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  Il y a un problème de traduction bien connu dans l'histoire de Caïn et Abel.

Publié le 06/01/2014

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histoire
  Il y a un problème de traduction bien connu dans l'histoire de Caïn et Abel. Ce que dit l'hébreu en fait à un moment donné, c'est «la voix/le son des sangs de ton frère crient vers moi depuis la terre ». Comme kol, « voix » ou « son » est au singulier, mais que le mot pour « sang », d'mây, et la forme du verbe « crier », tso'akiym, sont au pluriel, il faut trouver un moyen de résoudre le problème d'accord quand on traduit la déclaration de Dieu. Le premier, auquel ont recours la plupart des traducteurs, consiste à ignorer tout simplement la grammaire et à traduire la phrase de la manière suivante : « La voix du sang de ton frère crie... » Mais c'est évidemment incorrect, puisqu'un nom au singulier, « voix », ne peut pas être le sujet d'un verbe au pluriel. Les éditeurs du commentaire de Rachi, dans leur propre traduction de ce passage, transmettent la vieille syntaxe tout en essayant d'en dégager le sens : « Le son des sangs de ton frère, ils crient vers Moi depuis la terre ! » En d'autres termes, la phrase « Le son des sangs de ton frère » devient essentiellement une interjection légèrement déchiquetée, mais au sens strict, toujours déconnectée du point de vue de la syntaxe de la déclaration réelle, qui veut que des choses soient en train de crier depuis la terre (Rachi, soit dit en passant, explique l'étrange pluriel « sangs » de deux façons, l'une assez figurative et Vautre tout à fait littérale. Tout d'abord, Rachi pense poétiquement : il imagine que les pluriels font référence à « son sang et à celui de sa progéniture ». Il raisonne ensuite de manière pratique, a la façon dont pense un homme qui voudrait commettre un meurtre : « Caïn a frappé Abel en plusieurs endroits parce qu'il ne savait pas d'où s'échapperait son âme. » ).    La traduction de Friedman est bien plus audacieuse et, je ne peux pas m'empêcher de le penser, bien plus efficace : « Le bruit ! Le sang de ton frère crie vers moi depuis la terre ! » Ici, il ne cache pas qu'il arrache ce singulier gênant, « Le bruit ! », au reste de la phrase, afin qu'il soit isolé comme une pure exclamation d'horreur. L'effet produit est double. D'une part, c'est à la fois émouvant et troublant en quelque sorte de penser que le son du sang répandu dans la violence pourrait être tellement violent que Dieu lui-même ne pourrait réagir autrement que de façon humaine, comme s'il plaquait ses mains sur ses oreilles : le bruit ! Mais ce qui est véritablement étrange dans cette façon de traiter l'étrange hébreu du texte, c'est qu'il est suggéré, très nettement, que les cris des victimes innocentes, après que le sang a été répandu, continuent de jaillir de l'endroit où il a coulé.     Nous avons laissé le cimetière derrière nous et nous avons marché jusqu'au centre de la ville. Là, nous nous sommes arrêtés devant la maison qui a été construite sur le site de celle de Shmiel pour prendre quelques photos. Pendant que nous le faisions, un jeune Ukrainien, très grand, avec des cheveux blonds coupés au bol et le long visage d'icône qu'on voit partout dans cette région, a surgi de cette grande maison et nous a demandé, non sans une certaine agressivité suspicieuse, qui nous étions et ce que nous faisions. Une fois de plus, Alex a parlé ; une fois de plus, il a raconté la même histoire. Et une fois de plus, l'accueil inattendu. Le visage du garçon - il ne devait pas avoir plus de vingt-cinq ans - s'est fendu d'un immense sourire, et il nous a fait signe d'entrer. Il dit que c'est un grand honneur, a dit Alex, et ce n'était pas  la première fois qu'il le disait ce jour-là. Il dit, Entrez, s'il vous plaît. Et donc, une fois de plus, nous nous sommes alignés et le garçon, qui s'appelait Stefan, nous a priés de nous asseoir dans la salle de séjour, où était accrochée, parmi d'autres éléments de décoration, une reproduction de La Cène. Il a disparu dans la cuisine et nous avons entendu une conversation empressée entre Stefan et sa jolie femme blonde, Ulyana. Quelques minutes plus tard, il a réapparu, une bouteille de cognac à la main, et il a dit quelque chose à Alex. Il vous invite tous à boire un verre, a expliqué Alex. Nous avons tous fait des petits bruits polis en guise de refus, jusqu'à ce qu'il devienne clair que refuser serait impoli. Nous l'avons laissé remplir nos verres et nous avons bu. Nous avons bu des toasts à mon grand-père, qui était né quelque part très près de l'endroit où nous étions assis ; nous avons bu des toasts à l'Amérique et à l'Ukraine. Il n'était même pas midi. L'émotion intense et l'improbabilité extrême de la longue matinée commençaient à se faire sentir ; nous étions tous un peu partis. Ulyana s'activait dans la cuisine et, très vite, Stefan est ressorti en tenant deux poissons séchés par la queue, expliquant à Alex qu'il voulait que nous les rapportions chez nous. Il a insisté pour nous servir une autre tournée et nous avons porté de nouveaux toasts. Stefan a dit que nous nous ressemblions tous et j'ai répondu que c'était un compliment pour la vertu de ma mère. Rires, nouveaux toasts. Puis, en pensant à la longue et spacieuse propriété autour de nous, qui s'étendait loin sur la route en direction de l'église, et qui abritait des vergers de pommiers, de pruniers et de cognassiers, j'ai prié Alex de lui demander comment ils s'étaient retrouvés dans cette maison. Stefan a répondu, en souriant, qu'elle avait appartenu au père de sa femme, qui l'avait acquise après la guerre. A qui son beau-père l'avait-il achetée ? avons-nous demandé. Le garçon a écarté les mains en signe de perplexité et a fait ce même sourire froncé qu'avait fait Maria vingt-quatre heures plus tôt, quand je lui avais parlé du castel. Il ne sait pas, a dit Alex, même si j'avais déjà compris ce que voulait dire nye znayu. Même si je n'avais pas su que ce garçon blond, au visage long et aux pommettes saillantes de belle icône orthodoxe, venait de dire Je ne sais pas, je m'y serais attendu de toute façon. Peu importe si Olga est la plus proche dans le temps de ce que nous étions venus chercher, il est certain que la demi-heure que nous venions de passer était ce qu'il y avait de plus proche dans l'espace. A cet endroit même, ils avaient tous vécu ; et, pour autant que nous le sachions, ils y étaient morts aussi. Ce ne serait pas avant d'arriver à Sydney que nous saurions à quel point nous nous étions trompés à ce moment-là. Alors que nous marchions en direction de la voiture, Stefan a couru vers nous avec un panier à la main. Il était rempli de pommes, de minuscules pommes vertes, pas encore mûres, qu'il avait fait tomber d'un des arbres. Il a soulevé le panier et l'a tendu vers nous, tout en disant quelque chose à Alex. Pour votre mère, a dit Alex. Pour qu'elle ait des fruits de la maison qui aurait dû être la sienne ! C'était un geste touchant et délicat. Mais je savais que ce n'était pas, en réalité, la maison où ma famille avait vécu et où mon grand-père était né, d'où Shmiel avait écrit ces fameuses lettres. Nous avions déjà appris que cette maison avait été détruite, soit pendant la guerre, sur l'ordre des Allemands, soit immédiatement après, pour faire place aux constructions plus importantes et plus modernes des Ukrainiens qui, enfin libérés de leurs oppresseurs et exploiteurs polonais et juifs, avaient estimé certains, étaient les seuls habitants de la ville, maintenant que leur tour était venu.     Lorsque le crime de Caïn est découvert, Dieu annonce à ce dernier son châtiment : Caïn, dit-il, sera plus maudit que la terre qui a bu le sang de son frère ; la terre ne sera plus généreuse pour lui ; il errera sur la terre en perpétuel exil. Tout dépend de savoir si nous interprétons la réponse de Caïn à ces sinistres nouvelles comme une question ou une déclaration. Caïn dit-il « Ma peine est trop lourde à porter ! » ou bien se demande-t-il « Ma peine est-elle trop lourde à porter ? » Et est-ce «je devrai me cacher loin de ta face » ou « devrai-je me cacher loin de ta face » ? Friedman, qui écrit pour un public moderne, interprète le texte littéralement - c'est-àdire comme une déclaration abjecte : Caïn ne sait absolument pas comment il va supporter sa culpabilité et son exil. Rachi, comme à son habitude, se soucie des implications cachées du texte. Pour Rachi, Caïn réprimandé pose une question résignée, rhétorique, qui suppose une réponse négative : il sait bien que non, sa peine n'est pas trop lourde, qu'il sera en mesure de supporter en quelque sorte son péché, puisque (comme le souligne Rachi) si Dieu supporte « les domaines supérieurs et les domaines inférieurs », comment se pourrait-il qu'un homme ne puisse pas supporter sa peine ? Et il sait parfaitement bien que non, il n'aura pas à se cacher de la face de Dieu : car comment, connaissant le grand pouvoir de Dieu, pourrait-il être jamais caché de sa face ? (question qui appelle, bien entendu, la question plus difficile de savoir pourquoi, si aucun
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«   Nous avons laissé lecimetière derrièrenousetnous avons marché jusqu'au centredelaville. Là, nous nous sommes arrêtésdevantlamaison quiaété construite surlesite decelle de Shmiel pourprendre quelques photos.Pendant quenous lefaisions, unjeune Ukrainien, très grand, avecdescheveux blondscoupés aubol etlelong visage d'icône qu'onvoitpartout dans cette région, asurgi decette grande maison etnous ademandé, nonsans unecertaine agressivité suspicieuse, quinous étions etce que nous faisions.

Unefoisdeplus, Alexaparlé ; une foisdeplus, ila raconté lamême histoire.

Etune foisdeplus, l'accueil inattendu.

Levisage du garçon – ilnedevait pasavoir plusdevingt-cinq ans– s'est fendud'unimmense sourire,etil nous afait signe d'entrer. Il dit que c'est ungrand honneur, adit Alex, etce n'était pas lapremière foisqu'il ledisait ce jour-là.

Ildit, Entrez, s'ilvous plaît. Et donc, unefoisdeplus, nous noussommes alignésetlegarçon, quis'appelait Stefan,nousa priés denous asseoir danslasalle deséjour, oùétait accrochée, parmid'autres éléments de décoration, unereproduction de La Cène.

Il adisparu danslacuisine etnous avons entendu une conversation empresséeentreStefan etsa jolie femme blonde, Ulyana.Quelques minutes plus tard, ila réapparu, unebouteille decognac àla main, etila dit quelque choseàAlex. Il vous invite tousàboire unverre, aexpliqué Alex.Nous avons tousfaitdes petits bruits polis en guise derefus, jusqu'à cequ'il devienne clairquerefuser seraitimpoli.

Nousl'avons laissé remplir nosverres etnous avons bu.Nous avons budes toasts àmon grand-père, quiétait né quelque parttrèsprès del'endroit oùnous étions assis;nous avons budes toasts àl'Amérique et àl'Ukraine.

Iln'était mêmepasmidi.

L'émotion intenseetl'improbabilité extrêmedela longue matinée commençaient àse faire sentir ;nous étions tousunpeu partis.

Ulyana s'activait danslacuisine et,très vite, Stefan estressorti entenant deuxpoissons séchésparla queue, expliquant àAlex qu'ilvoulait quenous lesrapportions cheznous.

Ilainsisté pournous servir uneautre tournée etnous avons portédenouveaux toasts.Stefanadit que nous nous ressemblions tousetj'ai répondu quec'était uncompliment pourlavertu dema mère.

Rires, nouveaux toasts. Puis, enpensant àla longue etspacieuse propriétéautourdenous, quis'étendait loinsurla route endirection del'église, etqui abritait desvergers depommiers, depruniers etde cognassiers, j'aiprié Alex deluidemander commentilss'étaient retrouvés danscette maison. Stefan arépondu, ensouriant, qu'elleavaitappartenu aupère desafemme, quil'avait acquise après laguerre.

Aqui son beau-père l'avait-ilachetée ?avons-nous demandé.Legarçon a écarté lesmains ensigne de perplexité etafait cemême sourire froncéqu'avait faitMaria vingt-quatre heuresplustôt,quand jelui avais parlé ducastel. Il ne sait pas, adit Alex, même sij'avais déjàcompris ceque voulait dire nye znayu.

Même sije n'avais passuque cegarçon blond,auvisage longetaux pommettes saillantesdebelle icône. »

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