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Les rapports de la Commission Rondon (qui ne sont pas

Publié le 06/01/2014

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Les rapports de la Commission Rondon (qui ne sont pas encore intégralement publiés), quelques conférences du général, les souvenirs de voyage de Théodore Roosevelt qui l'accompagna au cours d'une de ses expéditions, enfin un charmant livre du regretté Roquette-Pinto (alors directeur du Musée national) intitulé Rondonia (1912) donnaient des ndications sommaires sur les populations primitives découvertes dans cette zone. Mais depuis lors, la vieille malédiction emblait être retombée sur le plateau. Aucun ethnographe professionnel ne s'y était enfoncé. En suivant la ligne télégraphique, ou ce qui en restait, il était tentant de chercher à savoir qui étaient exactement les Nambikwara et, plus loin vers le nord, ces populations énigmatiques que personne n'avait vues depuis que Rondon s'était borné à les signaler. En 1939, l'intérêt, jusqu'alors restreint aux tribus de la côte et des grandes vallées fluviales, voies traditionnelles de pénétration à l'intérieur du Brésil, commençait à se déplacer vers les Indiens du plateau. Chez les Bororo, je m'étais convaincu de l'exceptionnel degré de raffinement, sur le plan sociologique et religieux, de tribus considérées jadis comme dotées d'une culture très grossière. On apprenait les premiers résultats des recherches d'un Allemand aujourd'hui disparu : Kurt Unkel, qui avait adopté le nom indigène de Nimuendaju et qui, après des années passées dans les villages gé du Brésil central, confirmait que les Bororo ne représentent pas un phénomène à part, mais plutôt une variation sur un thème fondamental qui leur est commun avec d'autres populations. Les savanes du Brésil central se trouvaient donc occupées, sur presque 2 000 kilomètres de profondeur, par les survivants d'une culture remarquablement homogène, caractérisée par une langue diversifiée en dialectes de même famille, un niveau de vie matérielle relativement bas faisant contraste avec une organisation sociale et une pensée religieuse très développées. Ne fallait-il pas reconnaître en eux les premiers habitants du Brésil, qui auraient été soit oubliés au fond de leur brousse, soit refoulés, peu de temps avant la découverte, dans les terres les plus pauvres par des populations belliqueuses parties on ne sait d'où, à la conquête de la côte et des vallées fluviales ? Sur la côte, les voyageurs du XVIe siècle avaient rencontré un peu partout des représentants de la grande culture tupiguarani qui occupaient aussi la presque totalité du Paraguay et le cours de l'Amazone, traçant un anneau brisé de 3 000 kilomètres de diamètre, à peine interrompu à la frontière paraguayo-bolivienne. Ces Tupi, qui offrent d'obscures affinités avec les Aztèques, c'est-à-dire des peuples tardivement installés dans la vallée de Mexico, étaient eux-mêmes des nouveaux venus ; dans les vallées de l'intérieur du Brésil, leur mise en place s'est poursuivie jusqu'au XIXe siècle. Peutêtre s'étaient-ils ébranlés quelques centaines d'années avant la découverte, poussés par la croyance qu'il existait quelque part une terre sans mort et sans mal. Telle était encore leur conviction au terme de leurs migrations, quand de petits groupes débouchèrent à la fin du XIXe  siècle sur le littoral pauliste ; avançant sous la conduite de leurs sorciers, dansant et chantant les louanges du pays où l'on ne meurt pas, et jeûnant pendant de longues périodes pour le mériter. Au XVIe siècle en tout cas, ils disputaient âprement la côte à des occupants antérieurs sur lesquels nous possédons peu d'indications, mais qui sont peut-être nos Gé. Au nord-ouest du Brésil, les Tupi voisinaient avec d'autres peuples ; les Caraïbes ou Carib qui leur ressemblaient beaucoup par la culture tout en différant par la langue et qui s'employaient à conquérir les Antilles. Il y avait aussi les Arawak ; ce dernier groupe est assez mystérieux : plus ancien et plus raffiné que les deux autres, il formait le gros de la population antillaise et s'était avancé jusqu'en Floride ; distingué des Gé par une très haute culture matérielle, surtout la céramique et le bois sculpté, il s'en rapprochait par l'organisation sociale qui paraissait être du même type que la leur. Carib et Arawak semblent avoir précédé les Tupi dans la pénétration du continent : ils se trouvaient massés au XVIe siècle dans les Guyanes, l'estuaire de l'Amazone et les Antilles. Mais de petites colonies subsistent toujours à l'intérieur, sur certains affluents de la rive droite de l'Amazone : Xingu et Guaporé. Les Arawak ont même des descendants en haute Bolivie. Ce sont probablement eux qui ont apporté l'art céramique aux Mbaya-Caduveo puisque les Guana, réduits on s'en souvient au servage par ces derniers, parlent un dialecte arawak. En traversant la partie la moins connue du plateau, j'espérais trouver dans la savane les représentants les plus occidentaux du groupe gé ; et parvenu dans le bassin du Madeira, pouvoir étudier les vestiges inédits des trois autres familles linguistiques sur la frange de leur grande voie de pénétration : l'Amazonie. Mon espérance ne s'est réalisée qu'en partie, en raison du simplisme avec lequel nous envisagions l'histoire précolombienne de l'Amérique. Aujourd'hui, après des découvertes récentes et grâce, en ce qui me concerne, aux années consacrées à l'étude de l'ethnographie nord-américaine, je comprends mieux que l'hémisphère occidental doit être considéré comme un tout. L'organisation sociale, les croyances religieuses des Gé répètent celles des tribus des forêts et des prairies d'Amérique du Nord ; voilà d'ailleurs bien longtemps qu'on a noté - sans en déduire les conséquences - des analogies entre les tribus du Chaco (comme les Guaicuru) et celles des plaines des États-Unis et du Canada. Par le cabotage au long des côtes du Pacifique, les civilisations du Mexique et du Pérou ont certainement communiqué à plusieurs moments de leur histoire. Tout cela a été un peu négligé, parce que les études américaines sont restées pendant longtemps dominées par une conviction : celle que la pénétration du continent était toute récente, datant à peine de 5 000 ou 6 000 ans avant notre ère et entièrement attribuée à des populations asiatiques arrivées par le détroit de Béring. On disposait donc seulement de quelques milliers d'années pour expliquer comment ces nomades s'étaient mis en place d'un bout à l'autre de l'hémisphère occidental en s'adaptant à des climats différents ; comment ils avaient découvert, puis domestiqué et diffusé sur d'énormes territoires, les espèces sauvages qui sont devenues, entre leurs ains, le tabac, le haricot, le manioc, la patate douce, la pomme de terre, l'arachide, le coton et surtout le maïs ; omment enfin étaient nées et s'étaient développées des civilisations successives, au Mexique, en Amérique centrale et ans les Andes, dont les Aztèques, les Maya et les Inca sont les lointains héritiers. Pour y parvenir, il fallait amenuiser haque développement pour qu'il tienne dans l'intervalle de quelques siècles : l'histoire précolombienne de l'Amérique evenait une succession d'images kaléidoscopiques où le caprice du théoricien faisait à chaque instant apparaître des pectacles nouveaux. Tout se passait comme si les spécialistes d'outre-Atlantique cherchaient à imposer à l'Amérique ndigène cette absence de profondeur qui caractérise l'histoire contemporaine du Nouveau Monde. Ces perspectives ont été bouleversées par des découvertes qui reculent considérablement la date où l'homme a énétré sur le continent. Nous savons qu'il y a connu, et chassé, une faune aujourd'hui disparue : paresseux terrestre, ammouth, chameau, cheval, bison archaïque, antilope, avec les ossements desquels on a retrouvé ses armes et outils e pierre. La présence de certains de ces animaux dans des endroits comme la vallée de Mexico implique des conditions limatiques très différentes de celles qui prévalent actuellement, et qui ont requis plusieurs millénaires pour se modifier. 'emploi de la radioactivité pour déterminer la date des restes archéologiques a donné des indications dans le même ens. Il faut donc admettre que l'homme était déjà présent en Amérique voici au moins 20 000 ans ; en certains points, il ultivait le maïs il y a plus de 3 000 ans. En Amérique du Nord, un peu partout, on retrouve des vestiges vieux de 10 000 à 2 000 années. Simultanément, les dates des principaux gisements archéologiques du continent, obtenues par mesure de a radioactivité résiduelle du carbone, s'établissent 500 à 1 500 ans plus tôt qu'on ne le supposait auparavant. Comme ces leurs japonaises en papier comprimé qui s'ouvrent quand on les met dans l'eau, l'histoire précolombienne de l'Amérique cquiert tout à coup le volume qui lui manquait. Seulement, nous nous trouvons de ce fait devant une difficulté inverse de celle rencontrée par nos anciens : comment eubler ces immenses périodes ? Nous comprenons que les mouvements de population que j'essayais de retracer tout à 'heure se situent en surface, et que les grandes civilisations du Mexique ou des Andes ont été précédées par autre hose. Déjà au Pérou et dans diverses régions d'Amérique du Nord, on a mis au jour les vestiges des premiers occupants : ribus sans agriculture suivies de sociétés villageoises et jardinières, mais ne connaissant encore ni le maïs, ni la poterie ; uis surgissent des groupements pratiquant la sculpture sur pierre et le travail des métaux précieux, dans un style plus ibre et plus inspiré que tout ce qui leur succéda. Les Inca du Pérou, les Aztèques du Mexique, en qui nous étions portés à roire que toute l'histoire américaine venait s'épanouir et se résumer, sont aussi éloignés de ces sources vives que notre tyle Empire l'est de l'Égypte et de Rome à quoi il a tant emprunté : arts totalitaires dans les trois cas, avides d'une normité obtenue dans la rudesse et dans l'indigence, expression d'un État soucieux d'affirmer sa puissance en oncentrant ses ressources sur autre chose (guerre ou administration) que son propre raffinement. Même les onuments des Maya apparaissent comme une flamboyante décadence d'un art qui atteignit son apogée un millénaire vant eux.   Fig. 30-31. - Anciens mexicains. À gauche ; Mexique du sud-est (American Museum of Natural History) ; À droite ; Côte du Golf (Exposition d'Art Mexicain, Paris, 1952).   D'où venaient les fondateurs ? Après les certitudes d'autrefois, nous sommes obligés de confesser que nous n'en savons rien. Les mouvements de population dans la région du détroit de Béring ont été fort complexes : les Eskimo y participent à une date récente ; pendant mille ans, environ, ils ont été précédés par des paléo-Eskimo dont la culture voque la Chine archaïque et les Scythes ; et au cours d'une très longue période, peut-être du huitième millénaire jusqu'à la veille de l'ère chrétienne, il y eut là-bas des populations différentes. Par des sculptures remontant au 1er millénaire avant notre ère, nous savons que les anciens habitants du Mexique offraient des types physiques très éloignés de ceux des Indiens actuels ; gras Orientaux au visage glabre faiblement modelé et personnages barbus à traits aquilins qui évoquent les profils de la Renaissance. Travaillant avec des matériaux d'un autre ordre, les généticiens affirment que quarante espèces végétales au moins, cueillies sauvages ou domestiquées par l'Amérique précolombienne, ont la même composition chromosomique que les espèces correspondantes d'Asie, ou une composition dérivée de la leur. Faut-il en conclure que le maïs, qui figure sur cette liste, est venu de l'Asie du Sud-Est ? Mais comment cela serait-il possible, si les méricains le cultivaient déjà il y a quatre mille ans, à une époque où l'art de la navigation était certainement udimentaire ? Sans suivre Heyerdahl dans ses audacieuses hypothèses d'un peuplement de la Polynésie par des indigènes méricains, on doit admettre après le voyage du Kon-Tiki que des contacts transpacifiques ont pu se produire, et souvent. Mais à l'époque où des hautes civilisations florissaient déjà en Amérique, vers le début du 1er millénaire avant notre ère, les îles du Pacifique étaient vides ; du moins n'y a-t-on rien trouvé qui remonte aussi loin. Par-delà la Polynésie, n devrait donc regarder vers la Mélanésie, déjà peuplée peut-être, et vers la côte asiatique prise dans sa totalité. Nous ommes aujourd'hui certains que les communications entre l'Alaska et les Aléoutiennes d'une part, la Sibérie de l'autre, e se sont jamais interrompues. Sans connaître la métallurgie, on employait des outils de fer en Alaska vers le début de 'ère chrétienne ; la même céramique se retrouve depuis la région des grands lacs américains jusqu'à la Sibérie centrale, omme aussi les mêmes légendes, les mêmes rites et les mêmes mythes. Pendant que l'Occident vivait replié sur luiême, il semble que toutes les populations septentrionales, depuis la Scandinavie jusqu'au Labrador en passant par la ibérie et le Canada, entretenaient les contacts les plus étroits. Si les Celtes ont emprunté certains de leurs mythes à cette ivilisation sub-arctique dont nous ne connaissons presque rien, on comprendrait comment il se fait que le cycle du Graal résente avec les mythes des Indiens des forêts de l'Amérique du Nord une parenté plus grande qu'avec n'importe quel utre système mythologique. Et ce n'est probablement pas non plus un hasard si les Lapons dressent toujours des tentes oniques identiques à celles de ces derniers. Au sud du continent asiatique, les civilisations américaines éveillent d'autres échos. Les populations des frontières éridionales de la Chine, que celle-ci qualifiait de barbares, et plus encore les tribus primitives d'Indonésie, offrent 'extraordinaires affinités avec les Américains. On a recueilli dans l'intérieur de Bornéo des mythes indiscernables de ertains autres qui sont les plus répandus en Amérique du Nord. Or, les spécialistes ont depuis longtemps attiré 'attention sur les ressemblances entre les documents archéologiques provenant de l'Asie du Sud-Est et ceux qui ppartiennent à la protohistoire de la Scandinavie. Il y a donc trois régions : Indonésie, nord-est américain et pays candinaves qui forment, en quelque sorte, les points trigonométriques de l'histoire précolombienne du Nouveau onde.  

« découvert, puisdomestiqué etdiffusé surd’énormes territoires,lesespèces sauvages quisont devenues, entreleurs mains, letabac, leharicot, lemanioc, lapatate douce, lapomme deterre, l’arachide, lecoton etsurtout lemaïs ; comment enfinétaient néesets’étaient développées descivilisations successives, auMexique, enAmérique centraleet dans lesAndes, dontlesAztèques, lesMaya etles Inca sont leslointains héritiers.

Pouryparvenir, ilfallait amenuiser chaque développement pourqu’iltienne dansl’intervalle dequelques siècles :l’histoire précolombienne del’Amérique devenait unesuccession d’imageskaléidoscopiques oùlecaprice duthéoricien faisaitàchaque instantapparaître des spectacles nouveaux.

Toutsepassait comme siles spécialistes d’outre-Atlantique cherchaientàimposer àl’Amérique indigène cetteabsence deprofondeur quicaractérise l’histoirecontemporaine duNouveau Monde. Ces perspectives ontétébouleversées pardes découvertes quireculent considérablement ladate oùl’homme a pénétré surlecontinent.

Noussavons qu’ilya connu, etchassé, unefaune aujourd’hui disparue :paresseux terrestre, mammouth, chameau,cheval,bisonarchaïque, antilope,aveclesossements desquelsonaretrouvé sesarmes etoutils de pierre.

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Ilfaut donc admettre quel’homme étaitdéjàprésent enAmérique voiciaumoins 20 000 ans ;encertains points,il cultivait lemaïs ilya plus de3 000 ans.EnAmérique duNord, unpeu partout, onretrouve desvestiges vieuxde10 000 à 12 000 années.

Simultanément, lesdates desprincipaux gisementsarchéologiques ducontinent, obtenuesparmesure de la radioactivité résiduelleducarbone, s’établissent 500à1 500 ansplus tôtqu’on nelesupposait auparavant.

Commeces fleurs japonaises enpapier comprimé quis’ouvrent quandonles met dans l’eau, l’histoire précolombienne del’Amérique acquiert toutàcoup levolume quiluimanquait. Seulement, nousnous trouvons decefait devant unedifficulté inversedecelle rencontrée parnos anciens : comment meubler cesimmenses périodes ? Nouscomprenons quelesmouvements depopulation quej’essayais deretracer toutà l’heure sesituent ensurface, etque lesgrandes civilisations duMexique oudes Andes ontétéprécédées parautre chose.

DéjàauPérou etdans diverses régionsd’Amérique duNord, onamis aujour lesvestiges despremiers occupants : tribus sansagriculture suiviesdesociétés villageoises etjardinières, maisneconnaissant encorenilemaïs, nilapoterie ; puis surgissent desgroupements pratiquantlasculpture surpierre etletravail desmétaux précieux, dansunstyle plus libre etplus inspiré quetout cequi leur succéda.

LesInca duPérou, lesAztèques duMexique, enqui nous étions portés à croire quetoute l’histoire américaine venaits’épanouir etse résumer, sontaussi éloignés deces sources vivesquenotre style Empire l’estdel’Égypte etde Rome àquoi ila tant emprunté : artstotalitaires danslestrois cas,avides d’une énormité obtenuedanslarudesse etdans l’indigence, expressiond’unÉtatsoucieux d’affirmer sapuissance en concentrant sesressources surautre chose (guerre ouadministration) quesonpropre raffinement.

Mêmeles monuments desMaya apparaissent commeuneflamboyante décadenced’unartqui atteignit sonapogée unmillénaire avant eux.   Fig. 30-31.

– Anciens mexicains . À gauche ; Mexique dusud-est (American MuseumofNatural History) ; Àdroite ; Côte du Golf (Exposition d’ArtMexicain, Paris , 1952).   D’où venaient lesfondateurs ? Aprèslescertitudes d’autrefois, noussommes obligésdeconfesser quenous n’en savons rien.Lesmouvements depopulation danslarégion dudétroit deBéring ontétéfort complexes : lesEskimo y. »

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