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Définition: CHAIR, substantif féminin.

Publié le 10/11/2015

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Définition: CHAIR, substantif féminin. I.— [Du point de vue de la nature et de la destination physiques] A.— [La chair en tant qu'élément de la nature sensible; l'emploi de la construction chair à est impossible] Composante prédominante du corps humain ou animal, essentiellement constituée des tissus musculaire et conjonctif. 1. [En parlant de l'Homme ou de l'animal — surtout par opposition au tissu osseux et à sa dureté, parfois par opposition au tissu sanguin et à sa fluidité] Substance somatique de consistance relativement molle. Chair molle, lambeaux de chair (confer anatomie exemple 5) : Ø 1. Le philosophe qui analise, décompose, ressemble à un anatomiste qui dirait en voyant une belle femme : ce sont des os, des chairs, des muscles; mais l'homme qui la contemple et sur-tout à travers le prisme de la jeunesse, voit une figure charmante, et des formes qui le ravissent. GABRIEL SÉNAC DE MEILHAN, L'Émigré, 1797, page 1835. Ø 2. Il revoyait ses membres liés, (...), tout son corps forcé, (...), ruisselant de sang, brûlant d'un feu rose, d'un aveuglant et insoutenable éclat, la matière merveilleuse de toute sa chair giclant comme un fruit dans les griffes aiguës du destin. JULIEN GRACQ, Au château d'Argol, 1938, page 131. — Expression. De chair et de sang ou de chair et d'os. De nature sensible. Moins majestueux que sur les images, enfin, un homme de chair et de sang (GEORGES DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Suzanne et les jeunes hommes, 1941, page 170 ). Pas (...) des gens de chair et d'os mais des allégories (SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, page 269 ). En chair et en os. Sous une forme sensible, en personne. À bientôt somatiquement (Vulgo, en chair et en os) (PAUL VERLAINE, Correspondance, tome 3, 1890, page 179 ). — Par analogie. [En parlant d'une chose concrète, généralement d'un élément naturel] : Ø 3. Les monts, très hauts encore, au tournant de la route, n'offrent plus qu'une ossature, un squelette morne, gris, dont toute substance, toute chair est absente. Je veux dire la veine grasse, la couche fertile et l'humus, si longuement accumulés ailleurs. Mais on voit, noires ou jaunes, et épaisses, des coulées de terre glisser de pente en pente entre ces os, sans que rien puisse en suspendre la chute. JOSEPH DE PESQUIDOUX, Le Livre de raison, 1925, page 179. — Par métaphore. [En parlant d'une chose abstraite] : Ø 4.... j'ai lu les Chansons des Rues et des Bois (...). C'est de la chair vivante et ferme, qui bondit de la seule vigueur des muscles et palpite de la seule chaleur du sang. LOUIS VEUILLOT, Les Odeurs de Paris, 1866, page 222. 2. [En parlant de l'Homme ou de l'animal — surtout par opposition à la peau, élément superficiel de la chair] Cette substance considérée principalement dans sa réalité profonde. a) [D'un point de vue interne] : Ø 5. Les serres convulsées, crispées sur les reins et le poitrail de la fouine, traversèrent la peau, les chairs, broyant sous leur étreinte les poumons, le coeur, tous les viscères qui saignèrent, se triturèrent comme une pâte de chair vivante et fumante,... LOUIS PERGAUD, De Goupil à Margot, 1910, page 116. SYNTAXE : Chair vive (= profonde, sensible); enfoncer, entrer, pénétrer dans la chair; mettre les chairs à vif; tailler, trancher dans la chair vive. Spécialement, anatomie. Chair carrée (de Sylvius). Muscle du pied, dit aussi « muscle accessoire du long fléchisseur commun des orteils » (d'après Dictionnaires français de médecine et de biologie (Alexandre Manuila, Ludmilla Manuila, M. Nicole, H. Lambert) tome 1 1970). Masse charnue particulière, placée au-dessus du court fléchisseur commun, et venant comme lui du calcanéum, mais allant s'insérer au tendon du long fléchisseur commun (...) ce qu'on nomme la chair carrée (CUVIER, Leçons d'anatomie comparée, tome 1, 1805, page 393). Tannerie. Côté chair ou absol. la chair. Côté opposé à celui du poil. Peau brute (...) face externe (...) appelée le côté poil ou le côté fleur (...) face interne appelée côté chair (J. BÉRARD, J. GOBILLIARD, Cuirs et peaux, 1947, page 19). — Expression. En pleine chair. Profondément. (Par métaphore) Roman taillé en pleine chair vive (JULES RENARD, Journal, 1893, page 190 ). Entre cuir et chair. En dessous de la peau. Frémissements nerveux (...) propagés entre cuir et chair (ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, La Consultation, 1928, page 1117 ). (Au figuré) Pester/rire entre cuir et chair (= sous cape). Ce rire entre cuir et chair qui décèle la certitude (VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 1, 1862, page 762 ). b) [D'un point de vue externe, quant au volume surtout] Chair épanouie, plantureuse : Ø 6. Rose est une merveille de joie simple. La chair de Rose, je la retrouve, je ne la quitterai jamais. Si vous la voyiez, si ample, si drue, si pleine, cette chair qui affleure de toutes parts au monde par cette peau si douce, si vivante, si bien arrosée et aérée. PIERRE DRIEU LA ROCHELLE, Rêveuse bourgeoisie, 1939, page 252. — Expression. Être (bien) en chair. Avoir des formes pleines. Une grosse face bien en chair (EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal, 1856, page 249 ). Remarque : On rencontre dans la documentation quelques variantes de cette expression : fort(e) en chair (MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, Une Partie de campagne, 1881, page 373), mal en chair (ÉMILE ZOLA, La Terre, 1887, page 324). — Par analogie. Là où la chair de la terre se plie en bourrelets gras (JEAN GIONO, Colline, 1929, page 9 ). — Par métonymie, péjoratif. Amas/masse (etc.) de chair. Personne aux formes très lourdes (et, parfois, à l'esprit pesant). Le dos d'une largeur monstrueuse, le ventre comme un tonneau, (...) un gigantesque amas de chair, (...) un de ces pots-à-tabac, à face humaine (ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, La Révolte, 1907, page 575 ). 3. [En parlant généralement de l'Homme] Cette substance considérée principalement dans sa réalité superficielle. (Quasi-)synonyme : peau. a) [Du point de vue du grain, de la chaleur, etc.] Chair chaude, froide, lisse. Une fleur comme cette Renée, une si étrange fleur de volupté, à la chair de soie (ÉMILE ZOLA, La Curée, 1872, page 475 ). — Expression. Chair de poule ou réaction ansérine*. Aspect hérissé que prend l'épiderme par érection des follicules pileux sous l'effet du froid, de la peur. Avoir / donner / faire venir la chair de poule : Ø 7. Je vis la femme frissonnant de la tête aux pieds, la peau blanche et satinée de son cou devint rude : elle avait, suivant un terme familier la chair de poule. HONORÉ DE BALZAC, Gobseck, 1830, page 395. — Par analogie. Taupinières, la chair de poule des prés (JULES RENARD, Journal, 1896, page 339 ). La nuit (...) à chair très noire, à grains serrés (PAUL MORAND, L'Homme pressé, 1941, page 51 ). Remarque : Un auteur substitue chair à peau dans l'expression à fleur de peau, ce qui prouve l'interchangeabilité des deux mots dans cette acceptation. Le frisson à fleur de chair que donnent les émotions trop violentes (ESTAUNIÉ, Un Simple, 1891, page 137). b) [Du point de vue de la couleur, de l'éclat] Chair meurtrie, rose, saine. Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants (CHARLES BAUDELAIRE, Les Fleurs du mal, Correspondances, Paris, Gallimard, 1964 [1857-61] , page 11) : Ø 8. Du nu des bras, du nu des nuques, du nu des épaules, du nu des seins jaillissant des corsages, du nu des dos qui faisaient deviner les reins, de tout ce nu s'irradiaient des rayons de chair blanche, de chair rosée, de chair rousse, de chair brune, et de toute cette peau à l'air, une buée parfumée s'élevait. JOSÉPHIN PÉLADAN, Le Vice suprême, 1884, page 143. — Expression, vieille. Avoir la chair fraîche. Avoir le teint frais. Fardée, mouchetée, musquée, la chair fraîche encore sous tant d'apprêts (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Les Dieux ont soif, 1912, page 86 ). — Spécialement. ARTS PLASTIQUES. (Aspect des) diverses parties du corps humain représentées nues (sous le rapport de la couleur ou même du modelé) : Ø 9. Rubens, la CHUTE DES RÉPROUVÉS, une avalanche, un écroulement de corps qui s'enlacent, se débattent, roulent et se précipitent; toute la gamme de la chair étalée et irruante, depuis les chairs transpercées de bleu jusqu'aux chairs chauffées de bitume, depuis les chairs reflétées de la gloire de Dieu jusqu'aux chairs rougeoyantes des feux de l'enfer. Jamais un pinceau n'a plus furieusement roulé et déroulé des monceaux de chair. (...). Et au milieu de cela, des gorges aux tons les plus fins, des dessous de bras où la lumière s'endort dans des tons bleuâtres, des corps rayés par la lumière comme des bronzes. C'est le soleil tombé en enfer, c'est la palette éblouissante de la chair... EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal, 1860, page 809. — Par analogie. Le ciel (...) du bleu rose, du bleu lilas, du bleu jaune, une chair vivante, une vaste nudité immaculée (ÉMILE ZOLA, La Faute de l'Abbé Mouret, 1875, page 1324 ). La chair translucide et verte de la mer (MAXENCE VAN DER MEERSCH, L'Empreinte du dieu, 1936, page 136 ). — Couleur (de) chair ou absolument chair (invariable). Couleur rouge pâle, beige rosé, blanc cassé (d'après la race humaine dite blanche). Des bas de soie (...) de toutes nuances, les noirs à jour, les rouges à coins brodés, les chair (sic) dont le grain satiné avait la douceur d'une peau de blonde (ÉMILE ZOLA, Au Bonheur des dames, 1883, page 391 ). En sa robe de satin chair (...) comme dans une coquille, entre ces valves glacées de nacre rose (MARCEL PROUST, Le Côté de Guermantes 1, 1920, page 36 ). Remarque : Chair donne lieu au mot composé rose-chair, nom de couleur invariable Ces couleurs de pivoines inconnues (...) une certaine rose-chair (Edmond et JULES DE GONCOURT, Journal, 1889, page 973). Vieilles tuiles rose-chair (ELSA TRIOLET, Le Premier accroc coûte deux cents francs, 1945, page 13). B.— [La chair en tant qu'objet de consommation; l'emploi de la construction chair à est possible] 1. [La chair en tant qu'élément nutritif] : Ø 10.... quel sentiment l'avait porté à manger de la chair humaine? La religion? Non, la faim. (...) surtout cette nécessité pour le carnivore de refaire sa chair et son sang par l'azote contenu dans les matières animales. C'est bien de fournir au travail des poumons au moyen des plantes tubéreuses et féculentes. Mais qui veut être fort et actif doit absorber ces aliments plastiques qui réparent les muscles. Tant que les Maoris ne seront pas membres de la Société des Légumistes, ils mangeront de la viande, et, pour viande, de la chair humaine. (...) encore faudra-t-il des années pour que les Maoris se déshabituent de la chair zélandaise qu'ils préfèrent à toute autre, car les fils aimeront longtemps ce que leurs pères ont aimé. À les en croire, cette chair a le goût de la viande de porc, mais avec plus de fumet. Quant à la chair blanche, ils en sont moins friands, parce que les blancs mêlent du sel à leurs aliments,... JULES VERNE, Les Enfants du capitaine Grant, tome 3, 1868, pages 62-63. Ø 11. Et voici que j'ai vu, par ces rouges éclats, ... ... jetant leurs odeurs brutes et sensuelles, Les viandes qui fumaient : chair de porc à foison, Chair de boeuf, jars et paons rôtis, et venaison; Chair d'agneau, moutons gras qui grésillaient encore, Et bons coqs que leur crête écarlate décore. CHARLES-MARIE LECONTE DE LISLE, Poèmes barbares, Les Paraboles de dom Guy, 1878, page 341. SYNTAXE : Chair bouillie, crue, cuite, dure, rôtie, tendre. Spécialement. Chair blanche. Chair peu colorée de veau, volaille, etc. Chair noire. Chair foncée du gibier. Chair rouge. Chair de boeuf, cheval, mouton. Chairs rouges, noires, et qu'on est convenu d'appeler chairs faites (BRILLAT-SAVARIN, Physiol. du goût, 1825, page 67). Chair à pâté. Chair de porc ou de gibier coupée en menus morceaux. (Par comparaison) Hacher menu comme chair à pâté. Toutes ses illusions mutilées, toutes ses espérances hachées menu comme chair à pâté (SANDEAU, Sacs et parchemins, 1851, page 30). Chair à saucisse ou chair. Chair de porc hachée menu. Farces de chair à saucisse (BOURGES, Le Crépuscule des dieux, 1884, page 113); morceau, odeur de chair; dévorer, se nourrir de (la) chair. Remarque : 1. Selon Dictionnaire universel de la langue française (Louis-Nicolas Bescherelle) 1845, Grand dictionnaire universel du XIXe. siècle (Pierre Larousse), Dictionnaire de la langue française (Émile Littré) et Dictionnaire des synonymes de la langue française (René Bailly) 1946, la chair se différencie de la viande en ce qu'elle n'a subi aucune préparation. Mais dans l'usage courant, les mots chair et viande semblent employés indifféremment l'un pour l'autre. Chair paraît pourtant s'employer de préférence à viande quand il s'agit de mets plus fins (volailles notamment). 2. Pour l'aspect religieux très général de la question, voir II B 1. — Par analogie. Phrases [ayant] du jus et de la chair (GUSTAVE FLAUBERT, Souvenirs, notes et pensées intimes, 1841, page 70 ). · Spécialement. RELIGION CATHOLIQUE. [La chair du Christ, sous forme d'aliment eucharistique et/ou de nourriture spirituelle] Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle (Saint Jean, VI, 54): Ø 12.... Jésus est là, non point en image ou en symbole, mais dans son corps et dans sa chair, le Maître est là, réellement présent, qui les a reconnus et qu'ils ont reconnu. Il est là, dans l'hostie vivante, (...). C'est le Dieu vivant que Maxence adorera, c'est le Dieu de sa délivrance et de son amour, c'est le Dieu de son introduction dans la vie. Maxence a le désir d'une nourriture substantielle. C'est ce pain qu'il demande. ERNEST PSICHARI, Le Voyage du centurion, 1914, page 229. 2. Par métonymie, avec une valeur ironiquement, péjoratif. a) [Par allusion au mythe de l'ogre qui dévore de la chair humaine, de la chair fraîche] Chair fraîche. Personne qui excite les appétits sensuels. La cabotine cynique (...) voulant se payer un peu de chair fraîche, de la Tour de Nesle en imitation, demandant des hommes (...) ogresse faisant le trottoir (EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal, 1862, page 1043 ). Renouvellement continuel de chair fraîche (...) la meilleure preuve qu'aucune des femmes que vous avez connues ne vous a satisfait parfaitement (HENRI DE MONTHERLANT, Le Démon du bien, 1937, page 1336 ). Sentir la chair fraîche. Être sensible à la présence physique de telle personne ou être attiré par quelque attrait. Voyant que la chair fraîche qu'il était venu sentir n'était pas découpée (HONORÉ DE BALZAC, Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau, 1837, page 290 ). Marchand/ vendeur, etc., de chair fraîche/humaine. Proxénète, marchand d'esclaves. Suivre ces marchands de chair humaine dans leurs dangereuses expéditions (MAXIME DU CAMP, Le Nil, Egypte et Nubie, 1854, page 132 ). Trafiquants de chair fraîche qui logeaient (...) derrière une lanterne rouge, des jardins de plaisir (PAUL MORAND, Londres, 1933, page 107 ). b) [Sans doute sur le modèle de chair à pâté/à saucisse] Chair à canon. Simple soldat que l'on expose sans scrupules à la tuerie guerrière, à la boucherie. Appeler les conscrits la matière première et la chair à canon (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Mélanges politiques, 1816-24, page 22 ). Remarque : La construction chair à donne lieu à des associations syntagmatiques très variées et expressions. La foule dont ils vivent, chair à canon, chair à goupillon, chair à sentence, ou chair à dividende (GEORGES CLEMENCEAU, L'Iniquité, 1899, page 86). 3. Par extension. Partie comestible de certains végétaux (fruits, champignons, etc.) dont la contexture rappelle celle de la substance animale. Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sures (ARTHUR RIMBAUD, Poésies, Le Bateau ivre, 1871, page 128 ). Reines-claudes dont l'épiderme rosé, déjà fendu par la maturité, laissait voir les chairs juteuses et dorées (ANDRÉ THEURIET, Le Mariage de Gérard, 1875, page 60 ). II.— [Du point de vue de la nature et de la destination spirituelle et/ou morale] A.— [La chair en tant que manifestation de l'être en général] 1. [La chair en tant que support de la vie humaine] a) [Dans sa nature propre, opposée à celle de l'âme, de l'esprit, du coeur] : Ø 13. Il y a deux éléments dans la nature physique de l'homme comme dans sa nature morale. Le premier est un élément de stabilité et de permanence : on le nomme terre, matière, chair, substance, forme (au sens concret). Et il y a un autre élément fluide, subtil, mouvant, intelligent, pénétrant, dynamique, et on le nomme suivant les différentes figures qu'il prend, eau, sang, souffle, esprit. PAUL CLAUDEL, Un Poète regarde la Croix, 1938, page 266. Ø 14. Une exposition de peinture. Le corps humain dans toute sa gloire, le corps humain revêtu de sa nudité comme d'un vêtement royal, l'âme revêtue de ce vêtement royal que Dieu lui a fait et qui est la chair. Ah, que nous sommes sots avec nos idées malsaines sur la pudeur! JULIEN GREEN, Journal, 1950, page 354. — Par analogie : Ø 15. Qu'on regarde l'église ou le bourg vu du parvis, il n'est pas une pierre qui n'ait gardé son âme et sa chair, je veux dire l'esprit de son époque et la pure qualité de la matière, à quoi les siècles ont ajouté une patine qui arrondit les angles et assouplit les ornements. ALBERT T'SERSTEVENS, L'Itinéraire espagnol, 1933, page 306. b) [Dans son aspect temporel] — [En tant qu'élément mortel] Chair morte, vivante : Ø 16. Un furieux désir de vivre, de tout revoir, de tout recommencer, de tout refaire, la souleva subitement. C'était une révolte en face de la mort; l'impossibilité d'admettre qu'elle ne verrait pas le soir de ce matin qui naissait; l'impossibilité de comprendre comment cette beauté, ce corps, cette pensée active, cette vie luxuriante de sa chair allaient, en pleine ardeur, cesser d'être, et pourrir. PIERRE LOUÿS, Aphrodite, 1896, page 220. — [En tant que support ou facteur de la survie de la race ou de l'individu] : Ø 17. Je crois à la vie qui élimine sans cesse les corps nuisibles, qui refait de la chair pour boucher les blessures, qui marche quand même à la santé, au renouvellement continu, parmi les impuretés et la mort. ÉMILE ZOLA, Le Docteur Pascal, 1893, page 98. · Expression. [Par référence plus ou moins nette aux textes bibliques] Par allusion à La Genèse, II, 21-24 « Alors Yahvé Dieu fit tomber un profond sommeil sur l'homme, qui s'endormit. Il prit une de ses côtes et referma la chair à sa place. Puis, de la côte qu'il avait tirée de l'homme, Yahvé Dieu façonna une femme et l'amena à l'homme. Alors celui-ci s'écria : « À ce coup, c'est l'os de mes os et la chair de ma chair! Celle-ci sera appelée femme car elle fut tirée de l'homme, celle-ci! » C'est pourquoi l'homme quitte son père et sa mère et s'attache à sa femme, et ils deviennent une seule chair. » - Chair de ma chair ou une seule/même chair. Être aimé (notamment femme par rapport à homme) ou couple en union étroite (notamment à travers sa descendance) : Ø 18. L'épouse du chrétien n'est pas une simple mortelle; c'est un être extraordinaire, mystérieux, angélique; c'est la chair de la chair, le sang du sang de son époux. En s'unissant à elle, l'homme ne fait que reprendre une partie de sa substance. Son âme, ainsi que son corps, sont incomplets sans la femme : il a la force; elle a la beauté;... FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Le Génie du christianisme, tome 1, 1803, page 78. Remarque : Ce genre d'expressions s'applique aussi, par extension, dans la langue littéraire, à une communauté dont les membres vivent en harmonie. La famille (...) rien qu'une volupté dans une seule chair (JULES ROMAINS, La Vie unanime, 1908, page 222). Une chair unique capable de se réjouir ensemble aux jours de fête (...) une ville (SAINT-EXUPÉRY, Citadelle, 1944, page 609). Ancêtres/parents/père, etc., selon la chair (= naturels). D'un côté, ses ancêtres selon l'esprit, de l'autre, les rois de Juda, ses ancêtres selon la chair (MARCEL PROUST, À l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, page 842 ). Chair de ma/sa... chair. Enfant, parenté. La réalité douloureuse de son enfant, cette chair vivante de sa chair (ÉMILE ZOLA, L'Œuvre, 1886, page 289 ). Confer aussi Les jardins, dont on peut dire sans blasphème qu'ils sont aussi la chair de notre chair (François Mauriac, Journal au temps de l'occupation, 1944, page 309). Résurrection de la chair. " Retour des morts à la vie, à la fin des temps, par la réunion de l'âme immortelle à un corps (...) transfiguré, rendu spirituel par participation à la gloire du Christ " (Dictionnaire de la foi chrétienne (OLIVIER DE LA BROSSE, ANTONIN-MARIE HENRY, PHILIPPE ROUILLARD) tome 1 1968) : Ø 19. Dans le Credo, nous affirmons notre foi en la résurrection de la chair. La résurrection de la chair... Qui de nous y arrête sa pensée? Nous devrions tressaillir de joie, si cette foi était en nous vivante. (...), lorsque Job, dont le corps est consumé, qui n'a plus que la peau sur les os et les lèvres autour de ses dents, s'écrie : « Je sais que mon Rédempteur est vivant et qu'au dernier jour je ressusciterai de la terre, et que de nouveau je serai environné de ma peau, et que dans ma chair, je verrai mon Dieu... », je connais des hommes que cette certitude inconcevable ne trouble pas, mais qu'elle emplit de lumière :... FRANÇOIS MAURIAC, Journal 1, 1934, pages 27-28. 2. Par extension. a) La nature humaine, la condition terrestre : Ø 20.... son oeuvre [de Baudelaire] , c'est la lutte éternelle entre la chair et l'esprit. Baudelaire, Verlaine, Sainte-Beuve ont exposé qu'ils participaient de l'humanité, du péché et qu'ils savaient ce qu'ils devraient être. (...). Baudelaire n'a jamais, à la Leconte de Lisle, à la France (Les noces corinthiennes), glorifié la nature. Il a voulu s'échapper à soi-même, sortir de soi, se hausser. (...). C'est là l'explication du trouble, de l'inquiétude dont il est rempli : il entrevoit la vraie vie; il lutte contre la chair et les pensées qui viennent de la chair. Sa vie est une crise. MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 12, 1919, page 8. — Expression. [Par référence plus ou moins nette aux textes bibliques] · La chair et le sang. L'homme dans sa condition naturelle. Glorifi [er] la chair et le sang; cette chair et ce sang mêmes qu'un Dieu a désiré revêtir (PAUL CLAUDEL, Le Soulier de satin, Version pour la scène, 1944, 2e. journée, 5, page 735 ). · Vivre dans la chair. Vivre ici-bas. — Par allusion aux textes néotestamentaires. Et le Verbe s'est fait chair et il a demeuré parmi nous (Saint Jean, I, 14 ). Le Fils de Dieu a assumé et sauvé la nature humaine : Ø 21. Je songe à ces imaginations chrétiennes selon lesquelles le plus grand dessein de leur dieu (et ce fut aussi sa plus grande adresse) fut de se faire homme un jour. Le Verbe se fit chair, et Dieu se chargea des chaînes et des misères des hommes, se rabaissa à leur mesure pour les mieux connaître et pour les mieux « sauver ». Comme si ce Dieu avait eu dégoût de sa pureté même et de sa liberté. Comme si, tout Dieu qu'il était, il reconnaissait ses limites et qu'il ne lui servait de rien d'avoir créé la douleur des hommes s'il ne pleurait leurs larmes. JEAN GUÉHENNO, Journal d'une révolution, 1938, page 147. · Par analogie : Ø 22. Mais ces légendes, ces images qui étaient pour Olivier de belles fables, des sortes de paraboles, en lui se faisaient chair, devenaient réalité. Le conte de fées s'animait, palpitait autour de lui. Et la vision qu'encadrait la fenêtre de la chambre, (...) le ciel pâlissant où mourait la lumière, — tout ce monde extérieur s'imprima brusquement en lui, comme un baiser. ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, Le Buisson ardent, 1911, page 1308. b) En particulier. La nature humaine dans ses limites, ses imperfections. Les faiblesses de la chair : Ø 23.... c'était aussi le plus humain des Christ, un Christ à la chair triste et faible, abandonné par le Père qui n'était intervenu que lorsque aucune douleur nouvelle n'était possible, le Christ assisté seulement de sa Mère qu'il avait dû, ainsi que tous ceux que l'on torture, appeler dans des cris d'enfant, de sa Mère, impuissante alors et inutile. Par une dernière humilité sans doute, il avait supporté que la Passion ne dépassât point l'envergure permise aux sens;... GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Là-bas, tome 1, 1891, page 17. SYNTAXE : Pauvre chair; coeur/yeux, etc. de chair : Yeux de chair (...) oeil intérieur (...) qui rend d'autres services que de compter les marches des escaliers (COCTEAU, La Machine infernale, 1934, page 40); créature/homme, etc. de chair : L'orgueil des états et des rois de chair obstinés (...) à secouer la tutelle du pouvoir spirituel (...) pour aboutir fatalement (car les États ne tiennent pas par la matière, mais par l'esprit) aux crises révolutionnaires (MARITAIN, Primauté du spirituel, 1927, page 38). — Expression. [Par référence plus ou moins nette aux textes bibliques] Être de chair/de chair et d'os. Avoir des forces limitées. Vivre, etc. selon la chair (= selon le siècle, les intérêts du monde). Goût des vérités éternelles perdu (...) dans une vie frivole, mondaine et toute selon la chair (MARIE-FRANÇOISE-PIERRE GONCTHIER DE BIRAN, DIT MAINE DE BIRAN, Journal, 1824, page 277 ). — Par allusion aux textes néotestamentaires. · Vous, vous jugez selon la chair; moi je ne juge personne (St Jean, VIII, 15) (= selon votre entendement humain naturellement borné) : Ø 24. Tout ce que vous me reprochez est juste, mais d'un certain point de vue (...) celui des gens mariés. Les gens mariés ont été obligés de « réaliser », de prendre terre. Les gens mariés jugent selon la chair. (...). Pour les gens mariés, je ne suis plus sans doute qu'un garçon paresseux qui se lève tard et ne travaille pas beaucoup. HENRI, ALBAN FOURNIER, DIT ALAIN-FOURNIER, Correspondance [avec Jacques Rivière] , 1910, page 195. · L'esprit est prompt, mais la chair est faible (ÉVANGILE SELON SAINT MATTHIEU, XXVI, 41: Ø 25.... je suis le fils de la femme; ce sont ces médecins insensibles qui sont les hommes forts, pas moi. L'esprit est fort, et la chair est faible. Et pourtant, hier encore, est-ce que la chair elle-même n'était pas implacable? Moi aussi j'ai tué des êtres pareils à celui-ci, et ma chair n'a pas tremblé près de leurs cadavres. HENRI DE MONTHERLANT, Le Songe, 1922, page 139. — Spécialement. L'Homme sans le secours de la Grâce divine : Ø 26.... M. Olier, comme tous ceux de son école, (...), se fait de la nature déchue l'idée la plus noire. Mais cette noirceur n'assombrit aucunement leur vie intérieure et la réjouit plutôt. (...)? Ce débris infect et sordide, ce vain et intolérable fardeau, le vieil Adam, l'« homme naturel », la « chair de péché », plus nous en serons dégoûtés et plus aussi nous aurons de joie à nous en dépouiller pour faire place au nouvel Adam, à l'esprit, à la loi de grâce. ABBÉ HENRI BREMOND, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, tome 4, 1920, page 33. c) Au singulier collectif. Toute chair. L'ensemble des êtres vivants, la créature (par opposition à Dieu) : Ø 27. Ne formez qu'un soupir. Qu'une plainte éternelle accuse la nature, Et que la douleur donne à toute créature Une voix pour gémir. Du jour où la nature, au néant arrachée, S'échappa de tes mains comme une oeuvre ébauchée, Qu'as-tu vu cependant? Aux désordres du mal la matière asservie, Toute chair gémissant, hélas! Et toute vie Jalouse du néant. ALPHONSE DE LAMARTINE, Méditations poétiques, Le Désespoir, 1820, page 98. B.— [La chair en tant qu'objet de valorisation morale, religieuse] Généralement péjoratif. 1. [En parlant de certains animaux dont la consommation est frappée d'interdit] Spécialement. RELIGION CATHOLIQUE. vieux. Partie comestible des animaux autres que les animaux aquatiques (le poisson notamment) dont l'Église interdisait la consommation les jours d'abstinence, le vendredi en particulier. S'abst [enir] de manger de la chair certains jours, et se croi [re] par-là dispensés de toutes les vertus (CHARLES-FRANÇOIS DUPUIS, Abrégé de l'origine de tous les cultes, 1796, page 550 ). — Par allusion aux commandements de l'Église. Vendredi chair ne mangeras Ni jours défendus mêmement (Ancien Catéchismes des diocèses de France). Ce commandement de l'Église : « Vendredi chair ne mangeras, ni autre chose pareillement » (HENRI MURGER, Scènes de la vie de bohème, 1851, page 46 ). Remarque : L'opposition entre chair d'animaux non aquatiques et chair de poisson est très ancienne. Elle correspond sans doute à la distinction entre animaux à sang chaud et animaux à sang froid. Primitivement, la prohibition portait essentiellement sur le sang, assimilé à la vie : " Vous ne mangerez du sang d'aucune chair car la vie de toute chair, c'est son sang, et quiconque en mangera sera supprimé " (Le Lévitique, XVII, 14). — Par métaphore. Ni chair ni poisson. Sans caractère déterminé, d'une nature ambivalente. Ni chair ni poisson : un savant ou demi-savant qui (...) rabâche de tout, et qui ne sait pas une seule chose à fond (CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Pensées et maximes, 1869, page 99 ). 2. [En parlant de l'homme] a) Vieilli. Les sens. Mortifier sa chair : Ø 28. Les ennemis de l'esprit sont d'opinion que la partie saine, bonne, innocente, inoffensive de l'homme, c'est la chair. La chair n'a d'elle-même aucun mauvais instinct, aucune tendance perverse. Se nourrir, se reproduire, se reposer, ce sont là ses fonctions : Dieu les lui a données et les lui rappelle sans cesse par les appétits. (...). Ce qui la corrompt, c'est l'esprit. (...). L'esprit est le père de la sottise, de l'hypocrisie, des exagérations dans tous les sens, et partant, des abus et des excès que l'on a coutume de reprocher à la chair, excellente personne, facile à entraîner à cause de son innocence même; et c'est pourquoi les hommes vraiment religieux et vraiment éclairés doivent défendre cette pauvre enfant en bannissant vivement les séductions de l'esprit. JOSEPH ARTHUR COMTE DE GOBINEAU, Nouvelles asiatiques, La Danseuse de Shamakha, 1876, pages 16-17. Ø 29. Nul plus que moi n'est opposé à ceux qui ont prêché la réhabilitation de la chair, et je crois pourtant que le christianisme a eu tort de prêcher la lutte, la révolte des sens, la mortification. Cela a pu être bon pour l'éducation de l'humanité, mais il y a quelque chose de plus parfait encore. C'est qu'on ne pense plus à la chair, c'est qu'on vive si énergiquement de la vie de l'esprit que ces tentations des hommes grossiers n'aient plus de sens. (...). Aux yeux d'hommes grossiers, un homme qui jeûne, qui se flagelle, qui est chaste, qui passe sa vie sur une colonne, est l'idéal de la vertu. (...). Mais pour nous, un tel homme n'est pas vertueux : car, ces jouissances de la bouche et des sens n'étant rien pour nous, nous ne trouvons pas qu'il ait de mérite à s'en priver. ERNEST RENAN, L'Avenir de la science, 1890, page 403. b) L'instinct sexuel, l'amour physique. La chair est triste, hélas! et j'ai lu tous les livres (STÉPHANE MALLARMÉ, Poésies, Brise marine, 1898, page 38) : Ø 30.... la femme, devenue la grande tentatrice, le piège du diable, a inspiré des désirs et des adorations d'autant plus ardentes et a tenu une bien autre place dans le monde. La malédiction jetée à la chair a dramatisé l'amour. Il y a eu des passions nouvelles : la haine paradoxale de la nature, l'amour de Dieu, la foi, la contrition. À côté de la débauche exaspérée par la terreur même de l'enfer, il y a eu la pureté, la chasteté chevaleresques;... JULES LEMAÎTRE, Les Contemporains, 1885, page 159. Ø 31. L'amour, dans Phèdre exaspéré, n'est point du tout celui qui est si tendre en Bérénice. Seule, ici, la chair règne. Cette voix souveraine appelle impérieusement la possession du corps aimé et ne vise qu'un but : l'extrême accord des jouissances harmoniques. Les images les plus intenses sont alors maîtresses d'une vie, déchirent ses jours et ses nuits, ses devoirs et ses mensonges. La puissance de l'ardeur voluptueuse renaissante sans cesse et non assouvie agit à l'égal d'une lésion. PAUL VALÉRY, Variété V, 1944, page 186. Ø 32. Bien qu'ayant été, sans aucun doute, une jeune mariée heureuse, à peine distinguait-elle le vice de la sexualité : elle associa toujours étroitement l'idée de chair à celle de péché. Comme l'usage l'obligeait à excuser chez les hommes certaines incartades, elle concentra sur les femmes sa sévérité; entre les « honnêtes femmes » et les « noceuses », elle ne concevait guère d'intermédiaire. Les questions « physiques » lui répugnaient tant que jamais elle ne les aborda avec moi;... SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, page 41. SYNTAXE : L'acte de chair : La mortelle dépression nerveuse qu'on éprouve après avoir consommé l'acte de chair avec quelqu'un qui ne vous fait pas envie (MONTHERLANT, Les Jeunes filles, 1936, page 1013); l'aiguillon de la chair : Les impulsions du vice (...) l'aiguillon de la chair (MONTALEMBERT, Histoire de Sainte Élisabeth de Hongrie, 1836, page 283); le démon/le péché de la chair : Pleins de vertus familiales (...) ceux pour qui le péché de la chair est le plus honteux de tous (R. ROLLAND, Jean-Christophe, L'Adolescent, 1905, page 337); les choses de la chair : Ø 33. Ne mêle pas l'esprit aux choses de la chair. Sache, aux moments secrets où le corps est en fête, Redescendre à l'obscur délire de la bête. Tumultueux et sourd et fort comme la mer, Laisse gronder tes sens en orgues de tempête, Et que sous l'onde en feu de tes baisers halète L'orgueilleuse impudeur de la beauté parfaite. CHARLES GUÉRIN, Le Coeur solitaire, Mélancolies à Viollis, 1898, page 100. — Par allusion aux commandements de l'Église. L'oeuvre de chair ne désireras / qu'en mariage seulement (Anciens Catéchismes des diocèses de France; Confer aussi Guy de Maupassant, Contes et nouvelles, tome 2, La Confession de Théodule Sabot, 1883, page 43). c) En particulier. Ce qui, dans le corps humain ou dans le physique de tel individu, est spécialement enclin ou propice au plaisir amoureux. Chair nue, chair de femme : Ø 34. Et le corps masculin? Germaine s'interroge. Exerce-t-il, sur elle du moins, un pouvoir analogue? Elle en aime la fermeté des chairs, les lignes décidées. Dans l'étreinte, il lui est agréable de sentir la vigueur des muscles qui la pressent. Mais tout cela reste une impression d'ensemble, et assez paisible. Les diverses régions de ce corps ne lui semblent ni belles ni émouvantes par elles-mêmes. Il n'y a guère dans la conformation virile qu'un détail qui la captive singulièrement,... LOUIS FARIGOULE, DIT JULES ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, Le 6 octobre, 1932, page 120. Ø 35.... la victoire alors a le corps de nos femmes sous la pluie de l'amour. Voici la chair heureuse, luisante et chaude, grappe de septembre où le frelon grésille. Sur l'aire du ventre s'abattent les moissons de la vigne. Les vendanges flambent au sommet des seins ivres. Ô mon amour, le désir crève comme un fruit mûr, la gloire des corps ruisselle enfin. ALBERT CAMUS, L'État de siège, 1948, page 285. Remarque générale : Chair comme charnel/le, draine de nombreuses réminiscences bibliques, notamment dans son acception Il et jusque dans ses emplois les plus moderne L'influence considérable de la théologie catholique sur ces mots s'explique par leur rattachement aux conceptions les plus fondamentales de la pensée humaine et leur rapport synonymique ou antonymique avec d'autres termes du vocabulaire de base, ayant également une portée idéologique, religieuse — comme matière/matériel, esprit/spirituel, etc.

« broyant sous leur étreinte les poumons, le coeur, tous les viscères qui saignèrent, se triturèrent comme une pâte de chair vivante et fumante,... LOUIS PERGAUD, De Goupil à Margot, 1910, page 116. SYNTAXE : Chair vive (= profonde, sensible); enfoncer, entrer, pénétrer dans la chair; mettre les chairs à vif; tailler, trancher dans la chair vive.

Spécialement, anatomie.

Chair carrée (de Sylvius).

Muscle du pied, dit aussi « muscle accessoire du long fléchisseur commun des orteils » (d'après Dictionnaires français de médecine et de biologie (Alexandre Manuila, Ludmilla Manuila, M.

Nicole, H.

Lambert) tome 1 1970).

Masse charnue particulière, placée au-dessus du court fléchisseur commun, et venant comme lui du calcanéum, mais allant s'insérer au tendon du long fléchisseur commun (...) ce qu'on nomme la chair carrée (CUVIER, Leçons d'anatomie comparée, tome 1, 1805, page 393).

Tannerie.

Côté chair ou absol.

la chair.

Côté opposé à celui du poil.

Peau brute (...) face externe (...) appelée le côté poil ou le côté fleur (...) face interne appelée côté chair (J.

BÉRARD, J.

GOBILLIARD, Cuirs et peaux, 1947, page 19). — Expression.

En pleine chair.

Profondément.

(Par métaphore) Roman taillé en pleine chair vive (JULES RENARD, Journal, 1893, page 190 ).

Entre cuir et chair.

En dessous de la peau. Frémissements nerveux (...) propagés entre cuir et chair (ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, La Consultation, 1928, page 1117 ).

(Au figuré) Pester/rire entre cuir et chair (= sous cape).

Ce rire entre cuir et chair qui décèle la certitude (VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 1, 1862, page 762 ). b) [D'un point de vue externe, quant au volume surtout] Chair épanouie, plantureuse : Ø 6.

Rose est une merveille de joie simple.

La chair de Rose, je la retrouve, je ne la quitterai jamais.

Si vous la voyiez, si ample, si drue, si pleine, cette chair qui affleure de toutes parts au monde par cette peau si douce, si vivante, si bien arrosée et aérée. PIERRE DRIEU LA ROCHELLE, Rêveuse bourgeoisie, 1939, page 252. — Expression.

Être (bien) en chair.

Avoir des formes pleines. Une grosse face bien en chair (EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal, 1856, page 249 ). Remarque : On rencontre dans la documentation quelques variantes de cette expression : fort(e) en chair (MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, Une Partie de campagne, 1881, page 373), mal en chair (ÉMILE ZOLA, La Terre, 1887, page 324). — Par analogie.

Là où la chair de la terre se plie en bourrelets gras (JEAN GIONO, Colline, 1929, page 9 ). — Par métonymie, péjoratif.

Amas/masse (etc.) de chair. Personne aux formes très lourdes (et, parfois, à l'esprit pesant).

Le dos d'une largeur monstrueuse, le ventre comme un tonneau, (...) un gigantesque amas de chair, (...) un de ces pots-à-tabac, à face humaine (ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, La Révolte, 1907, page 575 ). 3.

[En parlant généralement de l'Homme] Cette substance considérée principalement dans sa réalité superficielle. (Quasi-)synonyme : peau. 2. »

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