Définition et usage du mot: BASTION, substantif masculin. A.— FORTIFICATIONS. Ouvrage de fortification, généralement de forme pentagonale, faisant partie de l'enceinte du corps d'une place, présentant en saillie deux flancs et deux faces, fait d'un gros amas de terre soutenu de murailles, de gazon ou de terre battue : Ø 1. Toute la petite ville de Phalsbourg, avec ses six bastions, ses trois demi-lunes, ses deux avancées, ses casernes, ses poudrières, ses ponts, ses glacis et ses remparts, sa grande place d'armes et ses petites maisons bien alignées, se dessinait là comme sur un papier blanc. ÉMILE ERCKMANN ET ALEXANDRE CHATRIAN, DITS ERCKMANN-CHATRIAN, Le Conscrit de 1813, 1864, page 29. Ø 2.... vers la fin du XVe. siècle (...) on inventa les bastions qui, s'avançant dans la campagne et se protégeant les uns les autres, éloignaient l'assaillant beaucoup plus efficacement que les tours construites autrefois dans le même dessein. PROSPER MÉRIMÉE, Étude sur les arts au Moyen Âge, 1870, page 302. SYNTAXE : Bastion composé. « Celui dans lequel les deux côtés du polygone intérieur sont inégaux » (Dictionnaire universel de la langue fran.aise (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845). Bastion coupé. « Celui qui est séparé de la place par un fosse » (Dictionnaire de l'Académie Française, Compléments, 1842). Bastion difforme, irrégulier. « Celui dont l'un des flancs est trop court » (Dictionnaire universel de la langue fran.aise (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845). Bastions doubles. « Ceux qui sont établis l'un sur l'autre, comme les bastions construits sur une colline » (Ibidem). Bastion à gorge fermée. « Qui, étant détaché de l'enceinte, est fermé à la gorge et ne communique avec la place que par des passages souterrains » (DG). Bastion à gorge ouverte. « Qui tient au corps de la place et communique directement avec elle » (Ibidem). Bastion plat. « Celui qui est construit sur une ligne droite, au milieu d'une longue courtine » (Dictionnaire de l'Académie Française, Compléments, 1842). Bastion plein. « Bastion rempli de terre, où l'on peut combattre et se retrancher » (Dictionnaire universel de la langue fran.aise (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845). Bastion vide. « Simple enceinte d'un rempart avec un parapet » (ibidem). Demi-bastion. « Ouvrage analogue au bastion, mais ne présentant qu'un flanc et qu'une face » (Larousse 19e. ). B. — Par extension. 1. Disposition naturelle du terrain jouant le même rôle qu'un bastion. Bastion naturel : Ø 3. C'est la 6e. compagnie qui est le plus mal placée. Elle occupe l'avancée nord-est du bastion naturel que forme l'Herbebois. Elle regarde juste Soumazannes, où les Boches se sont tellement agités depuis quelques jours, et d'où sûrement ils feront partir une de leurs principales masses d'attaque. LOUIS FARIGOULE, DIT JULES ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, Verdun, 1938, page 35. 2. MARINE. vieux " Retranchement qu'au moment du combat on faisait à bord d'une galère, avec des espares et des rames placées en travers du navire, vers l'avant et au milieu, quelquefois à l'un et à l'autre endroit en même temps. Sur ces bois on jetait de vieilles voiles, des toiles goudronnées, qu'on remplissait, comme les filets de bastingage, de tout ce qui pouvait servir à amortir l'effet des flèches ou de la mitraille " (Nouveau glossaire nautique (AUGUSTIN JAL)). 3. Tout endroit où se retranchent des combattants : Ø 4. Du côté de la préfecture, cela tient toujours. Le café à terrasse est devenu le bastion des mitrailleuses qui tirent de biais sur le Gobierno. ALBERT T'SERSTEVENS, L'Itinéraire espagnol, 1933, page 289. C.— [Par analogie de forme] 1. [En parlant d'un site naturel] : Ø 5. Rien que des croupes ni vertes ni rousses, brunes de bruyère par places, où le pas des vaches a tracé des chemins d'herbe rase; rien que les lourdes ondes de ces bourrelets et de ces combes, avec leurs bastions d'énormes granits usés s'épaulant en cavernes; et dans les fonds, tournés vers le midi, parfois un rang de pauvres cabanes. HENRI POURRAT, Gaspard des Montagnes, Le Pavillon des amourettes, 1930, page 271. 2. [En parlant d'une construction] : Ø 6. Le jardin de la villa prenait sa fin dans une immense terrasse, bâtie en gros blocs de granit, dessinant un bastion ruineux qui avançait dans le lac. EDMOND DE GONCOURT, La Faustin, 1882, page 320. 3. ART CULINAIRE. " Mode de dressage très usité dans l'ancienne cuisine, s'appliquant uniquement aux mets froids et glacés à la gelée " (Nouveau Larousse gastronomique (PROSPER MONTAGNÉ) 1967). Un énorme pâté de foie gras de Strasbourg, ayant forme de bastion. (JEAN-ANTELME BRILLAT-SAVARIN, Physiologie du goût ou Méditations de gastronomie transcendante, 1825, page 168 ). D.— Au figuré. Ce qui constitue un moyen de résistance ou de défense. Bastion avancé; dernier bastion : Ø 7. C'est aux Lorrains (qu'il appartient de faire de la Rhénanie un bastion intellectuel de la France)... MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 13, 1920-22, page 168. Ø 8. Il mettait son frère Joseph à Naples et son frère Louis en Hollande. Bavière, Wurtemberg, Bade, Hesse-Darmstadt formaient une confédération du Rhin sous sa présidence, c'est-à-dire une barrière contre les Russes, barrière couverte elle-même par la Prusse, bastion avancé, chargée en outre de fermer la Baltique aux Anglais. JACQUES BAINVILLE, Histoire de France, tome 2, 1924, page 121. Ø 9. Il écrit dans un journal anarchiste que ces fanatiques viennent chercher ici, comme dans une librairie révolutionnaire. Ce quartier, c'est pourtant le faubourg Saint-Germain, le dernier bastion de l'aristocratie,... PAUL BOURGET, Nos actes nous suivent, 1926, page 65. Remarque : On trouve dans Thibaudet, Réflexions sur la littérature, 1936, page 231 le terme libre-bastion. Confer le titre de l'oeuvre de Barrès Les Bastions de l'Est.
