ÉLÉVATION, substantif féminin.

ÉLÉVATION, substantif féminin.  

I.—  [Correspond à élever1  I] 

A.—  [La montée est physique; le point de départ exclut l'idée de degré ou ne se situe pas déjà à une certaine hauteur] 

1. [Avec une idée de mouvement]  Action d'élever une chose; fait pour une chose de s'élever ou d'être élevée. 

a) [À propos d'une partie du corps]  Les côtes n'ont qu'un mouvement borné d'élévation et d'abaissement (GEORGES CUVIER, Leçons d'anatomie comparée, tome 1, 1805, page 204 ). Un mouvement incessant d'élévation et d'abaissement des épaules (EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Charles Demailly,  1860, page 406 ). 

—  DANSE.  \" Mouvement circulaire perpendiculaire au sol décrit par les jambes ou les bras soit vers l'avant, soit vers l'arrière \" (Dictionnaire des arts du spectacle (CÉCILE GITEAU), 1970) : 

Ø 1. Et rien de charmant comme ce corps ainsi éclairé, se mouvant, sa jambe tout à coup lancée, les élévations qu'elle essaie en se tenant d'une main à une chaise, cette dislocation harmonieuse de la danseuse essayant ses membres dans cette atmosphère mystérieuse et chaude d'une loge, tout en causant, en laissant tomber sur vous ses grands yeux noirs.

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  1863, page 1276. 

b) [À propos d'une construction]  Synonymes : construction, édification, érection. Le rétablissement de la plupart des églises démolies pendant la Révolution, l'élévation de nouvelles (EMMANUEL DIEUDONNÉ, COMTE DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, tome 2, 1823, page 139 ). Élévation d'un mémorial ou tas de pierres (PAUL CLAUDEL, Un Poète regarde la croix,  1938, page 300 ). 

—  Par métonymie, en Beaux-Arts  Œuvre d'art représentant l'érection de la croix du Christ. Le grand artiste [Rubens] aura commencé par l'Élévation de croix (JULES MICHELET, Journal, 1837, page 227 ). 

—  ARCHITECTURE.  Représentation par le dessin d'un édifice dans sa projection géométrale et verticale. Élévation perspective, élévation du portail d'une église, de la face principale d'un palais, d'une maison (Dictionnaire de l'Académie Française). Ces deux archéologues ont obtenu des plans, des coupes et des élévations (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Rabelais,  1924, page 70 ). Portiques ou (...) constructions notables dessinés en élévation (DICTIONNAIRE ILLUSTRÉ DE LA MYTHOLOGIE ET DES ANTIQUITÉS GRECQUES ET ROMAINES  (PIERRE LAVEDAN), Qu'est-ce que l'urbanisme?  1926, page 131 ). 

c) LITURGIE.  Geste par lequel le prêtre, à la messe, élève l'hostie et le calice après la consécration, pour les montrer aux fidèles. « C'est Dieu élevé, mon petit », me disait celle-ci [ma grand'mère] au moment de l'élévation (ANDRÉ BILLY, Introïbo,  1939, page 21 ). 

—  Par métonymie. 

·    Moment de la messe où a lieu ce rite. Sonner l'élévation. On chanta un motet à l'élévation (JEAN-ANTELME BRILLAT-SAVARIN, Physiologie du goût ou Méditations de gastronomie transcendante,  1825, page 372 ). 

·    Morceau de chant ou de musique exécuté à ce moment. Un volume d'Élévations et Motets (LIONEL DE LA LAURENCIE, L'École française de violon, tome 1, 1922, page 68 ). 

2. [Sans idée de mouvement]  Vieux.  Hauteur, altitude atteinte par une personne ou une chose. Rochers perpendiculaires, de deux ou trois cents pieds d'élévation (ALPHONSE DE LAMARTINE, Souvenirs, impressions, pensées et paysages pendant un voyage en Orient (1832-1833) ou Note d'un voyageur, tome 2, 1835, page 122 ). On remarquait la largeur et l'élévation de son front [d'Amaury] (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Le Compagnon du Tour de France,  1840, page 197 ). 

—  Par métonymie.  Éminence de terrain. Synonymes : butte, talus, tertre. Une petite élévation qui leur servait d'épaulement (ÉMILE ERCKMANN ET ALEXANDRE CHATRIAN, DITS ERCKMANN-CHATRIAN, Histoire d'un paysan, tome 2, 1870, page 33 ). 

—  ASTRONOMIE.  Élévation du pôle. \" Angle formé avec le plan de l'horizon par un rayon visuel mené de chaque point de la terre au pôle visible de la sphère céleste \" (Dictionnaire de l'Académie Française). Mesurer géométriquement l'étendue de l'esprit comme on mesure l'élévation du pôle (LOUIS-GABRIEL A. DE BONALD, Législation primitive considérée dans les derniers temps par les seules ténèbres de la raison, tome 2, 1802, page 165 ). 

B.—  Au figuré.  [La montée concerne des valeurs] 

1. [Valeurs physiques ou financières correspondant à des réalités évaluables]  Action d'élever une chose; fait pour une chose de s'élever ou d'être élevée. 

a) [Le point de départ exclut l'idée de degré ou n'est pas déjà situé à une certaine hauteur]  Synonymes : importance, montant :  

Ø 2. Wallenrod (...) plaça dans les fonds français la somme nécessaire pour donner à sa fille trente mille francs de rente. Cette dot fit une très-faible brèche à sa caisse, vu le peu d'élévation du capital.

HONORÉ DE BALZAC, Modeste Mignon,  1844, page 23. 

b) [Le point de départ est déjà situé à une certaine hauteur]  Élévation du niveau de vie, des salaires, des tarifs, des taxes. Synonymes : augmentation, hausse, majoration. L'élévation du prix des charges (LOUIS REYBAUD, Jérôme Paturot à la recherche d'une position sociale,  1842, page 112 ). Une forte élévation de pression et de température (LUCIEN PÉRISSE, Traité général des automobiles à pétrole,  1907, page 82 ). 

—  ALGÈBRE.  Élévation d'un nombre à la seconde, à la troisième puissance, etc. Action de le carrer, de le cuber, etc. 

—  MÉDECINE.  Élévation de température. \" Augmentation de la fièvre constatée à l'aide du thermomètre \" (Dictionnaire de l'Académie Française). Élévation du pouls. Augmentation du nombre des pulsations. Synonyme : accélération. Une élévation du pouls et une petite fièvre (EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  1877, page 1202 ). 

2. [Valeurs morales] 

a) Action d'élever une personne, fait pour une personne de s'élever ou d'être élevée à un rang supérieur ou éminent. Synonymes : accession, avancement, promotion. Le connétable, bien peu après son élévation, avait voulu la mériter par quelque nouvel exploit (PROSPER DE BARANTE, Histoire des ducs de Bourgogne de la maison de Valois, tome 2, 1821-24, page 150 ). 

—   [Avec un complément prépositionnel indiquant à quoi la personne est élevée.]  L'élévation du duc d'Anjou au trône espagnol (MAXIME DU CAMP, En Hollande,  1859, page 227 ). Ma future élévation à la dignité de maréchal de France (MARÉCHAL JOSEPH JOFFRE, Mémoires, tome 2, 1931, page 410 ). 

—  Par métonymie.  Rang social élevé d'une personne : 

Ø 3. Un grand nombre des fermiers, des meuniers, des nourrisseurs, des cultivateurs aux environs de Paris rêvent pour leurs filles les gloires du comptoir, et voient dans un détaillant, dans un bijoutier, dans un changeur, un gendre beaucoup plus selon leur coeur qu'un notaire ou qu'un avoué, dont l'élévation sociale les inquiète; ils ont peur d'être méprisés plus tard par ces sommités de la bourgeoisie.

HONORÉ DE BALZAC, La Cousine Bette,  1846, page 144. 

—  Par métaphore. L'élévation des monuments, comme celle des hommes, ne tient point à leur hauteur (JULES BARBEY D'AUREVILLY, 3e.  Memorandum,  1856, page 44 ). 

b) Action de se poser plus haut dans le domaine intellectuel, moral ou spirituel; par métonymie résultat de cette action. L'élévation ou l'abaissement de l'esprit public de la nation (ALFRED DE VIGNY, Le Journal d'un poète,  1846, page 1248 ). Il [Combeferre] voulait que la société travaillât sans relâche à l'élévation du niveau intellectuel et moral (VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 1, 1862, page 775 ). 

—  MYSTIQUE.  Mouvement de l'âme vers Dieu. La prière, cette élévation de l'âme vers Dieu (EUGÉNIE DE GUÉRIN, Journal intime,  1840, page 384 ). Voir aussi amour exemple 19. 

·    Par métonymie.  Recueil de méditations favorisant la prière : 

Ø 4. Lu hier soir (...) les admirables pages de Bossuet sur l'Oraison, extraites de je ne sais où et que je trouve en tête de ma petite édition des Élévations sur les mystères. Mais, lorsqu'ensuite j'aborde les deux premières élévations, je m'empêtre dans une suite de pseudoraisonnements qui, loin de me persuader, m'indisposent et m'écoeurent à neuf. 

ANDRÉ GIDE, Journal,  1916, page 533. 

c) Par métonymie.  Qualité de l'esprit qui permet à une personne de s'élever dans ce domaine ou qui résulte de la pratique d'une grande spiritualité. Élévation de l'âme, du caractère, d'esprit, de pensée, des sentiments. Synonymes : noblesse, grandeur d'âme, hauteur de vues. L'élévation du génie, l'abondance et l'éclat des idées (PIERRE CABANIS. Rapports du physique et du moral de l'homme, tome 1, 1808, page 430) : 

Ø 5. Ma grand-mère avait un esprit de discernement plus éclairé et d'une grande élévation naturelle. Elle voulait former mon goût et portait sa critique judicieuse sur tous les objets qui me frappaient.

AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Histoire de ma vie, tome 2, 1855, page 293. 

—  En particulier.  [À propos du style]  Une certaine élévation de langage (VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 2, 1862, page 620 ). 

II.—  [Correspond à élever1 II]  Élévation de la voix. Action d'élever la voix; par métonymie résultat de cette action. 

—   [À propos de la tonalité ou du timbre]  Il y a des élévations de voix nécessaires dans la déclamation (Dictionnaire de l'Académie française.  1798-1932). L'accent aigu [en grec] demande une élévation de la voix (ÉMILE LECLERC, Nouveau manuel complet de typographie,  1932, page 430 ). 

—   [À propos de l'intensité]  Une de ces colères de surface, qui sont toutes dans l'élévation de la voix (EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  1882, page 163 ). 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 1 190. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 2 985, b) 1 309; XXe.  siècle : a) 819, b) 1 318.