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DIEU

Publié le 02/04/2015

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dieu

DIEU

L'idée de Dieu n'a pas pour origine la philosophie mais la religion. Le discours rationnel de la philosophie se distingue de toute préoccupation religieuse en ce qu'il fait de Dieu l'objet d'une pensée, voire d'une connaissance. Il s'agit pourtant le plus souvent (1) de déployer dans le discours rationnel la possibilité même de l'être auquel la religion rend un culte ; ce qui, dès l'apparition du christia­nisme, c'est-à-dire d'une religion révélée, dans le champ de la pensée philosophique, pose le problème du droit de la raison à la connais­sance de l'objet de la foi. La théologie médiévale s'efforce surtout de résoudre ce problème, et on peut dire que c'est la métaphysique classique qui donne au concept de Dieu son véritable statut philoso­phique, en l'intégrant au discours même de la raison. « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? « est pour Leibniz la question métaphysique par excellence ; elle implique qu'on doive chercher l'origine radicale de l'existence des choses. Le concept de Dieu possède alors la fonction de répondre à cette question ; corollai-rement, trois problèmes sont posés :

1 — Quelle est la nature de Dieu ?

2 — Comment pouvons-nous connaître cette nature ?

3 — Comment pouvons-nous démontrer rationnellement l'existence de Dieu ?

Toute la philosophie classique tente de les résoudre ; il est clair que les deux premiers, s'ils correspondent à des déterminations communes (infinité de Dieu, selon son entendement, sa volonté et sa bonté) dépendent étroitement du contenu des philosophies en question ; le troisième est le plus'général, et bien sûr le plus important.

1 . La philosophie classique a donné de multiples preuves de l'existence de Dieu, et de nombreuses variantes des mêmes preuves. Kant les réduit à trois.

1 — Preuve physico-théologique : Il y apartout dans le monde des signes d'un ordre exécuté dans un dessein déterminé (finalité) ; cet ordre n'est pas inhérent aux choses ; il y a donc un être intelligent et sage qui est la cause du monde.

2 — Preuve cosmologique (par la contingence du monde) : Si quelque chose existe, il faut aussi qu'existe un être absolument nécessaire ; or j'existe au moins moi-même ; donc il existe un être absolument nécessaire.

3 — Preuve ontologique : L'idée de Dieu est celle de l'Être suprême, c'est-à-dire contenant toutes les perfections ; s'il n'existait pas, il ne serait pas parfait, donc il existe (2). La seconde preuve suppose la troisième : en remontant de mon existence à sa cause, je n'arrête la régression causale qu'en posant l'idée d'un être nécessaire, et en supposant qu'un être parfait correspond à cette idée, je conclue de son essence à son existence. La première suppose la seconde : pour passer de l'idée d'une finalité dans le monde à celle de l'existence de Dieu, il faut supposer que la cause de cette finalité est un être nécessaire Toutes les preuves de l'existence de Dieu se ramènent donc à l'argument ontologique. Pour être valide, celui-ci suppose qu'on puisse conclure de l'idée de quelque chose à l'existence de cette chose ; mais même si l'idée de quelque chose comprend l'idée d'existence, l'existence elle-même n'est pas une idée : que quelque chose existe ou n'existe pas ne change rien à son idée. Nous ne pouvons conclure de notre idee à l'existence de son objet, tout au plus pouvons-nous admettre qu'il est possible. Toute preuve de l'existence de Dieu est donc illusion de la raison.

2. Compte tenu de la destruction kantienne de la méta­physique classique, plusieurs attitudes philosophiques sont possibles :

1 — Nier que puisse exister un être dont nous ne pouvons démontrer l'existence.

2 — Admettre que Dieu est un postulat moral (3).

3 — Soutenir que Dieu est l'Etre lui-même, l'Esprit absolu qui s'aliène dans la nature, et se révèle dans l'histoire, comme savoir de soi (Hegel).

4 — Admettre que Dieu se révèle seulement dans la foi déployée par la subjectivité humaine (Kierkegaard).

La première position a pour conséquence l'athéisme ; les trois autres peuvent être également niees par un athéisme : le

matérialisme historique de Marx nie la position hégélienne,

la critique nietzschéenne de la morale conduit à penser que Dieu est mort, l'existentialisme de Sartre n'affirme la liberté humaine que dans la négation de Dieu. Les théologiens venus après la pensée de la mort de Dieu (Karl Barth, Rudolf Bultmann) reconnaissent la mort du Dieu

objet de connaissance, c'est-à-dire du Dieu des philosophes : le seul moyen de respecter la transcendance du Dieu chrétien est de le rencontrer dans la foi comme un sujet qui interpelle

l'homme ici et maintenant. Mais outre qu'il faudrait se résoudre alors au silence philosophique sur la question de Dieu, une telle attitude pourrait-elle résister à une critique historique, psychanalytique ou sociologique qui montrerait que la foi a sa cause dans les conditions concrètes de la vie humaine ? (4)

1.  L'idée de Dieu peut avoir des fonctions subordonnées propres à la pensée philosophique : comme principe, elle assure pour Aristote la possibilité du mouvement, elle permet à Descartes d'affirmer la permanence de la quantité de mouvement, à

Galilée de poser l'intelligibilité du monde (Dieu a écrit le livre de la nature en termes mathématiques).

2.  Cet argument qu'on fait remonter à saint Anselme (1033-1109), déjà critiqué par son contemporain Gaunilon, puis par saint Thomas (elle constitue une pétition de principe, Somme Théologique, 2, 1), doit sa formulation moderne à Descartes.

3.  Solution de Kant, voir bonheur.

 

4.  Nietzsche, Aurore & 95 : « Autrefois on cherchait à prouver qu'il n'y avait pas de Dieu ; aujourd'hui on montre comment la croyance en un dieu a pu naître et à quoi cette croyance doit son poids et son importance, du coup une contre-preuve de l'inexistence de Dieu devient superflue. Autrefois, lorsqu'on avait réfuté les « preuves de l'existence de Dieu « qui étaient avancées, le doute persistait encore : ne pouvait-on pas trouver des preuves meilleures que celles qu'on venait de réfuter ? en ce temps-là les athées ne savaient pas faire table rase. «

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