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RUSSELL (Bertrand)

Publié le 02/04/2015

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RUSSELL (Bertrand)

Né en 1872, mort en 1970, il fut l'initiateur de la plus grande partie des découvertes philosophiques contemporaines. Son œuvre touche tous les domaines. Un certain nombre de préoccupations éthiques l'amenèrent à prendre position devant les évènements contemporains : ses opinions pacifistes conduisent l'ancien élève du Trinity Collège en prison (1918), à intervenir à la Chambre des Lords (où il siège à partir de 1931), et à utiliser le prestige que lui donne le prix Nobel (1950) à la constitution de la Fondation Russell pour la paix et à la mise en place du « Tribunal Russell e. De là une foule d'ouvrages sur la politique, la morale et l'éducation (dont Principes de recons­truction sociale, 1916, Chemins vers la liberté, 1918, Théorie et pratique du bolchevisme, 1920) : il s'y montre partisan d'un libéra­lisme socialisant et d'une libération des moeurs.

L'apport le plus fondamental de Russell à la philosophie provient de

sa contribution à la logique mathématique ; il s'attache dès 1903

(Principes des mathématiques) au problème des fondements ; dès 1905 (célèbre article Sur la dénotation), il formule des principes essentiels concernant la référence des expressions logiques et produit de 1910 à 1913, en collaboration avec Whitehead, les Principia Mathématica, une reconstruction logiciste des mathématiques, ouvrage

canonique de la logique moderne, puisqu'elle y trouve son premier exposé complet, rassemblant les apports de Boole, de Morgan, Schreider, Peano et Frege. L'orientation de sa philosophie de la

connaissance, dont les solutions ont varié ( Principes de la philo­sophie, 1912, La Méthode scientifique en philosophie, 1916, Intro­duction à la philosophie mathématique, 1919, Signification et vérité, 1940, La Connaissance humaine . son étendue et ses limites, 1948), est donnée par la tentative de connecter le logicisme à un empirisme dans la tradition de Locke et Hume.

1 . Les Principia reposent sur la construction d'une nouvelle syntaxe logique ; soit un vocabulaire de base constitué de fonctions propositionnelles, de variables, de connecteurs logiques (et, non), de quantificateurs ; le logicisme pose qu'il est possible de constituer toutes les mathématiques comme l'ensemble des expressions bien formées de ce système, dérivées d'un certain nombre d'axiomes et de la règle de déduction (on peut l'exprimer ainsi : si « P « est asserté et si « P implique Q « est asserté, alors on peut asserter « Q « ).

Indépendamment des symboles acceptés au départ, tous les symboles introduits doivent être définis ; on peut le faire de deux manières, soit directement en posant qu'un symbole inconnu sera toujours considéré comme signifiant une suite déterminée de symboles connus, soit indirectement par définition directe d'une expression où entre le symbole à définir. Ainsi, pour définir « et «, à partir de « ou « et « non «, on posera la définition contextuelle suivante

« (p et q) = non (non p ou non q) Df. «

Tous les symboles définis contextuellement sont des symboles incomplets qui n'ont pas de sens en eux-mêmes ; parmi ceux-ci, on doit compter les descriptions (la théorie russellienne des descriptions est une pièce fondamentale de la philosophie contemporaine et sa critique par Strawson en 1950 a été considérée comme une révolution). Une des­cription est une expression comme « l'auteur de Waverley « ; elle ne signifie rien en elle-même, car, ou elle ne signifie pas la même chose que « Scott «, et alors la proposition « Scott est l'auteur de Waverley « est fausse, ou elle signifie la même chose, et cette proposition est une tautologie, ce qui n'est pas. Pour définir une description, on doit paraphraser une expression où elle rentre : ainsi « l'auteur de Waverley était Écossais « signifie « il y a un terme c tel que :

1 — « x écrivit Waverley « est toujours équivalent à « x est c« ;

2 — c est Écossais «.

Cette théorie a un intérêt logique (elle permet de remplacer une suite de propositions par une description, voire de se passer de noms propres), épistémologique (elle permet de

montrer qu'on peut parler d'entités qu'on ne connaît pas directement), et ontologique (dans l'hypothèse où toutes les expressions qui sont des noms désignent des êtres réels elle permet d'assurer malgré tout que les phrases où nous parlons de « la chimère « par exemple, sont fausses car « x est une chimère « n'est jamais vraie).

2.   Outre cette théorie des termes et des propositions, les Principia reposent sur le calcul des classes et des relations. Une classe est pour Russell tous les objets satisfaisant une certaine fonction propositionnelle : il en résulte que toute fonction d'une variable peut être remplacée par une fonction équivalente de la forme « x E ce « où ct est une classe. Pareil­lement une relation est une classe dont les éléments sont des couples (x, y).

Par ces définitions Russell montre clairement le rapport du calcul des propositions à la théorie des classes, et se donne la possibilité de reconstruire les mathématiques (puisque selon la définition de Frege le nombre pourra être considéré comme la classe d'équivalence des classes qui peuvent être mises en correspondance biunivoque). Restait à éviter une confusion, source de paradoxe : si je parle de la classe des classes qui ne sont pas membres d'elles-mêmes, alors si cette classe fait partie d'elle-même, elle n'en fait pas partie, et si elle n'en fait pas partie, elle en fait partie. Pour résoudre ce paradoxe, Russell propose la célèbre Théorie des types logiques : il suffit de hiérarchiser les classes (et par conséquent les fonctions propositionnelles) pour éviter le paradoxe. Ainsi, si on pose qu'une classe est non seulement différente de la classe à laquelle elle appartient, mais ne peut servir à se définir elle-même, il est exclu qu'on parle de la classe des classes qui ne font pas partie d'elles-mêmes. Au niveau des fonctions, une fonction F1 de niveau 1, ne pourra servir d'argument ni à elle-même ni à une autre fonction de niveau 1, mais seulement à une fonction F2 de niveau 2, etc. Il s'ensuit que pour des raisons logiques, on doit admettre l'existence d'un système hiérarchisé d'entités allant des indi­vidus jusqu'aux classes infiniment composées.

3.   Le rapport d'un tel système à l'expérience est le problème central de la théorie de la connaissance. Par le Principe d'atomicité, Russell pose l'existence de faits et de vérités, indépendants et relativement simples, dont l'expression ne contient aucune variable, et renvoie nom­mément à des constituants objectifs (ex.: ceci est rouge) ; par le Principe d'extensionalité, il garantit que la vérité des énoncés complexes dépend uniquement de celle de leurs constituants simples, et des connecteurs qui les lient.

Le problème dès lors est triple : montrer comment les énoncés élémentaires sont connus, comment on passe de là aux principes permettant la constitution des énoncés complexes, montrer enfin que toute science est bien

composée ainsi. Russell assure le premier point par une théorie psychologique (proche du behaviorisme) posant l'origine de la connaissance dans la perception sensible ; le second et le troisième constituent le constructivisme logique : tous les énoncés d'une science sont constitués à partir des données sensibles selon les lois logiques de l'inférence. Par là l'ontologie russellienne est un monisme neutre : elle pose chue le monde est fait d'événements qui constituent la matiere lorsqu'ils sont composés selon certaines lois causales, et l'esprit lorsqu'ils sont composés selon d'autres (cf. l'Analyse de l'esprit, 1921, et l'Analyse de la matière, 1927).

 

·    C'est sur le rôle de l'inférence logique que revient le dernier travail épistémologique. Russell remarque qu'une pro­position générale, telle que « pour tout x, f(x) «, ne peut se déduire logiquement de propositions telles que fal, fat, etc. (où al, a2 sont des données sensibles), sans supposer un principe d'induction qui est lui-même une proposition générale. Dès lors, on doit poser des limites à l'empirisme : l'inférence logique n'explique pas toute notre connaissance, il y a des propositions générales qui ne sont pas fondées (c.-à-d. déduites de) dans l'expérience, mais dont l'expérience est seulement la cause, selon une sorte d'inférence « animale «, proche de ce que Hume décrivait comme méca­nisme de la croyance.

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