Définition et usage du mot: BAN1, substantif masculin.

Définition et usage du mot: BAN1, substantif masculin. I.— [L'idée dominante est celle de proclamation publique dans un territoire relevant de la juridiction d'une autorité] . A.— Proclamation publique pour ordonner, défendre quelque chose ou plus généralement pour porter quelque chose à la connaissance de tous. 1. Vieux. DROIT FÉODALITÉ. Proclamation du suzerain dans l'étendue de sa juridiction. Proclamer, publier un ban; faire crier, battre un ban de guerre : Ø 1. Le Mark-Graf (c'était le titre germanique des gouverneurs de province frontière) fit proclamer le ban de guerre dans toute l'étendue de sa juridiction, depuis l'Adour jusqu'à la Garonne. Ce ban ordonnait, sous peine d'amende, la levée en masse des habitants du pays, population de chasseurs et de bûcherons presque aussi sauvages que les Basques de la montagne,... AUGUSTIN THIERRY, Récits des temps mérovingiens, tome 2, 1840, page 16. Remarque : Le droit de publier le ban pouvait également appartenir à un monastère jouissant de l'immunité à l'intérieur de son territoire. Ban d'exemption ou ban sacré. a) Encore au XIXe. siècle. Battre le ban des récoltes, des vendanges. Publier le jour de l'ouverture des vendanges ou des récoltes sur le territoire du suzerain et par extension sur un territoire faisant l'objet d'une administration officielle : Ø 2. Le tambour de Rognes avait battu le ban des vendanges; et, le lundi matin, tout le pays fut en l'air, car chaque habitant avait sa vigne, pas une famille n'aurait manqué, ce jour-là, d'aller en besogne sur le coteau de l'Aigre. ÉMILE ZOLA, La Terre, 1887, page 345. SYNTAXE : Battre le ban de fauchaison, de glanage, de grapillage, de moisson, de ramée; ban à vin. b) Par extension. Roulement de tambour qui annonce la publication. Ouvrir, fermer le ban; battre les trois bans. Le ban d'un sergent recruteur (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Les Opinions de Monsieur Jérôme Coignard, 1893, page 152 ). — ARMÉE. usuel. Roulement de tambour ou sonnerie de clairon qui précède ou suit la lecture officielle, par un officier, d'un ordre, d'une remise de décoration, etc. Ouvrez le ban! Fermez le ban! · Par analogie, à l'époque moderne. Applaudissements ou cris rythmés. Faire un (triple) ban à quelqu'un. Un ban pour l'orateur! Ban peau-rouge. 2. Le plus souvent au pluriel. Ban(s) de mariage. Annonce publique, triple en principe, d'un mariage futur au prône dominical, par voie d'affiche à la porte de l'église, afin que toute personne connaissant un empêchement au mariage le fasse savoir. Publier le premier ban; afficher les bans; racheter un, deux bans; obtenir une dispense de bans : Ø 3. J'ai donc prié M. et Mme. Foucher de faire commencer la publication des bans dimanche prochain 22; elle se terminera le dimanche 6 octobre; mais ces bans doivent être également publiés à ton domicile, et il faut que, le 6 octobre, on ait reçu à notre paroisse de Saint-Sulpice la notification de la complète publication des bans à Blois, ce qui ne se pourrait faire qu'autant que tu serais assez bon pour racheter un ban à ta paroisse. Le rachat des bans coûte cinq francs ici, on m'assure qu'il doit être moins cher encore à Blois. VICTOR HUGO, Correspondance, 1822, page 355. Remarque : De même, avant la collation des ordres de la prêtrise, bans d'ordination. B.— Époque féodale. Convocation des vassaux par le suzerain pour partir à la guerre; par métonymie l'ensemble des vassaux convoqués. Appeler, convoquer le ban et l'arrière-ban (confer arrière-ban exemple 1); les nobles de ban. — Par extension. Catégorie de la population masculine d'un pays obtenue d'après des critères de validité ou d'âge, le dernier critère n'intervenant qu'en cas de péril de l'État. Être du (servir dans le) 1er, 2e, 3e. ban; lever le 1er. r ban : Ø 4. Mais tout à coup, le 8 janvier, on mit une grande affiche à la mairie, où l'on voyait que l'Empereur allait lever, avec un sénatus-consulte, comme on disait dans ce temps-là, d'abord 150 000 conscrits de 1813, ensuite 100 cohortes du premier ban de 1812, qui se croyaient déjà réchappées, ensuite 100 000 conscrits de 1809 à 1812, et ainsi de suite jusqu'à la fin, de sorte que tous les trous seraient bouchés, et que même nous aurions une plus grande armée qu'avant d'aller en Russie. ÉMILE ERCKMANN ET ALEXANDRE CHATRIAN, DITS ERCKMANN-CHATRIAN, Le Conscrit de 1813, page 39. — Par analogie, à l'époque moderne. [Toujours associé à arrière-ban*] . Convoquer le ban et l'arrière-ban d'une famille, des amis ou des partisans. · Par métaphore, rare. « On empile dans un cabas et le ban et l'arrière des provisions (...) chocolats, confitures, vin cacheté... » (ALPHONSE DAUDET, Contes du lundi, 1873, page 40 ). C.— DROIT FÉODALITÉ. Territoire soumis au pouvoir et à la juridiction du seigneur; par métonymie droit du seigneur sur un territoire. — Spécialement. Droit de fief par lequel le suzerain contraint ses sujets à utiliser, moyennant redevance, son four, son moulin, son pressoir. Remarque : Confer les syntagmes four banal, moulin banal, pressoir banal*. — Régionalisme (Alsace, Lorraine, principalement pentes des Vosges) Ban d'un village, d'une commune. Ensemble des terres exploitables d'une commune ou petites autonomies de culture : Ø 5. Puis, après avoir bu, il reprit d'un air pensif : — Tu sauras, Michel, que mes terres de Pickeholtz sont les meilleures du ban de Lixheim; j'ai vu ça la dernière fois en me promenant autour, de tous les côtés. C'est une terre forte, entremêlée de chaux et de sable. Il devrait pousser de tout là-dessus en abondance; mais ces fainéants de Tiercelins ont tout laissé dépérir;... ÉMILE ERCKMANN ET ALEXANDRE CHATRIAN, DITS ERCKMANN-CHATRIAN, Histoire d'un paysan, tome 1, 1870, page 381. Ø 6. Il y avait ainsi près du Rothenbach, au sud du Hohneck, un vieux « chemin des marchands », que pratiquaient les gens de La Bresse pour se rendre dans la vallée de Münster. Ces hameaux épars dans les vallées formèrent de petites autonomies. Sous le nom de bans, qu'on retrouve dans toutes les parties des Vosges, ils se groupèrent en petites unités distinctes, ayant leurs relations, leurs costumes et leurs moeurs. PAUL VIDAL DE LA BLACHE, Tableau de la géographie de la France, 1908, page 195. Remarque : Ce sens survit dans le nom de certains villages vosgiens, comme Ban-de-Sapt, Ban-sur-Meurthe ou groupes de villages, comme Ban-de-la-Roche (ensemble de huit localités). II.— [L'idée dominante est celle d'exclusion par décision d'une autorité] A.— Exil imposé à quelqu'un pour voie de proclamation. Mettre quelqu'un au ban de; être au ban de; un ban pèse sur quelqu'un. Confer également bannissement, ostracisme; bandit, proscrit, interdit de séjour, hors-la-loi. 1. DROIT FÉODALITÉ. jusqu'au XIXe. siècle. [L'exil concerne la personne physique et sociale du condamné] a) [Dans l'ancienne constitution germanique] Mettre un prince au ban de l'Empire. — Par analogie. Citer, mettre une ville au ban de l'Empire. Mettre un prince au ban du royaume : Ø 7. Ainsi le procès du sire de Craon ne tarda pas à être instruit. Il fut ajourné; n'ayant pas comparu, il fut mis au ban et ses biens confisqués. Son hôtel de Paris fut démoli et le terrain donné au cimetière Saint-Jean. PROSPER DE BARANTE, Histoire des ducs de Bourgogne de la maison de Valois, tome 2, 1821-24, page 53. b) Par extension. Mettre un homme au ban d'un pays, d'une localité ou d'un territoire. — Au figuré, usuel. Mettre une personne (ou un groupe social) au ban de l'opinion, de l'humanité, de la société. L'exclure, la déclarer indigne de l'estime ou de la considération des autres. Confer également être, se mettre, vivre au ban de la société : Ø 8. Plus sévère et plus hypocrite, l'attitude du monde vietnamien vis-à-vis de ses acteurs chez lesquels on rencontre également un grand nombre d'invertis; ils sont mis au ban de la société, froidement méprisés et traités avec hauteur par ceux qui les emploient, mais ne s'adressent pas à eux, sinon par l'intermédiaire des directeurs de troupes, souvent des proxénètes cupides et sans scrupules. JEANNE CUISINIER, La Danse sacrée en Indochine et en Indonésie, 1951, page 30. Remarque : 1. On citera également demander la permission d'achever son ban ailleurs que dans la résidence primitivement assignée. 2. Quelques dictionnaires du XIXe. siècle (jusqu'à Dictionnaire général de la langue française (ADOLPHE HATZFELD, ARSÈNE DARMESTETER)) attestent pour ban le sens de " amende " infligée par une autorité municipale ou ecclésiastique. Encourir le petit ban, ban épiscopal. 2. DROIT PÉNAL ANCIEN. jusqu'au XIXe. siècle. Rupture de ban. Crime puni de la peine de mort ou de l'emprisonnement à vie, commis par celui qui rentre dans le territoire interdit avant l'expiration de sa peine : Ø 9. Lorsque Napoléon passa le Niémen à la tête de quatre cent mille fantassins et de cent mille chevaux pour faire sauter le palais des czars à Moscou, il fut moins étonnant que lorsque, rompant son ban, jetant ses fers au visage des rois, il vint seul, de Cannes à Paris, coucher paisiblement aux Tuileries. FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, tome 2, 1848, page 556. Ø 10. L'avocat concluait en suppliant le jury et la cour, si l'identité de Jean Valjean leur paraissait évidente, de lui appliquer les peines de police qui s'adressent au condamné en rupture de ban, et non le châtiment épouvantable qui frappe le forçat récidiviste. VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 1, 1862, page 326. — Au figuré, usuel. Être en rupture de ban avec la société, le monde, la famille. Un fils de famille en rupture de ban. B.— EAUX et FORÊTS. Forêt mise à ban. Dans les régions de haute montagne, forêt située en haut d'une pente et interdite à l'exploitation afin d'assurer une protection contre l'érosion et les avalanches. Mettre une zone à ban : Ø 11. Charles Biermann a étudié l'influence restrictive des avalanches sur l'installation humaine dans la haute vallée du Rhône, la vallée de Conches. Les villages se sont placés entre deux couloirs d'avalanches, de telle sorte que celles-ci passent à côté. Ils sont ramassés et comme tassés. De plus, ils se sont abrités au-dessous de grandes forêts « mises à ban » afin d'en assurer la conservation. JEAN BRUNHES, La Géographie humaine, 1942, page 74.