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  Mais l'inconvénient avec les témoignages, quelle que soit leur prétention à la vérité, c'est leur manque de précision dans les détails et leur restitution passionnée des événements.

Publié le 06/01/2014

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  Mais l'inconvénient avec les témoignages, quelle que soit leur prétention à la vérité, c'est leur manque de précision dans les détails et leur restitution passionnée des événements... La prolifération de témoignages de second ordre ou de troisième que certains ont copiés, d'autres les ont transmis sans soin, que certains ont répétés par ouï-dire, d'autres les ont modifiés dans les détails en toute bonne ou mauvaise foi, que certains ont librement interprétés, d'autres les ont rectifiés, que certains ont propagés avec une indifférence totale, d'autres les ont proclamés comme la vérité unique, éternelle et irremplaçable, ces derniers étant les plus suspects de tous.   José Saramago, L'Histoire du siège de Lisbonne Parashat Noach, ce terrible récit d'extermination, est à bien des égards une histoire qui parle d'eau. Au contraire, la lecture hebdomadaire suivante dans la Torah, parashat Lech Lecha,, traite essentiellement de la terre ferme. Comme Noach, c'est aussi, d'une certaine façon, un récit de voyage, avec cette différence que le paysage dans lequel les personnages de la parashah précédente doivent voyager est mystérieux et impossible à connaître et que les héros de Lech Lecha, - Abram, le lointain descendant de Noé, un Chaldéen de la ville d'Ur, et sa famille, les premiers adorateurs du dieu hébraïque -- se déplacent à travers des espaces qui sont décrits avec de nombreux détails : leur apparence, leurs dimensions, leurs habitants peu familiers. Il est possible, en effet, de voir dans Lech Lecha, le premier récit de voyage, une histoire qui conduit son héros depuis « sa patrie, son lieu de naissance et la maison de son père » jusqu'à la terre des merveilles dans laquelle lui et son peuple vont vivre désormais. Cette préoccupation pour la terre et le territoire n'a rien d'accidentel : car, comme c'est bien connu, Lech Lecha est la parashah dans laquelle Dieu nomme explicitement son alliance avec Abram : « Quitte ta terre, ton lieu de naissance, la maison de ton père, dit Dieu à Abram, pour l'endroit que je te montrerai. Je ferai de toi une grande nation, et je te bénirai et je te ferai un grand nom. Et sois une bénédiction ! Et toutes les familles de la terre seront bénies à travers toi. » (Friedman, dont c'est ici la traduction, n'est pas le premier commentateur à remarquer que la nature de cette bénédiction, ce que sera ce bénéfice pour toute l'humanité, n'est jamais vraiment éclaircie.) Pour cette raison, Lech Lecha est, entre autres, la plus évidemment politique des premières parashot : sans cesse, il introduit dans le récit de l'espèce humaine des publicités, des annonces et des avertissements destinés à légitimer les prétentions du peuple d'Abram sur un morceau de terre spécifique. Le nom de cette superficie était Canaan. Dès l'instant qu'Abram arrive sur cette terre, nous sentons que les ennuis vont commencer, car comme le reconnaît sans gène le texte, « les Cananéens étaient alors dans le pays ». Pourtant, Dieu fait sa promesse et la réitère tout au long de Lech Lecha, : « Je donnerai cette terre à ta semence. » Les coordonnées de la propriété qui doit passer des Cananéens au peuple d'Abram - les détails du transfert ne sont pas spécifiés dans la promesse de Dieu - sont soigneusement définies : aussi loin que Sichem, aussi loin que le chêne de More, Béthel à l'est et Aï à l'ouest, le Néguev, et ainsi de suite. La précision croissante du texte concernant la terre reflète un processus de rétrécissement plus grandiose, magnifiquement analysé par Friedman dans son commentaire : les onze premiers chapitres de la Genèse, écrit-il - c'est-à-dire Bereishit et Noach -, traitent de la relation entre Dieu et la totalité de la communauté humaine. Cette relation s'est très clairement détériorée, au point que, après dix générations, Dieu a détruit l'humanité, à l'exception de la famille de Noé (c'est le premier «rétrécissement»). Dix générations après, Dieu se concentre encore sur l'un des descendants de Noé, Abram (le second «rétrécissement »). Le reste de la Bible sera, pour l'essentiel, l'histoire, racontée dans les moindres détails, de la famille d'un homme vertueux dans sa lutte pour garder le contrôle de la propriété que Dieu lui a promise. Je n'ai pas d'intérêt pour l'aspect territorial et les implications politiques de Lech Lecha, même s'il va sans dire que les promesses faites dans cette parashah ont été souvent citées dans un but politique, même aujourd'hui (aussi incroyable que cela puisse paraître à des laïcs, pour qui la Torah n'est rien d'autre qu'une oeuvre littéraire). Ce qui est sûr, c'est que certains thèmes plus généraux de cette parashah intriguent quelqu'un comme moi, qui s'intéresse profondément à la culture riche et complexe de civilisations aujourd'hui disparues, comme la culture de l'Autriche-Hongrie d'avant la Première Guerre mondiale, ou bien comme la vie urbaine enchevêtrée de villes polonaises de l'entre-deux-guerres, Lwów par exemple. Un des thèmes qui m'intéressent, et non des moindres, est la façon dont différents groupes de gens peuvent soit coexister dans un endroit donné, soit (c'est plus fréquent) tenter de s'en chasser les uns les autres. Un autre thème pourrait être le suivant : que signifie le fait de se sentir chez soi dans un pays au sein duquel vous êtes juridiquement, un étranger et sur lequel, cependant, on vous a appris que vous aviez une prétention inaliénable et profonde. Mais ce qui m'intéresse encore plus dans cette parashah, quel que soit l'intérêt de son commentaire implicite concernant le territoire et la culture, ce sont, comme d'habitude, certains détails de la diction et du récit, le genre de choses qui intéressent plus (disons) les adolescents studieux et les savants de bibliothèque que les premiers ministres. Par exemple, le titre même de cette parashah est en soi l'objet d'une controverse qui n'est pas négligeable : le premier mot du titre en hébreu, lech, signifie « va » ; c'est l'étrange usage du second mot, lecha, qui a troublé les commentateurs. Le sens de lecha est quelque chose comme «pour toimême ». Mais que signifie exactement « Va pour toi-même » ? Comme le remarque Friedman, il a été traduit par « Trouve-toi » ou « Va, toi ». Dédaignant ce qu'il appelle un « anglais maladroit », Friedman écrit simplement « Va », tandis qu'une nouvelle traduction propose « Va de l'avant », qui a une jolie connotation archaïque. Rachi, comme à son habitude, s'attarde sur ce problème. Il suggère pour finir que « pour toi-même » a une double implication : « pour ton plaisir » et « pour ton bénéfice ». Pourquoi Dieu promet-il plaisir et bénéfice à Abram ? Parce que, note Rachi, les redoutables voyages qu'Abram s'engage à faire vont avoir un coût terrible. Voyager de manière aussi longue, souligne Rachi, a trois conséquences négatives : perte de reproduction (parce qu'il n'est pas correct pour les couples d'avoir des relations maritales lorsqu'ils sont les hôtes d'un autre foyer, et Abram et sa femme, Sarah, n'auront pas de foyer à eux avant la fin de leurs voyages) ; perte d'argent (cela n'a pas besoin d'être expliqué, même aujourd'hui) ; et perte de réputation - parce que, dans chaque nouvel endroit où il arrive, Abram doit travailler a rétablir sa réputation d'homme vertueux à partir de rien. C'est, le texte l'implique, à titre de compensation pour les pertes entrainées par le voyage à travers le monde que Dieu promet de grandes récompenses à Abram : son nom sera grand, il sera béni (« bénédiction », comme le souligne Rachi, étant un mot qui suggère aussi les biens matériels), sa progéniture sera aussi innombrable que la poussière ou les étoiles. Il aura, en temps voulu, des fils à lui : tout d'abord Ismaël, avec l'esclave égyptienne Hagar; et puis Isaac, avec sa femme légitime, Sarah. (Encore de la politique.) Même son nom grandira d'une syllabe : vers le milieu de parashat Lech Lecha, Dieu déclare que le nom d'Abram sera désormais « Abraham ». Peut-être parce que j'ai fait des études classiques, je lis cette parashah, récit d'un homme qui se lance dans un grand voyage à travers des pays étranges, remplis d'amis inattendus et d'ennemis terribles, des pays à la fois hautement civilisés et violemment primitifs, d'un homme qui bénéficie de la protection spéciale d'un dieu qui le guide sans jamais, toutefois, lui rendre les choses trop faciles, un récit, au bout du compte, de la lutte désespérée d'un homme qui veut rentrer chez lui -- en lisant cela, je pense moins aux Hébreux et plus aux Grecs. Je pense à l'Odyssée d'Homère. Dans ce poème épique, le héros endure aussi des aventures effroyables et fait des voyages troublants pour pouvoir rentrer chez lui, et lui aussi est récompensé de ses épreuves par les dieux : à la fin du poème, il a acquis des biens matériels, du pouvoir, retrouvé sa famille. Ce qui me surprend, c'est que, comparé à son homologue grec, le patriarche biblique - en fait, Lech Lecha même -semble bizarrement peu intéressé par les pays qu'il traverse, bizarrement peu curieux des cultures qu'il rencontre (et, naturellement, qu'il finit par déplacer) ; il me vient à l'esprit que la différence entre Abraham et Ulysse, c'est la différence entre une émigration dangereuse et terrifiante et un retour vers le foyer qu'on connaît déjà. Quelles qu'en soient les raisons, en tout cas, l'Odyssée souligne quelque chose que Lech Lecha traite avec indifférence : il y a une autre récompense, plus grande encore, obtenue dans le fait de voyager à travers le monde et d'observer de nouveaux pays, de nouvelles cultures, de nouvelles civilisations, d'entrer en contact pour la première fois avec différentes sortes de peuples et de coutumes : la connaissance. La connaissance, par conséquent, est une autre bénédiction qui augmente avec les distances que vous franchissez. Ou parfois non. Quiconque a beaucoup voyagé sait que, même si vous croyez savoir ce que vous cherchez et où vous allez quand vous décidez de partir, ce que vous apprenez en route est souvent tout à fait surprenant.   1La Terre promise(été)  

« au point que,après dixgénérations, Dieuadétruit l'humanité, àl'exception delafamille deNoé (c'est lepremier «rétrécissement»).

Dixgénérations après,Dieuseconcentre encoresurl'un des descendants deNoé, Abram (lesecond «rétrécissement »).

Lereste delaBible sera,pour l'essentiel, l'histoire,racontéedanslesmoindres détails,delafamille d'unhomme vertueux dans salutte pour garder lecontrôle delapropriété queDieu luiapromise. Je n'ai pasd'intérêt pourl'aspect territorial etles implications politiquesdeLech Lecha ,même s'il vasans direquelespromesses faitesdanscette parashah ontétésouvent citéesdansunbut politique, mêmeaujourd'hui (aussiincroyable quecela puisse paraître àdes laïcs, pourquila Torah n'estriend'autre qu'uneœuvrelittéraire).

Cequi est sûr, c'est quecertains thèmesplus généraux decette parashah intriguent quelqu'un commemoi,quis'intéresse profondément à la culture richeetcomplexe decivilisations aujourd'hui disparues,commelaculture de l'Autriche-Hongrie d'avantlaPremière Guerremondiale, oubien comme lavie urbaine enchevêtrée devilles polonaises del'entre - deux - guerres, Lwówparexemple.

Undes thèmes qui m'intéressent, etnon desmoindres, estlafaçon dontdifférents groupesdegens peuvent soit coexister dansunendroit donné,soit(c'est plusfréquent) tenterdes'en chasser lesuns les autres.

Unautre thème pourrait êtrelesuivant :que signifie lefait desesentir chezsoidans un pays ausein duquel vousêtesjuridiquement, unétranger etsur lequel, cependant, onvous a appris quevous aviez uneprétention inaliénable etprofonde. Mais cequi m'intéresse encoreplusdans cette parashah, quelquesoitl'intérêt deson commentaire impliciteconcernant leterritoire etlaculture, cesont, comme d'habitude, certains détailsdeladiction etdu récit, legenre dechoses quiintéressent plus(disons) les adolescents studieuxetles savants debibliothèque quelespremiers ministres.

Parexemple, le titre même decette parashah estensoi l'objet d'unecontroverse quin’est pasnégligeable :le premier motdutitre enhébreu, lech,signifie « va »;c'est l'étrange usagedusecond mot, lecha, quiatroublé lescommentateurs.

Lesens delecha estquelque chosecomme «pourtoi- même ».

Maisquesignifie exactement « Vapour toi-même » ?Comme leremarque Friedman, il a été traduit par« Trouve-toi » ou« Va, toi ».

Dédaignant cequ'il appelle un« anglais maladroit », Friedmanécritsimplement « Va »,tandisqu'une nouvelle traduction propose« Va de l'avant », quiaune jolie connotation archaïque.Rachi,comme àson habitude, s'attardesur ce problème.

Ilsuggère pourfinirque« pour toi-même » aune double implication :« pour ton plaisir » et« pour tonbénéfice ».

PourquoiDieupromet-il plaisiretbénéfice àAbram ?Parce que, note Rachi, lesredoutables voyagesqu'Abram s'engageàfaire vontavoir uncoût terrible. Voyager demanière aussilongue, souligne Rachi,atrois conséquences négatives:perte de reproduction (parcequ'iln'est pascorrect pourlescouples d'avoirdesrelations maritales lorsqu'ils sontleshôtes d'unautre foyer, etAbram etsa femme, Sarah,n'auront pasdefoyer à eux avant lafin deleurs voyages) ;perte d'argent (celan'apas besoin d'êtreexpliqué, même aujourd'hui) ;et perte deréputation – parceque,dans chaque nouvelendroit oùilarrive, Abram doittravailler arétablir saréputation d'hommevertueuxàpartir derien. C'est, letexte l'implique, àtitre decompensation pourlespertes entrainées parlevoyage à travers lemonde queDieu promet degrandes récompenses àAbram :son nom seragrand, il sera béni (« bénédiction », commelesouligne Rachi,étantunmot quisuggère aussilesbiens matériels), saprogéniture seraaussi innombrable quelapoussière oules étoiles.

Ilaura, en temps voulu,desfilsàlui :tout d'abord Ismaël,avecl'esclave égyptienne Hagar;etpuis Isaac, avec safemme légitime, Sarah.(Encore delapolitique.) Mêmesonnom grandira d'unesyllabe : vers lemilieu deparashat LechLecha ,Dieu déclare quelenom d'Abram seradésormais « Abraham ». Peut-être parcequej'aifait des études classiques, jelis cette parashah, récitd'unhomme quise. »

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