Définition: AMARRE, substantif féminin.

Définition: AMARRE, substantif féminin. A.— MARINE. Chaîne ou cordage servant à attacher un navire à un point fixe (quai, bouée, autre navire...) ou à le haler dans un portugais Jeter une amarre, rompre ses amarres : Ø 1. Douze matelots sont debout, six de chaque côté de la barque, tenant chacun un aviron de dix-huit pieds de long; le second est au gouvernail; Reïs-Ibrahim a donné le signal, on largue l'amarre qui nous attachait au rivage et nous nous éloignons au gré du courant MAXIME DU CAMP, Le Nil, Égypte et Nubie, 1854, page 137. Ø 2. John se plaça aux cargues de la voile, et Mulrady coupa l'amarre qui retenait le radeau aux flancs du brick. JULES VERNE, Les Enfants du capitaine Grant, tome 3, 1868, page 69. Ø 3. La rivière était rouge de terres entraînées par la crue; c'était le moment de la mer étale. Les innombrables voiliers islandais, qui emplissent la rade en ce moment viraient lentement sur leurs amarres. HENRI, ALBAN FOURNIER, DIT ALAIN-FOURNIER, JACQUES RIVIÈRE, Correspondance, lettre de Jacques Rivière à Alain-Fournier, octobre 1907, page 301. Remarque : Syntagmes usuels a) Navire sur ses amarres, navire à l'ancre; couler bas sous ses amarres, couler étant à l'ancre. b) Doubler les amarres, renforcer les amarres par mesure de sécurité; filer une amarre, laisser glisser l'amarre; mollir les amarres, donner de l'aisance aux amarres; raidir les amarres, tendre les amarres; larguer les amarres, détacher les amarres pour le départ du navire (exemple 1); dédoubler les amarres, se préparer à l'appareillage en préparant un largage facile des amarres. c) Amarre à (de) terre ou amarre à quai, amarre de poupe, amarre de proue (GLOSSAIRE NAUTIQUE (AUGUSTIN JAL) 1848); amarre de bout, amarres de travers ou traversière(e)s, amarres embelles ou en belle, amarres de postes, amarres garde(s) montantes (GLOSSAIRE DES TERMES DE MARINE (JULIEN LE CLÈRE) 1960). — Par extension. Tout cordage employé à attacher des objets dans un navire. Retenir les canons avec des amarres, lier une table avec une amarre (Dictionnaire de l'Académie Française). B.— Par métaphore : Ø 4. Le bruit court que le comte de Chambord est mort. C'est le coup de hache qui coupe la dernière amarre retenant le temps présent au passé. EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal, juillet 1883, page 267. Ø 5. Sa jalousie comme une pieuvre qui jette une première puis une seconde, puis une troisième amarre, s'attacha solidement à ce moment de cinq heures du soir, puis à un autre, puis à un autre encore. MARCEL PROUST, À la recherche du temps perdu, Du côté de chez Swann, 1913, page 283. — Argot. Ami : Ø 6.... les chansons rigolottes, qu'on gouale entre amarres au dessert... ANDRÉ GILL, La Petite lune, 1878-1879, no. 26, page 2. Remarque : Nouveau Larousse illustré, DICTIONNAIRE DE LA LANGUE VERTE (HECTOR FRANCE) 1907 et DICTIONNAIRE HISTORIQUE DES ARGOTS FRANÇAIS (GASTON ESNAULT) 1966 donnent également la graphie amarine. · Argot (des marins) Affourché à quatre amarres, " se dit de celui qui est casanier, qui aime à rester chez soi après sa retraite " (Dictionnaire historique des argots français (GASTON ESNAULT)); mouillé à quatre amarres, " ancré au cabaret " (Dictionnaire historique des argots français (GASTON ESNAULT)). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 144. Forme dérivée du verbe "amarrer" amarrer AMARRER, verbe transitif. A.— MARINE. 1. Attacher un navire au moyen d'une amarre : Ø 1. Ils arrivèrent à Anvers vers midi. Josef Van Oostland amarra la Maria en face du quai Jordaens... MAXENCE VAN DER MEERSCH, L'Empreinte du dieu, 1936, page 233. — Emploi pronominal passif. Le bâtiment s'amarre (Dictionnaire de marine (JEAN-BAPTISTE PHILIBERT WILLAUMEZ), 1831); le navire s'amarre au quai (Glossaire des termes de marine (JULIEN LE CLÈRE)); s'amarrer à quai (Vocabulaire des termes de marine (GEORGES SOÉ, J. DUPONT, O. ROUSSIN) 1906) : Ø 2. L'empereur résolut de transporter l'arsenal du nord (celui d'Amsterdam) en dehors de tous ces grands embarras, et ordonna la création ou l'amélioration du Nievendip, où, en peu de temps, vingt-cinq vaisseaux pouvaient déjà hiverner en sûreté et s'amarrer à des quais magnifiques. EMMANUEL DIEUDONNÉ, COMTE DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, tome 2, 1823, page 262. · S'amarrer bord à bord, s'amarrer à (en) couple d'un autre navire : Ø 3. Les torpilleurs entraient, en file, coupant le flot bleu de leur étrave noire. Ils glissaient sur l'eau calme avec la sûreté des bêtes de la mer. Ils s'amarrèrent bord à bord, embusqués, comme pour un mauvais coup, dans l'angle de l'avant-portugais PIERRE HAMP, Vin de Champagne, 1909, page 203. — Par analogie. AÉRONAUTIQUE. Amarrer un ballon : Ø 4. — Monsieur Coxwell, assisté du fermier chez lequel on était descendu, amarra fortement le ballon. Presse scientifique des Deux Mondes. t 2 1862, page 259 (LOUIS GUILBERT La formation du vocabulaire de l'aviation 1965 ). — Par métaphore : Ø 5. J'eus soudain la sensation si aiguë de cette tranquillité confinée (...) qui amarrait le navire à la terre plus solidement que ses ancres, que j'ouvris le hublot d'un geste brusque, comme si je cherchais de l'air,... JULIEN GRACQ, Le Rivage des Syrtes, 1951, page 201. · Emploi pronominal : Ø 6.... il y a trop de gens qui l'attendent, qui la convoitent, trop de gens qui ne peuvent, à cause de leurs occupations, de leur état de santé, de leur genre de vie, s'interner dans les cloîtres, pour que Dieu n'instaure pas un havre de grâce, un port, où s'amarreraient ces âmes qu'obsèdent des appétences monastiques, des désirs de vivre hors du monde et de travailler près de lui et pour lui, en paix. GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, L'Oblat, tome 2, 1903, page 152. Ø 7.... la pire solitude est celle des jeunes gens; la vie se charge de peupler la nôtre; nous proliférons sur place; nous nous ancrons, nous nous amarrons chaque jour par des liens de plus en plus nombreux et puissants. FRANÇOIS MAURIAC, Journal 1, 1934, page 15. 2. " Lier, fixer, attacher un cordage ou une chaîne en lui faisant faire plusieurs tours sur une bitte, un taquet ou un cabillot. " (Petit dictionnaire de marine (ROBERT GRUSS) 1952) : Ø 8. Les travaux continuèrent. À deux heures, le radeau était prêt. L'ancre à jet y fut embarquée. John et Wilson l'accompagnèrent, après avoir amarré un grelin sur l'arrière du navire. JULES VERNE, Les Enfants du capitaine Grant, tome 3, 1868, page 51. Ø 9. « Ah! par exemple! s'écria-t-il. Voilà qui est fort! — Qu'y a-t-il, Pencroff? demanda le reporter. — Il y a que ce n'est pas moi qui ai fait ce noeud! » Et Pencroff montrait une corde qui amarrait le câble sur la bitte même, pour l'empêcher de déraper. JULES VERNE, L'Île mystérieuse, 1874, page 474. · Amarrer les écoutes : Ø 10. « Donc nous partions. On amarrait les écoutes, à droite, à gauche, au petit bonheur, pour voir ce que ça donnerait : ça ne donnait pas grand'chose de bon. Le vent parfois faisait pouffer les voiles, puis les laissait retomber,... PIERRE MILLE, Barnavaux et quelques femmes..., 1908, page 93. B.— Par extension. 1. Attacher (un objet quelconque, voire une personne) avec des cordages : Ø 11. Cependant le forçat était parvenu à s'affaler près du matelot. Il était temps; une minute de plus, l'homme, épuisé et désespéré, se laissait tomber dans l'abîme; le forçat l'avait amarré solidement avec la corde à laquelle il se tenait d'une main pendant qu'il travaillait de l'autre. VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 1, 1862, page 450. Ø 12. Si une monture s'abat, on fait halte, on ramasse les caisses brisées, on en charge une autre monture, on tire pour les amarrer bien sur le noeud de corde craquante, puis l'on reprend la même route. ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Citadelle, 1944, page 512. — Rare. Fixer, attacher : Ø 13. Le harpon n'est pas destiné comme on le croit souvent à tuer l'animal, mais seulement à l'amarrer. HENRI COUPIN, Animaux de nos pays, Dictionnaire pratique, 1909, page 51. Ø 14. L'OURS. — C'est cette personne qui est belle, moi, je n'ai qu'une chose à faire qui est de me l'amarrer illico. PAUL CLAUDEL, L'Ours et la lune, 1919, 3, page 615. — Argot " Manoeuvrer pour tromper ou voler. " (La Rue 1954). Amarrer quelqu'un : Ø 15. J'ai amarré une chouette gonce qui casque tout le temps... CHARLES VIRMAÎTRE, Dictionnaire d'argot fin-de-siècle, 1894, page 9. Remarque : " Mot à mot : jeter l'amarre sur sa crédulité. " (LES EXCENTRICITÉS DU LANGAGE FRANÇAIS (LORÉDAN LARCHEY ) 1880). 2. Emploi pronominal : Ø 16. D'autres cordées se formaient au dehors, dans la hâte. D'autres corps s'amarraient, d'autres guides nouaient au bout de leurs filins les charges qu'ils allaient haler, hisser tels des corps morts sur les surplombs,... JOSEPH PEYRÉ, Matterhorn, 1939, page 210. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 84.