Définition du terme: CONTRASTE, substantif masculin. A.— Opposition entre deux ou plusieurs choses, mise en évidence et soulignée par leur rapprochement, leur mise en relation. Quelques goûts communs nous avaient liés, moins que la découverte de nos contrastes (ROGER CRÉTIN, DIT ROGER VERCEL, Capitaine Conan, 1934, page 42) : Ø 1. Faire le contraire (...) des gens que nous ne goûtons point, nous paraît déjà un plaisir, et presque une garantie que nous agissons bien. Notre instinct est de multiplier les contrastes avec nos antipathies, afin de pouvoir nous conserver notre estime. L'imitation étant un hommage, l'opposition est comme une protestation secrète. HENRI-FRÉDÉRIC AMIEL, Journal intime, 1866, page 131. Ø 2.... les lois naïves des contrastes que l'on croyait exister entre l'art et la nature, le beau et le vrai, la pensée et la vie, le vieux et le neuf. PAUL VALÉRY, Variété IV, 1938, page 12. SYNTAXE : Contraste frappant, saisissant, remarquable, prononcé, marqué; contraste pittoresque, singulier; contraste révélateur; goût du contraste; remarquer, mesurer un contraste; former, présenter, offrir un contraste; établir, souligner, accentuer, atténuer un contraste; être en contraste avec. · En contraste. Mettre (deux ou plusieurs éléments) en contraste; présenter (quelque chose) en contraste avec (quelque chose). · Par contraste. Ressortir par contraste; opposer, faire valoir par contraste : Ø 3.... le bruit arrivait directement, vous atteignant sous le menton, sous une de vos oreilles, sur un des côtés de votre figure; après quoi, par contraste, il y a eu. presque du silence, il y eut retombée et vide... CHARLES-FERDINAND RAMUZ, La Grande peur dans la montagne, 1926, page 19. — Particulièrement. dans le domaine artistique et en LITTÉRATURE. [Comme moyen d'expression par opposition de couleurs, de lignes, de formes, de sons, de rythmes, de mots, d'idées...] L'art des contrastes : Ø 4.... la mélancolie physique peut s'allier avec un esprit gai et de ce contraste ressort la gaieté et le comique des situations. Molière avait cette deuxième disposition... MARIE-FRANÇOISE-PIERRE GONCTHIER DE BIRAN, DIT MAINE DE BIRAN, Journal, 1820, page 289. SYNTAXE : Procédé, souci du contraste; effets de contraste; jeu, hardiesse des contrastes; contrastes du clair-obscur, de lumière et d'ombre, des droites et des courbes; chercher l'effet par le contraste, manier les contrastes. 1. Spécialement. Opposition de parties sombres et de parties claires. a) Domaine de la radiographie et de la photographie. (en noir et blanc ou en couleur). Contraste d'un négatif, contrastes d'un cliché; accentuer le contraste d'une image. — RADIOGRAPHIE. Substance de contraste. Substance opaque aux rayons X administrée pour rendre visibles certains organes ou tissus qui, naturellement, n'apparaîtraient pas en contraste. — En apposition. PHOTOGRAPHIE. Papier contraste. Papier permettant d'obtenir de bonnes épreuves même à partir de clichés aux contrastes peu marqués. b) Domaine de la télévision Différence entre les impressions lumineuses produites sur l'écran par les parties claires et les parties sombres de l'image. 2. Par analogie. a) PSYCHOLOGIE. Loi de contraste. Opposition, renforcée par leur rapprochement dans la conscience, de deux phénomènes (domaine des sensations, des perceptions, des images, des sentiments, des idées), chacun étant senti ou perçu avec plus de force, de netteté (confer Goblot 1920). Contraste simultané, successif (confer Emmanuel Mounier, Traité du caractère, 1946, page 720 ). · Association par contraste. Association d'idées où une idée appelle son contraire (l'idée de blanc appelant celle de noir, l'idée de beau celle de laid, etc.). M. Paulhan a fait une remarque analogue à propos du délire du doute quand il a dit que les idées de ces malades sont dues à l'exagération de l'association par contraste (DOCTEUR PIERRE-MARIE-FÉLIX JANET, Les Obsessions et la psychasthénie, 1903, page 66 ). · Particulièrement. Contraste des couleurs, contraste simultané des couleurs. Phénomène d'optique se produisant lorsque l'oeil considère en même temps deux couleurs juxtaposées et consistant en un renforcement de leur opposition, chacune recevant un supplément de coloration correspondant à la couleur complémentaire de l'autre. Contraste successif des couleurs. Phénomène d'optique se produisant lorsque l'oeil, ayant considéré quelque temps une couleur, en regarde une deuxième qui lui apparaît alors teintée de la couleur complémentaire de la première. Loi du contraste simultané et successif des couleurs (confer René Warcollier, La Télépathie, 1921, page 268 ). b) LINGUISTIQUE. Rapport existant entre chaque unité d'un énoncé et les unités du même type figurant simultanément dans la chaîne (d'après Dictionnaire de la linguistique (GEORGES MOUNIN) 1974); Confer aussi Dictionnaire de linguistique (Jean Dubois, Mathée Giacomo, Louis Guespin, Christiane Marcellesi, Jean-Baptiste Marcellesi) 1972. B.— Opposition entre personnes. Esprits religieux éminents, qui ont toujours été plus ou moins en contraste et en lutte au sein d'une même foi, d'une même charité (CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 1, 1840, page 226 ). Le bataillon des élèves de Saint-Cyr était arrivé : en rivalité et en contraste avec l'école polytechnique, il avait embrassé la cause royale (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, tome 3, 1848, page 623 ). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 1 886. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 3 468, b) 2 707; XXe. siècle : a) 1 795, b) 2 531. Forme dérivée du verbe "contraster" contraster CONTRASTER, verbe. A.— Emploi intransitif. 1. [Le sujet est un pluriel] Être en opposition, en contraste; s'opposer : Ø 1.... ceux des phénomènes qui diffèrent ou même contrastent dans le domaine extérieur — la terre molle là, la pierre dure ici — donnent à ce même pas des sonorités différentes. ÉLIE FAURE, L'Esprit des formes, 1927, page 77. — Absolument. Jolies couleurs qui contrastent (MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, 1898-99, page 80 ). Souvent une maison réussit par deux hommes qui contrastent (ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos, 1930, page 951 ). 2. [Le sujet est le plus souvent un singulier] Contraster avec.. Être en opposition, en contraste avec; s'opposer à; trancher avec. L'agitation de cet inconnu contrastait singulièrement avec la placidité du major (JULES VERNE, Les Enfants du capitaine Grant, tome 1, 1868, page 49 ). Des pins dont la verdure presque noire contrastait si violemment avec la lumière éclatante (JEAN THARAUD, JÉRÔME THARAUD, La Fête arabe, 1912, page 122 ). Une réalité sociale qui contrastait durement avec ses « chimères » (JEAN GUÉHENNO, Jean-Jacques, Grandeur et misère d'un esprit, 1952, page 60 ). — [Le complément n'est pas exprimé] Mon regard (...) aperçoit dans l'ombre une lueur d'autant plus froide qu'au dehors l'aridité contraste (FRANCIS JAMMES, Les Nuits qui me chantent, 1928, page 123) : Ø 2. Aspect rustique d'une petite ville de Provence. Le manteau à dentelles qu'elle avait mis contrastait singulièrement. JULES MICHELET, Journal, 1858, page 408. — Rare. Créer un contraste : Ø 3. Comme dans la sérénade de Don Juan, où la guitare se moque de la voix langoureuse, Cadenet avait contrasté, mais cyniquement, éraillant les sons, déhanchant le rythme, avec des staccati canailles. JOSÉPHIN PÉLADAN, Le Vice suprême, 1884, page 211. B.— Emploi transitif. Mettre en opposition, en contraste; introduire des oppositions, des contrastes. Contraster les tons, les lignes. Il ne s'agit que de contraster quelques traits, de presser la phrase et de faire briller le mot (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Fragments du Génie du christianisme primitif, 1800, page 241 ). Il faut contraster les légendes, la plupart comico-tragiques, d'une gaîté héroïque (JULES MICHELET, Journal, 1851, page 155) : Ø 4. Le bizarre et industrieux animal dialectique (...) se dépense à édifier, en appareillant et contrastant les intelligibles, la demeure de la vie spéculative. PAUL VALÉRY, Variété IV, 1938, page 242. — Spécialement. Contraster une photographie. Accentuer l'opposition entre parties claires et parties foncées. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 378. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 792, b) 484; XXe. siècle : a) 289, b) 497.
