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Les sources de l'historien Charles SEIGNOBOS (1854-1942) Il n'y a pas de science qui soit dans des conditions aussi défectueuses.

Publié le 21/10/2016

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Les sources de l'historien Charles SEIGNOBOS (1854-1942) Il n'y a pas de science qui soit dans des conditions aussi défectueuses. Jamais d'observation directe, toujours des faits disparus, et même jamais des faits complets, toujours des fragments dispersés, conservés au hasard, des détritus du passé, l'historien fait un métier de chiffonnier. [...] L'histoire est le plus bas degré de l'échelle des sciences, elle est la forme la plus basse de la connaissance. La Méthode historique appliquée aux sciences sociales 1901. Michel FOUCAULT (1926-1984) Il est bien évident que depuis qu'une discipline comme l'histoire existe, on s'est servi de documents, on les a interrogés, on s'est interrogé sur eux ; on leur a demandé non seulement ce qu'ils voulaient dire, mais s'ils disaient bien la vérité, et à quel titre ils pouvaient le prétendre, s'ils étaient sincères ou falsificateurs, bien informés ou ignorants, authentiques ou altérés. Mais chacune de ces questions et toute cette grande inquiétude critique pointaient vers une même fin: reconstituer, à partir de ce que disent ces documents - et parfois à demi-mot - le passé dont ils émanent et qui s'est évanoui maintenant loin derrière eux ; le document était toujours traité comme le langage d'une voix maintenant réduite au silence, sa trace fragile, mais par chance déchiffrable. Or, par une mutation qui ne date pas d'aujourd'hui, mais qui n'est pas sans doute encore achevée, l'histoire a changé sa position à l'égard du document : elle se donne pour tâche première, non point de l'interpréter, non point de déterminer s'il dit vrai et quelle est sa valeur expressive, mais de le travailler de l'intérieur et de l'élaborer : elle l'organise, le découpe, le distribue, l'ordonne, le répartit en niveaux, établit des séries, distingue ce qui est pertinent de ce qui ne l'est pas, repère des éléments, définit des unités, décrit des relations. Le document n'est donc plus pour l'histoire cette matière inerte à travers laquelle elle essaie de reconstituer ce que les hommes ont fait ou dit, ce qui est passé et dont seul le sillage demeure : elle cherche à définir dans le tissu documentaire lui-même des unités, des ensembles, des séries, des rapports. Il faut détacher l'histoire de l'image où elle s'est longtemps complue et par quoi elle trouvait sa justification anthropologique : celle d'une mémoire millénaire et collective qui s'aidait de documents matériels pour retrouver la fraîcheur de ses souvenirs ; elle est le travail et la mise en œuvre d'une matérialité documentaire (livres, textes, récits, registres, actes, édifices, institutions, règlements, techniques, objets, coutumes, etc.) qui présente toujours et partout, dans toute société, des formes soit spontanées soit organisées de rémanences. Le document n'est pas l'heureux instrument d'une histoire qui serait en elle-même et de plein droit mémoire, l'histoire, c'est une certaine manière pour une société de donner statut et élaboration à une masse documentaire dont elle ne se sépare pas. Disons pour faire bref que l'histoire, dans sa forme traditionnelle, entreprenait de « mémoriser » les monuments du passé, de les transformer en documents et de faire parler ces traces qui, par elles-mêmes, souvent ne sont point verbales, ou disent en silence autre chose que ce qu'elles disent ; de nos jours l'histoire, c'est ce qui transforme les documents en monuments, et qui, là où on essayait de reconnaître en creux ce qu'ils avaient été, déploie une masse d'éléments qu'il s'agit d'isoler, de grouper, de rendre pertinents, de mettre en relation, de constituer en ensembles. Il était un temps où l'archéologie, comme discipline des monuments muets, des traces inertes, des objets sans contexte et des choses laissées par le passé, tendait à l'histoire et ne prenait sens que par la restitution d'un discours historique ; on pourrait dire, en jouant un peu sur les mots, que l'histoire, de nos jours, tend à l'archéologie, à la description intrinsèque du monument. L'Archéologie du savoir, Paris, Gallimard, p. 13-15.
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« d?finir dans le tissu documentaire lui-m?me des unit?s, des ensembles, des s?ries, des rapports.

Il faut d?tacher l'histoire de l'image o? elle s'est longtemps complue et par quoi elle trouvait sa justification anthropologique?: celle d'une m?moire mill?naire et collective qui s'aidait de documents mat?riels pour retrouver la fra?cheur de ses souvenirs?; elle est le travail et la mise en ?uvre d'une mat?rialit? documentaire (livres, textes, r?cits, registres, actes, ?difices, institutions, r?glements, techniques, objets, coutumes, etc.) qui pr?sente toujours et partout, dans toute soci?t?, des formes soit spontan?es soit organis?es de r?manences. Le document n'est pas l'heureux instrument d'une histoire qui serait en elle-m?me et de plein droit m?moire, l'histoire, c'est une certaine mani?re pour une soci?t? de donner statut et ?laboration ? une masse documentaire dont elle ne se s?pare pas. Disons pour faire bref que l'histoire, dans sa forme traditionnelle, entreprenait de ??m?moriser?? les monuments du pass?, de les transformer en documents et de faire parler ces traces qui, par elles-m?mes, souvent ne sont point verbales, ou disent en silence autre chose que ce qu'elles disent?; de nos jours l'histoire, c'est ce qui transforme les documents en monuments, et qui, l? o? on essayait de reconna?tre en creux ce qu'ils avaient ?t?, d?ploie une masse d'?l?ments qu'il s'agit d'isoler, de grouper, de rendre pertinents, de mettre en relation, de constituer en ensembles.

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