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FANTÔME, substantif masculin.

Publié le 11/02/2016

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FANTÔME, substantif masculin.  

A.—  1. Apparition fantastique, être surnaturel. Fantôme brillant, terrifiant; fantômes de la nuit; conjurer les fantômes. Synonymes : esprit, ectoplasme, spectre. S'il y a des esprits dans la chambre, ils doivent être singulièrement concassés (...). La cloche dissipe les fantômes et chasse les démons, répondit doctoralement Gévingey qui bourra sa pipe (GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Là-bas, tome 1, 1891, page 220 ). C'est le cheval du maire, un autre soir, qui se cabre au carrefour et demeure planté sur les pieds de derrière. Il y avait un fantôme, un grand fantôme muet dressé devant lui. Enfin, à un fort coup de fouet, ce semblant s'évanouit (HENRI POURRAT, Gaspard des Montagnes, 1922, page 25) : 

Ø 1. Les histoires de sorcières et de fantômes avaient troublé son enfance nerveuse. Mais plus il craignait les apparitions, plus il s'imposait de les braver. Ayant tracé un cercle à terre et enflammé de l'alcool dans une soucoupe, tout enveloppé d'une flamme bleuâtre, il commençait : « Démons de l'air et du feu... »

ÉMILE HERZOG, DIT ANDRÉ MAUROIS, Ariel ou la vie de Shelley,  1923, page 15. 

—  En apposition à valeur adjectif.  Qui est irréel, qui procède du surnaturel. Un soir, lui, il l'avait vu, le taureau-fantôme, le « sphinx vivant » aux yeux verdâtres (HENRI DE MONTHERLANT, Les Bestiaires,  1926, page 577 ). Les roues glissaient lentes et sans bruit comme des charrettes fantômes (JULIEN GRACQ, Un Beau ténébreux.  1945, page 181 ). 

·    En particulier. 

a) Littéraire. Navire, vaisseau fantôme, etc. Navire, vaisseau, etc., apparaissant et disparaissant de façon surnaturelle qui semble gouverné par une force invisible ou, selon certaines légendes, par un équipage de défunts qu'un châtiment divin condamne à errer sans fin sur les mers. Le vapeur très haut maintenant (ils étaient au pied) semblait partir à toute vitesse dans la nuit comme un vaisseau fantôme (ANDRÉ MALRAUX, La Condition humaine,  1933, page 232 ). Aussitôt son sacrifice apaisera la colère divine et le navire fantôme s'engloutira (RENÉ DUMESNIL, Histoire illustrée du théâtre lyrique,  1953, page 139) : 

Ø 2. Dans les mers il n'est pas rare

Que la foudre au lieu de phare

Brille dans l'air,

Et que sur l'eau qui se dresse

Le sloop-fantôme apparaisse

Dans un éclair.

Alors tremblez. Car l'eau jappe

Quand le vaisseau mort la frappe

De l'aviron,

Car le bois devient farouche

Quand le chasseur spectre embouche

Son noir clairon.

VICTOR HUGO, La Légende des siècles, tome 6, 1883, page 162. 

Le Vaisseau fantôme. Version française d'un opéra de Richard Wagner. Le choeur des fileuses du Vaisseau fantôme est une pure merveille (MARCEL PROUST, Le Côté de Guermantes,  1921, page 491 ). 

b) Train(-)fantôme. Attraction foraine où les spectateurs montés à bord d'un petit train sont, au cours du circuit, les témoins de phénomènes fantastiques évoqués au moyen de divers artifices. Je n'ai jamais été à la foire. Tu n'es jamais montée sur les montagnes russes? ou dans le train fantôme? (SIMONE DE BEAUVOIR, Les Mandarins,  1954, page 280 ). 

2. En particulier.  Personne décédée se manifestant de façon surnaturelle sous une apparence désincarnée; par métonymie fantôme de... apparence désincarnée sous laquelle se manifeste une personne décédée. Évoquer les fantômes. Synonyme : revenant. Madame de Gabry, qui m'apprit que le château était hanté par des fantômes et notamment par la dame « aux trois plis dans le dos », empoisonneuse de son vivant et âme en peine désormais (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Le crime de Sylvestre Bonnard, 1881, page 347 ). Le fantôme resterait là, jour et nuit, autour de l'auberge, tant que le corps du vieux guide n'aurait pas été retrouvé et déposé dans la terre bénite d'un cimetière (GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, L'Auberge, 1886, page 1082 ). N'était-ce pas un revenant qui lui sautait dessus? Un puni de Dieu qui allait le punir à son tour... René le Berre haletait. Il avait cru distinguer le fantôme de sa mère sur un rocher de l'île (HENRI QUEFFÉLEC, Un Recteur de l'île de Sein,  1944, page 187) : 

Ø 3. Tu as lu cette histoire de fantôme, Minet-chéri? Comme c'est joli, n'est-ce pas? Y a-t-il quelque chose de plus joli que cette page où le fantôme se promène à minuit, sous la lune, dans le cimetière? Quand l'auteur dit, tu sais, que la lumière de la lune passait au travers du fantôme et qu'il ne faisait pas d'ombre sur l'herbe... Ce doit être ravissant, un fantôme. Je voudrais bien en voir un, je t'appellerais. Malheureusement ils n'existent pas. Si je pouvais me faire fantôme après ma vie, je n'y manquerais pas, pour ton plaisir et pour le mien.

GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, La Maison de Claudine,  1922, page 60. 

B.—  Par analogie. 

1. [À propos d'une réalité concrète] 

a) [À propos en particulier d'un élément du paysage]  Forme blanche et indistincte, volume aux contours irréels. Lorsque le ciel blanchissait et tirait de l'ombre le grand fantôme pâle de la gare (ÉMILE ZOLA, La Bête humaine,  1890, page 129 ). Le fantôme haillonneux d'un grand eucalyptus reprit par degrés sa place sur le ciel (GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, La Naissance du jour,  1928, page 53 ). La nuit vint (...) et, derrière elle, cachés par elle, les fantômes de brume (ÉDOUARD PEISSON, Parti de Liverpool, 1932, page 161 ). 

b) Spécialement.  BIBLIOTHÉCONOMIE.   [Par référence au caractère de simulacre du fantôme]  \" Fiche, planchette mentionnant le nom de l'emprunteur que l'on met, dans une bibliothèque, à la place d'un volume sorti \" (Albert Cim, Le Livre, Paris, Flammarion, 1907, page 188). 

2. Personne d'une pâleur et d'une maigreur excessives; personne évoquant par son habillement un fantôme. C'est un vrai fantôme. On le prendrait pour un fantôme (Dictionnaire de l'Académie française.  1798-1932). Il est rongé par la tuberculose pulmonaire des vieillards : c'est un fantôme, aux yeux brillants, miné presque chaque jour par la fièvre (ROGER MARTIN DU GARD, Jean Barois, 1913, page 537 ). Un Targui blanc, fantôme muet et impassible (PIERRE BENOÎT, L'Atlantide,  1919, page 133 ). Louise examina son nouveau locataire : un fantôme, une grande perche, squelettique et dégingandé, avec un visage hâve et des yeux fiévreux (EUGÈNE DABIT, L'Hôtel du Nord,  1929, page 155 ). 

C.—  Au figuré. 

1. Souvenir persistant, sentiment obsessionnel. Synonyme : hantise. Il reste visiblement hanté par le fantôme de ses innocences perdues (GEORGES BERNANOS, Monsieur Ouine,  1943, page 1524 ). Je me battais dans un tunnel, parmi des ombres. Contre le fantôme de Jacques, contre le passé défunt (SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée,  1958, page 318) : 

Ø 4. J'ai relu tout ce qu'il [Bouilhet] a écrit. J'ai feuilleté nos anciennes lettres. Je remue une série de souvenirs, (...) je suis poursuivi par son fantôme que je retrouve derrière chaque buisson du jardin, sur le divan de mon cabinet, et jusque dans mes vêtements, dans mes robes de chambre qu'il mettait.

GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance,  1870, page 120. 

2. Création de l'imagination, idée fausse et illusoire. Se faire des fantômes de rien (Dictionnaire de l'Académie française.  1798-1932).  Synonyme : chimère. Prenez en dessous toutes les doctrines humaines qui retentissent dans le monde; que trouvez-vous? Arbitraire, caprice, rêve, fantôme, bulle qui s'enfle du souffle d'un enfant (MAURICE DE GUÉRIN, Correspondance,  1831, page 44 ). Tout me paraît donc chimère, vapeur, fantôme et néant, y compris mon propre individu (HENRI-FRÉDÉRIC AMIEL, Journal,  1866, page 89 ). Elle [l'âme] sait trop que le rêve n'est qu'un fantôme, une ombre vaine (PAUL BOURGET, Nouveaux Essais de psychologie contemporaine, préface.  1885, page 132 ). 

—  En particulier.  Être imaginaire et idéal. Tu es incapable d'aimer ma personne, ma réalité, ma vie comme tu dis, c'est-à-dire moi-même. Tu as aimé un fantôme et, hantée par une chimère, tu viens critiquer et miner notre union (JACQUES CHARDONNE, L'Épithalame,  1921, page 311 ). 

3. Fantôme de + substantif ou emploi apposé. Quasi-synonyme de fantomatique. 

a) [À propos d'une abstraction]  Ce qui n'a que l'apparence de quelque chose. Synonymes : semblant, simulacre de... Cette moquerie de souveraineté, ce fantôme misérable de gouvernement (FÉLICITÉ-ROBERT DE LAMENNAIS, Articles publiés dans le journal L'Avenir,  1831, page 192 ). Quel semblant d'argument, quel fantôme de réponse pourrait-on, oserait-on opposer à cela (HENRI BARBUSSE, Le Feu, 1916, page 371 ). 

b) Personne qui n'est qu'en apparence ce qu'elle devrait être. Plus rien entre nous deux pour troubler nos plaisirs, Qu'un fantôme d'époux sans droits et sans désirs (ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Caligula,  1837, II, 6, page 12 ). On vous reproche d'avoir fait de l'opposition à la candidature de ce fantôme d'empereur [Louis Bonaparte] (PIERRE-JOSEPH PROUDHON, Les Confessions d'un révolutionnaire pour servir à l'histoire de la Révolution de février,  1849, page 417 ). 

—  Absolument.  Personne sans consistance, ni réelle existence. Je ne pourrai arrêter un moment son regard? Il ne m'accordera pas que j'existe? Je ne serai, quoi que je fasse, pour lui qu'une ombre, qu'un fantôme, qu'une âme entre cent autres? (ERNEST RENAN, Souvenirs d'enfance et de jeunesse,  1883, page 37 ). 

c) En apposition à valeur adjectif.  Qui n'existe pas vraiment, qui n'est qu'en apparence ce qu'il devrait être. Elle [Vinca] servait le café (...) et vivait, parmi ces parents-fantômes (...) une vie étrange (GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, Le Blé en herbe, 1923, page 62 ). 

—  Spécialement.  PATHOLOGIE.  Membre(-)fantôme. Perception illusoire et parfois douloureuse d'un membre amputé ou privé de sensibilité : 

Ø 5. L'anesthésie par la cocaïne ne supprime pas le membre fantôme, il y a des membres fantômes sans aucune amputation et à la suite de lésions cérébrales. Enfin le membre fantôme garde souvent la position même que le bras réel occupait au moment de la blessure : un blessé de guerre sent encore dans son bras fantôme les éclats d'obus qui ont lacéré son bras réel.

MAURICE MERLEAU-PONTY, Phénoménologie de la perception,  1945, page 90. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 2 732. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 3 901, b) 4 024; XXe.  siècle : a) 3 138, b) 4 245. 

DÉRIVÉS : 1.  Fantomal, -ale, -aux,  adjectif,  rare. a)  Qui tient de l'apparition. L'imagination du paysan préfère donner le frisson en évoquant des êtres plus irréels : lavandières de nuit, fantômes et processions fantomales (PIERRE-LOUIS MENON, ROGER LECOTTÉ, Au Village de France, tome 2, 1954, page 95 ).  Par analogie.  Qui évoque une apparition. Ce monde si triste, où tout laissait suinter, comme un brouillard, la forme de son âme humide, dans cette lumière fantomale (HENRI BOSCO, Le Mas Théotime,  1945, page 106 ). b)  Au figuré.  Qui est irréel. Il s'est trompé en cherchant la vie véritable dans la vie même, alors que la vie des hommes est fantomale, et seule réelle la vie des âmes (MARIE-JEANNE DURRY, Gérard de Nerval et le mythe,  1956, page 116 ). Remarque : La documentation atteste fantômnal, -ale, -aux,  adjectif.  variante rare. Elles sont toutes comme lapidifiées [les femmes d'Odilon Redon] et, quoique fantômnales, toutes ont ce profil arrêté de l'Ange de la certitude (PAUL DUVAL, DIT JEAN LORRAIN, Sensations et souvenirs,  1895, page 216 ). 2. Fantomatique, adjectif.  Qui est relatif au fantôme. La clarté pâle, lente, du jour, lui donnait un aspect fantomatique, une beauté d'apparition (PAUL BOURGET, Le Sens de la mort,  1915, page 192 ). Alors qu'un être aimé est victime au loin d'un accident entraînant la mort, il [l'homme] est averti d'une manière surnaturelle —  nous disons maintenant supranormale —  par un vague pressentiment, un rêve ou une vision fantomatique (RENÉ WARCOLLIER, La Télépathie,  1921, page 5 ).  Au figuré    Qui est sans réalité. La vision très fantomatique et uniquement abstraite sans aucune conviction que je m'en forme [d'un colosse] (FRANCIS PONGE, Le Parti pris des choses,  1942, page 56 ). Et toute la réalité du souvenir devient fantomatique. Mais cette irréalité formulée dans les songes du souvenir n'atteint-elle pas le rêveur devant les choses les plus solides? (GASTON BACHELARD, La Poétique de l'espace,  1957, page 67 ). 

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