DÉRÉGLER, verbe transitif.

DÉRÉGLER, verbe transitif.  

A.—  Emploi transitif. 

1. Altérer le réglage, la mise au point d'une chose : 

Ø 1.... modifier l'angle de tir, c'est modifier la trajectoire elle-même, c'est dérégler le tir. 

LIEUTENANT-COLONEL HENRI-JULES PALOQUE, L'Artillerie de campagne,  1909, page 314. 

2. Perturber le bon fonctionnement d'un mécanisme, l'activité normale d'un organe, d'une fonction organique : 

Ø 2.... leurs robes noires [des veuves de guerre] , leur dévotion, leurs commérages, leur rancune contre les épouses pourvues, leur haine des embusqués —  c'est-à-dire des hommes épargnés par la guerre, —  leurs revendications de pensionnées, et la chasteté orgueilleuse qui détraque lentement leurs cerveaux après leur avoir déréglé le corps.

ROGER MARTIN DU GARD, Vieille France,  1933, page 1077. 

Ø 3. Je m'étais levé et, sans savoir pourquoi, pour meubler le silence et le vide soudain de mon esprit, j'allai mettre en marche l'appareil de T.S.F. sur la première musique venue (excellent truc pour dérégler les nerfs de n'importe qui).

JEAN-GEORGES SOULÈS, DIT RAYMOND ABELLIO, Heureux les pacifiques,  1946, page 81. 

3. Au figuré.  Troubler la bonne moralité, la discipline : 

Ø 4. La présomption de la mort, dans un esprit équilibré, est un adjuvant à l'activité vitale. Dans un esprit où l'imagination prime le jugement elle dérègle la conduite et les appétits.

LÉON DAUDET, Le Rêve éveillé,  1926, page 49. 

—  Proverbe. Il ne faut qu'un mauvais moine pour dérégler tout un couvent (DICTIONNAIRE ALPHABÉTIQUE ET ANALOGIQUE DE LA LANGUE FRANÇAISE  (PAUL ROBERT) ). 

B.—  Emploi pronominal. 

1. [En parlant du bon fonctionnement d'un mécanisme, du cours normal d'un événement, etc.]  S'altérer, se modifier en mal. Les saisons se dérèglent : 

Ø 5. Freud au bout du compte entraîne tout cet outillage neuf à une nouvelle substantification de l'impersonnel : l'énergie affective, qui se déplace, se transforme, se règle et se dérègle tout comme un flux matériel, le vieux mana des religions primitives une fois de plus rebaptisé.

EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère,  1946, page 45. 

2. Au figuré.  Ne plus suivre la ou les règles (de la morale, du savoir-vivre, etc.) : 

Ø 6. Il y a plaisir certes, et comme une ivresse, à voir une faculté grandir dans un cerveau jusqu'à y devenir démesurée. Elle se dérègle, elle déborde, brisant les canons de l'esthétique, s'exaspérant en inventions de toutes sortes, recréant à nouveau la langue, effrénée, dangereuse, incomparable!

PAUL BOURGET, Essais de psychologie contemporaine,  1883, page 178. 

Remarque : On rencontre dans la documentation le participe présent adjectif déréglant, ante.  Qui dérègle, qui trouble un ordre préalablement établi, le cours normal d'une activité. Comment donc expliquer que les affections de tristesse (...) se transforment en de pures émotions déréglantes, sinon en renonçant une fois pour toutes à la fiction contradictoire d'un « sentiment de tristesse » et d'une tristesse régulatrice (VUILLEMIN, Essai sur la signification de la mort, 1949, page 110). 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 24 (déréglant : 15).