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DIVINITÉ, substantif féminin.

Publié le 17/01/2016

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DIVINITÉ, substantif féminin.  

I.—  [Correspond à dieu 1re.  section et à divin I et II] 

A.—  Essence de Dieu ou d'un Dieu; nature divine. Synonyme plus rare : déité (voir ce mot A) :  

Ø 1.... la philosophie alexandrine, éclectique, déiste, qui, admettant tous les cultes comme divins, niait la divinité des dieux et repoussait le christianisme comme ennemi de la sagesse et de la science.

ALFRED DE VIGNY, Le Journal d'un poète,  1844, page 1224. 

1. [Correspond à divin I; dans une perspective polythéiste]  Divinité des astres. Les premières sociétés humaines confèrent la divinité à des idoles taillées dans le bois (JULES DE GAULTIER, Le Bovarysme,  1902, page 198 ). La divinité diffuse de la nature personnifiée par les dieux (ÉLIE FAURE, L'Esprit des formes,  1927, page 21) : 

Ø 2. Si élevé que soit le dieu, sa divinité n'implique aucunement l'immutabilité. Bien au contraire, ce sont les dieux principaux des religions antiques qui ont le plus changé...

HENRI BERGSON, Les Deux sources de la morale et de la religion, 1932, page 198. 

—  Spécialement.  [En parlant d'un homme divinisé*]  À la divinité près, il y avait en Danton quelque chose d'Hercule (VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 2, 1862, page 415 ). Il y a loin, (...) de la divinité d'un empereur romain à celle d'un pharaon (HENRI BERGSON, Les Deux sources de la morale et de la religion,  1932, page 200 ). 

2. [Correspond à divin II; dans une perspective monothéiste]  Il a plutôt considéré en Jésus l'humanité que la divinité (GASTON LEROUX, De L'Humanité, de son principe et de son avenir, tome 2, 1840, page 827 ). Du moment que l'on patauge dans l'inconnu, pourquoi ne pas croire à la Trinité, pourquoi repousser la divinité du Christ? (GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Là-bas, tome 1, 1891, page 25 ). 

—  Spécialement, dans la religion chrétienne. 

a) [En parlant de l'Eucharistie]  Il a vu Saint-Just s'indigner jusqu'aux pleurs d'un outrage à la divinité du saint-sacrement (MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 5, 1906-07, page 87 ). 

b) [En parlant de l'âme]  La divinité et l'immatérialité de l'âme humaine (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Histoire de ma vie, tome 3, 1855, page 369 ). 

c) [En parlant de choses inspirées par Dieu ou de personnes représentant Dieu sur la terre]  J'étais triste, (...) semblable à un prêtre à qui on arracherait sa divinité (CHARLES BAUDELAIRE, Petits Poèmes en prose,  1867, page 170 ). La raison prouve la révélation, la divinité de l'Écriture et l'autorité de l'Église (ERNEST RENAN, Souvenirs d'enfance et de jeunesse,  1883, page 281 ). 

3. Spécialement, dans les philosophies de la négation.  [Par opposition à la divinité de Dieu] :

Ø 3.... le message de Nietzsche est que le révolté ne devient Dieu qu'en renonçant à toute révolte, même à celle qui produit les dieux pour corriger ce monde. « S'il (...) y a un Dieu, comment supporter de ne l'être pas? » Il y a un Dieu, en effet, qui est le monde. Pour participer de sa divinité, il suffit de dire oui. « Ne plus prier, bénir », et la terre se couvrira d'hommes dieux. Dire oui au monde, le répéter, c'est à la fois recréer le monde et soi-même, c'est devenir le grand artiste, le créateur. 

ALBERT CAMUS, L'Homme révolté,  1951, page 98. 

B.—  Par antonomase.  L'être divin lui-même. Synonyme rare : déité (voir ce mot B par extension 1). 

1. [Correspond à dieu 1re.  section I A; dans les religions polythéistes et les croyances primitives]  Ce qui est considéré comme divin, ce qui est l'objet d'un culte, dieu ou déesse. Ils ont une religion qui leur donne pour divinités le crapaud et plusieurs insectes (GÉNÉRAL LOUIS-NARCISSE BAUDRY DES LOZIÈRES, Voyage à la Louisiane et sur le continent de l'Amérique septentrionale,  1802, page 249) : 

Ø 4. Les tartares qui habitent à l'orient de l'Imaüs, adorent le soleil, la lumière, le feu, la terre, et offrent à ces divinités les prémices de leur nourriture...

CHARLES-FRANÇOIS DUPUIS, Abrégé de l'origine de tous les cultes,  1796, page 22. 

SYNTAXE : a) Divinité(s) + adjectif Divinité(s) multiples, polythéiques, mythologiques, grecques, romaines; divinité(s) céleste, solaire, infernales; divinité(s) suprêmes, supérieures, intermédiaires; divinités populaires, domestiques, champêtres, rustiques, marines, puissantes, redoutables, protectrices; divinité bienfaisante, malfaisante, jalouse. b) Adjectif + divinités. Grandes, principales, petites divinités. c) Divinités + substantif Divinités du Walhalla, du paganisme, de l'Olympe; divinités des champs, des bois, des forêts, de la terre, des airs, des eaux, des sources, de la mer. d) Substantif + divinité(s). Attributs, sièges, cortège des divinités; bienveillance, faveur, colère de la divinité. e) Verbe + divinité(s). Invoquer une divinité, offrir un culte aux divinités. 

2. [Correspond à Dieu 1re.  section IB; dans une perspective monothéiste, en particulier dans la tradition judéo-chrétienne]  Au singulier, ordinairement avec une majuscule. La Divinité. L'Être divin, (le seul vrai) Dieu. Non seulement elle niait la divinité, mais encore il semblait qu'elle en voulût à Dieu de ne pas exister (MAURICE DRUON, Les Grandes familles, tome 2, 1948) : 

Ø 5. S'il est vrai qu'au jardin sacré des écritures, 

Le fils de l'homme ait dit ce qu'on voit rapporté; 

Muet, aveugle et sourd au cri des créatures, 

Si le ciel nous laissa comme un monde avorté, 

Le juste opposera le dédain à l'absence, 

Et ne répondra plus que par un froid silence 

Au silence éternel de la Divinité. 

ALFRED DE VIGNY, Les Destinées, Le Mont des oliviers, 1863, page 169. 

—  Par extension, rare. dans le domaine religion [En parlant d'une chose abstraite relative à l'une des trois personnes de la Trinité]  Caractère divin : 

Ø 6.... là était son berceau [du Christ] , là, le théâtre de ses actions et de ses prédications touchantes; (...) De là avait coulé le christianisme, source obscure, goutte d'eau inaperçue dans le creux du rocher de Nazareth (...) et qui aujourd'hui, comme le grand océan des esprits, a (...) baigné de ses flots intarissables le passé, le présent et l'avenir! Incrédule donc à la divinité de cet événement, mon âme encore eût été fortement ébranlée en approchant de son premier théâtre...

ALPHONSE DE LAMARTINE, Souvenirs, impressions, pensées et paysages pendant un voyage en Orient (1832-1833) ou Note d'un voyageur, tome 1, 1835, page 314. 

II.—  [Correspond à Dieu 1re.  section III]  Par analogie.  Personne ou chose qui est objet de vénération. 

A.—  [Désigne une personne admirée pour sa grandeur, son talent, ses exploits,... choisie comme référence de ses jugements, comme modèle de son action]  Il [Ronsard] est devenu, par surcroît et dans un étrange retour du sort, la divinité poétique du plus intransigeant classicisme, et de ceux-là qui ont en Boileau et en ses principes une pleine dévotion (ALBERT THIBAUDET, Réflexions sur la littérature,  1936, page 21 ). 

—  Spécialement, dans le langage de la galanterie. 

·    [Désigne une femme admirée pour sa beauté]  La mère se présenta avec sa fille, divinité de seize ans (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND,Mémoires d'Outre-Tombe, tome 4, 1848, page 300 ). 

·    [Désigne une femme vénérée par amour]  Voilà ma divinité, car elle me rend heureux; Voilà Sara! ce mot renferme tous les éloges; il exprime ce qu'il y a de plus parfait dans la nature; ce que j'aime le mieux, et ce qui est le plus digne de l'être! (NICOLAS-EDME RESTIF, DIT RESTIF DE LA BRETONNE, Monsieur Nicolas,  1796, page 67 ). 

B.—  [Désigne une valeur abstraite ou la valeur abstraite de certaines choses concrètes, ou une chose considérée comme souverain bien]  Voici l'avènement de la machine à vapeur, le grand levier du siècle, sa vraie divinité (ALFRED DE MUSSET, dans la Revue des Deux-Mondes,  1832, page 108 ). Les disciples fidèles, qui (...) adoraient, la face dans la poussière, la divinité unique, aux multiples visages : musique, poésie, drame et métaphysique (ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, La Révolte, 1907, page 444 ). Pensée nue et liberté intérieure, telles sont bien les deux hautes et exigeantes divinités au service desquelles Amiel est mort (CHARLES DU BOS, Journal,  1921, page 32 ). 

—  Par métonymie.  Caractère divin d'une telle chose. De plus en plus (contre mon coeur) je reconnais la triste vertu, la divinité du succès (MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 6, 1907-08, page 336 ). 

III.—  [Correspond à divin IV A; en parlant de quelque chose]  Par hyperbole.  Caractère divin. 

1. Dans le domaine de la création artistique ou intellectuelle.  Goethe est toujours et partout, un dieu : il y a de la divinité dans ses mémoires (EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  1863, page 1324 ). Ici, et nulle part ailleurs, s'atteste la divinité, ne craignons pas le mot, de l'art (CHARLES DU BOS, Journal,  1927, page 237 ). 

2. [Correspond à divin IV A 2] 

a) [En parlant de certaines qualités de coeur ou d'esprit] :

Ø 7. Rien d'orgueilleux comme sa [de Francis Jammes] modestie; de là ce refus de rien apprendre, la croyance en la divinité de son inspiration, la complaisance envers soi-même. 

ANDRÉ GIDE, Journal,  1923, page 752. 

b) [En parlant de certains sentiments, de certaines jouissances] :

Ø 8. Plus je la voyais, plus je l'admirais, moins je pouvais croire qu'elle fût une créature de la même espèce que moi. La divinité de son amour avait fini par devenir une foi de mon imagination.

ALPHONSE DE LAMARTINE, Raphaël,  1849, page 201. 

3. [Correspond à divin IV A 3a; dans le domaine de la gustation]  Il répète ces mots indéfiniment, et ça lui fait bon dans la bouche, comme la divinité des grandes poires juteuses, froides, en août (HENRI DE MONTHERLANT, Le Songe,  1922, page 172 ). 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 2 033. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 5 127, b) 2 659; XXe.  siècle : a) 1 625, b) 1 867. 

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