Définition & usage: ARPÈGE, substantif masculin. A.— MUSIQUE, CHANT. 1. [Principalement dans l'exercice du piano, du violon, de la harpe, de la guitare et de certains instruments à vent] Ensemble des notes d'un accord jouées ou chantées successivement et rapidement du grave à l'aigu (arpège ascendant) et de l'aigu au grave (arpège descendant). Faire des arpèges : Ø 1. L'orgue roule, perdu en modulations amollissantes, tour à tour tendre et grave, parfois avec de légers arpéges qui voltigent comme un essaim d'abeilles lumineuses éparpillées dans l'éther serein. HYPPOLYTE-ADOLPHE TAINE, Notes sur Paris, Vie et opinions de Monsieur Frédéric-Thomas Graindorge, 1867, page 194. Ø 2.... d'autres cherchaient querelle au musicien sur son esthétique, sur son « réalisme grossier » dont l'arpège ascendant du thème de Louise leur semblait le symbole. RENÉ DUMESNIL, Histoire illustrée du théâtre lyrique, 1953, page 201. Remarque : Dans les instruments à cordes, l'exécution des notes en arpège prend aussi le nom de batterie (confer GEVAERT, Traité d'harmonie, 1885, page 54). — Par métonymie " Leçon notée pour apprendre à faire des arpèges. Recueil d'arpèges et de solfèges. " (Dictionnaire universel de la langue française (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845). 2. Par extension. Notes d'un accord exécutées ou chantées dans une succession rapide : Ø 3. Mme. Arnoux, se croyant seule, s'amusait à chanter. Elle faisait des gammes, des trilles, des arpèges. Il y avait de longues notes qui semblaient se tenir suspendues; d'autres tombaient précipitées, comme les gouttelettes d'une cascade; et sa voix, passant par la jalousie, coupait le grand silence, et montait vers le ciel bleu. GUSTAVE FLAUBERT, L'Éducation sentimentale, tome 1, 1869, page 104. — Par analogie. [S'appliquant aux oiseaux] Succession de petites notes rapides et sifflées (Confer Henri-Frédéric Amiel, Journal intime, 1866, page 313). 3. Locution. En arpège(s) a) MUSIQUE. [En parlant d'une écriture ou d'une interprétation musicale] : Ø 4. Mille chats qui miaulent dans la nuit (...) n'existent pas et comptent pour rien par rapport à un piano dont toutes les cordes se rompent d'un coup en faisant éclater le ventre de la caisse de résonance et miaulent en arpège toutes les notes, du grave à l'aigu et de l'aigu au grave. BLAISE CENDRARS, Bourlinguer, 1948, page 266. b) CHANT. Vocalises en arpèges. Vocalises sur la base d'un accord. — Par analogie. De manière arpégée. La trompe d'une auto sonna en arpège (L'Enseignement en France, L'Enseignement de la musique et l'éducation musicale, 1, 1950, page 18 ). B.— Emplois analogiques et métaphoriques. [S'appliquant à certains bruits rappelant les sons d'un arpège ou d'une suite d'arpèges] Les arpèges du vent, des essieux de la charrette : Ø 5. L'eau s'égouttant des rames faisait de petits arpèges, des notes chromatiques. ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, Le Matin, 1904, page 120. C.— Au figuré. 1. [S'appliquant à la lumière] Déploiement, assortiment ou succession de signaux lumineux évoquant les notes d'un accord : Ø 6.... Ou les cygnes royaux sur ses bords d'ouvrir l'aile, Graduel déploiement d'un plumage inégal Qui mire dans l'eau plane un arpège de plumes! GEORGES RODENBACH, Le Règne du silence, Le Coeur de l'eau, 1891, page 59. 2. [S'appliquant aux sentiments] Au pluriel. Aspects successifs et nuancés d'un même sentiment : Ø 7. La douleur est chose très musicale, on peut presque en parler en termes de musique. Il y a des douleurs graves et d'aiguës, des andante et des furioso, des notes prolongées, points d'orgue, et des arpèges, des progressions — de brusques silences, etc... PAUL VALÉRY, La Soirée avec Monsieur Teste, 1895, page 134. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 56. Forme dérivée du verbe "arpéger" arpéger ARPÉGER, verbe transitif. A.— Emploi transitif. 1. MUSIQUE. a) [Le sujet désigne une personne] Jouer successivement et rapidement les notes d'un accord. Arpéger un accord, arpéger l'harmonie. Antonymes : plaquer, lier un accord. — emploi absolu. Faire, jouer des arpèges (au piano, etc.). b) Par métonymie. [Le sujet désigne une mélodie, un fragment de mélodie] : Ø Ils [les thèmes de la Tétralogie de Wagner] semblent dériver, pour la plupart, de la mélodie de la Nature par laquelle commence l'Or du Rhin et qui, logiquement, arpège les seules notes de l'accord parfait majeur, résonances naturelles du corps sonore. ALFRED BRUNEAU, Musiques d'hier et de demain. 1906, page 8. 2. Emploi métaphorique. Faire naître des sensations ou des sentiments. Le vent arpège par bémols et par dièzes (JULES LAFORGUE, Poésies complètes, 1887, page 216 ). Longues mains fuselées pour arpéger le coeur de Raphaël (ALBERT SAMAIN, Le Chariot d'or, 1900, page 74 ). B.— Emploi pronominal (à valeur passive) [Le sujet désigne un accord musical] Être arpégé (Confer Charles-Marie Widor, Technique de l'orchestre moderne, 1904, page 212). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 2.
