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Finalement, avec l'aide d'un jeune homme qui habitait dans le

Publié le 06/01/2014

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Finalement, avec l'aide d'un jeune homme qui habitait dans le coin - pas si jeune, toutefois, puisqu'il avait eu un père qui était présent le jour où ça s'était passé et avait raconté à ses enfants comment les Juifs avaient été alignés et abattus -, avec son aide, nous l'avons trouvé et nous sommes restés là, devant les petits obélisques en ciment, cet homme, Alex, Froma, Stepan et moi, en silence pendant un moment. Je me suis senti un peu idiot. Mais j'ai tout de même sorti un agrandissement de la photo de Ruchele et j'ai dit, Je ne sais pas, je crois que nous devrions avoir une pensée pour cette jeune fille, cette jeune fille de seize ans. Pour sa vie. C'est ici qu'elle est morte, ici même. J'ai fait passer la photo et tout le monde l'a regardée et a hoché tristement la tête. Puis nous sommes repartis). Stepan était donc là dans la rue Russka et nous formions un cercle autour de lui tandis qu'il nous racontait ce dont il se souvenait. Froma voulait savoir quels avaient été les sentiments des Ukrainiens pendant l'Occupation. Tout le monde vivait dans la peur, a répondu Stepan, et à ce moment-là, l'autre homme, au visage ardent et à l'abondante chevelure blanche, qui était resté silencieux pendant toute la conversation, est intervenu. Bien sûr que tout le monde avait peur, a-t-il dit. Il nous a alors raconté une histoire. Un Ukrainien qui s'appelait Medvid - ça veut dire « ours » - avait caché une famille juive. Ils ont été découverts et les nazis ont non seulement tué cet homme, Medvid, et toute sa famille, ils les ont tous pendus, les petits enfants inclus, mais ils ont tué tous ceux qui, dans la région, portaient le nom de Medvid. Logique allemande, ai-je entendu dire Jack dans ma tête. Cet ordre, cette formalité sans le moindre contenu rationnel ou moral. Le vieil homme a continué. Après ça, plus personne n'a essayé d'aider. Ou presque plus personne. J'ai pensé à Ciszko Szymanski. J'ai pensé à tous les survivants à qui j'avais parlé, la plupart d'entre eux ayant été cachés par des Ukrainiens. J'ai pensé à cette femme, Szedlak, quiconque elle ait pu être. Pour une étrange raison, des gens avaient en fait continué à aider. Lorsque Alex, de sa propre initiative, a demandé à Stepan s'il connaissait des histoires de gens qui avaient dénoncé des Juifs aux autorités, Stepan a répondu, Je ne connais pas de gens comme ça. Il y avait des gens bien et il y avait des gens mauvais. J'ai écouté et pensé, Oui. Il y avait eu Szymanski et Szedlak. Et il y avait eu les fourches, il y avait eu le voisin qui les avait trahis. Tout compte fait, c'était aussi simple et aussi mystérieux que ça. Nous avons parlé pendant quarante minutes, debout sous le soleil, Alex devenant de plus en plus rouge. La seule chose que personne ne semblait connaître, c'était l'endroit où se trouvait autrefois la rue Dlugosa. Stepan s'est gratté le menton, a froncé les sourcils, a secoué la tête. Dlugosa, Dlugosa, Dlugosa. Non. Mais il a pu nous dire, néanmoins, que pendant les années Staline, tous ceux qui vivaient dans la rue où nous nous tenions, rue Russka, avaient été déportés en Sibérie parce qu'ils avaient des toits en tôle ondulée et que la tôle ondulée signifiait que vous étiez un bourgeois, un contre-révolutionnaire. Sa propre famille, a-t-il ajouté avec un grand rire caverneux d'enfant, avait été épargnée lorsque cette décimation irrationnelle (mais en aucune façon exceptionnelle) avait eu lieu, parce que leur toit était en chaume : un toit de prolétaire. Il a parlé et nous avons écouté. Il a dit quelque chose à Alex, qui s'est tourné vers nous et a traduit, Il dit que vous devriez parler à une femme qui vit dans la... la colonie allemande... Oui, ai-je dit, je sais, c'était au-delà du pont. Jack m'en a parlé. ... la colonie allemande, son frère était aussi un chauffeur de Shmiel, peut-être qu'elle sait plus de choses. OK, ai-je dit. Et il dit aussi que vous devriez parler à un très vieil homme qui s'appelle Prokopiv et qui travaille à l'église. Il est tellement vieux qu'il en saura peut-être plus que n'importe qui d'autre. OK, ai-je dit. Vous voulez y aller ? a demandé Alex. Il savait que nous étions venus ici aujourd'hui dans un but bien précis, pour faire l'expérience dont j'avais besoin pour écrire : pour voir les endroits sur lesquels je savais tant à présent, pour marcher, autant qu'il était possible de le faire aujourd'hui, dans leurs pas. Il savait, parce que nous avions tant correspondu et parlé au cours des dernières années et parce qu'il me connaissait si bien à présent, que je ne voulais plus recueillir d'histoires qui, désormais, étaient des histoires dont je n'avais que trop l'habitude, des histoires que je connaissais déjà. Non, ai-je répondu, ça va, pourquoi pas ? Je me suis dit, Ces histoires étaient charmantes : les chevaux de trait, le camion immobilisé. Quelques-unes de plus ne pourraient pas faire de mal. Nous sommes tous montés dans la voiture bleue, Alex, Froma, Stepan et moi, et nous avons roulé jusqu'à la maison de Prokopiv.   Ne serait-ce qu'en raison de l'ampleur du châtiment qu'ils subissent, il est curieux de constater que le péché pour lequel les habitants de Sodome et de Gomorrhe sont exterminés n'est jamais véritablement nommé, et moins encore décrit en détail, dans parashat Vayeira. Même s'il existe, comme nous l'avons vu, une forte insinuation que le péché est de l'ordre d'une transgression sexuelle, avec des pratiques très éloignées des prescriptions données dans le Lévitique, texte dont nous ne nous occupons pas ici, il n'y a vraiment rien dans le texte biblique qui explique pourquoi les cités doivent être détruites : Dieu annonce tout simplement à Abraham, et sans prévenir, que « le cri contre Sodome et Gomorrhe est bien grand » et que leur péché - sans être nommé - est « bien grave ». Pour défendre Dieu, dont le goût pour l'annihilation totale ainsi que pour la création a été bien établi, au point où nous en sommes de la Genèse, Rachi s'attarde sur le fait que Dieu annonce qu'Il « descendra » pour jeter un coup d'oeil aux cités de la plaine, afin de s'assurer que le « cri » qu'il a entendu est en fait justifié. « Cela, déclare le sage français, a appris aux juges à ne pas prononcer une condamnation dans des affaires capitales sans avoir vu par eux-mêmes », ce qui est une pensée séduisante, même s'il est sans doute juste de dire que les juristes modernes vont probablement s'attarder sur le fait que, dans ce cas précis, les condamnés ne semblent pas avoir été informés des charges qui pèsent contre eux - ces charges, du moins dans le texte dont nous disposons, ne sont ni nommées ni prouvées, ce qui est un peu inquiétant lorsque l'accusé est une population entière. Se déroule alors un des échanges les plus étranges dans le vaste catalogue des dialogues épineux entre les patriarches et Dieu dans la Torah. Alors que les anges exterminateurs sont en route vers les cités du mal, Abraham confronte Dieu en lui faisant part d'un souci qui pourrait être celui de n'importe quel lecteur contemporain. Ce qui inquiète Abraham est ce qui a inquiété certains commentateurs à d'autres moments en constatant le caractère absolument implacable des châtiments de Dieu (comme, par exemple, dans le passage de Noach qui présente l'éventualité que des innocents - disons, des enfants - puissent être noyés dans le Déluge) : qu'en est-il des gens qui ne sont pas blâmables, qui vivent dans les cités que Dieu a vouées à une extermination inéluctable et qui, compte tenu de l'ampleur de l'oblitération, sont très susceptibles de disparaître ? Qu'adviendra-t-il des, disons, cinquante personnes innocentes qui vivent dans les cités pécheresses de Sodome et de Gomorrhe (cinquante, comme nous le savons - tout comme quarante-huit -, n'étant qu'une fraction minuscule de la population de la ville entière). Ne serait-il pas sacrilège, soutient Abraham, pour Dieu lui-même de châtier l'innocent en même temps que le coupable ? Ne serait-ce pas injuste ? Le Dieu de toute la terre devrait-il commettre une injustice ? Dieu prend immédiatement en considération l'argument de son prophète et lui assure que s'il y avait seulement cinquante hommes bons dans Sodome, il épargnerait l'endroit entier («l'endroit entier», comme Rachi prend la peine de l'expliquer, soucieux qu'il est de suggérer que Dieu est généreux sans nécessité, se réfère non pas seulement à Sodome mais aux autres cités de la plaine, puisque Sodome est une « métropole »). Peut-être inquiété par la rapidité de la réponse de Dieu -- quiconque a marchandé ne se sent pas en sécurité quand la partie adverse accepte trop facilement les termes posés --, Abraham presse un peu son Créateur et essaie de descendre à quarante-cinq : Dieu épargnerait-il Sodome (et l'endroit entier), demande-t-il, s'il n'y avait que quarante-cinq personnes justes ? Dieu accepte : quarante-cinq. Et ils continuent ainsi, de quarante-cinq à quarante, de quarante à trente, de trente à vingt, de vingt à dix. Abraham n'abandonne son marchandage agressif qu'après avoir obtenu de Dieu la promesse qu'il ne détruira pas la métropole, même s'il ne s'y trouve que dix personnes justes. A la fin, les cités sont détruites, les luxueuses et décadentes cités de l'Orient, avec tous leurs habitants, les jeunes, les vieux, les malades, les idiots, et même le nouveau-né au sein de sa mère probablement, même si le texte, de nouveau, est réticent à fournir des détails, réticent à décrire les châtiés comme il l'était à décrire le crime. D'une certaine façon, cette histoire est irrésistible pour ceux qui éprouvent un malaise persistant après l'histoire du Déluge, avec sa suggestion à peine voilée que ce que redoute par la suite Abraham, le massacre des innocents et des justes, a alors eu lieu. Et pourtant, selon moi, le sort de Sodome et de Gomorrhe -- ou plutôt la mort des hommes, des femmes et des enfants de ces deux cités, puisque j'ai appris désormais qu'il était trop facile de dire que telle ou telle ville a été détruite, quand on veut dire en fait que tous les habitants de la ville ont été tués -- est troublant pour une autre raison. Même si j'admire l'acuité d'Abraham sur la place du marché, je me suis toujours demandé pourquoi il s'était arrêté au chiffre dix. Friedman n'a pratiquement rien à dire à ce sujet et accepte tout simplement le verdict de Dieu : « Puisque Dieu connaît la situation et son issue nécessaire, pourquoi parler ? » Rachi explique, en faisant allusion de façon assez ingénieuse au récit du Déluge, qui est le prototype de cette histoire, pourquoi le chiffre dix est celui des réductions successives au cours du marchandage (parce que le nombre de ceux qui furent sauvés dans l'Arche de Noè était huit, et huit plus Abraham, plus Dieu, égale dix). Mais ni l'un ni l'autre des commentateurs ne semble être vraiment troublé par la question qui me trouble tant et qui est la suivante : même s'il y avait eu moins de dix bons Sodomites - même s'il n'y avait eu qu'une seule personne juste dans cette vaste métropole - ne serait-il pas injuste de la tuer en même temps que tous les coupables ? Ou bien : s'il n'existe qu'un seul bon habitant dans un pays entier de méchants, pouvons-nous dire que la nation entière est coupable ?   Il n'y avait personne chez le vieux Prokopiv et donc, après avoir déposé Stepan chez lui, où sa femme en colère attendait sous la véranda, les mains sur les hanches, se demandant ce qu'il avait bien pu faire toute la matinée, nous sommes allés à la colonie allemande et nous avons trouvé l'adresse qu'il nous avait donnée pour Mme Latyk, la vieille dame dont le frère avait

« de choses. OK, ai-je dit. Et ildit aussi quevous devriez parleràun très vieil homme quis'appelle Prokopivetqui travaille àl'église.

Ilest tellement vieuxqu'ilensaura peut-être plusquen'importe quid'autre. OK, ai-je dit. Vous voulez yaller ?a demandé Alex.Ilsavait quenous étions venusiciaujourd'hui dansunbut bien précis, pourfairel'expérience dontj'avais besoin pourécrire :pour voirlesendroits sur lesquels jesavais tantàprésent, pourmarcher, autantqu'ilétait possible delefaire aujourd'hui, dansleurs pas.Ilsavait, parcequenous avions tantcorrespondu etparlé aucours des dernières annéesetparce qu'ilmeconnaissait sibien àprésent, quejene voulais plus recueillir d'histoires qui,désormais, étaientdeshistoires dontjen'avais quetrop l'habitude, des histoires quejeconnaissais déjà. Non, ai-jerépondu, çava, pourquoi pas?Je me suis dit,Ces histoires étaientcharmantes :les chevaux detrait, lecamion immobilisé.

Quelques-unes deplus nepourraient pasfaire demal. Nous sommes tousmontés danslavoiture bleue,Alex,Froma, Stepanetmoi, etnous avons roulé jusqu'à lamaison deProkopiv.   Ne serait-ce qu'enraison del'ampleur duchâtiment qu'ilssubissent, ilest curieux deconstater que lepéché pourlequel leshabitants deSodome etde Gomorrhe sontexterminés n'estjamais véritablement nommé,etmoins encore décritendétail, dansparashat Vayeira.Même s'il existe, comme nousl'avons vu,une forte insinuation quelepéché estdel'ordre d'une transgression sexuelle,avecdespratiques trèséloignées desprescriptions donnéesdansle Lévitique, textedontnous nenous occupons pasici,iln'y avraiment riendans letexte biblique qui explique pourquoi lescités doivent êtredétruites :Dieu annonce toutsimplement à Abraham, etsans prévenir, que« lecricontre Sodome etGomorrhe estbien grand » etque leur péché – sans êtrenommé –est « bien grave ».

Pourdéfendre Dieu,dontlegoût pour l'annihilation totaleainsiquepour lacréation aété bien établi, aupoint oùnous ensommes de la Genèse, Rachis'attarde surlefait que Dieu annonce qu’Il« descendra » pourjeteruncoup d'œil auxcités delaplaine, afindes'assurer quele« cri » qu'ilaentendu estenfait justifié. « Cela, déclare lesage français, aappris auxjuges àne pas prononcer unecondamnation dans des affaires capitales sansavoir vupar eux-mêmes », cequi estune pensée séduisante, même s'il est sans doute justededire quelesjuristes modernes vontprobablement s'attardersurle fait que, dans cecas précis, lescondamnés nesemblent pasavoir étéinformés descharges qui pèsent contreeux– ces charges, dumoins dansletexte dontnous disposons, nesont ni nommées niprouvées, cequi estunpeu inquiétant lorsquel'accusé estune population entière. Se déroule alorsundes échanges lesplus étranges danslevaste catalogue desdialogues épineux entrelespatriarches etDieu dans laTorah.

Alorsquelesanges exterminateurs sonten route verslescités dumal, Abraham confronte Dieuenluifaisant partd'un souci quipourrait être celui den'importe quellecteur contemporain.

Cequi inquiète Abraham estcequi a inquiété certainscommentateurs àd'autres moments enconstatant lecaractère absolument implacable deschâtiments deDieu (comme, parexemple, danslepassage deNoach qui présente l'éventualité quedesinnocents – disons,desenfants – puissent êtrenoyés dansle Déluge) :qu'en est-ildesgens quinesont pasblâmables, quivivent danslescités queDieu a. »

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