Définition et usage du mot: BASTRINGUE, substantif masculin.

Définition et usage du mot: BASTRINGUE, substantif masculin. A.— Populaire, le plus souvent péjoratif. 1. Bal populaire. Aller au bastringue (Dictionnaire de l'Académie Française) : Ø 1. M'avançant sous mon faux nom, et persuadé que je compromettais mon ami Fontanes, j'ouïs, à mon grand étonnement, en entrant dans les Champs-Élysées, des sons de violon, de cor, de clarinette et de tambour. J'aperçus des bastringues où dansaient des hommes et des femmes;... FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, tome 2, 1848, page 13. Ø 2. — Il paraît que c'est toi qui musiquais? — ... — Manquait plus que ça. — ... — Pour une fois ça passe, mais, si tu travaillais le jour tu penserais moins à nous corner au moment de dormir. C'est pas un bastringue ici, tu entends? JEAN GIONO, Un de Baumugnes, 1929, page 158. SYNTAXE : Bastringue de barrière (ZOLA, Son Excellence E. Rougon, 1876, page 94; ZOLA, Nana, 1880, page 1311; E. et JULES DE GONCOURT, Germinie Lacerteux, 1864, page 96; A. BRUANT, Dictionnaire français-argot, 1905, page 124); araignée de bastringue (L. RIGAUD, Dictionnaire de l'argot moderne, 1881, page 14); Lucrèce de bastringue ( [LECLAIR] , Les Méditations d'un hussard, 1809, page 52); ritournelles de bastringue (J. LAFORGUE, Poésies complètes, 1887, page 11, 91); musique de bastringue (V. LARBAUD, Enfantines, 1918, page 183; MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, La Femme de Paul, 1881, page 1226). · Par métonymie au féminin : Ø 3. Il avait commencé par bannir de la maîtrise tous les instruments de cuivre, la « bastringue », comme il disait. En peu de temps sa petite troupe de chanteurs atteignit une perfection qui fit accourir de loin les amateurs. ANDRÉ BILLY, Introïbo, 1939, page 57. Remarque : Pas d'exemple d'un sens moderne où bastringue désignerait le « juke-box », sens pourtant attesté par une chanson bien connue : « Mets deux thunes dans l' bastringue... » 2. Par extension. a) Vacarme, tapage. Faire du bastringue (Charles-Louis Carabelli, [Langage populaire] ; Alfred Delvau, Dictionnaire de la langue verte, 1866, page 25); bagarre : Ø 4. Je m'arc-boutais le dos au mur!... La soupière en guise de fronde!... Prêt à bloquer l'agresseur!... Je poursuivais mon raisonnement. Au premier geste un petit peu drôle, c'est moi qui déclenchais le bastringue! Je visais mon fias en pleine bouille!... Mais dans la plupart des endroits cette attitude fort résolue suffisait à me préserver... faisait réfléchir l'amateur... LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Mort à crédit, 1936, page 507. b) " Dispute conjugale " (Dictionnaire historique des argots français (GASTON ESNAULT)) : Ø 5.... je vas reprendre ma femme et lui pardonner (...). Aussitôt dit, aussitôt fait. Mais le bastringue recommença bientôt, et je fus encore un mois sans la revoir. LOUIS-FRANÇOIS RABAN, MARCO SAINT-HILAIRE. Mémoires d'un forçat, ou Vidocq dévoilé,tome 4, 1828-29, page 183. B.— Argot. Étui contenant les objets nécessaires à une évasion, et que le détenu s'introduisait dans le rectum; par métonymie, scie ou lime fine : Ø 6. Le prisonnier a des fers aux pieds; vous croyez peut-être qu'il songe que c'est avec les pieds qu'on marche? Non, il songe que c'est avec les pieds qu'on danse; aussi, qu'il parvienne à scier ses fers, sa première idée est que maintenant il peut danser, et il appelle la scie un bastringue. VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 2, 1862, page 200. Remarque : François Vidocq (Les Voleurs, 1836, page 22) donne cette définition : " Etui de fer-blanc, d'ivoire, d'argent et quelquefois même d'or, de quatre pouces de long (...), qui peut contenir des pièces de vingt francs, un passe-port, des scies et une monture, que les voleurs cachent dans l'anus. " — Emploi au féminin. « N'oublie pas la Bastringue pour Faucher les Balançons » (FORÇAT ANSIAUME, Argot en usage au bagne de Brest, 1821, feuillet 6, ro, § 59 ). Remarque : 1. " Un sens « canon de vin » (Dictionnaire du bas-langage ou des manières de parler usitées parmi le peuple (D'HAUTEL) 1807) a peu vécu; le sens « musiquette » a perduré (Arras, Lyon). Bastringue, bal, lutte, dès 1895, avec guinche. Pour désigner l'étui à lime, PLAN est préféré " (DICTIONNAIRE HISTORIQUE DES ARGOTS FRANÇAIS (GASTON ESNAULT) 1966). 2. " D'Hautel (I, 74) donne des renseignements intéressants sur les sens successifs de bastringue. « Bastringue, nom donné primitivement à une contredanse qui a été longtemps en vogue à Paris; ce mot a reçu depuis peu une plus grande extension; le peuple, à qui il a plu, s'en est emparé et l'a appliqué à des choses de nature différente : un bastringue signifie tantôt un bal mal composé; tantôt un mauvais joueur de violon; puis une maison en désordre, un mauvais lieu » " (GEORGES GOUGENHEIM , Langue populaire 1929, page 185). C.— Par extension. 1. Emplois familiers. a) Matériel, attirail, ce qu'on emporte avec soi. Se mettre le bastringue sur le dos (Le Poilu tel qu'il se parle (GASTON ESNAULT) 1919, page 68) : Ø 7. C'était les transports du bastringue qui nous foutaient tout de suite à cul, des sacs, des bonbonnes, de la came, de tout notre fourniment bizarre. Pour que le jeu vaille la chandelle, il fallait qu'on soye rentrés le soir même au Palais-Royal. Sinon c'était du débours! LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Mort à crédit, 1936, page 457. b) Emploi comme substantif féminin. Mécanique; " charrette ou mécanique démantibulée " (Glossaire étymologique et historique des patois et des parlers de l'Anjou (ANATOLE-JOSEPH VERRIER, RENÉ ONILLION) tome 1 1908, page 77) : Ø 8. Mon oncle déversait la graisse, en pleine marche, à plein goulot, à travers les bielles, la chaîne et la bastringue. Fallait que ça jute comme un paquebot. LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Mort à crédit, 1936, page 80. c) Avec des significations variées, toujours péjoratif et quelquefois au féminin. Événement, situation, boutique, etc. Tout le bastringue. Tout le bataclan, tout le saint-frusquin. Vendre toute la bastringue (DICTIONNAIRE GÉNÉRAL DE LA LANGUE FRANÇAISE AU CANADA (LOUIS-ALEXANDRE BÉLISLE) 1957) : Ø 9. Ou bien on ne s'était pas entendu sur le prix des gages : — Ah!... non... des chipies!... Un sale bastringue... rien à gratter... Elle fait son marché elle-même... Oh! là! là!... Quatre enfants dans la maison... Plus souvent! Tout cela ponctué par des gestes furieux ou obscènes. OCTAVE MIRBEAU, Le Journal d'une femme de chambre, 1900, page 290. Ø 10. — Oui, des tentations, c'est ça que la société nous a donné, poursuivit-il. Des tentations d'un boutte à l'autre. Toute la sacrée bastringue de vie est arrangée pour nous tenter. Et c'est comme ça qu'a nous tient, la gueuse, et qu'a nous tient ben. GABRIELLE ROY, Bonheur d'occasion, 1945, page 70. — Emploi au féminin. « Je devenais le seul patron de la bastringue et du journal » (LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Mort à crédit, 1936, page 432 ). 2. Emplois spéciaux. a) CHIMIE. " Appareil dans lequel on prépare le sulfate de soude " (Dictionnaire de l'Académie Française, Compléments 1842). Remarque : Féminin dans DICTIONNAIRE DE LA CHIMIE ET DE SES APPLICATIONS (CLÉMENT DUVAL, Raymonde Duval, Roger Dolique) 1959. b) FORESTERIE. " Sorte de pied à coulisse pour cuber les bois d'oeuvre " (Larousse du XXe. siècle en six volumes). c) JEU. " Nom d'un jeu semblable au billard anglais, mais moins compliqué : on se sert d'une queue et d'une boule qui doit abattre des quilles " (Dictionnaire de la langue française (ÉMILE LITTRÉ)). d) TECHNOLOGIE. " Toute espèce d'appareil de charge, d'outils, etc. " (Dictionnaire encyclopédique Quillet, 1965); " machine imprimant au rouleau les toiles peintes " (Dictionnaire historique des argots français (GASTON ESNAULT)). — " Outil à forer des petits trous " (Dictionnaire des difficultés grammaticales et lexicologiques (JOSEPH HANSE) 1949); " tige destinée à recevoir un outil de forage " (Dictionnaire encyclopédique Quillet, 1965). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 8 Forme dérivée du verbe "bastringuer" bastringuer BASTRINGUER, verbe intransitif. Populaire. Danser dans les bals populaires, être un habitué des bastringues : Ø ... elles sont là un tas de filles qui s'en vont bastringuer le dimanche... et la semaine aussi. La Gazette des Tribunaux, 1er. janvier 1876, page 3, colonne 3 (Dictionnaire de la langue française (ÉMILE LITTRÉ)) ). Remarque : Attesté dans DICTIONNAIRE DES DICTIONNAIRES (SOUS LA DIRECTION DE PAUL GUÉRIN) 1892 qui reprend le même exemple, Petit Larousse Illustré 1906, Larousse du xxe. siècle en six volumes, DICTIONNAIRE ALPHABÉTIQUE ET ANALOGIQUE DE LA LANGUE FRANÇAISE (PAUL ROBERT), Grand Larousse encyclopédique en dix volumes, DICTIONNAIRE ENCYCLOPÉDIQUE QUILLET 1965.