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DIVINISER, verbe transitif.

Publié le 17/01/2016

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DIVINISER, verbe transitif.  

A.—  Attribuer la nature divine à; reconnaître pour divinité. Diviniser la nature. Synonyme plus rare : déifier (voir ce mot A) :  

Ø 1.... Virgile, dans l'Énéide, divinise toutes les puissances de la nature, (...) Le soleil, c'est Apollon; l'air, Junon; l'eau, Neptune; la terre, Cybèle; (...) La puissance animale est sous l'empire de Pan; mais celle des hommes est, elle seule, sous celui de plusieurs divinités.

JACQUES-HENRI BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harmonies de la nature, 1814, page 123. 

En emploi absolu.  Faire (de quelque chose) un dieu : 

Ø 2.... le platonisme populaire, à l'oeuvre dans la religion romaine primitive, (...) consiste à diviniser, à doubler d'un absolu la réalité de chaque être. (...) l'esprit mystique qui déifie chaque chose a du bon, et même, en un certain sens, du vrai.

RAYMOND RUYER, Esquisse d'une philosophie de la structure,  1930, page 224. 

—  Spécialement. 

1. [Dans certaines religions polythéistes (confer dieu, 1re.  section I A spécialement); le complément d'objet désigne un être humain ou un animal]  Élever au rang d'un dieu. Chaque canton divinise un animal, en honore et sert un représentant qu'on momifie à sa mort (MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 6, 1907-08, page 220 ). Une religion fut inventée, les morts furent divinisés, les tombeaux furent leurs temples et leur culte fut réglé suivant des rites (JULES DE GAULTIER, Le Bovarysme,  1902, page 146) : 

Ø 3. Son esprit naturellement religieux avait été d'instinct aux deux premières bêtes divinisées par l'homme : le chat et le taureau.

HENRI DE MONTHERLANT, Les Bestiaires,  1926, page 490. 

2. [Dans une perspective monothéiste, en particulier dans la dogmatique chrétienne (confer dieu 1re.  section IB; le complément d'objet désigne un être humain ou un attribut de la personne humaine)]  Faire participer de la nature divine, associer à la vie divine, sanctifier. Synonyme : déifier (voir ce mot A spécial). Elle [la mort] satanise ou divinise l'homme, et le rend à la mort ou à la vie éternelles (JULES VUILLEMIN, Essai sur la signification de la mort,  1949, page 261) : 

Ø 4.... il [l'homme] veut la joie sans l'ascèse; c'était vouloir porter du fruit sans être émondé, ni vivifié dans sa sève par celui dont la grâce et les dons peuvent seuls diviniser l'homme.

JACQUES MARITAIN. Humanisme intégral, problèmes temporels et spirituels d'une nouvelle chrétienté,  1936, page 33. 

·    En emploi pronominal à sens passif. Ainsi dans l'ordre céleste, où nos affections nous suivent, sans doute, et se divinisent et participent de l'amour de Dieu pour les hommes (EUGÉNIE DE GUÉRIN, Journal intime,  1840, page 321 ). 

·    Par opposition, en emploi pronominal réfléchi.  [Le sujet désigne un être humain]  Se faire dieu, se donner un caractère divin. Synonyme : déifier (voir ce mot A emploi pronominal réfléchi) 

Ø 5. Ou bien il [l'homme] se divinise lui-même, libre et tout puissant, joyeux et déjà glorieux dans sa fin. Ou bien angoissé, il accroche sa destinée future au sacrifice d'un Dieu, en la mort duquel il renonce à sa destinée présente.

JULES VUILLEMIN, Essai sur la signification de la mort,  1949, page 314. 

B.—  Par extension.  [Dans le domaine religieux, le complément d'objet désigne une chose abstraite]  Donner un caractère sacré à. Les payens ont divinisé la vie, et les chrétiens ont divinisé la mort; tel est l'esprit des deux cultes (GERMAINE NECKER, BARONNE DE STAËL, Corinne ou l'Italie, tome 1, 1807, page 153 ). Ce rôle de la femme divinisé dans la Vierge Marie éclatait dans sainte Menne (MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 7, 1908-09, page 302 ). 

—  Emploi pronominal à sens passif. —  « Mon père, la parole de Dieu se divinise encore en passant par votre bouche » (JOSÉPHIN PÉLADAN, Le Vice suprême,  1884, page 253 ). 

C.—  Au figuré, souvent péjoratif. 

1. Diviniser quelque chose.  Lui accorder une grande importance; lui donner une valeur absolue, un caractère sacré; l'exalter, magnifier, vénérer. Synonyme : déifier (voir ce mot B). Diviniser la chose écrite, diviniser le malheur; diviniser la raison/déifier l'irrationnel (Confer déifier exemple 3). Il ne s'agissait pas de renoncer à l'égoïsme; il s'agissait de le relever, de l'élargir, de l'exalter, de le diviniser (MARCEL JOUHANDEAU, Monsieur Godeau intime,  1926, page 278) : 

Ø 6.... ce mythe du rêve comporte de périlleuses tentations. On peut en venir à diviniser l'inconscient, à renier l'autre moitié de la vie...

ALBERT BÉGUIN, L'Âme romantique et le rêve,  1939, page 399. 

2. Diviniser quelqu'un..  En faire un dieu (par amour, par admiration, etc.) (Confer dieu, 1re.  section III). Vois ces penseurs que nous divinisons (VICTOR HUGO, Les Contemplations, tome 1, 1856, page 16) : 

Ø 7.... l'amour véritable, tel à la vérité que le conçoivent bien peu d'hommes, cet amour qui est une religion, qui divinise l'être aimé, qui vit de dévouement et d'enthousiasme et pour qui les plus grands sacrifices sont les plus doux plaisirs.

VICTOR HUGO, Lettres à la fiancée,  1821, page 53. 

·    emploi absolu.  Faire Dieu. Marcher seul affranchit; penser seul divinise (MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 1, 1896-98, page 151 ). 

·    Emploi pronominal réciproque, par dérision : 

Ø 8.... ils s'appelaient les disciples de l'art pour l'art. Selon ces naïfs, l'art pour l'art consistait à se diviniser entre eux, à ne point aider le hasard qui ne savait même pas leur adresse, et à attendre que les piédestaux vinssent se placer sous leurs pas.

HENRI MURGER, Scènes de la vie de bohème,  1851, page 7. 

3. Diviniser quelque chose ou quelqu'un..  L'idéaliser. L'âme enthousiaste, grande, belle, embellit, agrandit, divinise tout ce qu'elle touche (HENRI-FRÉDÉRIC AMIEL, Journal,  1866, page 73 ). Tandis que les vieux poètes tâchent à diviniser leurs figures, on a vu qu'il [M. Zola] animalise les siennes (JULES LEMAÎTRE, Les Contemporains, 1885, page 283 ). 

Emploi absolu : 

Ø 9. Figurez-vous la bacchante la plus insensée dans le dévergondage des poses les plus lubriques, folle de vin et de cantharides, mais sur le corps de qui, trahi de partout avec l'impudence du marbre et la chaleur de la vie, est drapé un vêtement lumineux, une tunique miraculeuse dont les plis ne savent rien cacher, mais divinisent. C'est Titien peignant des bas-reliefs antiques avec son pinceau trempé dans toutes les puretés de la lumière. C'est Lucrèce parlant si majestueusement de l'amour animal des êtres...

JULES BARBEY D'AUREVILLY, Memorandum 1,  1837, page 160. 

·    Emploi pronominal réfléchi : 

Ø 10.... elle sait bien, la femme, qu'elle n'a rien à te donner en échange de tant d'amour. Plus habile que les autres, elle ne se livre pas, elle se gaze. Elle se refuse, elle se divinise. 

AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Lélia,  1833, page 290. 

Remarque : On rencontre dans la documentation a) Divinisable, adjectif. Qui peut être divinisé ou se diviniser. La contemplation et la chasteté doivent tendre, ainsi, à dominer légitimement sur le travail agité et la possession directe. Ceci est la \" dérive \" générale de la matière vers l'esprit. Ce mouvement doit avoir son terme. Un jour, toute la substance divinisable de la matière aura passé dans les âmes (Pierre Teilhard de Chardin, Milieu divin, 1955, page 128). b) Divinisateur, trice, adjectif. Qui a la faculté, le pouvoir de diviniser. La mort du péché nous prive de la connaissance, au moment même où elle nous en annonçait les puissances divinisatrices (Jules Vuillemin, Essai sur la signification de la mort, 1949, page 244). 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 245. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 447, b) 300; XXe.  siècle : a) 261, b) 339. 

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