Définition: BOUFFI, -IE, participe passé, adjectif et substantif. I.— Participe passé de bouffir* II.— Adjectif. A.— [Au sens physique] 1. [En parlant d'une partie du corps] Qui a pris du volume de façon excessive. Des yeux, un visage bouffi(s) de fatigue, de sommeil : Ø 1. Je comprenais que je devais être défiguré par le sommeil; je me sentais les traits épais, bouffis, les yeux pochés, les cheveux secs et emmêlés; mais tout m'était égal :... GEORGES DUHAMEL, Confession de minuit, 1920, page 82. SYNTAXE : Une face, une figure, une tête bouffie; des doigts, des traits bouffis; des mains, des paupières bouffies. 2. Par extension. [En parlant d'une personne souvent suivi d'un complément prépositionnel de indiquant la cause de la bouffissure] Bouffi de graisse. Il est un peu court; un peu bouffi; les mains sont grassouillettes (ANDRÉ GIDE, Journal, 1910, page 322 ). Synonymes : gros, replet. — Par analogie. Anges, amours, chérubins bouffis. La retombée des arcs de la voûte médiale du transept est soutenue par des amours bouffis (MAXIME DU CAMP, En Hollande, 1859, page 116 ). Synonymes : joufflu, rond. — [Avec un complément désignant un sentiment, etc.] Bouffi de colère, de rage. Qui a le visage enflé sous l'effet de la colère. Il allait recommencer, bouffi de colère, comme un coq d'Inde (HENRI POURRAT, Gaspard des Montagnes, Le Château des sept portes, 1922, page 191 ). 3. Par analogie. a) [En parlant d'un objet concret] [Les] massifs bouffis de cannas et de marguerites (LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1932, page 473 ). SYNTAXE : Un brick (...) les voiles pleines, bouffi de vent (FLAUBERT, Par les champs et par les grèves, 1848, page 334); un sac à main bouffi d'ordonnances (CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1932, page 432); le lit (...) bouffi d'oreillers (COLETTE, La Maison de Claudine, 1922, page 111). b) CONSERVERIE. Hareng bouffi. Hareng ayant séjourné quelque temps dans la saumure; par opposition à hareng saur qui séjourne plus longtemps. Ma seule distraction ou volupté consiste à manger beaucoup de harengs. (...). J'en absorbe de frais et de marinés, de rôtis, de sauris et de bouffis (GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance, 1879, page 281 ). B.— Au figuré. [En parlant d'une personne] Qui manifeste une excessive satisfaction de soi au point d'en être ridicule. Synonymes : plein, rempli : Ø 2. Je vois des hommes d'esprit qui ne croient qu'en eux-mêmes; ils sont bouffis d'orgueil, toujours contents de ce qu'ils disent; ils s'imaginent que le monde les admire... MARIE-FRANÇOISE-PIERRE GONCTHIER DE BIRAN, DIT MAINE DE BIRAN, Journal, 1820, page 276. SYNTAXE : Bouffi d'assurance, de génie, d'idées morales, de lieux communs, de prétention, de (vaine) science, de soi, de succès, de suffisance, de vanité. — Par analogie. LITTÉRATURE et ARTS. Éloquence, langage, style bouffi(e). Synonymes : ampoulé, emphatique, grandiloquent. Remarque : Bien attesté dans les dictionnaires généraux à partir de Dictionnaire de l'Académie Française 1798. III.— Substantif, péjoratif. (Gros) bouffi. Personne exagérément grosse. Et elle lui criait dans la figure : « (...) ça crèvera comme un sac à grain, ce gros bouffi! » (GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, Toine, 1885, page 178 ). Synonymes : gros plein de soupe, gros porc. — Par exclamation, locution populaire. [Pour renforcer une affirmation] Tu l'as dit, bouffi! Rouletabille, ricanant, ajouta : — Tu l'as dit, bouffi! (GASTON LEROUX, Le Mystère de la chambre jaune, 1907, page 109 ). — Au féminin, sans nuance péjorative, en manière de parole affectueuse. « Pourtant, ma petite bouffie, des fois qu'il y a, tu sens bien que tu as une âme, dis? » (ALPHONSE DAUDET, La Petite paroisse, 1895, page 180 ). Remarque : On rencontre dans la documentation l'adjectif bouffaré, synonyme ici de bouffi. Les anges bouffarés en robe rose jetaient les fleurs de leurs corbeilles (HENRI POURRAT, Gaspard des Montagnes, Le Pavillon des amourettes, 1930, page 262). Il s'agit sans doute d'une graphie phonétique pour bouffaret « joufflu », de bouffer au sens de « gonfler, enfler les joues ». STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 269. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 189, b) 373; XXe. siècle : a) 657, b) 387. Forme dérivée du verbe "bouffir" bouffir BOUFFIR, verbe. I.— Emploi transitif. A.— [L'objet désigne la chair humaine] Faire prendre du volume de façon excessive, gonfler, enfler. 1. [Le sujet désigne une cause extérieure, indépendante de l'individu] L'hydropisie lui a bouffi tout le corps (Dictionnaire de l'Académie française. 1798-1932) : Ø 1. Voyez-vous cette scélérate de fluxion qui se présente audacieusement, non pas une de ces petites fluxions qui se contentent d'enfler une joue ou de bouffir un oeil, comme en a si souvent mon pauvre petit portier, ce qui l'oblige d'aller à l'école des frères ignorantins avec un mouchoir à carreaux bleus en marmotte... HONORÉ DE BALZAC, Œuvres diverses, tome 1, 1850, page 424. SYNTAXE : Bouffir les joues, les lèvres, la peau, les veines, le visage. 2. [Le sujet désigne l'individu lui-même] Ah! Comme je bouffissais mes joues dans les trompettes d'airain! (GUSTAVE FLAUBERT, La Tentation de Saint Antoine, 1849, III, page 462 ). — Par métaphore. [Le sujet et l'objet désignent une chose abstraite] : Ø 2.... l'inflation sous toutes ses formes l'a bouffie [l'Europe] , lui a fait perdre son style et ses proportions : une anémie redondante, une débilité pléthorique la poussent à d'impossibles emphases. PAUL MORAND, L'Eau sous les ponts, 1954, page 229. — Au figuré, emploi pronominal. [Le sujet désigne une personne ou un groupe de personnes] Se gonfler (d'orgueil). Que de fats lettrés se bouffissent en parlant des emplois qu'ils occupent (JEAN-PAUL MARA, DIT MARAT, Les Pamphlets, Les Charlatans modernes, 1791, page 265 ). II.— Emploi intransitif. [Le sujet désigne une personne] S'enfler. Le visage lui bouffit tous les jours (Dictionnaire de l'Académie française. 1798-1932) : Ø 3. Madame, à trente-cinq ans, malgré tout l'exercice, bouffissait, et le matin elle avait de la peine à tenir sur ses pauvres pieds enflés. LOUIS ARAGON, Les Beaux quartiers, 1936, page 15. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 14.
