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DÉFI, substantif masculin.

Publié le 12/12/2015

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DÉFI, substantif masculin.  

Action de défier (confer défier1 ); son résultat. 

A.—  1. HISTOIRE.  

a) Terme de féodalité.  Proclamation de résiliation d'un engagement envers son suzerain. Ainsi, au jet du « fétu » [symbolisant la rupture de l'accord entre vassal et suzerain] , (...) préféra-t-on de plus en plus un simple défi —  au sens étymologique du terme, c'est-à-dire refus de foi — , par lettres ou par hérault (MARC BLOCH, La Société féodale, Paris, Albin Michel, 1949, page 351 ). 

b) Provocation au combat. 

α ) Déclaration de guerre, appel au combat. Un défi en règle. Les Croisés, au contraire, ont pour principe de ne jamais attaquer l'ennemi sans lui avoir porté un défi, c'est-à-dire une déclaration fière et franche (CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Causeries du lundi, tome 9, 1851-62, page 404 ). 

·    Par métonymie.  Expression orale ou écrite de cette provocation. Envoyer défi sur défi. Synonymes : appel (rare), cartel. Ce défi fut porté par un héraut de la maison d'Orléans à Douai, où se trouvait le duc Jean (PROSPER DE BARANTE, Histoire des ducs de Bourgogne de la maison de Valois, tome 3, 1821-24, page 207 ). 

β ) Provocation en combat singulier, au duel. Un insolent défi. Il y aura, pour cette seule affaire, un duel à la Grande Jatte et deux au Vésinet, lorsqu'aura été débrouillé l'écheveau compliqué de défis, cartels, jets de gant, arbitrages et appels sur le terrain (PAUL MORAND, 1900, 1931, page 147 ). 

—  Par métonymie.  Notification de cette provocation. Faire un défi. Lisez cette lettre. C'est un défi du fils de Gaganov, dont j'ai naguère mordu l'oreille (ALBERT CAMUS, Les Possédés,  1959, page 996) : 

Ø 1. Les chefs des Troyens et ceux des Argiens se reconnaissent comme des égaux et admettent implicitement un certain code d'honneur. Les défis qu'ils se lancent avant de se mesurer peuvent manquer de courtoisie (...) du moins la masse des combattants s'abstient-elle, quand il s'agit d'une sorte de duel, d'intervenir pour en fausser le déroulement normal.

Jeux et sports (sous la direction de Roger Caillois)  1968, page 775. 

·    Par métaphore.  Chose considérée comme un défi, une provocation. Hélas, les échafauds sont d'effrayants défis (VICTOR HUGO, Torquemada,  1882, page 69 ). Ce gibet planté à tous les carrefours du monde, comme un défi que les hommes ne relèvent même plus (FRANÇOIS MAURIAC, Journal 3,  1940, page 278 ). Cette vigne-frontière, qui est un défi à Clodius (HENRI BOSCO, Le Mas Théotime,  1945, page 102 ). 

2. Moderne.  Action de provoquer quelqu'un comme adversaire (au combat, au jeu, à une compétition). Jeter, porter un défi; accepter, relever le défi; répondre à un défi. Je lui ai fait un défi à la paume, aux échecs (Dictionnaire de l'Académie française.  1798-1878).  J'ai jamais refusé le défi de personne (GEORGES BERNANOS, Monsieur Ouine,  1943, page 1458 ). Les Britanniques furent les promoteurs de ce sport [le yachting à voile] , lançant des défis aux autres nations dès le XIXe.  siècle (Jeux et sports (sous la direction de Roger Caillois)  1968, page 1546) : 

Ø 2. Ce fut l'époque où se multiplièrent les joutes oratoires autour de thèses mises en discussion, les défis lancés et les problèmes posés par les savants à leurs confrères, au moyen de lettres, d'affiches et de pamphlets imprimés;...

Encyclopédie pratique de l'éducation en France (IPN ET SEDE, 1960)  1960, page 242. 

·    Se lancer des défis. Ils parlaient fort et gesticulaient et se lançaient des défis (RAYMOND QUENEAU, Loin de Rueil,  1944, page 132 ). Les joutes littéraires, les défis que se lançaient les artistes (Jeux et sports (sous la direction de Roger Caillois)  1968, page 737 ). 

·    Locution adjectivale. De défi. Des salves de défi (ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Citadelle,  1944, page 838 ). 

·    Locution prépositive. Par défi pour quelqu'un. Cet homme magnifique qui a nagé deux jours par défi pour vous (JEAN GIRAUDOUX, Sodome et Gomorrhe,  1943, II, 7, page 140 ). 

B.—  Usuel.  Action d'affronter quelqu'un ou quelque chose. 

1. Action de contester une autorité, un pouvoir, une tradition, une attitude. Synonymes : contestation, provocation. Ainsi l'immoralisme n'était pas seulement un défi à la société (SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée,  1958, page 195 ). Le pays qui donna au monde la poudre à canon ne peut renoncer à produire du plutonium comme défi à l'isolement où le maintiennent les puissances occidentales (BERTRAND GOLDSCHMIDT, L'Aventure atomique, ses aspects politiques et techniques,  1962, page 255 ). Des défis lancés à l'orthodoxie régnante (FRANÇOIS PERROUX, L'Économie du XXe.  siècle.  1964, page 367) : 

Ø 3. MÈRE MARIE. —  Non pas [nous ne nous engageons pas] (...) à n'importe quelle démarche violente et indiscrète qui ne serait que provocation et défi à l'égard de ceux qui sont bien capables de se venger de nous sur des innocents.

GEORGES BERNANOS, Dialogues des carmélites,  1948, 4e.  tableau, 13, page 1685. 

·    Locution adjectivale. De défi. Qui a l'aspect, l'importance d'un défi. Accent(s)) de défi, air(s)) de défi, attitude(s)) de défi, geste(s)) de défi, oeil) de défi, pose) de défi, position) de défi, posture) de défi, regard(s)) de défi, rire(s) de défi. À une période de passion et de défi succède une période de rédemption (ÉMILE HERZOG, DIT ANDRÉ MAUROIS, Lord Byron et le démon de la tendresse,  1925, page 321 ). 

·    Locution adverbiale. Avec défi. Parler, regarder avec défi. Sans défi. Elle regarde le gouverneur fixement, sans défi, simplement sur ses gardes (ALBERT CAMUS, Requiem pour une nonne, 1956, page 863 ). 

—  Par comparaison. Yanek a-t-il dit qu'il regrettait de ne pouvoir disposer que d'une seule vie pour la jeter comme un défi à l'autocratie? (ALBERT CAMUS, Les Justes,  1950, V, page 380 ). 

—  Par métonymie.  Attitude, comportement de défi. Sous l'oeil du défi, la condition humaine devient absurde (EDMOND FARAL, La Vie quotidienne au temps de Saint Louis,  1942, page 438 ). Cette face éteinte où flambe le défi (LOUIS ARAGON, Le Roman inachevé,  1956, page 17) : 

Ø 4. Le dandy est par fonction un oppositionnel. Il ne se maintient que dans le défi. La créature, jusque-là, recevait sa cohérence du créateur. À partir du moment où elle consacre sa rupture avec lui, la voilà livrée aux instants, aux jours qui passent, à la sensibilité dispersée. Il faut donc qu'elle se reprenne en mains.

ALBERT CAMUS, L'Homme révolté,  1951, page 72. 

·    Locution adverbiale. Par défi. Il [l'Iscariote] agissait par colère, par orgueil, par défi et non par amour (ALEXANDRE ARNOUX, Calendrier de Flore.  1946, page 197 ). Cette réaliste si fine, égarée dans une famille de spiritualistes grossiers se fit voltairienne par défi sans avoir lu Voltaire (JEAN-PAUL SARTRE, Les Mots,  1964, page 5 ). 

—  Au figuré.  Action, comportement, phénomène qui semble contredire une loi naturelle, une valeur reçue, etc. Il n'y a là qu'un défi à la raison, à la vérité, à la justice (ÉMILE ZOLA, Paris, tome 2, 1898, page 99 ). Une telle opinion est un défi au bon sens, un scandale rationnel, logique, philosophique (JEAN ROSTAND, La Genèse de la vie,  1943, page 89 ). Le dessin de ce bras est un défi à l'anatomie (PAUL VALÉRY, Variété V,  1944, page 308) : 

Ø 5. Ils s'engagent sur une petite passerelle qui joint sans garde-fou les deux rives escarpées d'un torrent et le vertige ne saisit pas Jacques lorsqu'il aperçoit à cent mètres au-dessous de lui le bouillonnement des eaux. Un peu après ce passage un défi (semble-t-il) aux lois de l'équilibre, notre héros se précipite menaçant sur un chariot bâché...

RAYMOND QUENEAU, Loin de Rueil,  1944, page 40. 

2. Action d'affronter une chose; son résultat. Un défi au danger. Ces vies (...) dont la vieillesse radieuse semble avoir accumulé comme un défi, aux portes de la mort, tous les trésors de la tendresse humaine (EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère,  1946, page 472 ). 

3. Incitation à la réalisation d'une chose difficile; réponse à une telle situation. (Quasi-)synonyme : gageure. Il nous fallait relever ce défi (FRANCIS PONGE, Le Parti pris des choses,  1942, page 71 ). Bettborn sous l'oeil de l'occupant, nous apparut comme un défi et comme un signe (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, page 36). «... c'est là que je nage », m'indique-t-il, comme par défi à son infirmité (CHARLES DE GAULLE, Mémoires de guerre,  1956, page 240 ). 

·    Par métaphore. Le défi que relève le hasard (JULIEN GREEN, Journal,  1941, page 54 ). 

·    Au figuré.  [En parlant d'une chose]  Le défi atomique. Les plus imposants défis architecturaux de l'Égypte (ANDRÉ GIDE, Journal,  1946, page 288 ). La psychanalyse, répondant aux défis de la sociologie et progressant de ces défis mêmes (Traité de sociologie (sous la direction de Georges Gurvitch)  1968, page 411 ). 

—  Spécialement. Mettre quelqu'un au défi de + infinitif.  Mettre quelqu'un en demeure de faire quelque chose tout en mettant en doute qu'il ose le faire ou qu'il en soit capable (confer défier1). Je vous mets au défi de le prouver (Dictionnaire de l'Académie française.  1835-1932). Le 29 janvier 1877, il met au défi le dr Bastian de reproduire ses résultats devant des juges compétents (JEAN ROSTAND, La Genèse de la vie,  1943 page 165 ). 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 771. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 558, b) 666; XXe.  siècle : a) 1 130; b) 1 765. 

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