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Dictionnaire en ligne: DOUTE, substantif masculin.

Publié le 22/01/2016

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Dictionnaire en ligne: DOUTE, substantif masculin. A.— [Généralement avec l'article défini] État naturel de l'esprit qui s'interroge, caractérisé à des degrés différents soit par l'incertitude concernant l'existence ou la réalisation d'un fait, soit par l'hésitation sur la conduite à tenir, soit par la suspension du jugement entre deux propositions contradictoires. Le doute n'est pas permis; un air, un geste de doute; être dans le doute; laisser quelqu'un dans le doute. Relaxe au bénéfice du doute (Nouveau répertoire de droit, Paris, Dalloz, tome 2, 1963, § 70, au mot instructions à l'audience. ). Antonyme : certitude. — « Non, monsieur, Charles-Marie ne doit pas être coupable. » Le doute avait fini par se glisser dans l'esprit du professeur de septième (JULES FLEURY-HUSSON, DIT CHAMPFLEURY, Les Souffrances du professeur Delteil, 1853, page 118 ). Et l'on ne pouvait rien, (...) rien faire même pour savoir ce qui allait arriver. Le doute était plus affolant encore que la certitude (ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, Le Buisson ardent, 1911, page 1392 ). Confer accepter exemple 23, crédule exemple 1 : Ø 1. La raison et l'incrédulité viennent bien assez vite d'elles-mêmes. Je me rappelle fort bien la première année où le doute m'est venu sur l'existence réelle du père Noël. J'avais cinq ou six ans, et il me sembla que ce devait être ma mère qui mettait le gâteau dans mon soulier. AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Histoire de ma vie, tome 2, 1855, page 156. Ø 2. La liberté intellectuelle, ou sagesse, c'est le doute. (...). Douter, c'est examiner, c'est démonter et remonter les idées comme des rouages, sans prévention et sans précipitation, contre la puissance de croire qui est formidable en chacun de nous. ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos, 1912, page 134. Ø 3. La grande affaire pour les générations précédentes, avait été le passage de l'absolu au relatif, de la certitude au doute; il s'agissait pour eux de « passer du doute à la négation sans y perdre toute valeur morale ». HENRI MASSIS, Jugements, 1923, pages 172-173. 1. Proverbes. Le doute est le commencement de la sagesse (Dictionnaire de l'Académie française. 1835-1932). Dans le doute, abstiens-toi. Quand on doute de la valeur de ses actes, il ne faut pas agir. — Dans le doute, abstiens-toi, Proverbe français, ce me semble? — Dans le doute, éclaire-toi! et, la lumière faite, protège les bons, tape sur les autres (CLAUDE FARRÈRE, L'Homme qui assassina, 1907, page 243 ). 2. Syntagmes et locutions. a) Mettre en doute quelque chose En contester l'authenticité, la valeur. Confer affirmer exemple 18. Mettre en doute l'authenticité de quelque chose, la parole, la sincérité, les sentiments de quelqu'un. Je ne mets pas en doute votre mandat (JULIEN GRACQ, Le Rivage des Syrtes, 1951, page 247 ). Mettre en doute si. Ici, peut-être, faudrait-il mettre en doute si un poète peut légitimement demander à un lecteur le travail sensible et soutenu de son esprit? (PAUL VALÉRY, Variété II, 1929, page 171 ). [Avec la négation ou l'interrogation] Ne pas mettre en doute que (avec ne explétif et le subjonctif). Ils ne mettaient pas en doute que la guerre civile ne fût alors terminée (JULES VERNE, L'Île mystérieuse, 1874, page 540 ). [Sans ne explétif pour signifier que le fait est certain] Je ne mets pas en doute que j'y parvienne (GERMAINE NECKER, BARONNE DE STAËL, Lettres inédites à Louis de Narbonne, 1792, page 35 ). Remarque : DICTIONNAIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE (ÉMILE LITTRÉ) signale cette dernière construction. b) Il n'y a pas de doute que; il ne fait pas de doute que; point de doute que; nul doute que. [Avec ne explétif et le subjonctif] Il n'y a pas de doute que ce ne soit là de tous points une grande oeuvre (CHARLES DU BOS, Journal, 1923, page 246 ). [Avec le conditionnel pour exprimer un fait hypothétique] Nul doute qu'ils en riraient, si les anges pouvaient rire (GEORGES BERNANOS, Dialogues d'ombres, 1928, 4e. tableau, 10, page 1673 ). [Avec l'indicatif pour insister sur la réalité du fait] Il n'y a pas de doute que les poissons tirent l'air de l'eau par les ouïes (JACQUES-HENRI BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harmonies de la nature, 1814, page 150 ). c) Être hors de doute. Être incontestable, certain. Cela est hors de doute pour moi. [Avec l'indicatif] Il est hors de doute que. Il est hors de doute que c'est à elle qu'il doit la vie (HENRI DE MONTHERLANT, Les Bestiaires, 1926, page 451 ). B.— En particulier. 1. MÉDECINE, PSYCHIATRIE. Folie, manie, maladie du doute. Maladie mentale qui se traduit par des manies d'interrogation de vérifications incessantes, des scrupules religieux excessifs. Ces périodes détériorées où nous prend la manie du doute : — A-t-on fermé sa porte à clef, cette nuit? on reva voir; a-t-on mis sa cravate ce matin? on tâte; boutonné sa culotte, ce soir? on s'assure (ANDRÉ GIDE, Paludes, 1895, page 121 ). Confer aboulie exemple 5. 2. PHILOSOPHIE. · Doute sceptique, métaphysique. Attitude philosophique qui consiste à s'établir dans un doute définitif. Doute universel. Doute perpétuel (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND,Mémoires d'Outre-Tombe, tome 3, 1848, page 301 ). Doute absolu (GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance, 1853, page 183 ). La foi n'est pas possible (...) que si le doute métaphysique est en quelque sorte imposé à l'esprit par la nature en soi indéterminable de son objet (DICTIONNAIRE DE CULTURE RELIGIEUSE ET CATÉCHISTIQUE (LOUIS E. MARCEL), Journal, 1914, page 95) : Ø 4. Bremond est le type même de ces sceptiques profonds, chez qui le doute gagne sans cesse, s'étend à tout, et même aux choses dont il n'y aurait pourtant pas lieu de douter. CHARLES DU BOS, Journal, 1928, page 210. · Doute philosophique, doute méthodique de Descartes. Attitude du sujet pensant qui considère tout jugement sur tout objet de connaissance comme douteux afin de tendre vers la plus grande certitude possible, la certitude première étant celle du sujet pensant lui-même (Confer cartésien A b). Doute fictif, hyperbolique, réel. Le doute redresse l'esprit courbé par les sens. Par une ascèse, ou une purification intellectuelle, il doit rendre à la « lumière naturelle » sa rectitude perdue et sa clarté offusquée par les préjugés (ROGER VERNEAUX, Les Sources cartésiennes et kantiennes de l'idéalisme français, Paris, Beauchesne et fils, 1936, page 67 ). Confer également affirmer exemple 22, cogito, exemple 1, croyance exemple 9 : Ø 5. La méthode [cartésienne] est applicable à l'édification des sciences d'observation et d'expérimentation. Il faut procéder toujours par le doute philosophique, avec précaution, avec défiance. Il faut lancer son hypothèse en avant comme un colimaçon lance ses cornes pour sonder et palper l'espace. Dès qu'il sent quelque obtacle, il les retire pour les étendre de nouveau à côté, et cette figure représente l'état de tâtonnements dans lequel se trouve l'expérimentateur. CLAUDE BERNARD, Principes de médecine expérimentale, 1878, page 78. Ø 6. Il y a un lien étroit, en stricte orthodoxie cartésienne, entre le doute et la compréhension même, dans la mesure où elle nous est accessible, de la nature divine, si bien que celui qui aurait poussé l'ascèse du doute assez loin acquerrait par là même une connaissance presque intuitive de Dieu. JEAN LACROIX, Marxisme, existentialisme, personnalisme, 1949, page 90. · Révoquer en doute. [Par référence à Descartes] Synonyme littéraire de mettre en doute. Des témoignages (...) qui peuvent toujours en tous les cas être révoqués en doute (DICTIONNAIRE DE CULTURE RELIGIEUSE ET CATÉCHISTIQUE (LOUIS E. MARCEL), Journal, 1914, page 83 ). 3. RELIGION. Doute religieux. Incertitude portant sur l'existence de Dieu, sur ce qui fait l'objet de la Révélation et l'enseignement de l'Église à ce sujet. Être dans le doute ou la certitude; sombrer dans le doute. Les tourmens du doute (PÈRE HENRI-DOMINIQUE LACORDAIRE, Conférence de Notre-Dame, 1848, page 126 ). Le mol oreiller du doute de Montaigne (CHARLES DU BOS, Journal, 1922, page 103 ). Je n'oppose pas à la foi le doute; mais l'affirmation : ce qui ne saurait être n'est pas (ANDRÉ GIDE, Feuillets d'automne, 1949, page 309) : Ø 7.... j'ai compris que le doute n'était pas une imagination coupable, que l'on chasse en secouant la tête, mais une hantise tenace, impérieuse comme la vérité; une pointe fichée au plus profond de la croyance, et qui l'épuise, goutte à goutte. ROGER MARTIN DU GARD, Jean Barois, 1913, page 262. Ø 8. Lui aussi le Christ avait douté. Il y avait eu, en lui, ce dernier désespoir. Et Thérèse comprit alors qu'elle ne pourrait plus douter jamais, plus jamais désespérer, qu'il avait pris son doute, son désespoir, que seule la joie lui était demeurée. HENRI PETIOT, DIT DANIEL-ROPS, Mort, où est ta victoire? 1934, page 119. C.— Par métonymie. [Avec l'article indéfini au singulier, souvent au pluriel] Ce qui fait l'objet du doute; point particulier qui laisse dans le doute. N'avoir, ne faire, ne laisser, n'offrir aucun doute; éclaircir, lever un doute; tirer quelqu'un d'un doute. Henry n'avait de doutes qu'aux endroits où le doute est indiqué; il était convaincu de ce que l'on croit communément, il niait hardiment tout ce que l'on nie (GUSTAVE FLAUBERT, La Première éducation sentimentale, 1845, page 269 ). Celui-ci (...) hésitait encore, travaillé de doutes évidents sur la question de la dot (ÉMILE ZOLA, Pot-Bouille, 1882, page 79) : Ø 9. Ainsi la raison (...) doute d'elle-même et des principes qui la constituent, non sans fondement; mais elle n'élève point (...) de doute sérieux, encore moins de doute insurmontable, sur le principe régulateur et suprême en vertu duquel elle fait la critique de ses principes constitutifs, et de toutes les autres facultés humaines, pas plus qu'elle n'élève de doute sérieux sur les axiomes mathématiques. AUGUSTIN COURNOT, Essai sur les fondements de nos connaissances et sur les caractères de la critique philosophique, 1851, page 133. Ø 10. Je me demande si je suis fou. En me promenant tantôt au grand soleil, le long de la rivière, des doutes me sont venus sur ma raison, non point des doutes vagues comme j'en avais jusqu'ici, mais des doutes précis, absolus. GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, Le Horla, 1886, page 1112. 1. Locution. L'ombre d'un doute. Un doute très léger. Héritier du nom de mon père, je ne veux pas même que sur ce nom flotte l'ombre d'un doute (ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Le Comte de Monte-Christo, tome 2, 1846, page 286 ). Élever un doute. Présenter une objection, faire une réserve (supra exemple 9). Faire doute. Poser problème. Ne pas faire de doute. Être manifeste, incontestable. Cela ne fait (aucun) doute pour personne; son sort ne fait pas de doute. Ces passantes dont le triste métier ne faisait pas de doute (PAUL BOURGET, Nos actes nous suivent, 1926, page 59 ). SYNTAXE : Doute sur la qualité; la solidité, le succès, la valeur de; ôter quelqu'un d'un doute; concevoir, conserver, dissiper, émettre, exprimer, inspirer, laisser un/des doute(s); jeter un doute sur; faire naître des doutes. 2. En particulier. a) Question qui fait doute en matière religieuse, philosophique. Doutes religieux, doutes sur la foi; être tourmenté de doutes et de scrupules. Confer affirmer exemple 32, conférence exemple 2. L'angoisse, les doutes, les déchirements de Pascal (HENRI MASSIS, Jugements, 1923, page 53) : Ø 11. Quant à vos doutes, qu'est-ce qu'un doute, sinon une chose dont on peut douter? Si j'ai des doutes sur vos doutes, pourquoi voulez-vous que je croie à vos doutes? Vous êtes sceptique et vous voulez que, fanatique de ce que vous avouez ne pas savoir, je devienne dogmatique de votre scepticisme : la Religion de la servante du Curé est plus rationnelle que cet embrouillement. FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, tome 1, 1848, page 629. b) [Ce qui fait doute à l'égard d'une personne] Domaine affectif de la confiance et des sentiments. Doute inquiétant et pénible; être harcelé par un doute. Synonymes : crainte, présomption, soupçon. Pourquoi un doute, pourquoi une crainte, pourquoi des soupçons pénibles lui seraient-ils venus? (GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, Yvette, 1884, page 523 ). — Dans le domaine de l'amour. Doute affreux, amer, cruel; doute sur la fidélité. Je préférais l'illusion dont se bercent les doutes au désenchantement qu'apporte avec soi toute certitude (OSCAR VLADISLAS DE LUBICZ-MILOSZ, L'Amoureuse initiation, 1910, page 190 ). Il ne faut pas tourmenter son bonheur de doutes, d'interrogations (JACQUES CHARDONNE, L'Épithalame, 1921, page 180) : Ø 12.... je compris que, si je n'avais pas jusque-là souffert trop cruellement de mes doutes sur la vertu d'Albertine, c'est qu'en réalité ce n'était nullement des doutes. Mon bonheur, ma vie avaient besoin qu'Albertine fût vertueuse, ils avaient posé une fois pour toutes qu'elle l'était. Muni de cette croyance préservatrice, je pouvais sans danger laisser mon esprit jouer tristement avec des suppositions auxquelles il donnait une forme mais n'ajoutait pas foi. MARCEL PROUST, La Fugitive, 1922, page 514. D.— Locution adverbiale. Sans doute. 1. [À valeur affirmative] Vieilli. Assurément, certainement. C'est là sans doute une très belle action (Dictionnaire de l'Académie française. 1835-1932). Sans doute la richesse est une très-grande puissance (ANTOINE-LOUIS-CLAUDE DESTUTT DE TRACY, Commentaire sur l'Esprit des lois de Montesquieu, 1807, page 172 ). Remarque : Cette valeur de sans doute s'est atténuée au point que, pour exprimer l'affirmation, on renforce le substantif par aucun, nul, On préférera sans nul doute la première version (RENÉ HUYGHE, Dialogue avec le visible, 1955, page 213). Fainéant, prodigue, coureur, ivrogne, menteur — et j'en passe — Jacques était sans aucun doute un détestable mari (SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, page 346). 2. [À valeur dubitative définitive ou provisoire] Probablement, certes, je vous l'accorde. Vous avez sans doute raison; il vous arrive sans doute de : Ø 13. LE PRINCE PAUL. — Enfin, nous sommes donc unis!... nous sommes donc l'un à l'autre!... LA GRANDE DUCHESSE, légèrement. — Sans doute... sans doute... HENRI MEILHAC, LUDOVIC HALÉVY, La Grande duchesse de Gérolstein, 1867, IV, 2, page 295. — [Avec dans la proposition suivante un mot comme mais corrigeant — en la limitant — l'extension du doute] Maman (...) trouva même (...) certaine maison décente, sans doute étroite de pignon, sans doute privée de jardin, mais bonne pour un docteur (GEORGES DUHAMEL, Vue de la Terre promise, 1934, page 71 ). Remarque : Sans doute, en tête de phrase, peut entraîner l'inversion du sujet Sans doute a-t-elle eu quelque remords de ce qu'elle a dit, car elle accourt avec un grand foulard de laine rose entre les doigts (JULIEN GREEN, Journal, 1948, page 220). — Sans doute que [Avec indicatif et avec le conditionnel pour exprimer un fait hypothétique] Sans doute qu'ils ont profité de l'extinction, car quand de nouveau ça reparaît, même scène, mais le personnel a changé (PAUL CLAUDEL, Visages radieux, 1947, page 774 ). Remarque : L'expression sans doute, extrêmement fréquente forme plus des deux tiers des occurrences de la forme homographe doute (confer Dictionnaire des fréquences, C.N.R.S.-T.L.F. [diffusion Paris, Didier] , 1, 1971, table des homographe, qui évalue la fréquence de sans doute/sans aucun doute à 75 % des occurrences). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 26 332. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 35 287, b) 31 023; XXe. siècle : a) 35 368, b) 43 985. Forme dérivée du verbe "douter" douter DOUTER, verbe. I.— Emploi transitif et absolu. Être dans le doute sur l'existence de quelque chose, la valeur ou la vérité d'une affirmation. A.— Emploi transitif indirect. Douter + préposition de. 1. Vieilli et littéraire. [Le complément est un infinitif] Hésiter à. Une seconde, il douta de pouvoir continuer (ÉDOUARD ESTAUNIÉ, L'Ascension de Monsieur Baslèvre, 1919, page 293) : Ø 1. [LE DUC] . — Est-ce que vous douteriez d'intervenir, vous, Monsieur, si féru d'honneur, quand le renom, la gloire d'une famille seraient menacés par des éléments vils? JEAN-BALTHASAR MALLARD, COMTE DE LA VARENDE, L'Homme aux gants de toile, 1943, page 271. 2. Usuel. a) [Le complément désigne un inanimé] Douter du zèle, de la probité de quelqu'un, du succès de quelque chose (Dictionnaire de l'Académie Française). Coterie (...) où il était convenu qu'on est intelligent dans la mesure où on doute de tout (MARCEL PROUST, Du côté de chez Swann, 1913, page 279 ). J'espère que tu ne doutes pas de l'affection que j'ai pour mes enfants (HERVÉ BAZIN, Vipère au poing, 1948, page 218 ). Confer douteux exemple 1 et doute exemple 4 : Ø 2. L'homme incertain est celui qui, en présence d'une représentation sensible ou intellectuelle, doute de ses propres fonctions et des rapports qu'elles posent, ou de la réalité d'un objet qu'ils semblent impliquer :... CHARLES RENOUVIER, Essais de critique générale 3e. essai, 1864, page XXXI. Ø 3.... alors, pour la première fois, le Tarasconnais douta. Il douta du Monténégro, il douta de l'amitié, il douta de la gloire, il douta même des lions; et, comme le Christ à Gethsémani, le grand homme se prit à pleurer amèrement. ALPHONSE DAUDET, Aventures prodigieuses de Tartarin de Tarascon, 1872, page 123. — [Accompagné d'une négation à valeur d'affirmation atténuée] Je ne doute pas de. Je suis sûr de. Je ne doute pas du résultat, de vos talents. Ne douter de rien. Témoigner d'une assurance excessive en tranchant hardiment en matière d'opinion, en entreprenant des affaires hasardeuses. Un grand clerc d'avoué (...) fier et fort impertinent, ne doutant de rien, tranchant sur tout (ALFRED DE MUSSET, Lettres de Dupuis et Cotonet. 1836, page 659 ). La jeunesse ne doute de rien (GASTON LEROUX, Le Mystère de la Chambre jaune, 1907, page 110 ). — [En incise avec en] À n'en pas douter. De façon certaine. Je sais, à n'en pas douter, que ces jeunes gens ressentent l'un pour l'autre (...) une tendresse réciproque (RENÉ-CHARLES GUILBERT DE PIXÉRÉCOURT. Coelina ou l'Enfant du mystère, 1801, page 15 ). J'en doute fort. Il vaincra! — Peut-être! — En douterais-tu? — J'en doute (LÉON CLADEL, Ompdrailles, le tombeau des lutteurs, 1879, page 253 ). [Avec négation] Je n'en doute pas, n'en doutez pas. Je reviendrai vous voir demain matin, reprit-il, n'en doutez pas, Corinne (GERMAINE NECKER, BARONNE DE STAËL, Corinne ou l'Italie, tome 1, 1807, page 218 ). SYNTAXE : Douter de l'authenticité, de l'existence, de la réalité de quelque chose; douter de l'amour, du courage, des intentions, de la parole, des sentiments, de la sincérité de quelqu'un. b) [Le complément désigne une personne] Ne pas avoir confiance en quelqu'un, se défier de lui : Ø 4. Doute du bonheur, fruit mortel; Doute de l'homme plein d'envie; Doute du prêtre et de l'autel; Mais crois à l'amour, ô ma vie;... VICTOR HUGO, Les Contemplations, tome 2, 1856, pages 70-71. · Douter de soi. Ne pas être sûr de ses sentiments, de ses possibilités. Moment difficile pendant lequel on doute de soi, quand ce n'est pas des autres (EUGÈNE FROMENTIN, Dominique, 1863, page 192) : Ø 5. Il est certain que j'ai trop douté de moi, jusqu'ici. Le doute de soi n'est pas l'humilité, je crois même qu'il est parfois la forme la plus exaltée, presque délirante de l'orgueil, une sorte de férocité jalouse qui fait se retourner un malheureux contre lui-même, pour se dévorer. GEORGES BERNANOS, Journal d'un curé de campagne, 1936, page 1221. B.— Emploi transitif direct. Douter + proposition. 1. Vieilli et littéraire. Douter + proposition interrogative indirecte + indicatif ou conditionnel. Je doute si je partirai demain (Dictionnaire de l'Académie française. 1878). Longtemps j'ai pu douter si Proust ne jouait pas un peu de sa maladie pour protéger son travail (ANDRÉ GIDE, Journal, 1921, page 694 ). 2. Usuel. Douter + proposition complétive. a) Douter que + subjonctif. Je doute que le remède soit efficace (GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance, 1874, page 163 ). b) Ne pas douter que + ne explétif et le subjonctif. Je ne doute pas qu'il ne vienne bientôt (Dictionnaire de l'Académie française. 1835-1932). Quant à mademoiselle Fellaire, il ne doutait pas qu'elle ne fût très riche (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Jocaste; le Chat maigre. 1879, page 40 ). — [Avec suppression de ne pour exprimer un fait incontestable] Je ne doute pas que cela soit vrai, qu'il vienne. — [Avec l'indicatif] Je ne doute pas que c'est un honnête homme. Il n'y a pas à douter que tous sauront retrouver (...) la même admirable unanimité (CHARLES DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1959, page 347 ). Remarque : Dans les phrases interrogatives, on peut exprimer ou non le ne explétif. Doutez-vous qu'il ne vienne? Doutez-vous que je sois malade? (Dictionnaire de l'Académie Française 1835, 1878). C.— emploi absolu. Être dans le doute; avoir des doutes. Avoir le droit, des raisons de douter. On s'observe. On se scrute. On doute. On n'a jamais confiance en l'amour (PAUL GÉRALDY, Toi et Moi, 1913, page 61 ). Et Michel n'a pas interrogé, pas douté. Il a accepté cette histoire grotesque, sans hésiter, sans se dire que c'était fou! (JEAN COCTEAU, Les Parents terribles, 1938, II, 12, page 264 ). Confer aussi doute exemple 2 : Ø 6. Or, qui est-ce qui examine, qui est-ce qui doute, qui est-ce qui juge qu'il ne faut pas juger encore afin de mieux juger? Évidemment l'intelligence... VICTOR COUSIN. Histoire de la philosophie du XVIIIe. siècle tome 2, 1829, page 503. — Spécialement. 1. PHILOSOPHIE. Mettre en doute tout ce qui est proposé à l'intelligence. Par extension. N'être sûr de rien, faire preuve de scepticisme. En philosophie, en critique, c'est avoir beaucoup profité que d'avoir appris à douter (Dictionnaire de l'Académie française. 1878-1932). Confer affirmer exemple 25 : Ø 7.... s'il existe à-la-fois dans la nature, seulement deux sceptiques, bien certains de cette seule chose, de se sentir douter, d'exister doutans, lequel des deux consentira à n'être qu'une modification de la vertu sentante et doutante de son camarade? ANTOINE-LOUIS-CLAUDE DESTUTT DE TRACY. Élémens d'idéologie, 3. Logique, 1805, page 296. Ø 8. Celui qui doute ne peut pas, en doutant, douter qu'il doute. Le doute, même généralisé, n'est pas un anéantissement de ma pensée, ce n'est qu'un pseudo-néant, je ne peux pas sortir de l'être, mon acte de douter établit lui-même la possibilité d'une certitude... MAURICE MERLEAU-PONTY, Phénoménologie de la perception, 1945, page 457. 2. RELIGION. Être en proie au doute. Ne pas adhérer à la foi. Antonyme : croire. Oui, c'est entendu, je ne crois pas. Mais je doute, et mon doute est en faveur du mythe (VALÉRY LARBAUD, A. O. Barnabooth, 1913, page 270 ). Confer doute exemple 8 : Ø 9. Au delà des horizons de la science, il n'est pas plus sage de nier que d'affirmer. On doute, quelquefois on espère, puis la foi entre dans l'âme sans qu'on sache pourquoi ni comment;... LOUIS MÉNARD, Rêveries d'un païen mystique, 1876, page 201. Ø 10. Ainsi perpétuellement je crois et je doute, je crois par un geste de mon coeur, je doute par une répulsion de mon intelligence;... JACQUES RIVIÈRE, Correspondance [avec Alain-Fournier] , 1906, page 316. II.— Emploi pronominal à valeur subjective. Se douter (de), (que). Avoir (une) idée de quelque chose, croire sur certains indices à une chose qu'on peut redouter. Être loin de se douter, avoir l'air de se douter de/que. (Quasi-)synonymes : conjecturer, deviner, pressentir, soupçonner. A.— Se douter + préposition de. Se douter de l'infidélité de quelqu'un, du retentissement de quelque chose, du travail de quelqu'un. Elle [votre lettre] ne m'a rien appris de neuf, ou du moins je me doutais de tout ce que vous me dites (GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance, 1870, page 120 ). — [En incise, avec en] Je m'en doutais bien, depuis longtemps; je m'en suis toujours douté; pouvais-je m'en douter; j'aurais dû m'en douter; on s'en doute! on s'en serait douté! — Fréquemment à la forme négative. Ne pas se douter de quelque chose; ne se douter de rien. Ignorer (et de ce fait n'avoir aucune appréhension). Le dix-huitième siècle, qui ne s'est douté de rien, n'a douté de rien (JOSEPH, COMTE DE MAISTRE, Des Constitutions politiques et des autres institutions humaines, 1810, page 24 ). À lire vos articles, si robustes, si puissants, personne ne se douterait de vos fatigues et de vos insomnies (VICTOR HUGO, Correspondance, 1869, page 194 ). [En incise avec en explétif] Je ne m'en doutais guère, pas, point : Ø 11. Surtout, faites semblant de ne rien savoir, hein? Il croit que personne ne s'en doute. Chaque fois qu'il va la voir, il cherche des prétextes et il me donne des explications pendant dix minutes. MARCEL PAGNOL, Marius, 1931, I, 4, page 37. B.— Se douter + complétive. Fréquemment à la forme négative. 1. Se douter que + indicatif. Il ne se doutait pas qu'on l'avait vu. « Elle ne m'aimera jamais! elle ne se doute pas même que je l'adore! » (JOSEPH ARTHUR COMTE DE GOBINEAU, Pléiades, 1874, page 215 ). 2. Se douter que + conditionnel. Et quand il [Bossuet] mit au net pour son royal élève ses rédactions d'école, il ne se doutait pas qu'un jour, on les prendrait si fort au sérieux (HENRI MASSIS, Jugements, 1923, page 30 ). Remarque : 1. On peut relever l'emploi du subjonctif après une proposition principale à la forme négative, le subjonctif exprimant alors le doute. [Félicité] ne se doutant même pas qu'elle eût rien fait d'héroïque (Gustave Flaubert, Trois contes, Coeur simple, 1877, page 17). De même dans le Dictionnaire de la langue française (Émile Littré) : Je ne me doutais pas qu'il vînt; pouvais-je me douter qu'il dût venir si tôt; et Dictionnaire de l'Académie Française 1798-1932 : Il ne se doutait pas qu'on eut des preuves contre lui. 2. On rencontre dans la documentation a) Doutant, ante, participe présent employé comme adjectif. Vertu sentante et doutante (confer exemple 7 supra). b) Doutable, adjectif, rare. Dont on peut douter. " Comment le savez-vous? " Il répondit : " C'est pas doutable " (Guy de Maupassant, Contes et nouvelles, tome 1, Père Judas, 1883, page 103). c) Un adjectif synonyme et doublet du précédent dubitable. Dont on peut douter, sujet à caution. La transcription dubitable d'un interviewer (Léon Bloy, Journal, 1894, page 112). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 9 564. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 13 817, b) 12 558; XXe. siècle : a) 13 152, b) 14 243.

« travail sensible et soutenu de son esprit? (PAUL VALÉRY, Variété II, 1929, page 171 ).

[Avec la négation ou l'interrogation] Ne pas mettre en doute que (avec ne explétif et le subjonctif).

Ils ne mettaient pas en doute que la guerre civile ne fût alors terminée (JULES VERNE, L'Île mystérieuse, 1874, page 540 ).

[Sans ne explétif pour signifier que le fait est certain] Je ne mets pas en doute que j'y parvienne (GERMAINE NECKER, BARONNE DE STAËL, Lettres inédites à Louis de Narbonne, 1792, page 35 ). Remarque : DICTIONNAIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE (ÉMILE LITTRÉ) signale cette dernière construction. b) Il n'y a pas de doute que; il ne fait pas de doute que; point de doute que; nul doute que.

[Avec ne explétif et le subjonctif] Il n'y a pas de doute que ce ne soit là de tous points une grande oeuvre (CHARLES DU BOS, Journal, 1923, page 246 ).

[Avec le conditionnel pour exprimer un fait hypothétique] Nul doute qu'ils en riraient, si les anges pouvaient rire (GEORGES BERNANOS, Dialogues d'ombres, 1928, 4e.

tableau, 10, page 1673 ).

[Avec l'indicatif pour insister sur la réalité du fait] Il n'y a pas de doute que les poissons tirent l'air de l'eau par les ouïes (JACQUES- HENRI BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harmonies de la nature, 1814, page 150 ). c) Être hors de doute.

Être incontestable, certain.

Cela est hors de doute pour moi.

[Avec l'indicatif] Il est hors de doute que.

Il est hors de doute que c'est à elle qu'il doit la vie (HENRI DE MONTHERLANT, Les Bestiaires, 1926, page 451 ). B.— En particulier. 1.

MÉDECINE, PSYCHIATRIE.

Folie, manie, maladie du doute. Maladie mentale qui se traduit par des manies d'interrogation de vérifications incessantes, des scrupules religieux excessifs.

Ces périodes détériorées où nous prend la manie du doute : — A-t-on fermé sa porte à clef, cette nuit? on reva voir; a-t-on mis sa cravate ce matin? on tâte; boutonné sa culotte, ce soir? on s'assure (ANDRÉ GIDE, Paludes, 1895, page 121 ).

Confer aboulie exemple 5. 2.

PHILOSOPHIE. · Doute sceptique, métaphysique.

Attitude philosophique qui consiste à s'établir dans un doute définitif.

Doute universel. Doute perpétuel (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND,Mémoires d'Outre-Tombe, tome 3, 1848, page 301 ).

Doute absolu (GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance, 1853, page 183 ).

La foi n'est pas possible (...) que si le doute métaphysique est en quelque sorte imposé à l'esprit par la nature en soi indéterminable de son objet (DICTIONNAIRE DE CULTURE RELIGIEUSE ET CATÉCHISTIQUE (LOUIS E.

MARCEL), Journal, 1914, page 95) : Ø 4.

Bremond est le type même de ces sceptiques profonds, chez qui le doute gagne sans cesse, s'étend à tout, et même aux choses dont il n'y aurait pourtant pas lieu de douter. CHARLES DU BOS, Journal, 1928, page 210. · Doute philosophique, doute méthodique de Descartes. Attitude du sujet pensant qui considère tout jugement sur tout objet de connaissance comme douteux afin de tendre vers la plus grande certitude possible, la certitude première étant celle du sujet pensant lui-même (Confer cartésien A b).

Doute fictif, hyperbolique, réel.

Le doute redresse l'esprit courbé par les sens.

Par une ascèse, ou une purification 2. »

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