Dictionnaire en ligne: ÉLAN2, substantif masculin. A.— Domaine du monde physique. 1. [En parlant d'animés] a) [Toujours au singulier; et sans complément de nom] Mouvement simple ou complexe (course, par exemple) pour se lancer ou pour lancer quelque chose. Sauter sans élan, avec élan; calculer son élan. Il se ressaisit, et d'un seul élan la jeta sur le lit (MARCEL AYMÉ, La Jument verte, 1933, page 255 ). L'élan doit permettre au sauteur d'arriver sur la planche d'appel à sa vitesse maximum (JULES VUILLEMIN, Mémento d'éducation physique et d'initiation sportive, 1941, page 143) : Ø 1. Un petit saut d'enfant d'abord, puis, d'un élan, il dépasse la roche et s'envoie dans une épaisseur de six mètres d'air. JEAN GIONO, Regain, 1930, page 117. — Par analogie. Cette ville [New-York] qui regorge de coûteuses magnificences, a poussé d'un élan trop rapide et trop fougueux (JULIEN VIAUD, DIT PIERRE LOTI, Quelques aspects du vertige mondial, 1917, page 189 ). — Locution. Prendre de l'élan, son élan. Se donner ou recevoir l'impulsion nécessaire pour accomplir quelque chose. Parfois le cerceau prend un élan, se sauve (LOUIS FARIGOULE, DIT JULES ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, 1932, page 178 ). · Par métaphore. Pour faire chaque fois prendre à son esprit un plus grand élan vers la confidence suprême (JOSEPH MALÈGUE, Augustin ou le Maître est là, tome 1, 1933, page 39 ). — Au figuré. Donner, apporter un élan, de l'élan (à quelque chose). Transmettre une impulsion à quelque chose. Donner de l'élan à l'industrie. Synonymes : essor, impulsion; antonyme : coup d'arrêt. Un ancien fabricant de chapeaux (...) fouilla le passé des Rougon (...). Il en dit assez pour donner aux commérages un nouvel élan (ÉMILE ZOLA, La Fortune des Rougon, 1871, page 256) : Ø 2. Peu de temps après cette conversation, vinrent à Paris les ballets russes, qui apportèrent l'élan et le renouveau que l'on sait. ANDRÉ GIDE, Journal, 1941, page 79. — Spécialement. PHILOSOPHIE. Élan vital [chez Bergson] . Impulsion fondamentale de la vie telle qu'elle se manifeste dans l'évolution en produisant, à partir de la matière inerte, des formes biologiques capables d'adaptation et tendant vers une complexité croissante (d'après Dictionnaire général des sciences humaines (GEORGES THINÈS ET AGNÈS LEMPEREUR) 1975). Il n'a pas plus de spontanéité, de « dynamisme », d'élan vital, de volonté, que la nature elle-même (RAYMOND RUYER, Esquisse d'une philosophie de la structure, 1930, page 181 ). Il paraît que cela fait mieux comprendre la sculpture, l'élan vital de la sculpture, comme disent les bergsoniens (ALBERT THIBAUDET, Réflexions sur la littérature, 1936, page 175) : Ø 3. L'élan vital, traversant la matière, voudrait obtenir tout d'un coup. Il y réussirait, sans doute, si sa puissance était illimitée ou si quelque aide lui pouvait venir du dehors. Mais l'élan est fini, et il a été donné une fois pour toutes. Il ne peut pas surmonter tous les obstacles. HENRI BERGSON, L'Évolution créatrice, 1907, page 254. b) Par métonymie (au singulier ou au pluriel). Mouvement brusque, rapide, vers l'avant Cheval qui ne va que par élans (Dictionnaire de l'Académie française. ). Synonyme : bond. — Par extension. [En parlant de la voix] Reprise soudaine. S'il se présente dans le cours d'un morceau (...) un élan de voix plus puissant, il est inutile de chercher à le renforcer (DOM JOSEPH POTHIER. Mélodies grégoriennes, 1890, page 20 ). — Par analogie. Entre ce visage toujours noyé sous la vitre et les élans du violon, se pouvait-il qu'il n'y eût vraiment aucune concordance cachée (GEORGES DUHAMEL, Le Jardin des bêtes sauvages, 1934, page 73 ). 2. Mouvement d'une chose lancée. L'élan d'une voiture; il l'a heurté en plein élan. Synonyme : mouvement; antonyme : arrêt. Elles [les hirondelles] progressent en restant les ailes étendues, en planant comme l'on dit : l'élan et la résistance de l'air suffit à les maintenir (HENRI COUPIN, Animaux de nos pays, Dictionnaire pratique, 1909, page 126 ). Le sable tombe, et le courant se remêle à l'élan général du flot (HENRI QUEFFÉLEC, Un Recteur de l'île de Sein, 1944, page 113) : Ø 4. Notre couverture, telle que nous l'avions envisagée, n'était plus en mesure d'arrêter l'élan des cinq corps ennemis qui lui étaient opposés;... MARÉCHAL JOSEPH JOFFRE, Mémoires tome 1, 1931, page 163. — Par métaphore. Le rempart émoussait l'élan des quartiers neufs (LOUIS FARIGOULE, DIT JULES ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, 1932, page 200 ). — Au figuré. L'élan symboliste dura une quinzaine d'années (ALBERT THIBAUDET, Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours, 1936, page 487 ). 3. Par extension. Mouvement qui anime quelque chose. Être pris par l'élan de la vie parisienne. Synonyme : rythme. Jules respire du même élan que la voix (JEAN GIONO, Le Grand troupeau, 1931, page 60) : Ø 5.... la démarche même et l'élan de la langue allemande me pénètre. ALEXANDRE ARNOUX, Contacts allemands, 1950, page 27. — Au figuré. La symphonie de Michel est aimable; (...) Mozart ajoute l'élan et la grandeur (HENRI GHÉON, Promenades avec Mozart, 1932, page 248 ). Récit dont l'ampleur, le mouvement, l'élan indivisible sont aussi beaux que ceux de la tragédie elle-même (ALBERT THIBAUDET, Réflexions sur la littérature, 1936, page 215 ). B.— Domaine des sentiments. 1. Au singulier. Mouvement intérieur suscité par un vif sentiment envers quelqu'un ou quelque chose. — [Avec un complément] Élan de tendresse, de passion, d'amitié; élans de coeur, de jeunesse. Synonymes : effusion, transport, accès. Mon émotion devant une angoisse de sa voix, le recul affolé d'une pensée dans mon élan d'amour (JOE BOUSQUET, Traduit du silence, 1935-36, page 209 ). L'âme entière du pays se lèvera en un élan de solidarité nationale (ALBERT CAMUS, Révolte dans les Asturies, 1936, III, 2, page 425) : Ø 6. Le plus grand cataclysme de ce siècle, (...) fut le tremblement de terre de 1924, (...) et fut la cause d'un extraordinaire élan de solidarité internationale. BERTRAND GOLDSCHMIDT, L'Aventure atomique, ses aspects politiques et techniques, 1962, page 57. — Au figuré. Mais on cherche en vain, dans la série interminable de ses portraits [de Reynolds] une figure dressée tout à coup dans un élan inattendu de pureté (ANDRÉ LHOTE, Peinture d'abord, 1942, page 95 ). 2. Par métonymie (au singulier ou au pluriel). Mouvement brusque. — emploi absolu. Avoir des élans pour quelqu'un; maîtriser, réfréner ses élans. Tu n'es pas vraie. Tu n'es pas nue. Tu n'as aucun des élans, des franchises des êtres nus (JEAN GIRAUDOUX, Sodome et Gomorrhe, 1943, II, 8, page 153 ). Vos paroles sont dures, mais je sens que de plus dures encore ne sauraient briser l'élan qui me porte vers vous (GEORGES BERNANOS, Dialogues des carmélites, 1948, 2e. tableau, 1, page 1586) : Ø 7. Il s'en fiche. Pas un regret, pas un élan alors que moi je déborde de peine. HENRI DE MONTHERLANT, Fils de personne, 1943, I, 4, page 287. C.— Domaine du comportement. Vif mouvement. Parler, répondre avec élan. Synonymes : ardeur, chaleur, vivacité, emportement. La tristesse confiante de sa voix m'alla au coeur; je dis avec élan : « il y a plus malade que vous » (SIMONE DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, page 71) : Ø 8. — Un homme, repris-je avec un élan soudain excessif comme si j'allais entonner l'hymne de la famille... GEORGES DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Le Jardin des bêtes sauvages, 1934, page 30. STATISTIQUES : Élan1 et 2. Fréquence absolue littéraire : 3 392. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 2 446, b) 3 556; XXe. siècle : a) 5 901, b) 6 883.
