Définition du mot: ALLÉGORIE, substantif féminin. A.— LITTÉRATURE, BEAUX-ARTS. Mode d'expression consistant à représenter une idée abstraite, une notion morale par une image ou un récit où souvent (mais non obligatoirement) les éléments représentants correspondent trait pour trait aux éléments de l'idée représentée : Ø 1. L'allégorie est essentiellement froide et raide. Les personnages y sont d'airain, et se meuvent tout d'une pièce. ERNEST RENAN, Histoire des origines du Christianisme, Vie de Jésus, 1863, page 520. Ø 2.... le symbole, spontané, irrationnel, a des prolongements indéfinissables et illimités; l'allégorie, au contraire, qui recouvre seulement une notion, n'est plus qu'un mot infirme : elle parle moins précisément qu'un texte et perd son pouvoir sur l'inconscient. RENÉ HUYGHE, Dialogue avec le visible, 1955, page 240. Remarque : 1. C'est surtout aux cas où la correspondance entre les éléments représentants et les éléments représentés est poussée dans les moindres détails que s'attache une note péjorative. Celle-ci peut-être absente comme le montrent les deux exemples suivants :2 exemples suivants : Ø 3. L'allégorie morale, comme celle des prières dans Homère, est belle en tout temps, en tout pays, en toute religion; le christianisme ne l'a pas bannie. Nous pouvons, autant qu'il nous plaira, placer au pied du trône du souverain arbitre, les deux tonneaux du bien et du mal. FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Le Génie du christianisme, tome 1, 1803, page 470. Ø 4.... l'allégorie, ce genre si spirituel, que les peintres maladroits nous ont accoutumés à mépriser, mais qui est vraiment l'une des formes primitives et les plus naturelles de la poésie, reprend sa domination légitime dans l'intelligence illuminée par l'ivresse. Le haschisch s'étend alors sur toute la vie comme un vernis magique; il la colore en solennité et en éclaire toute la profondeur. Paysages dentelés, horizons fuyants, perspectives de villes blanchies par la lividité cadavéreuse de l'orage ou illuminées par les ardeurs concentrées des soleils couchants, — profondeur de l'espace, allégorie de la profondeur du temps... CHARLES BAUDELAIRE, Les Paradis artificiels, 1860, page 376. Remarque : 2. Le mot devient parfois synonyme de symbole (notamment en alchimie) : Ø 5. Paris change, mais rien dans ma mélancolie N'a bougé! palais neufs, échafaudages, blocs, Vieux faubourgs, tout pour moi devient allégorie, ... CHARLES BAUDELAIRE, Les Fleurs du mal, 1857-1861, page 151. Ø 6. Les symboles et allégories relatifs au grand oeuvre s'inspirent, tout particulièrement et avec de nombreuses variantes, des fruits, des métaux, des animaux, des planètes ou des quatre éléments. MICHEL CARON, SERGE HUTIN, Les Alchimistes, 1959, page 138. — En particulier Œuvre littéraire ou d'art plastique utilisant ce mode d'expression : Ø 7. Les fables que l'on prétendoit absurdes, deviennent les allégories de la vérité; et l'erreur audacieuse n'insulte plus à la sagesse. ÉTIENNE PIVERT DE SENANCOUR, Rêveries sur la nature primitive de l'homme, 1799, page 216. Ø 8. Les révolutions politiques et religieuses apparaissent représentées par des allégories, qui se traduisent en de sévères jugements. FRÉDÉRIC OZANAM, Essai sur la philosophie de Dante, 1838, page 268. Ø 9. — Une allégorie est toujours une femme, qu'on représente la Perversité ou l'Agriculture, la Morale ou la Géométrie. JOSÉPHIN PÉLADAN, Le Vice suprême, 1884, page 187. Ø 10. « La Justice et la Vengeance divine poursuivant le Crime » dépaysée au Musée du Louvre où on a cru bon de la transporter est peut-être la plus belle allégorie de toute la peinture française. LOUIS RÉAU, L'Art romantique, 1930, page 24. B.— THÉOLOGIE. Système théologique consistant à renouveler l'interprétation de l'Ancien Testament par la découverte, sous le sens littéral, d'un sens caché " à la lumière des faits et des enseignements du Christ " et, inversement, à exprimer " la révélation évangélique dans des termes empruntés aux Écritures anciennes " nouvellement interprétées (d'après Dictionnaire théologique (LOUIS BOUYER) 1963) : Ø 11. Philon, écrivain juif, pensait de même sur le caractere des livres sacrés des Hébreux. Il a fait deux Traités particuliers, intitulés Des allégories; et il rappelle au sens allégorique l'arbre de vie, les fleuves du paradis et les autres fictions de la Genese. Quoiqu'il n'ait pas été heureux dans ses explications, il n'en a pas moins apperçu qu'il serait absurde de prendre ces récits à la lettre. C'est une chose avouée de tous ceux qui connaissent un peu les écritures, dit Origene, que tout y est enveloppé sous le voile de l'énigme et de la parabole. Ce docteur et tous ses disciples regardaient en particulier comme une allégorie toute l'histoire d'Adam et d'Ève, et la fable du paradis terrestre. CHARLES-FRANÇOIS DUPUIS, Abrégé de l'origine de tous les cultes, 1796, page 308. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 291. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 647, b) 341; XXe. siècle : a) 219, b) 370.