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Je lui ai demandé si elle se souvenait des filles Jäger.

Publié le 06/01/2014

Extrait du document

Je lui ai demandé si elle se souvenait des filles Jäger. Après tout, Meg nous avait envoyés ici parce que Klara avait fait partie de leur groupe. De combien de soeurs se souvenait-elle ? ai-je demandé. Ewa a parlé à Klara et m'a dit, Elles étaient deux. J'ai souri et je n'ai rien dit. Ewa a continué. Elle ne connaissait que Frydka et elle avait connaissance de la famille uniquement parce qu'elle achetait de la viande à la boucherie. Mais en dehors de ça, elles n'avaient aucun contact, vraiment. Elle était jeune et elles avaient des amies différentes. Elle peut vous dire ce dont elle a entendu parler. Elle peut vous dire que Frydka était éprise de Ciszko Szymanski et qu'il voulait la sauver. Evidemment, quelqu'un a dit aux Allemands qu'il essayait de la cacher, et les Allemands sont évidemment venus et les ont assassinés, lui et elle. Mais quand et où, elle ne le sait pas. J'ai noté les deux évidemment et j'ai demandé un peu après, Il était comment, Ciszko Szymanski ? Ewa a dit, Elle ne le connaissait que de vue. Il était assez costaud, tout le monde avait peur de lui. Parce qu'il était grand, fort, bien bâti. Il était le fils d'un boucher, lui aussi. Matt a souri et dit, Ils étaient d'accord sur la viande ! et tout le monde a ri. Une fois encore, je me suis demandé ce qui avait bien pu les rapprocher. Impossible de le savoir. Klara a dit, Je ne sais pas pourquoi et comment ils se sont rencontrés. Enfin, il l'aimait bien. C'était une très belle fille. J'ai dit à Ewa, Dites-lui que nous avons entendu deux histoires et que j'aimerais savoir laquelle des deux elle a entendue. La première, c'est qu'il l'a emmenée dans la forêt pour essayer de la confier aux partisans, et l'autre, c'est qu'il l'a cachée chez lui. Ewa a traduit la question et Klara a haussé nettement les épaules, avant de sourire plus largement qu'auparavant, un sourire résigné. C'est possible, a dit Ewa après qu'elles ont échangé quelques mots. Enfin, elle pense que la seconde - avec le grenier et quelqu'un qui a prévenu les Allemands - est plus proche de la vérité. La première, celle des partisans, elle n'en a jamais entendu parler. Mais elle ne veut rien dire dans un sens ou dans l'autre. Elle ne veut rien dire dans un sens ou dans l'autre s'est révélé être le leitmotiv de cette première journée avec Klara, qui semblait, sur tous les sujets dont nous parlions, redouter de s'engager sur une déclaration définitive. Bien que ce fût frustrant pour nous, c'était, je m'en rendais compte, admirable d'une certaine façon. Plus que n'importe quelle personne avec qui nous avions parlé, Klara soulignait, cet après-midi-là, que tout ce que quiconque prétendait savoir sur les destins de Shmiel et des membres de sa famille était, au mieux, du ouï-dire. J'étais frappé de voir combien elle paraissait anxieuse à l'idée que quelque chose d'éventuellement inexact pût lui être attribué. À un moment donné, j'ai dit, Expliquez-lui que nous n'allons pas la confronter à ses déclarations, que je veux simplement parvenir à ce... nuage d'informations. Euh, je ne me souviens pas de grand-chose, a dit Klara à Ewa. C'est très, très dur. Ce n'est pas grave, ai-je dit, en essayant d'avoir un regard rassurant pour Klara. J'ai alors décidé de ne plus parler, pour le reste de cette interview, que de choses insignifiantes. J'ai dit, Alors vous avez dit que vous la connaissiez de vue, c'était donc une fille connue dans la ville ? Les deux Polonaises se sont parlé, puis Ewa s'est tournée de nouveau vers moi. Elle était grande, elle avait très belle allure, une belle femme. Klara a dit dans ma langue, Très jolie ! Très jolie ! Elle a souri, à Matt et à moi. Nous avons souri à notre tour. Ensuite, elle a dit quelque chose à Ewa qui a eu l'air intriguée tout à coup. Elle a dit que c'était un bon camouflage. J'ai dit, Qu'est-ce que vous voulez dire ? Ewa a échangé quelques mots avec Klara et puis elle a dit, Avant tout, le nez. Klara a posé sa main sur son nez pour décrire un petit nez en trompette. Ewa a dit, Le nez, un peu comme ça. Et elle avait le teint clair, et elle avait des traits slaves - pas mat comme moi, pas mat comme Klara. Euh, en Pologne, on pouvait dire qu'elle était polonaise. Camouflage, avait-elle dit. Je pensais à ce que m'avait dit Meg dans les premières minutes de notre rencontre à Sydney. Vous avez l'air très aryen. Quelqu'un qui avait cette apparence avait une chance de vivre. Ewa écoutait Klara et elle a dit, Elle n'était pas... elle ne ressemblait pas à une Juive. Puis elle m'a regardé et elle a demandé si c'était ce que Meg Grossbard avait dit, elle aussi.     Parvenu à ce point, j'ai voulu mettre Klara un peu plus à l'aise. Je lui avais assuré que nous n'aurions pas à parler de l'Occupation, mais elle semblait impatiente de lire la déclaration qu'elle avait préparée. Je me suis dit que les mots qu'elle avait écrits étaient un réconfort pour elle, sentiment que je connaissais bien, moi qui avais commandé à tant de services d'archives tant de documents que j'attendais, plein d'espoir. J'ai dit, Nous n'y voyons pas d'inconvénient. Klara a tendu la main pour s'emparer d'une feuille de papier qui était posée sur la table et l'a fixée un moment à travers ses verres teintés. Elle a commencé à lire, phrase après phrase, Ewa traduisant au fur et à mesure. Klara Freilich a dit : Je suis née à Bolechow le 23 août 1923 et je suis allée à Stryj, au lycée, à la Handelschule. Elle a dit, En 1939, la situation s'est durcie pour les Juifs, quand les Allemands sont arrivés dans notre ville. Quand ils ont commencé à tirer et à bombarder notre ville, j'ai couru me réfugier dans les bois avec mes parents et ma famille. Elle a dit, En 1940, les Russes sont arrivés et les Allemands sont partis. Les Russes sont restés dans notre ville jusqu'en 1941. Elle a dit, Je me suis mariée en mai 1941, à l'époque où les Russes étaient dans notre ville. Elle a dit, En juin 1941, les Allemands sont revenus et c'est alors que le véritable Holocauste des Juifs a commencé dans notre ville. Compte tenu de l'industrie de notre ville, la tannerie, ils ont emmené les Juifs les plus jeunes et les ont mis dans un endroit spécial... (elle a dit barak, ce qui était le mot polonais, j'ai supposé, pour Lager) ... et les plus vieux ont été conduits à Stryj. Elle a dit, C'est pour cette raison que mon mari et moi sommes restés dans cet endroit pour les jeunes et que nous avons commencé à travailler dans la tannerie, à fabriquer de la colle. Elle a dit, Chaque jour, nous nous rendions à notre travail, accompagnés par la police allemande et par la police ukrainienne, et chaque jour ils nous harcelaient et nous frappaient. Klara a repris son souffle à cet instant précis et elle a continué sa lecture. En décembre 1943, nous nous sommes enfuis dans les bois, mais il était impossible d'y rester parce que les Allemands et la police ukrainienne savaient tout et faisaient tout ce qu'ils pouvaient pour reprendre les gens. Elle a dit, Par hasard, nous sommes tombés sur un type d'un village voisin et il a été assez bon pour nous emmener avec lui dans son village. Mais je dois souligner que ce type était moitié polonais, moitié ukrainien. Elle a dit, Il s'appelait Nikolaï Krekhovyetsky et il était de Gerynia. Elle a dit, Ce type a construit pour nous un refuge sous le plancher, une sorte de bunker. C'était dans sa grange, là où il gardait ses vaches. Elle a dit, Nos conditions de vie dans ce bunker sont tout simplement impossibles à décrire. Klara a levé les yeux de sa feuille de papier et a dit, Pourquoi est-ce que je dois vous dire toutes ces choses ? Vous voulez que je vous les raconte ? Nous lui avons dit de nous raconter tout ce qu'elle voulait. Klara a lâché sa feuille de papier et a parlé avec Ewa pendant quelques minutes, et ensuite Ewa nous a dit : Elle dit que chaque jour, presque tous les jours, les Allemands et les Ukrainiens venaient chercher les Juifs parce qu'ils savaient qu'il cachait des Juifs. Et ils ont trouvé d'autres Juifs, mais pas Klara et son mari. Il y avait Klara et son mari, le frère de son mari et un autre garçon du village. Sans doute parce que j'écoutais tout cela avec Matt à mes côtés, j'ai été particulièrement ému à l'idée que les deux frères avaient trouvé un moyen de rester ensemble pendant tout ce temps (un troisième frère n'avait pas survécu, devions-nous apprendre par la suite) : tout d'abord, à Bolechow où ils avaient pu rester dans les équipes de travaux forcés jusqu'au dernier moment possible ; et ensuite dans cette cachette. J'avais envie de poser des questions à Klara sur ce frère de Yankel Freilich - elle ne m'avait même pas donné son nom -, mais elle était trop

« Les deux Polonaises sesont parlé, puisEwa s'est tournée denouveau versmoi.

Elleétait grande, elleavait trèsbelle allure, unebelle femme. Klara adit dans malangue, Très jolie ! Trèsjolie ! Elle asouri, àMatt etàmoi.

Nous avons souri à notre tour. Ensuite, elleadit quelque choseàEwa quiaeu l'air intriguée toutàcoup. Elle adit que c'était unbon camouflage. J'ai dit, Qu'est-ce quevous voulez dire? Ewa aéchangé quelques motsavecKlara etpuis elleadit, Avant tout,lenez. Klara aposé samain surson nezpour décrire unpetit nezentrompette. Ewa adit, Lenez, unpeu comme ça.Etelle avait leteint clair, etelle avait destraits slaves – pas mat comme moi,pasmat comme Klara.Euh,enPologne, onpouvait direqu'elle était polonaise.

Camouflage, avait-elle dit.Jepensais àce que m'avait ditMeg dans lespremières minutesde notre rencontre àSydney.

Vous avezl'airtrès aryen.

Quelqu'un quiavait cette apparence avait une chance devivre.

Ewa écoutait Klaraetelle adit, Elle n'était pas...elleneressemblait pasàune Juive. Puis ellem'a regardé etelle ademandé sic'était ceque Meg Grossbard avaitdit,elle aussi.     Parvenu àce point ,j'ai voulu mettre Klaraunpeu plus àl'aise.

Jelui avais assuré quenous n'aurions pasàparler del'Occupation, maisellesemblait impatiente delire ladéclaration qu'elle avaitpréparée.

Jeme suis ditque lesmots qu'elle avaitécrits étaient unréconfort pour elle, sentiment quejeconnaissais bien,moiquiavais commandé àtant deservices d'archives tant dedocuments quej'attendais, pleind'espoir.

J'aidit, Nous n'yvoyons pasd'inconvénient. Klara atendu lamain pours'emparer d'unefeuille depapier quiétait posée surlatable etl'a fixée unmoment àtravers sesverres teintés.

Elleacommencé àlire, phrase aprèsphrase, Ewa traduisant aufur etàmesure.

KlaraFreilich adit : Je suis néeàBolechow le23 août 1923 etjesuis allée àStryj, aulycée, àla Handelschule. Elle adit, En1939, lasituation s'estdurcie pourlesJuifs, quand lesAllemands sontarrivés dans notre ville.Quand ilsont commencé àtirer etàbombarder notreville,j'aicouru meréfugier. »

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