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tête, j'ai consulté d'autres sources sur les conditions qui régnaient dans les fourgons à bestiaux à destination des camps de l'Opération Reinhard, à la fin de l'été 1942.

Publié le 06/01/2014

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tête, j'ai consulté d'autres sources sur les conditions qui régnaient dans les fourgons à bestiaux à destination des camps de l'Opération Reinhard, à la fin de l'été 1942. Je ne vais pas paraphraser ces sources, je ne vais pas « décrire » comment c'était, je vais plutôt laisser parler le récit d'un survivant, cité par Arad :   Plus de cent personnes étaient entassées dans notre wagon... Il est impossible de décrire le tragique de notre situation dans ce wagon de marchandises entièrement fermé et sans air. C'étaient d'immenses toilettes. Tout le monde poussait pour accéder à une petite ouverture d'air. Tout le monde était couché sur le sol. Je me suis couché aussi. J'ai trouvé une fente dans le plancher où j'ai pu coller mon nez pour aspirer un peu d'air frais. La puanteur dans le wagon était insupportable. Les gens déféquaient aux quatre coins du wagon... La situation ne cessait d'empirer dans le wagon. De l'eau, implorions-nous les cheminots. Nous étions prêts à les payer. Certains ont payé 500, 1 000 zlotys pour une petite timbale d'eau... J'ai paye 500 zlotys (plus de la moitié de ce que j'avais sur moi) pour une timbale d'eau -- à peine un demi-litre. Quand j'ai commencé a boire, une femme, dont l'enfant s'était évanoui, m'a attaqué. J'ai bu ; je ne pouvais pas détacher mes lèvres de la timbale. La femme m'a mordu la main -- de toutes ses forces, elle voulait m'obliger à lui laisser un peu d'eau. Je n'ai pas prêté attention à la douleur. J'aurais enduré n'importe quelle douleur pour avoir un peu plus d'eau. Mais j'ai laissé quelques gouttes au fond de la timbale et j'ai regardé l'enfant boire. La situation dans le wagon se détériorait. Il n'était que sept heures du matin, mais le soleil tapait déjà sur le wagon. Les hommes ont retiré leur chemise et sont restés à moitié nus. Des femmes ont retiré leur robe et sont restées en sous-vêtements. Les gens étaient entassés sur le plancher, aspirant l'air bruyamment et tremblant comme s'ils avaient eu de la fièvre, les têtes ballottant dans un effort pour faire parvenir un peu d'air aux poumons. Certains étaient complètement désespérés et ne faisaient plus aucun mouvement.   Ce récit, ainsi que celui de « Stern » tel que l'a relaté Matylda Gelernter, suggèrent la raison pour laquelle ce que nous voyons dans les musées, les artefacts et les preuves, ne peut nous donner que la compréhension la plus faible de ce qu'était l'événement en soi ; la raison pour laquelle nous devons rester prudents lorsque nous essayons d'imaginer « ce que c'était ». Il est possible aujourd'hui, par exemple, de circuler dans un fourgon à bestiaux d'époque dans un musée, mais il est peut-être important de rappeler, à l'ère de la télé-réalité, que le fait d'être enfermé dans cette boîte - expérience assez déplaisante en soi, comme je le sais bien, pour certaines personnes - n'est pas la même chose que d'y être enfermé après avoir étouffé votre propre enfant et bu votre propre urine par désespoir, expériences que les visiteurs de ces expositions ont peu de chance d'avoir vécu récemment. Il se peut, en tout cas, que Shmiel, Ester et Bronia n'aient pas survécu au trajet en wagon de marchandises. Toutefois, s'ils ont survécu, ce qui leur est arrivé ensuite aurait été quelque chose comme ceci (comme nous le savons grâce aux déclarations des rares personnes qui ont survécu et grâce aux témoignages des bourreaux qui ont comparu par la suite devant la justice) : A 1'arrivée, les trains s'arrêtaient au fer à cheval à l'intérieur du camp de Belzec. Dans les minutes qui suivaient l'arrivée (« trois à cinq minutes », s'est rappelé un conducteur de locomotive polonais), les wagons étaient vidés de leur cargaison de Juifs morts et vivants. Respirant avec difficulté, hébétés, couverts de leurs excréments et de ceux des autres, Shmiel, Ester et Bronia auraient titubé hors du wagon jusqu'à la « zone de réception ». Là, ils auraient entendu un officier allemand, peut-être même le commandant du camp, Wirth, faire son discours habituel : qu'ils avaient été amenés ici uniquement pour un « transfert » et que, pour des raisons d'hygiène, ils devaient prendre une douche et être désinfectés avant d'être envoyés vers leur prochaine destination. Que Shmiel ou Ester ait pu le croire, il est bien sûr impossible de le savoir ; mais sachant qu'il était prêt à croire, trois ans plus tôt, qu'une lettre au Président « Rosiwelt » pourrait l'aider à se rendre en Amérique, lui et sa famille, je vais envisager la possibilité selon laquelle, comme bien d'autres gens, il est resté réticent à l'idée que le pire allait se produire, et donc qu'il a peut-être même été un de ces Juifs qui, comme nous le savons grâce au témoignage d'un des officiers de Wirth, ont en fait applaudi le commandant après qu'il eut terminé son discours aux Juifs hébétés et couverts d'excréments au bord de la voie ferrée à Belzec, discours dans lequel il les assurait que les objets de valeur, qu'ils devaient déposer sur un comptoir, leur seraient rendus après la désinfection. Il est possible, même si ce n'est absolument pas certain, que les yeux de Shmiel se soient arrêtés un instant, ce jour-là, sur la pancarte qui disait :   Attention ! Retrait intégral des vêtements ! Tous les objets personnels, à l'exception de l'argent, des bijoux, des documents et des certificats, doivent être abandonnés sur le sol. L'argent, les bijoux et les documents doivent être conservés pour être déposés au guichet. Les chaussures doivent être ramassées et attachées par paire et placées à l'endroit indiqué.   Peut-être qu'il a vu cette pancarte et que le ton - pas très différent, si vous y réfléchissez, de celui des pancartes similaires dans les piscines et les douches des stations thermales à travers toute l'Europe, des stations thermales comme celle de Jaremcze où le père de Shmiel, trente ans plus tôt, était mort brutalement - l'a rassuré. En tout cas, si les choses se sont déroulées normalement, ce jour de début septembre 1942, dont nous savons aujourd'hui que c'était la période de la plus intense activité de « réinstallation » à Belzec, Shmiel a été à ce moment-là séparé de sa femme et de sa fille, et conduit vers les baraquements pour se déshabiller (les hommes étaient gazés les premiers). Il n'est pas question qu'il ait retiré ses vêtements sales ; peut-être qu'il portait le manteau sombre et la chemise à grands carreaux qu'il porte sur la dernière photo que nous ayons de lui, ce petit carré au dos duquel il a écrit Dezember 1939, qui est par conséquent l'unique relique de sa vie ayant survécu à l'occupation soviétique. Il a l'air très vieux sur la photo... Il était, comme nous le savons, très grand, et peut-être qu'il avait été battu en chemin sur la route de la gare de Bolechow ; il est très probable que, lorsqu'il s'est arrêté pour retirer ses chaussures et ses chaussettes, il souffrait considérablement ; et bien sûr, il y avait maintenant le choc et l'horreur d'être séparé d'Ester et de Bronia (a-t-il même été en mesure de leur dire adieu ? Peut-être qu'ils avaient été séparés dans les fourgons à bestiaux, peut-être qu'ils avaient été placés dans des wagons différents à Bolechow). En même temps, étant le genre de personne qu'il était, peut-être que le fait de se retrouver à présent dans un environnement institutionnel et organisé était, espérait-il, bon signe. Peut-être, se disait-il, que la terreur du rassemblement dans la cour de la mairie, de la marche jusqu'au train, du trajet en train, avait été le pire. Des baraquements, Shmiel Jäger nu - nous devons marquer un temps d'arrêt pour nous souvenir qu'il était grand, les yeux bleus, les cheveux blancs - est maintenant dirigé vers le passage relativement étroit connu sous le nom de Schlauch, le « Tube », un passage de deux mètres de large et d'une douzaine de mètres de long. Partiellement recouvert de planches et entouré de barbelés, le Tube reliait les zones de réception à Belzec, dans le Camp 1, aux chambres à gaz et aux fosses communes, dans le Camp 2. Il est difficile de croire que le frère de mon grand-père, un homme délicat, n'ait pas essayé, en joignant les mains (qui, si elles étaient comme celles de mon grand-père et les miennes, étaient plutôt carrées et couvertes de quelques poils noirs), de couvrir ses parties génitales, pendant qu'il marchait et trottait à la fois le long du Schlauch. En septembre 1942, lorsque Shmiel, Ester et Bronia ont été, je le pensais alors, très certainement gazés - il n'y avait pratiquement pas la moindre chance que cet homme entre deux âges, qui paraissait plus vieux que son âge, son épouse corpulente et sa fille à l'allure encore enfantine, aient pu être sélectionnés pour les: brigades de travail, ces groupes de prisonniers juifs, chargés de nettoyer les chambres à gaz ou d'enterrer les corps après le gazage -, les vieilles chambres à gaz en bois de Belzec avaient été démolies et remplacées par un bâtiment en béton gris, plus grand et plus solide Après avoir traversé le Tube, Shmiel s'est approché de ce bâtiment, a monté d'un pas lent les trois marches qui y menaient, chacune ayant environ un mètre de large, et devant lesquelles étaient posés un grand pot de fleurs et une pancarte qui disait bade und inhalationsräume, Bains et chambres d'inhalation. En entrant dans ce nouveau bâtiment solide, il devait découvrir devant lui un corridor sombre, d'un mètre et demi de large, de chaque côté duquel se trouvaient les portes donnant accès aux Bains et chambres d'inhalation. Il est possible qu'il ait encore cru, même à cet instant-là, que c'étaient vraiment des Bains et des chambres d'inhalation. Il est entré dans l'une d'elles. Les chambres avaient, comme devait s'en souvenir un Allemand qui avait travaillé dans ce camp, « une apparence lumineuse et accueillante », et elles étaient peintes soit en jaune soit en gris, quelque chose de très institutionnel et de peu menaçant. Les plafonds étaient bas - deux mètres, ce qui, pour un homme de la taille de Shmiel, a dû provoquer une légère impression de claustrophobie - mais peut-être qu'il ne l'a pas remarqué, même à cet instant-là, qu'il a pensé, même à cet instant-là, prendre une douche désinfectante. Il y avait, après tout, des pommeaux de douche au plafond. S'il a vu la porte amovible au fond de la Chambre d'inhalation, qui était en face de la porte qu'il venait de franchir, et en fait celle par laquelle, dix minutes plus tard, son corps serait évacué, il n'en a probablement rien pensé. Après cela, néanmoins, une fois qu'Oncle Shmiel est coincé sous le plafond bas, peint en jaune, de la salle de douche lumineuse et accueillante, après que le bâtiment se remplit de mille neuf cent quatre-vingt dix-neuf autres Juifs, il va devenir plus difficile pour lui de penser qu'il s'agit d'une désinfection, et à ce moment-là le gaz est ouvert, et je n'essaierai pas d'imaginer ce que c'est, parce qu'il est seul là-dedans, et ni moi ni personne (à l'exception des mille neuf cent quatre-vingt dix-neuf autres qui sont entrés avec lui) ne peut aller là avec lui... Ou, je devrais dire, avec eux, puisque dans peu de temps Ester et la petite Bronia vont gravir les mêmes marches, entrer dans une de ces chambres, faire le même parcours (à la différence de Shmiel, elles ont dû faire un arrêt dans le baraquement où les Friseurs, les coiffeurs, ont rasé leurs cheveux noirs). Nous ne pouvons donc pas aller là-dedans avec eux. Tout ce que je pense pouvoir dire, avec un certain degré de certitude, c'est que dans une de ces chambres, à un moment donné d'une journée donnée de septembre 1942, même si le moment et la journée ne seront jamais connus, les vies de mon oncle Shmiel et de sa famille, de Samuel Jäger, le frère de mon grand-père, l'héritier qui avait rétabli l'affaire que les prudentes alliances matrimoniales de générations de

« Ester etBronia auraient titubéhorsduwagon jusqu'à la« zone deréception ».

Là,ilsauraient entendu unofficier allemand, peut-êtremêmelecommandant ducamp, Wirth, faireson discours habituel:qu'ils avaient étéamenés iciuniquement pourun« transfert » etque, pour des raisons d'hygiène, ilsdevaient prendreunedouche etêtre désinfectés avantd'être envoyés vers leurprochaine destination.

QueShmiel ouEster aitpu lecroire, ilest bien sûrimpossible de lesavoir ;mais sachant qu'ilétait prêtàcroire, troisansplus tôt,qu'une lettreauPrésident « Rosiwelt » pourraitl'aideràse rendre enAmérique, luietsa famille, jevais envisager la possibilité selonlaquelle, commebiend'autres gens,ilest resté réticent àl'idée quelepire allait seproduire, etdonc qu'ilapeut-être mêmeétéundeces Juifs qui , comme nouslesavons grâce autémoignage d'undesofficiers deWirth, ontenfait applaudi lecommandant aprèsqu'il eut terminé sondiscours auxJuifs hébétés etcouverts d'excréments aubord delavoie ferrée à Belzec, discours danslequel illes assurait quelesobjets devaleur, qu'ilsdevaient déposersur un comptoir, leurseraient rendusaprèsladésinfection.

Ilest possible, mêmesice n'est absolument pascertain, quelesyeux deShmiel sesoient arrêtés uninstant, cejour-là, surla pancarte quidisait :   Attention ! Retrait intégral desvêtements ! Touslesobjets personnels, àl'exception del'argent, desbijoux, des documents etdes certificats, doiventêtreabandonnés surlesol.

L'argent, lesbijoux etles documents doiventêtreconservés pourêtredéposés auguichet.

Leschaussures doiventêtre ramassées etattachées parpaire etplacées àl'endroit indiqué.   Peut-être qu'ilavu cette pancarte etque leton – pas trèsdifférent, sivous yréfléchissez, de celui despancartes similairesdanslespiscines etles douches desstations thermales àtravers toute l'Europe, desstations thermales commecelledeJaremcze oùlepère deShmiel, trente ans plus tôt,était mort brutalement – l'arassuré. En tout cas,siles choses sesont déroulées normalement, cejour dedébut septembre 1942, dont nous savons aujourd'hui quec'était lapériode delaplus intense activitéde « réinstallation » àBelzec, Shmielaété àce moment-là séparédesafemme etde safille, et conduit verslesbaraquements poursedéshabiller (leshommes étaientgazéslespremiers).

Il n'est pasquestion qu'ilaitretiré sesvêtements sales;peut-être qu'ilportait lemanteau sombre etlachemise àgrands carreaux qu'ilporte surladernière photoquenous ayons delui, ce petit carré audos duquel ila écrit Dezember 1939, qui estpar conséquent l'uniquerelique de savie ayant survécu àl'occupation soviétique.Ilal'air très vieux surlaphoto...

Ilétait, comme nouslesavons, trèsgrand, etpeut-être qu'ilavait étébattu enchemin surlaroute dela gare deBolechow ;il est très probable que,lorsqu'il s'estarrêté pourretirer seschaussures et ses chaussettes, ilsouffrait considérablement ;et bien sûr,ilyavait maintenant lechoc et l'horreur d'êtreséparé d'Ester etde Bronia (a-t-ilmême étéenmesure deleur direadieu ? Peut-être qu'ilsavaient étéséparés danslesfourgons àbestiaux, peut-être qu'ilsavaient été placés dansdeswagons différents àBolechow).

Enmême temps, étantlegenre depersonne qu'il était, peut-être quelefait deseretrouver àprésent dansunenvironnement institutionnel et organisé était,espérait-il, bonsigne.

Peut-être, sedisait-il, quelaterreur durassemblement dans lacour delamairie, delamarche jusqu'au train,dutrajet entrain, avaitétélepire. Des baraquements, ShmielJägernu– nous devons marquer untemps d'arrêt pournous souvenir qu'ilétait grand, lesyeux bleus, lescheveux blancs– estmaintenant dirigéversle. »

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