Définition et usage du mot: BEURRE, substantif masculin. A.— Matière grasse alimentaire obtenue à partir du lait : Ø 1. Sa baratte était pleine d'un beurre encore en lait qui sentait toutes les herbes du pâturage. HENRI POURRAT, Gaspard des Montagnes, Le Pavillon des amourettes, 1930, page 277. SYNTAXE : Beurre fin, fondu, fort, frais, rance, salé, demi-sel; beurre fermier, laitier, pasteurisé; coquilles, mottes, noisettes, noix de beurre; rôtie au beurre, tartine de beurre; cuit, étuvé, frit, passé, rissolé, sauté au beurre; battre le beurre. — Par métonymie. ART CULINAIRE. Préparations dans lesquelles le beurre entre en composition : Ø 2. Une caisse de fromages laiteux, et une autre caisse, pleine d'escargots bourrés de beurre persillé, étaient posées aux deux coins, négligemment. ÉMILE ZOLA, Le Ventre de Paris, 1873, page 637. SYNTAXE : Beurre d'ail, d'anchois, d'écrevisses, de homard; beurre maître d'hôtel; beurre blanc, noir, noisette; sauce au beurre. · Spécialement : Ø 3. Mme. Polant sortit de son sac un petit beurre — elle avait toujours sur elle quelques biscuits à grignoter,... MAURICE DRUON, Les Grandes familles, tome 2, 1948, page 252. — Argot. Argent : Ø 4. [Jacques :] — (...) Si c'pauvre monsieur clamsait, ça serait une perte pour l'art, qu'on dit (...) et pour nous. Car on fait ici, c'n'est pas pour dire, un beurre épatant, sans se la fouler. LÉON DAUDET, L'Amour est un songe, 1920, page 164. — Locution familière ou populaire. Promettre plus de beurre que de pain. Promettre plus qu'on ne peut donner. Mettre du beurre dans les épinards. Améliorer une situation. Faire son beurre. Faire des profits souvent illicites. L'assiette au beurre. Source de profits. Fondre comme du beurre. Disparaître. Être tout en beurre ou avoir des mains de beurre (molles). Entrer comme dans du beurre. Entrer très facilement. Compter pour du beurre. Compter pour rien. Pas plus de... que de beurre en branche, ou en broche. Rien Avoir un oeil au beurre noir ou poché au beurre noir. Avoir un oeil meurtri après un coup. — Spécialement. HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE. Tours du beurre. Tours construites autrefois avec l'argent donné par les fidèles qui désiraient obtenir la permission de manger du beurre pendant le Carême : Ø 5. La cathédrale est large, vaste : larges nefs latérales, tribunes et chapelles pour recevoir le peuple, édifice multiple, diverses tours de diverses hauteurs, pensées du peuple, tour du beurre. JULES MICHELET, Journal, 1831, page 80. B.— Par extension. Matière grasse extraite de certains végétaux. J'ai dans la bouche le goût du beurre amer des bourgeons! (PAUL CLAUDEL, Tête d'or, 2e. version, 1901, page 181 ). SYNTAXE : Beurre végétal; beurre artificiel; arbres à beurre; beurre de cacao, de cire, de coco, de galam, de muscade, de palme ou de bambouc. C.— Par analogie. — CHIMIE. vieux. Composé chimique. Beurre d'antimoine, d'arsenic, de bismuth, d'étain, de zinc. Ce sont les beurres métalliques, les muriates et les hydrochlorates de l'ancienne chimie (FRANÇOIS-LAURENT-MARIE DORVAULT, L'Officine ou Répertoire général de pharmacie pratique, 1844, page 196 ). — MINÉRALOGIE. Beurre de montagne, de pierre ou de roche. Sulfate hydraté d'alumine et de fer, dont l'aspect et la consistance rappellent le beurre. Beurre des tourbières. Résine fossile dont l'aspect rappelle celui du beurre. Synonyme : butyrite. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 889. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 667, b) 1 635; XXe. siècle : a) 1 731, b) 1 335. Forme dérivée du verbe "beurrer" beurrer BEURRER, verbe transitif. A.— Emploi transitif. 1. ART CULINAIRE. a) Recouvrir d'une couche de beurre. Beurrer une tartine, un toast; beurrer un poisson, une viande, une volaille : Ø 1. Du bout de ses doigts aux ongles polis, il beurrait l'une après l'autre ses rôties, les dorait de miel, et, penchant le buste au-dessus de l'assiette, mordait dans le pain à belles dents. ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, Le Cahier gris, 1922, page 659. b) Enduire de beurre. Beurrer un moule, un plat : Ø 2. Par la porte de la cuisine, il vit Florentine qui beurrait des casseroles. GABRIELLE ROY, Bonheur d'occasion, 1945, page 247. c) Spécialement. PÂTISSERIE. Faire tremper dans du beurre. 2. Par analogie. en peinture. Donner de l'épaisseur, de la consistance : Ø 3. — Aborde donc la Nature comme elle est? dit le grand peintre en continuant (...) réchauffe-moi ces joues-là, piques-y leurs petites taches brunes, beurre-moi cela? HONORÉ DE BALZAC, Pierre Grassou, 1840, page 455. B.— Emploi pronominal, argotique. 1. S'enivrer : Ø 4. Ayant trouvé par le plus grand des hasards, et au fond de ma poche, un billet bleu froissé (...) je me beurrais patiemment... JEAN-PAUL CLÉBERT, La Vie sauvage, dans Français moderne, tome 33, 1965, pages 34-36. 2. S'enrichir : Ø 5. Il avait compris cette raclure, qu'on se beurrait dans les subventions!... LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Mort à crédit, 1936, page 595. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 29. DÉRIVÉS : Beurrage, substantif masculin. a) Action de beurrer (un moule, un plat; confer beurrer A 1 b). « Le beurrage [de la surface] de l'intérieur du moule doit être glacé très uni » (Pâtissier Royal Parisien, tome 1, 1815, page 313 dans Français moderne, tome 23, page 306 ). b) Péjoratif. Aspect d'une peinture beurrée* (confer beurrer A 2). « La couleur [d'une toile de Roll] n'est pas toujours heureuse. Ce n'est pas la grande coulée de pâte au vermillon de Jordaens : c'est un beurrage à la lie de vin » (GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, L'Art mod, 1883, page 27 ).
