de vaisselle, de bijoux ou de tentes : il fallait bien coucher tout ce monde pendant les étapes. La Cour : des bals, des fêtes, un univers policé où tous les rapports se font sous le masque de la courtoisie et du raffinement. Mais aussi un redoutable instrument de pouvoir. Les apparitions extraordinaires du roi dans ses voyages servent à éblouir ses sujets. La Cour met en scène sa centralité ; elle donne le spectacle permanent de son omnipotence - tout émane de lui, grâces et disgrâces, fortunes et défaveur -, elle offre une représentation de sa majesté. Henri III perfectionnera le système, Louis XIV le poussera jusqu'à sa caricature, François en est le premier inspirateur. Cette forme de pouvoir a un avantage d'importance que souligne l'excellente spécialiste de la période Janine Garrisson, déjà citée. Contrairement à ce qui se passe dans les systèmes où prévalent les « conseils » entourant le roi, ou les assemblées de barons, presque toujours exclusivement masculins, la Cour dans cette version moderne permet aux femmes d'entrer dans le jeu politique. En revanche, les grands seigneurs d'hier, devenus courtisans du prince, perdent nécessairement l'autonomie qu'ils avaient quand ils régnaient en maître dans leurs fiefs. Les temps du fief sont au bord de passer. Malheur à ceux qui ne l'ont pas compris ! On parlait beaucoup dans les manuels de jadis du connétable de Bourbon, le méchant du chapitre. Ce grand seigneur français, valeureux soldat et héros des guerres d'Italie, n'avait-il pas commis l'irréparable ? Il avait trahi son roi pour se rallier à l'ennemi de la France, l'empereur Charles Quint. On oubliait souvent de préciser les raisons de ce changement de casaque : le procès inique intenté par le roi (et sa mère, qui se prétendait héritière de son fief) au malheureux connétable, dans le seul but de mettre la main sur ses riches terres du Massif central, dernier grand domaine à échapper à l'autorité royale. Sous François Ier, nous disent les spécialistes, on passe de la suzeraineté à la souveraineté. En clair, on oublie les hiérarchies complexes de la féodalité pour en venir à un principe plus simple : le royaume est la propriété du roi. François Ier est celui qui clôt les ordonnances royales par une formule que d'autres rois ont déjà employée avant lui, mais qu'il rend populaire : « Car tel est notre bon plaisir. » Sous son règne se développent les impôts et les fonctionnaires. On a besoin d'argent pour financer les dépenses et les guerres du roi, alors on vend les offices, c'est-à-dire les charges dans ce que nous appellerions l'administration, à une nouvelle classe montante : on l'appelle la « noblesse de robe » pour l'opposer à l'ancienne, celle qui se faisait sur les champs de bataille, la « noblesse d'épée ». Le système, pourquoi le nier, a laissé de grandes choses. Le roi veut que resplendissent les arts et les sciences. Il crée le « collège de lecteurs royaux » (qui deviendra notre Collège de France) pour que soient enseignées ces matières incroyablement nouvelles que l'université d'alors ignorait : l'hébreu, le grec, les mathématiques. Son besoin de centralisme nous a laissé un autre héritage précieux : par l'ordonnance de VillersCotterêts, il impose que tous les actes officiels, à la place du latin, soient rédigés dans une langue à laquelle les écrivains du temps commencent à donner ses lettres de noblesse : le français. Centralisme, unité, organisation de la chose publique : on l'a compris, le grand Valois est le premier à préparer le pays à ce cadre politique nouveau, l'État. Il est toutefois une question qu'on ne pose jamais, dans les livres, une fois que l'on a exposé tout cela : estce pour autant la seule organisation valable, est-ce la seule qui soit possible ? Charles Quint Pour le savoir, il faut aller voir ce qui se passe à la même époque dans d'autres pays d'Europe et même un peu audelà. Il y a de quoi faire. Pour ce qui est des couronnes, ce moment de l'histoire est prodigue en noms fameux, c'est le temps des grands souverains. Dans les livres, en général, on ne les considère que sous l'angle de leur rapport avec la France ou plutôt avec son roi lui-même. Un demi-siècle vu comme un grand jeu de société, une sorte de gigantesque poker dans lequel quelques illustres personnages échangent coups fourrés et coups de bluff. Il est vrai que cette perspective ne manque ni de romanesque ni de rebondissements. Au centre de la partie, un duel, celui que va mener François Ier avec son adversaire : Charles Quint. Qui est-il ? Avant toute chose, un des plus incroyables héritiers de l'histoire du monde. Il est né en 1500, à Gand, dans ce que l'on appelle les Pays-Bas méridionaux, sous le nom de Charles de Habsbourg, dans une famille qui

« 18 Le temps des grands rois Autres souverains, autres façons derégner Nous voilà, via Honfleur, deretour auroyaume deFrance.

Revenons-en doncàceux quiyrègnent.

On constatera, unefoisencore, quel’étude desrois peut êtreplusriche d’enseignements quel’onnel’acru naguère. Renouons lefil dynastique.

AprèsLouis XI vientsonfilsCharles VIII (néen1470, règne en1483, meurt en1498), celui qui,lepremier, aentraîné lepays dans lesguerres d’Italie.Ilest mort sansenfants.

Puissoncousin, Louis XII (né en1462, règne en1498, meurt en1515), mortluiaussi sansfilsmais laissant unefille.

C’est songendre, le jeune Valois-Angoulême, quirégnera.

TouslesFrançais leconnaissent soussonnom deroi : François I er (né en 1494, règne en1515, meurt en1547).

Ilest celui quinous intéresse.

Repères – 1519 : CharlesdeHabsbourg, héritierbourguignon, roid’Espagne, éluempereur duSaint Empire souslenom deCharles Quint – 1520 : entrevue ducamp duDrap d’orentre François  ier et Henri VIII, roid’Angleterre – 1520-1566 : règnedeSoliman leMagnifique – 1539 : ordonnance deVillers-Cotterêts imposantl’usagedufrançais danslesactes administratifs – 1559 : traitéduCateau-Cambrésis L’homme estdeson époque, lachose estévidente.

Quimieux queluiincarne cettepériode detransition qu’estla Renaissance ? Ilatoujours unpied dans leMoyen Âge.Onl’appelle le« roi chevalier », ilaime lefracas desarmes et les rituels quirappellent lestemps anciens : salégende nepose-t-elle pasqu’il s’est faitadouber enarmure, un genoux plantéàterre, parl’épée duprestigieux Bayard,ausoir d’une victoire fameuse contrelesmercenaires suisses danslesplaines lombardes lorsdesguerres d’Italie,Marignan, 1515 ?Sonautre piedestsolidement planté dans lestemps nouveaux, ceuxduraffinement etdes plaisirs.

Ilest très grand, belhomme, aimable, portésurles dames, aimantimmodérément lesdépenses etles bijoux.

Rienn’est tropbeau poursatisfaire etsa gloire etson goût, qu’ilatrès sûr.Ilfait venir danssonroyaume lesmeilleurs artistestransalpins, lePrimatice, AndrédelSarte et leplus prestigieux detous, l’immense LéonarddeVinci, qu’ilappelle son« père », arrivéd’Italie enrapportant dans sesbagages uneautre merveille, la Joconde . Il fait bâtir ouremanier deschâteaux delaLoire, Blois, Chambord, ouencore sonpréféré, celuideFontainebleau.

Concentrons-nous surunaspect deson action : la construction politiquedenotre pays.Lerôle denotre roidans cedomaine estconsidérable.

C’estsousson impulsion ques’accentue danscedomaine aussilelent passage del’univers féodalàla nouvelle organisation qui peu àpeu vadominer notrepays,lamonarchie absolue.François, danssespalais, estlepremier àmettre enplace autour deluiune institution apparemment frivole,etqui estappelée àtenir ungrand rôlepolitique : laCour.

Au Moyen Âge,lemot désignait leconseil duroi, lesgrands quil’aidaient àgouverner.

LaCour prend laforme que nous luiconnaissons : cetaréopage brillantdejolies femmes etde beaux messieurs, denobles, depoètes etde savants quiforment l’entourage duroi.

L’assemblée estnombreuse.

Qu’importe.

Leprince neregarde pasàla dépense etilaime bouger, celafaitdumouvement surlesroutes chaotiques duroyaume.

Quandilerre dechâteau en château, deBlois enChambord etde Chambord enFontainebleau, laCour lesuit.

Avec lesdomestiques, l’intendance, lesgardes, onpouvait voirjusqu’à 15 000 personnes brinquebaléesdansdebeaux carrosses ou d’humbles charrettes, suiviespardes malles débordant devaisselle, debijoux oudetentes : ilfallait biencoucher tout cemonde pendant lesétapes.

LaCour : desbals, desfêtes, ununivers policéoùtous lesrapports sefont sous le masque delacourtoisie etdu raffinement.

Maisaussi unredoutable instrument depouvoir.

Lesapparitions extraordinaires duroi dans sesvoyages serventàéblouir sessujets.

LaCour metenscène sacentralité ; elledonne le spectacle permanent deson omnipotence –tout émane delui, grâces etdisgrâces, fortunesetdéfaveur –,elle offre unereprésentation desamajesté.

Henri IIIperfectionnera lesystème, Louis XIV lepoussera jusqu’àsa caricature, Françoisenest lepremier inspirateur. Cette forme depouvoir aun avantage d’importance quesouligne l’excellente spécialistedelapériode Janine Garrisson, déjàcitée.

Contrairement àce qui sepasse danslessystèmes oùprévalent les« conseils » entourantle roi, oules assemblées debarons, presque toujours exclusivement masculins,laCour danscette version moderne permet auxfemmes d’entrer danslejeu politique.

Enrevanche, lesgrands seigneurs d’hier,devenus courtisans du prince, perdent nécessairement l’autonomiequ’ilsavaient quandilsrégnaient enmaître dansleurs fiefs.Lestemps du fief sont aubord depasser.

Malheur àceux quinel’ont pascompris ! On parlait beaucoup danslesmanuels dejadis duconnétable deBourbon, leméchant duchapitre.

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