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  Le lendemain soir, Meg a repris l'avion pour Melbourne.

Publié le 06/01/2014

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  Le lendemain soir, Meg a repris l'avion pour Melbourne. Cet après-midi-là, elle avait invité tout le monde à déjeuner dans un restaurant chic du centre : Jack, Sarah, Bob, Boris, Matt et moi. Elle était d'une humeur enjouée, tout à coup. Quelque chose avait basculé durant notre longue conversation de la veille ; elle avait décidé que nous étions bien. (Elle vous a préparé un déjeuner ? s'était exclamé Jack, le soir précédent, quand je lui avais fait mon rapport sur notre interview avec Meg.) J'aimerais tellement pouvoir vous raconter ce qu'elle a dit. J'aimerais tellement que vous puissiez voir son visage, à quel point il est expressif, l'esprit, l'humour sombre qui le traverse de temps en temps, comment une ironie au fait du monde peut soudain et entièrement laisser place à une tristesse que je ne peux même pas commencer à comprendre, comme cela s'est passé lorsque, à la fin de l'après-midi, Matt lui a demandé de tenir une photo de sa vieille amie Frydka pendant qu'il faisait son portrait, et au moment où l'obturateur s'est ouvert, un souvenir l'a envahie et, comme le montre clairement la photo que vous ne verrez jamais, elle a fermé les yeux sous la pression du chagrin, de sorte que cette photo fixe le visage sillonné de rides d'une femme toute petite mais élégante, tenant dans sa main impeccablement manucurée la photo d'une jeune fille mirêveuse mi-sérieuse, dont les yeux sont grands ouverts, même si ce sont naturellement les yeux de la vieille dame qui sont ouverts aujourd'hui tandis que ceux de la jeune fille sont fermés à jamais depuis soixante ans. Pendant notre dernier déjeuner, son visage était animé et son humour excellent. Au moment où nous nous sommes tous retrouvés devant le restaurant, elle a marché vers moi. Quoi, pas de baiser sur la joue ? a-t-elle dit sur le ton du flirt, en m'offrant sa joue. J'ai souri et je l'ai embrassée. Elle s'est tournée vers Sarah Greene qui riait et elle est devenue expansive. Je n'arrive pas à y croire, c'est étonnant, a-t-elle dit. Tout d'abord que je sois vivante, après tant d'années, et ensuite que j'aie rencontre les cousins de mes amies d'enfance. Je n'arrive pas à croire que je suis ici avec les cousins de Frydka. Je n'ai toujours pas réalisé, vraiment. Je n'arrive pas à y croire. Je savais de quoi elle parlait : l'étrangeté de pouvoir reprendre tout à coup un fil depuis longtemps abandonné, le fil dont on imaginait qu'il était interrompu (Doktor Begleiter ? C'était un docteur très important !). Vous êtes maintenant ma famille, avait-elle dit à ma mère la veille, lorsque, l'interview terminée, j'avais appelé la maison de mes parents à Long Island afin que cette femme et la cousine de son amie disparue pussent entrer en contact. Vous êtes mes parents à présent. Nous nous sommes tournés pour entrer dans le restaurant et, plein d'audace, j'ai dit, J'aimerais tellement qu'il y en ait d'autres comme vous. Quoi ? a-t-elle répliqué sur un ton faussement féroce. Vous ne savez pas ? Bien sûr qu'il y en a d'autres qui les ont connus. J'ai regardé Matt et puis j'ai sorti mon stylo et mon carnet de mon sac. Qui ? ai-je demandé. Elle a eu un sourire satisfait et elle s'est mise à parler. Une amie de Frydka, elle s'appelait Dyzia Lew, elle porte maintenant le nom de Mme Rybek. Elle a épousé un Russe. Après la guerre, j'ai dit, Je pars en Occident. Et elle a dit, Pour quoi faire, il y a déjà trois cent cinquante millions de mendiants en Union soviétique, deux de plus, ça ne changera rien. Mais je suis partie pour l'Occident et elle est restée. Et puis elle est allée en Israël et elle a fait la connaissance de Shlomo. La soeur de Shlomo était une amie d'enfance, a-t-elle ajouté. Les autres ? ai-je demandé en écrivant : dyzia lev ? loew ? Il y en a une à Stockholm, a dit Meg. Elle s'appelle Klara Schoenfeld, non, désolée, Schoenfeld, c'était son nom de jeune fille. Son mari est celui qui s'est échappé sur le chemin du cimetière avant l'exécution. Il s'appelait Jakob Freilich. Elle s'appelle Klara Freilich, elle vit à Stockholm. Elle n'était pas très proche de nous, nous étions amies, mais elle n'allait pas au lycée. Mais, évidemment, elle a connu Frydka. J'ai souri et je me suis tourné vers mon frère. Qu'est-ce que tu en dis, Matt, ai-je dit assez fort pour qu'elle m'entende parce que je voulais son approbation, pour qu'elle sache combien nous étions sérieux. Nous irons à Stockholm ? Les yeux de Meg se sont agrandis. Quoi, vraiment ? a-t-elle dit. Je peux vous donner l'adresse. Elle m'a pris le stylo et le carnet des mains et, après avoir fouillé dans son sac, elle s'est mise à écrire. Elle a arraché une feuille et m'a tendu le morceau de papier sur lequel elle avait écrit, dans une écriture d'autrefois, klara freilich, et l'adresse dont l'orthographe à la bizarrerie visuelle que je contemplais sous le soleil d'un après-midi d'automne de New South Wales annonçait déjà des endroits lointains et des voyages nouveaux, edestavögen, avait-elle écrit, un nom qui ne signifiait rien pour moi. svéde, avait-elle écrit, avec une faute d'orthographe que j'avais cessé de remarquer depuis longtemps parce que je m'étais habitué à l'orthographe des Juifs de Bolechow. Voici l'école où je suis allé. Assis mon cher frère Shmiel dans l'Armée autrichienne, cette photo est prize en 1916. Bon, ai-je pensé, peut-être que nous irons en « Svède ». Qu'est-ce que vous voulez savoir encore ? a dit Meg, d'une voix remarquablement légère, alors que je glissais le morceau de papier sur lequel elle avait écrit edestavögen dans ma poche. Je vous dirai tout ce que vous voulez savoir. Elle a aplati une mèche de cheveux cuivrée qui s'était soulevée dans la brise d'été et elle a souri. Non, je ne vous dirai pas tout. Il y a certaines choses qu'on ne peut pas dire. D'accord, ai-je dit, même si je pensais déjà qu'une de celles qu'elle avait mentionnées, dont je n'avais jamais entendu les noms auparavant, allait sûrement pouvoir me parler de Frydka et de Ciszko Szymanski. Et ? ai-je demandé. Reinharz ! a dit Jack à Meg. Il devrait leur parler. Qui est Reinharz ? ai-je demandé. Ce sont deux personnes, un couple qui a survécu, je suis sûr qu'ils ont connu Shmiel et les autres. Tout comme l'aurait fait mon grand-père, Jack avait prononcé surouécu. Et ? ai-je dit. Vous devriez aussi aller à Tel-Aviv, a dit Meg, il y a Klara Heller. C'était l'amie de Lorka. L'amie de Lorka ? Pour une raison quelconque, je n'avais jamais imaginé qu'elle ait pu en avoir une - je n'avais jamais imagine, en tout cas, qu'il y en ait une encore vivante. amie de lorka ! ! CLARA HELLER Israël, ai-je écrit dans mon carnet. Ça vous suffit ? a demandé Meg, en tendant le bras pour faire entrer tout le monde dans le restaurant. Ça suffit, ai-je dit. Nous sommes entrés dans le restaurant. Trois mois plus tard, nous nous envolions pour Israël.     Quatrième partie Lech Lecha, ou En avant ! (juin 2003-février 2004)    

« tellement qu'ilyen ait d'autres commevous. Quoi ?a-t-elle répliqué surunton faussement féroce.Vousnesavez pas?Bien sûrqu'il yen a d'autres quilesont connus. J'ai regardé Mattetpuis j'aisorti mon stylo etmon carnet demon sac. Qui ?ai-je demandé. Elle aeu un sourire satisfait etelle s'est mise àparler. Une amie deFrydka, elles'appelait DyziaLew,elleporte maintenant lenom deMme Rybek. Elle aépousé unRusse.

Aprèslaguerre, j'aidit, Jepars enOccident.

Etelle adit, Pour quoifaire, il ya déjà trois centcinquante millionsdemendiants enUnion soviétique, deuxdeplus, çane changera rien.Mais jesuis partie pourl'Occident etelle estrestée.

Etpuis elleestallée enIsraël et elle afait laconnaissance deShlomo.

Lasœur deShlomo étaituneamie d'enfance, a-t-elle ajouté. Les autres ?ai-je demandé enécrivant :dyzia lev?loew ? Il yen aune àStockholm, adit Meg.

Elles'appelle KlaraSchoenfeld, non,désolée, Schoenfeld, c'était sonnom dejeune fille.Sonmari estcelui quis'est échappé surlechemin ducimetière avant l'exécution.

Ils'appelait JakobFreilich.

Elles'appelle KlaraFreilich, ellevitàStockholm. Elle n'était pastrès proche denous, nousétions amies, maisellen'allait pasaulycée.

Mais, évidemment, elleaconnu Frydka. J'ai souri etjeme suis tourné versmon frère. Qu'est-ce quetuen dis, Matt, ai-jeditassez fortpour qu'elle m'entende parcequejevoulais son approbation, pourqu'elle sachecombien nousétions sérieux.

NousironsàStockholm ? Les yeux deMeg sesont agrandis. Quoi, vraiment ?a-t-elle dit.Jepeux vousdonner l'adresse. Elle m'a prislestylo etlecarnet desmains et,après avoirfouillé danssonsac, elles'est mise à écrire.

Elleaarraché unefeuille etm’a tendu lemorceau depapier surlequel elleavait écrit, dans uneécriture d'autrefois, klarafreilich ,et l'adresse dontl'orthographe àla bizarrerie visuelle quejecontemplais souslesoleil d'unaprès-midi d'automne deNew South Wales annonçait déjàdesendroits lointains etdes voyages nouveaux, edestavögen, avait-elleécrit, un nom quinesignifiait rienpour moi.

svéde , avait-elle écrit,avecunefaute d'orthographe que j'avais cesséderemarquer depuislongtemps parcequejem'étais habitué àl'orthographe des Juifs deBolechow.

Voici l'école oùjesuis allé.

Assis moncherfrère Shmiel dansl'Armée autrichienne, cettephoto estprize en1916.

Bon, ai-jepensé, peut-être quenous irons en « Svède ». Qu'est-ce quevous voulez savoirencore ?a dit Meg, d'une voixremarquablement légère,alors que jeglissais lemorceau depapier surlequel elleavait écrit edestavögen dansmapoche.

Je vous diraitoutceque vous voulez savoir. Elle aaplati unemèche decheveux cuivréequis'était soulevée danslabrise d'été etelle a souri. Non, jene vous diraipastout.

Ilya certaines chosesqu'onnepeut pasdire.. »

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