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La société féodale est aussi une société figée, où chacun est cloué dès la naissance à une place donnée comme éternelle.

Publié le 06/01/2014

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La société féodale est aussi une société figée, où chacun est cloué dès la naissance à une place donnée comme éternelle. L'Église en a théorisé l'ordonnancement, comme, notera-t-on perfidement, elle apprendra à théoriser les systèmes sociaux successifs qui s'imposeront. Aujourd'hui, on présente le plus souvent la parole de Jésus comme une parole émancipatrice, une parole donnant aux hommes leur liberté. C'est louable. Notons simplement qu'à l'époque féodale, pour ne citer que celle-là, les théologiens n'étaient pas du tout de cet avis. Un évêque franc, Adalbéron de Laon, contemporain d'Hugues Capet, avait résumé l'organisation du monde convenant à Dieu d'une formule que reprendront à sa suite tous les grands esprits du Moyen Âge. Pour fonctionner, le ciel avait voulu que la société des hommes fût partagée en trois ordres, où chacun devait se tenir jusqu'à la mort : oratores, bellatores, laboratores - ceux qui prient, ceux qui combattent, ceux qui travaillent. On s'en doute, à ces derniers, l'ici-bas n'offrait pas grand-chose d'autre que la misère, la faim, les coups et l'échine courbée sous l'arbitraire des deux autres. Puisqu'à eux aussi le ciel était promis après la mort, pourquoi aurait-il fallu que la vie soit autrement ? Perché en principe au sommet de la pyramide féodale, le roi dispose en fait de peu de moyens pour faire valoir son autorité aux étages supposés inférieurs. Il a un pouvoir symbolique : il a reçu l'onction du sacre, autrement dit de Dieu. Dans cette chrétienté désormais sans partage, cela pèse d'un poids indéniable. Il va aussi rapidement s'assurer lui-même de la transmission de son propre pouvoir. Au départ, comme tant d'autres monarchies d'Europe ou du monde, la monarchie capétienne est élective. Cela signifie simplement qu'Hugues a été élu, mais il a la prudence de mettre dès le départ un contrefeu à ce système instable : lorsqu'il se fait sacrer, après son élection, il fait sacrer son fils avec lui afin d'être sûr qu'il lui succédera. Jusqu'à Philippe Auguste, ses successeurs en garderont la pratique. Chacun dans le royaume prend ainsi l'habitude de voir régner non pas un roi, mais deux, le vieux et le jeune, l'actuel et le suivant, qui est forcément le fils du précédent. C'est ainsi que la couronne, en France, est devenue héréditaire, ce qui n'était pas acquis au départ. Enfin le souverain possède son propre domaine, qui n'excède pas beaucoup, au départ, les contours de l'Île-de-France. C'est pourquoi il cherche constamment, par les mariages, par les successions, par la conquête, à l'étendre. Pour autant, il faut l'avoir en tête, il ne dispose pour régner d'aucun autre des instruments qui, à nos yeux, semblent être la base même de l'exercice du pouvoir. Par exemple, il n'existe pas de corps de fonctionnaires efficaces pour relayer l'autorité royale. Philippe Auguste en jette les fondements à la fin du xiie siècle seulement, en créant les baillis, assistés des prévôts, des hommes chargés de rendre un peu la justice, de regarder les comptes. Mais il faut attendre Charles V, au xive, pour voir fonctionner l'embryon d'une administration centrale. Ces gens qui passent leur vie à guerroyer n'ont pas non plus d'armée à leur main. L'idée incroyablement neuve d'une force permanente à la disposition du souverain ne naîtra qu'au xve siècle. Jusque-là, quand on veut des troupes, on met en branle une très lourde et très lente machine : on convoque le ban et l'arrière-ban, c'est-àdire l'ensemble des vassaux, pour qu'ils constituent l'ost, l'armée féodale, comme c'est leur devoir. Seulement, il est d'autant plus pénible de s'en remettre au service des vassaux qu'une fois sur deux c'est contre eux qu'on se bat. Voilà à quoi on peut résumer les trois premiers siècles capétiens : la saga d'une famille qui cherche sans cesse à se fortifier en agrandissant un espace toujours disputé par ceux sur qui elle est censée régner. Il faut dire que les vassaux sont coriaces. Il en est de petits, mais retors. Dans les manuels du début du xxe siècle, on faisait grand cas de la longue lutte de Louis VI le Gros (1108-1137) contre le modeste seigneur du Puiset, rebelle très résistant : il fallut au roi sept ans pour en venir à bout. Il en est de si puissants qu'ils sont capables de faire vaciller tout le système. Dans cet écheveau complexe, rien n'empêche en effet un grand du royaume, à coups de conquête ou d'héritage, de devenir encore plus grand, jusqu'à dominer celui devant qui il a pieusement plié le genou. Pour le comprendre, il faut se tourner vers le nordouest et regarder la Manche, c'est de là que viendront, pour les Capétiens, des siècles de soucis. En 1066 a lieu un événement déterminant qui nous ramène à notre fameuse Normandie. Les Vikings d'hier y ont fait souche, ils ont conservé quelques coutumes venues de leurs ancêtres, ils ont donné au futur français quelques mots de leur ancienne langue (en particulier dans le domaine maritime), mais pour l'essentiel ils sont « intégrés », comme on ne dit pas encore. Leur duc, Guillaume le Bâtard, a toutefois gardé de ses racines un trait : l'ambition. À la suite d'une sombre affaire de promesse que lui aurait faite avant de mourir son cousin Édouard, roi d'Angleterre, il embarque sa puissante armée à Dives, près de Cabourg ; la débarque à Hastings ; y défait les troupes de celui qui avait ravi le trône, Harold (tué dans la mêlée) et, le 25 décembre, se fait couronner à l'abbaye de Westminster à Londres roi d'Angleterre. Celui que l'on appelle désormais Guillaume le Conquérant est donc toujours vassal des Capétiens pour son duché de Normandie, et leur égal outre-Manche grâce à sa couronne. Trois générations plus tard, la situation s'embrouille encore un peu plus. D'incessantes querelles familiales tournent quasiment à la guerre civile et ensanglantent la succession au trône anglo-normand. On finit par s'entendre. Le nouveau roi sera le jeune fils de Mathilde, elle-même petite-fille du Conquérant. Il est né au Mans, il s'appelle Henri. Son grand-père paternel avait l'habitude de planter un genêt à son chapeau, la famille y a trouvé son nom, on appellera ses membres les Plantagenêts. Henri Plantagenêt, donc, tient de son père d'immenses possessions dans l'Ouest de la France, dont l'Anjou. En mai 1152, il fait un mariage magnifique et incroyable. Il épouse celle qui vient d'être répudiée par le roi de France Louis VII. Le prude monarque l'accusait d'être frivole. Elle s'appelle Aliénor d'Aquitaine. Ce nom nous indique l'importance de sa dot : elle apporte à son jeune mari la Gascogne, la Guyenne et le Poitou, c'est-à-dire tout le Sud-Ouest du royaume. En 1154, à la mort à Londres de son prédécesseur, Henri monte sur le trône. Il devient Henri II, roi d'Angleterre. Avec tout ce qu'il possède déjà, il forme ce que l'on appelle l'« Empire angevin » ou encore « l'empire Plantagenêt ». Le mot s'impose. Les terres d'Henri s'étendent des Pyrénées à l'Écosse. Seulement là-dedans, il y a d'un côté de la Manche un royaume, et de l'autre des possessions qui sont, en titre, sous la suzeraineté des Capétiens. On comprend l'obsession de ceux-ci à réduire la puissance de sujets qui prennent autant de place. Bons rois, mauvais rois Voilà planté le cadre de l'histoire, tâchons maintenant de nous attarder sur ceux qui vont en être les héros : nos fameux rois. Hier encore, on les apprenait en litanie, un prénom, un chiffre, et parfois ce petit surnom qui faisait chanter la liste d'un rien de fantaisie : Hugues Capet, Robert II dit le Pieux, Henri Ier, Philippe Ier, Louis VI dit le Gros. Seulement, par souci pédagogique, les manuels prenaient toujours grand soin d'accompagner ces listes assommantes de codicilles explicatifs : tous ces rois qui se succédèrent ne pouvaient être considérés pareillement. Au contraire. Parmi eux, il en était de « bons » et de « mauvais ». On explique parfois que les historiens républicains tenaient à cette distinction pour montrer l'imperfection d'un système de pouvoir fondé sur l'hérédité : quand le peuple vote, il ne peut pas se tromper ; quand le chef n'arrive à ce poste que parce qu'il est le fils de son père, cela peut aboutir à des catastrophes. Le plus souvent, le critère pour distinguer les « bons rois » des « mauvais » était simple : les « bons » étaient ceux qui avaient fortifié ou agrandi le royaume, c'est-à-dire « la France ». Les mauvais, ceux qui, en subissant telle défaite, en manquant tel mariage, l'avaient affaibli. Évidemment, cette façon de relire l'histoire par le seul prisme national est anachronique. On peut estimer, comme on vient de l'écrire, que ces premiers Capétiens ont contribué peu à peu à dessiner l'entité qui s'appellerait la France. Il est pour autant très prématuré de penser qu'ils en avaient conscience. La nation comme on l'entend suppose le sentiment d'appartenance commun d'un peuple et de son chef à un territoire donné. Rien de tout cela n'existe dans les siècles qui nous occupent. Il n'y a pas de peuple en tant que tel. Au xie, au xiiie siècle, un paysan, un artisan d'une petite ville, ou même un chevalier (c'est-à-dire celui qui avait assez d'argent pour se payer une armure et un écuyer, et pouvait offrir ses services armés à qui veut) sait assurément qu'il est chrétien, il a sans doute conscience qu'il est picard ou champenois à cause de la langue qu'il parle, il connaît probablement le nom du seigneur du lieu. Il n'a le plus souvent aucune idée du nom ou de l'existence du prince à qui ce seigneur-là a prêté son hommage. Il n'existe pas plus de conscience des « pays » comme on l'entend aujourd'hui, la France ou l'Angleterre. Il existe de vastes territoires que des grands, souvent apparentés, se disputent sans la moindre considération pour ceux qui y habitent, selon les règles complexes du seul jeu qui compte pour eux, la féodalité. Considérée de près, l'histoire de ces temps-là ressemble souvent à une sorte de Monopoly géant joué par quelques grandes familles toutes apparentées qui se répartissent les comtés, les duchés, les provinces : tu m'as piqué l'Artois, je te reprends le Maine. La rejouer en l'apparentant aux guerres nationales du xixe ou du xxe siècle - un pays tout entier dressé contre un autre - est absurde. Peu importe pour l'instant, ne méprisons pas l'usage de l'anachronisme dans cette histoire. Au contraire, servonsnous-en à notre tour. Il nous faut maintenant présenter au moins quelques-uns des plus célèbres parmi ces 15 Capétiens en ligne directe qui se succèdent de 987 à 1328 (date de la mort sans héritier direct de Charles le Bel, dernier à régner des fils de Philippe le Bel). Eh bien appliquons-leur le régime qu'on leur a toujours appliqué : soyons anachroniques nous-mêmes. Oublions les vieilles lunettes nationales, elles datent un peu. Chaussons-en de nouvelles pour jouer à un jeu plus amusant : à nos yeux du xxie siècle, selon les critères qui sont les nôtres aujourd'hui, que valent donc nos fameux rois ? Philippe Auguste (1180-1223) Après Hugues viennent Robert II le Pieux (règne de 996 à 1031) ; Henri Ier (1031-1060) ; Philippe Ier (1060-1108) ; Louis VI le Gros (1108-1137) ; Louis VII le Jeune (1137-1180) - on en a parlé, c'est lui qui fit la bêtise historique de répudier Aliénor. Arrive enfin notre premier people : Philippe Auguste (1180-1223). Son nom seul le pose. Il a d'ailleurs accompli beaucoup de choses que l'on peut toujours considérer comme remarquables. Il a fait bâtir un mur encore visible en partie à Paris ; il a tenté d'améliorer l'administration du royaume et fait embellir les villes. La capitale a été pavée et dotée d'un système d'égouts : selon la légende, la chose était devenue plus que nécessaire, il faillit mourir un beau jour en se penchant des fenêtres du château qu'il avait fait construire, le Louvre, tant la puanteur était grande. Au regard de l'ancienne historiographie nationale, il est surtout l'impeccable souverain qui a agrandi nos possessions et réussi à mater les féodaux. Il est temps peut-être de se souvenir de la façon dont il a procédé. Son grand ennemi est donc Henri II Plantagenêt, le puissant maître de l'« Empire angevin ». Philippe ne recule pas devant grand-chose pour rabattre sa puissance. Il commence par monter ses fils contre lui et surtout le plus en vue d'entre eux, Richard, celui que sa bravoure a fait surnommer « Coeur de Lion ». Il se dit son meilleur ami, son frère. Certains historiens vont jusqu'à prêter aux deux hommes une liaison amoureuse. Elle est évidemment difficile à établir. Quoi qu'il en soit, Philippe ne ménage pas alors l'expression publique de ses sentiments intenses. À la mort d'Henri Plantagenêt (en 1189), vaincu par les deux si fidèles alliés, Richard devient roi d'Angleterre, où il ne mettra presque jamais les pieds, d'ailleurs. Ensemble, les deux rois partent à la croisade, où le fougueux Plantagenêt veut assouvir ses rêves chevaleresques. Philippe préfère prétexter rapidement une maladie et rentre au pays. Que tient-il tant à y faire ? À manoeuvrer dans le dos de Richard pour s'allier avec son frère et rival, le noir « Jean sans Terre » - il doit son nom à sa position de cadet, qui ne lui donnait droit à aucune province propre. Notre redoutable Philippe réussit même à envenimer à distance de sombres brouilles qui se sont déroulées en Orient entre chevaliers. Alors qu'il chemine vers ses terres, Richard est arrêté près de Vienne par l'empereur, qu'il aurait insulté, et le roi de France ne ménage pas ses efforts pour qu'il reste longtemps en cage. Seulement, celui-ci réussit à sortir et, ivre de tant d'ignominie, « lion déchaîné », il ne songe qu'à se venger. Le hasard se mêle de la partie : il est bêtement tué lors d'une bataille de moindre importance, devant un petit château d'une de ses possessions en Limousin. Il ne reste plus à Philippe qu'à trahir celui qu'il soutenait jusqu'alors, Jean, devenu roi d'Angleterre dès la mort de son frère, en appuyant son nouveau rival, le petit Arthur de Bretagne, neveu de Jean et de Richard. Le Plantagenêt n'est pas un ange, on pense que pour éviter toute concurrence il a assassiné le jeune Arthur de ses propres mains. Le Capétien ne se démonte pas, il cherche une autre carte. Un prétexte lié à l'honneur féodal (Jean a volé la fiancée d'un noble du Poitou) sert à faire convoquer devant ses pairs celui qui est aussi son vassal, tout roi d'Angleterre qu'il soit désormais. Jean refuse de se présenter. Décidément le prétexte est en or, Philippe profite de ce manquement à l'honneur pour confisquer toutes les terres de Jean qui étaient sous sa suzeraineté. Le feuilleton n'est pas fini, on verra bientôt qu'il faudra encore une bataille (Bouvines, en 1214) où se mêleront tous les grands d'Europe pour régler le différend entre le Capétien et son ennemi. Philippe la gagnera. Il mourra en laissant à ses successeurs un royaume trois fois plus grand que celui dont il avait hérité, et à la postérité ce surnom d'Auguste. Sur le plan moral, l'était-il vraiment ? Saint Louis (1226-1270) Le fils de Philippe Auguste s'appelle Louis VIII (1223-1226). Il participe à de nombreux combats du vivant de son père, puis, comme roi, à la croisade contre les cathares qui aboutit à faire tomber le Languedoc dans l'escarcelle familiale. Mais il meurt de maladie au retour. Vient le fils de celui-ci, notre deuxième grande célébrité : Louis IX, autrement dit Saint Louis (1226-1270). Un saint chez les rois, il en est peu. Sa réputation était telle qu'il fut canonisé moins de trente ans après sa mort, et son aura irradia longtemps : il fut, il est l'un des rois les plus populaires de France (l'appellation, pour une fois, tombe juste. Répétons-le, c'est de son vivant que l'on commença à utiliser le titre). Tant d'amour n'est pas tout à fait immérité. Sa mère, Blanche de Castille, lui avait inculqué la peur du Ciel et le goût des vertus évangéliques : rares furent les princes qui cherchèrent à les faire régner avec autant d'obstination et de droiture. Il aima la justice, d'abord. Chacun a en tête l'image du grand chêne de Vincennes sous lequel il aimait à la rendre lui-même. Il lutta aussi ardemment par diverses ordonnances pour qu'elle s'améliore partout dans le royaume : l'une d'entre elles interdit par exemple que l'on fasse désormais le moindre cadeau à ceux qui jugent. Il aima la paix ensuite, un autre penchant qu'on retrouve chez peu de ses pairs. Pour l'avoir, il alla jusqu'à restituer des fiefs au roi d'Angleterre (qui en échange acceptait de prêter hommage pour eux au roi Louis) et au roi d'Aragon - de cela, notons-le par parenthèse, les manuels d'antan parlaient moins : on ne peut pas poser que nos régions sont françaises de toute éternité et rappeler qu'un des plus grands de nos rois n'hésita pas à les rétrocéder à d'autres rois pour garantir le bonheur des peuples. Tous ses successeurs le prirent comme modèle. De son vivant même il était adulé : de partout en Europe, on sollicitait son arbitrage et cela rehaussa d'autant le prestige de la couronne de France. Le seul problème, finalement, avec ce saint homme, est que ce que l'on appelle un « bon chrétien » au xiiie siècle n'est guère loin de ce qu'on appelle au xxie un fanatique. Il y a la croisade contre les musulmans. Louis en fit deux et y perdit la vie devant Tunis à la suite d'une mauvaise maladie. Il y a la politique conduite dans le royaume contre les Juifs. Louis IX n'est pas le seul à s'être livré au terrible antijudaïsme qui devint peu à peu la règle dans presque toute la chrétienté au Moyen Âge. On reviendra également sur ce sujet. Mais il y eut sa part : des chrétiens accusent le Talmud, le grand livre de la sagesse juive, de contenir des passages infâmes contre le Christ. Après un

« troupes decelui quiavait raviletrône, Harold (tuédans lamêlée) et,le25 décembre, sefait couronner àl’abbaye de Westminster àLondres roid’Angleterre.

Celuiquel’onappelle désormais GuillaumeleConquérant estdonc toujours vassaldesCapétiens poursonduché deNormandie, etleur égal outre-Manche grâceàsa couronne. Trois générations plustard, lasituation s’embrouille encoreunpeu plus.

D’incessantes querellesfamiliales tournent quasiment àla guerre civileetensanglantent lasuccession autrône anglo-normand.

Onfinit par s’entendre.

Lenouveau roisera lejeune filsdeMathilde, elle-même petite-filleduConquérant.

Ilest néau Mans, il s’appelle Henri.Songrand-père paternelavaitl’habitude deplanter ungenêt àson chapeau, lafamille ya trouvé son nom, onappellera sesmembres lesPlantagenêts.

HenriPlantagenêt, donc,tientdeson père d’immenses possessions dansl’Ouest delaFrance, dontl’Anjou.

Enmai 1152, ilfait unmariage magnifique etincroyable.

Il épouse cellequivient d’être répudiée parleroi deFrance Louis VII.

Leprude monarque l’accusaitd’êtrefrivole. Elle s’appelle Aliénord’Aquitaine.

Cenom nous indique l’importance desadot : elleapporte àson jeune marila Gascogne, laGuyenne etlePoitou, c’est-à-dire toutleSud-Ouest duroyaume.

En1154, àla mort àLondres deson prédécesseur, Henrimonte surletrône.

Ildevient Henri II, roid’Angleterre.

Avectoutcequ’il possède déjà,il forme ceque l’onappelle l’« Empire angevin »ouencore « l’empire Plantagenêt ».

Lemot s’impose.

Lesterres d’Henri s’étendent desPyrénées àl’Écosse.

Seulement là-dedans,ilya d’un côtédelaManche unroyaume, etde l’autre despossessions quisont, entitre, souslasuzeraineté desCapétiens.

Oncomprend l’obsession deceux-ci à réduire lapuissance desujets quiprennent autantdeplace.

Bons rois,mauvais rois Voilà planté lecadre del’histoire, tâchonsmaintenant denous attarder surceux quivont enêtre leshéros : nos fameux rois.Hierencore, onles apprenait enlitanie, unprénom, unchiffre, etparfois cepetit surnom quifaisait chanter laliste d’un riendefantaisie : HuguesCapet,Robert II dit lePieux , Henri I er ,Philippe I er ,Louis VI dit le Gros . Seulement, parsouci pédagogique, lesmanuels prenaient toujoursgrandsoind’accompagner ceslistes assommantes decodicilles explicatifs : touscesrois quisesuccédèrent nepouvaient êtreconsidérés pareillement. Au contraire.

Parmieux,ilen était de« bons » etde « mauvais ».

Onexplique parfoisqueleshistoriens républicains tenaientàcette distinction pourmontrer l’imperfection d’unsystème depouvoir fondésur l’hérédité : quandlepeuple vote,ilne peut passetromper ; quandlechef n’arrive àce poste queparce qu’ilestle fils deson père, celapeut aboutir àdes catastrophes.

Leplus souvent, lecritère pourdistinguer les« bons rois » des « mauvais » étaitsimple : les« bons » étaientceuxquiavaient fortifiéouagrandi leroyaume, c’est-à-dire « la France ».

Lesmauvais, ceuxqui,ensubissant telledéfaite, enmanquant telmariage, l’avaientaffaibli. Évidemment, cettefaçon derelire l’histoire parleseul prisme national estanachronique.

Onpeut estimer, comme on vient del’écrire, quecespremiers Capétiens ontcontribué peuàpeu àdessiner l’entitéquis’appellerait la France.

Ilest pour autant trèsprématuré depenser qu’ilsenavaient conscience.

Lanation comme onl’entend suppose lesentiment d’appartenance commund’unpeuple etde son chef àun territoire donné.Riendetout cela n’existe danslessiècles quinous occupent.

Iln’y apas de peuple en tant quetel.Au xie , au xiiie  siècle, un paysan, unartisan d’unepetite ville,oumême unchevalier (c’est-à-dire celuiquiavait assez d’argent poursepayer une armure etun écuyer, etpouvait offrirsesservices armésàqui veut) saitassurément qu’ilestchrétien, ila sans doute conscience qu’ilestpicard ouchampenois àcause delalangue qu’ilparle, ilconnaît probablement lenom du seigneur dulieu.

Iln’a leplus souvent aucuneidéedunom oudel’existence duprince àqui ceseigneur-là a prêté sonhommage.

Iln’existe pasplus deconscience des« pays » commeonl’entend aujourd’hui, laFrance ou l’Angleterre.

Ilexiste devastes territoires quedesgrands, souvent apparentés, sedisputent sanslamoindre considération pourceuxquiyhabitent, selonlesrègles complexes duseul jeuqui compte poureux,laféodalité. Considérée deprès, l’histoire deces temps-là ressemble souventàune sorte deMonopoly géantjouépar quelques grandesfamillestoutesapparentées quiserépartissent lescomtés, lesduchés, lesprovinces : tum’as piqué l’Artois, jete reprends leMaine.

Larejouer enl’apparentant auxguerres nationales duxixe ou du xx e  siècle –un pays toutentier dressé contre unautre –est absurde. Peu importe pourl’instant, neméprisons pasl’usage del’anachronisme danscette histoire.

Aucontraire, servons- nous-en ànotre tour.Ilnous fautmaintenant présenteraumoins quelques-uns desplus célèbres parmices15 Capétiens enligne directe quisesuccèdent de987 à1328 (date delamort sanshéritier directdeCharles leBel, dernier àrégner desfilsdePhilippe leBel).

Ehbien appliquons-leur lerégime qu’onleuratoujours appliqué : soyons anachroniques nous-mêmes.Oublionslesvieilles lunettes nationales, ellesdatent unpeu.

Chaussons-en de nouvelles pourjouer àun jeu plus amusant : ànos yeux duxxie  siècle, selonlescritères quisont lesnôtres aujourd’hui, quevalent doncnosfameux rois ? Philippe Auguste (1180-1223) Après Hugues viennent Robert IIlePieux (règne de996 à1031) ; Henri Ier (1031-1060) ; Philippe Ier (1060-1108) ; Louis VI leGros (1108-1137) ; Louis VIIleJeune (1137-1180) –on enaparlé, c’estluiqui fitlabêtise historique de répudier Aliénor.Arriveenfinnotre premier people  : Philippe Auguste (1180-1223).

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