Dictionnaire en ligne: délabrement DÉLABREMENT, substantif masculin. État de ce qui est délabré. A.— [En parlant de choses] 1. [Vêtements, tissus] Vieilli. État d'un vêtement extrêmement usé. Le délabrement d'un caleçon de toile cirée que le temps avait réduit à la plus simple expression de sa trame grossière (CHARLES NODIER, La Fée aux miettes, 1831, page 131 ). La lumière des bougies faisait saillir le délabrement de son costume (VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 2, 1862, page 252) : Ø 1. Quelques-uns [des paysans irlandais] , les vieux, portent l'habit à boutons de métal, le chapeau haut de forme, les culottes guêtrées, le tout dans un si prodigieux état de délabrement qu'ils semblent promener sur eux une misère de soixante années. PAUL BOURGET, Études et portraits, Études anglaises, 1888, page 41. 2. [Constructions diverses] Très mauvais état. Tout est dans un délabrement d'abandon, avec des suintements d'eau et de salpêtre (JULIEN VIAUD, DIT PIERRE LOTI, Jérusalem, 1895, page 60 ). Les salles d'hôpital n'étaient plus que ruine et délabrement (MAXENCE VAN DER MEERSCH, Invasion 14, 1935, page 446 ). Le délabrement poussiéreux de la forteresse démantelée (JULIEN GRACQ, Le Rivage des Syrtes, 1951, page 31 ). — Par métonymie, rare. Partie ruinée d'un édifice. Ces délabrements par où soudain filaient le vent et le soleil (LOUIS ARAGON, Les Beaux quartiers, 1936, page 59 ). — Par analogie, littéraire. [En parlant d'un paysage, etc.] Le délabrement et la solitude de ces étendues vides, (...), m'emplissait de mauvais pressentiments (JULIEN GRACQ, Le Rivage des Syrtes, 1951, page 303 ). 3. [Choses concrètes] État d'une chose délabrée, faute d'entretien, laissée à l'abandon. Plus de rideaux de vitrage, plus de draps, plus de serviettes, etc.; un délabrement qui serrait le coeur (GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance, 1873, page 19 ). J'aime certaines négligences de bonne façon, et ce soupçon de délabrement dans un cadre aussi lumineux (JULIEN GREEN, Journal, tome 2, 1938, page 135 ). B.— Par analogie, au figuré. [En parlant de personnes, de leur état physique ou moral, de leurs activités] Affaiblissement, détérioration, ruine. 1. Domaine privé ou individuel. Délabrement cérébral; le délabrement d'une vie; le délabrement de la fortune de quelqu'un. Elle éprouvait un délabrement du corps entier (ÉMILE ZOLA, Au Bonheur des dames, 1883, page 504 ). Éprouveriez-vous enfin ce célèbre délabrement que donne aux hommes l'amour? (JEAN GIRAUDOUX, Amphitryon 38, 1929, II, 3, page 97 ). L'amour se consommait dans le délabrement le plus amer (ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Citadelle, 1944, page 669) : Ø 2. Je me demande si, quand un homme souffre trop dans son âme, il n'invente pas une maladie pour s'enfuir de ce monde. La première grippe venue lui est bonne. Le corps suit l'âme dans son délabrement. JULIEN GREEN, Journal, 1950-54, page 104. — MÉDECINE. Action de (se) délabrer, état résultant de cette action. Depuis que je me connais [dit le malade au docteur] , je mène une vie peu intelligente et je me surmène : il fallait que cela cessât (...) il fallait que le délabrement se manifestât (CHARLES PÉGUY, Grippe I, 1900, page 21 ). Des délabrements considérables de la région cervicale à la suite des bubons scarlatineux (PIERRE-JEAN TEISSIER, DUVOIR. Nouveau traité de médecine, fascicule 2, 1928, page 43 ). Les progrès de la neurochirurgie permettent maintenant de faire des destructions parfaitement limitées sans délabrement (ENCYCLOPÉDIE MÉDICALE DICTIONNAIRE ENCYCLOPÉDIQUE QUILLET. 1965, page 487 ). · En particulier " Large séparation des muscles les uns des autres et par rapport aux autres organes dans les blessures par armes à feu, par déchirure, etc. " (Dictionnaire de médecine, de chirurgie, de pharmacie, de l'art vétérinaire (ÉMILE LITTRÉ)). 2. Domaine public. Le délabrement des finances publiques, des services publics. Tout se décompose, et l'on glisse dans un délabrement universel (ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Terre des hommes, 1939, page 162 ). Le délabrement des disciplines religieuses et sociales (JEAN GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1952, page 164) : Ø 3. À la vue de ce délabrement du royaume et de cette faiblesse des conseillers durant ces années de minorité, Richelieu souffrait donc et se demandait s'il ne paraîtrait pas un vengeur. CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Causeries du lundi, tome 7, 1851-62, page 237. Ø 4. À la lueur tragique des événements est apparu soudain le délabrement profond de la France, que Hitler ne connaissait que trop bien. ANDRÉ GIDE, Journal, 1940, page 28. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 12
