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FAMILLE________________________________

Publié le 02/04/2015

Extrait du document

famille

FAMILLE________________________________

On appelle famille tout groupement d'individus qui vivent ensemble un certain temps, et qui sont liés entre eux par le mariage ou la parenté. De là vient l'ambiguïté traditionnelle du terme, qui semble participer à la fois de l'ordre naturel et de l'ordre culturel : le mariage est non seulement une institution mais un rapport physique entre deux individus ; la parenté, c'est non seulement un ensemble de rapports sociaux, mais une relation de consanguinité ou de filiation. C'est de cette ambiguïté que la famille tient son rôle dans la pensée philosophique : élément « naturel «, mettant en jeu plus d'un individu, elle assure le passage de l'individu et de la nature à la société, c'est en quelque sorte une société minimum et naturelle, qui constitue ce à partir de quoi se construit toute société (1). On comprend dès lors que la famille soit devenue une valeur sociale et politique fondamentale. Puisqu'elle tient cette valeur de cette fonction, une critique de la fonction est d'emblée critique de la valeur.

1.      Sociologie historique de la famille

En 1871, L.H. Morgan faisait paraître ses Systèmes de Consanguinité, qu'il complétait en 1877 par un ouvrage sur l'Ancienne Societé ; ses travaux servent de point de départ à l'étude de Engels intitulée L'Origine de la famille, de la propriété privée et de l'État (1884). La fréquentation de certaines sociétés primitives a conduit Morgan à remettre en question la thèse selon laquelle la structure familiale monoga­mique connue en Occident est naturelle, c'est-à-dire universelle ; d'autres structures sont possibles, par exemple les Iroquois ont un système d'alliances matrimoniales faci­lement dissolubles, un homme appelle « fils « et « fille « non

seulement ses enfants, mais ceux de ses frères qui s'appellent frères et soeurs entre eux, tandis que sa femme appelle neveux et nièces les enfants de ses propres frères qui s'appellent cousins entre eux. Engels reprend ces éléments dans l'hypothèse du matérialisme historique : la famille comme toutes les institutions sociales dépend de l'état du système de production économique. La famille occidentale n'est donc pas une donnée naturelle, mais une donnée histo­rique, qui s'est installée progressivement, en même temps que les rapports juridiques modernes (2) et manifestent la même aliénation, par exemple : rapport d'inégalité entre les sexes (3). Une étude historique confirme les thèses essen­tielles de Engels : la grande famille patriarcale est liée à la propriété terrienne, c est le travail salarié et l'urbanisation qui l'a fait éclater ; le travail féminin, en libérant la femme, fera peut-être pareillement éclater la famille contemporaine, réduite au ménage (parents, enfants).

2.   Les structures de la parenté

Depuis Morgan, les anthropologues n'ont cessé d'étudier les structures de la parenté ; le structuralisme de Levi-Strauss constitue un moment privilégié dans la tentative de comprendre le rôle que joue la famille, dans le rapport de la nature à la culture. Pour qu'une structure de parenté existe, il faut que s'y trouvent présents les trois types de relation familiale, toujours données dans la société humaine : c'est-à-dire une relation de consanguinité, une relation d'alliance, une relation de filiation ; autrement dit une relation de germain à germaine, une relation d'époux à épouse, une relation de parent à enfant. Pour décrire la famille comme cellule de base de la société, la tradition considérait l'atome familial.(naturel) constitué par les parents et les enfants. Cet atome est insuffisant pour expliquer la constitution des multiples systèmes de parenté. En remarquant :

1 — l'universelle prohibition de l'inceste (ce qui équivaut à dire que dans la société humaine, un homme ne peut obtenir une femme que d'un autre homme, qui la lui cède sous forme de fille ou de soeur),

2 — que dans une structure globale, ce sont les relations qui, comptent et non les termes, Lévi-Strauss a proposé d'expliciter l'atome familial à partir de trois relations citées précédemment. Il se trouve alors que la structure de parenté élémentaire est constituée par quatre termes : frère, soeur, père, fils. Il s'agit de la structure la plus simple qu'on puisse concevoir, et qui puisse exister, et c'est l'unique matériau de construction des systèmes les plus complexes. Par cette analyse, la famille se trouve arrachée à une naturalité falla­cieuse, et le rapport de la nature à la culture n'est plus conçu comme l'association libre d'individus issus de liens naturels, mais comme l'instauration de la loi (prohibition de l'inceste).

·         L'individu et la famille

Traditionnellement la famille est conçue comme jouant par rapport à l'individu un double rôle : c'est d'abord le lieu de sa formation, c'est ensuite la médiation privilégiée de son rapport à la société. Dans cette conception, il est exclu qu'un individu puisse rejeter sa famille sans se nier lui-même et s'exclure de la société. La famille est le lieu du bonheur individuel. En analysant le rôle du rapport aux parents (complexe d'CEdipe) dans l'étiologie des névroses, Freud rompt avec cette image idyllique. L'anti-psychiatrie (4) montre comment l'intériorisation de la structure familiale, concrète par chacun des individus constituant cette famille, a une fonction défensive pour le moi, et comment à l'inverse la famille peut, être destructive. La famille n'est pas simplement le lieu du bonheur individuel, c'est le terrain de conflits intenses qui, pour l'individu, peut aussi bien être une structure profondément aliénante.

1. Cf. Hegel, Philosophie du droit, § 158 : « L'unité de la famille est une unité sentie (l'amour), en elle l'individu existe comme membre, et pas seulement comme individu ; à l'inverse, la famille ad pour fin d'être dissoute (les enfants la quittent) et dans cette issolution, les individus existent comme personne pour eux-mêmes, c'est-à-dire comme éléments de la societé. «

2. Rien n'est plus caractéristique que les pages consacrées par Kant au droit conjugal (Doctnne du droit, 1796), qu'il compare à un contrat de vente : « Le mariage, c'est-à-dire (...) la liaison de deux personnes de sexe différent, qui veulent pour toute leur gie la possession réciproque de leurs facultés sexuelles « ( 24) ; « Le rapport des epoux est un rapport d'égalité de possession, tant des personnes qui se possèdent réci­proquement (ce qui ne peut avoir de sens qu'en la monogamie, (. ..) que des biens. «

3. « le mariage (...) se convertit assez souvent en la plus sordide prostitution — parfois des deux parties, mais beaucoup plus fréquemment de la femme ; si celle-ci se distingue de la courtisane ordinaire, c'est seulement parce qu'elle ne loue pas son corps à la pièce, comme une salariée, mais le vend une fois pour toutes comme une esclave « (Engels).

 

4. Cf. R.D. Laing, La politique de la famille, 1969.

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