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travail et comme elle était terrifiée, elle s'est mise à crier.

Publié le 06/01/2014

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travail
travail et comme elle était terrifiée, elle s'est mise à crier. Un type de la Gestapo lui a tiré dessus, mais il n'a fait que la blesser et a tiré une seconde fois pour la tuer. Elle est restée là jusqu'au 30 octobre. Le pharmacien Kimmelman est mort là aussi dans la salle. Complètement nue, Szancia Reisler, la femme de Friedmann, l'avocat, a dû danser sur des corps nus. A midi, les rabbins ont été emmenés hors de la salle et il n'y a plus de traces d'eux ensuite. On dit qu'ils ont été jetés dans l'égout. Les gens ont été gardés comme ça du 28 au 29 octobre sans nourriture et sans eau, jusqu'à 16 heures. A 16 heures, ils ont tous été emmenés en camion dans les bois de Taniawa, à 8 ou 10 km de Bolechow. Environ 800 personnes ont été abattues là. Il y avait une planche au-dessus d'un fossé sur laquelle les gens étaient obligés de marcher et ils étaient abattus et tombaient dans la fosse ; certains étaient grièvement blessés, d'autres légèrement. Ducio Schindler s'est échappé de là dans la soirée. Il a grimpé dans un arbre et a assisté à toute l'exécution, jusqu'à ce que la fosse soit remplie. Il nous a tout raconté. Le lendemain, le 30 octobre 1941, le préfet de police Köhler a ordonné au Judenrat, le conseil juif, appointé par les autorités nazies pour servir d'intermédiaire entre les Allemands et la communauté juive, et pour exécuter leurs ordres de nettoyer la salle du Dom Katolicki, d'emporter les 29 cadavres au cimetière, la Gestapo a exigé le paiement des munitions dépensées pour l'exécution. Le Judenrat a dû payer. En plus de cela, ils les ont forcés à leur payer 3 kg de café en grains pour les frais de maind'oeuvre. Il est donc possible maintenant de savoir ce qui s'est passé, même s'il est difficile de reconstruire avec certitude ce qui est arrivé en particulier à Ruchele. Elle a été arrêtée, très probablement, après midi, le mardi 28 octobre, alors qu'elle marchait dans les rues de sa ville avec ses amies. Elle a ensuite été emmenée au Dom Katolicki et, là, a probablement été témoin de certains des événements décrits ci-dessus - même si nous devons garder à l'esprit que les Juifs qui ont été obligés de se coucher sur le sol du D.K., cet après-midi-là, avaient reçu l'ordre de ne pas lever la tête, et que ceux qui se relevaient étaient souvent abattus immédiatement ; il est donc peut-être préférable de dire que Ruchele n'a pas été témoin de ce qui se passait, mais qu'elle a surtout entendu des coups de feu, des cris, des insultes, un piano, les pas d'une danse maladroite sur la scène. Il est possible (pour continuer) que Ruchele, âgée de seize ans, ait été tuée là, puisque nous savons que des gens l'ont été. Il est en effet possible qu'elle ait été la fille nue sur la scène, avec qui le rabbin, les yeux en sang, a été contraint de danser ou sur laquelle il a été contraint de se coucher. Je préfère penser que non. Mais si elle a survécu à ces trente-six heures, ce qui n'est pas le cas de tous, nous savons que, à quatre heures de l'après-midi, le 29 octobre, un mercredi, après avoir passé la journée précédente, la nuit et la matinée dans un état de terreur qu'il serait idiot de vouloir imaginer, après avoir gémi de faim et de soif, après s'être souillée, sans aucun doute, de sa propre urine, car personne ne peut se retenir pendant une journée et demie, elle a alors été emmenée, épuisée, affamée, terrifiée, souillée, chose à laquelle il est difficile, peut-être même gênant, de penser, une expérience dégoûtante, profondément humiliante pour un adulte, mais une possibilité que je dois considérer, si j'essaie d'imaginer ce qui lui est arrivé, elle a été emmenée à Taniawa - qu'elle ait marché pendant quelques kilomètres ou qu'elle ait été embarquée dans un camion, il est impossible de le savoir - et là, après avoir attendu dans une terreur encore plus grande pendant qu'elle regardait ses voisins, groupe après groupe, des gens qu'elle avait vus dans sa petite ville toute sa vie (enfin, pendant seize ans), monter l'un après l'autre sur une planche et tomber dans la fosse : après avoir vu ça, son tour est venu, elle a marché nue sur la planche - avec quelles pensées en tête, il est impossible de le savoir, même s'il est difficile de ne pas imaginer qu'elle pensait, dans ces derniers instants, à sa mère et à son père, à ses soeurs, à sa maison ; mais peut-être (vous êtes une personne sentimentale, m'a dit un jour Mme Begley, avec mépris et indulgence à la fois), peut-être qu'un très bref instant elle a pensé à Jakob Grunschlag, le garçon avec qui elle était sortie pendant un an et demi, à ses cheveux noirs et à son sourire intense - et debout sur la planche, ou peut-être au bord de la fosse fraîchement creusée, avec les corps au-dessous d'elle et l'air froid d'octobre au-dessus, elle a attendu. L'air froid d'octobre : nous savons qu'elle est nue à ce moment précis et, entre la température et la terreur, elle doit sûrement frissonner. Sans cesse, pendant qu'elle attendait - à moins qu'elle ait été la première ? - le bruit de la mitrailleuse a retenti. (Ce n'était pas la mort que les gens en étaient venus à espérer, s'ils avaient eu la malchance de se faire prendre. Le coup de feu dans la nuque, comment ils appelaient ça en allemand -- le « coup de grâce » ? avait demandé Mme Grossbard à personne en particulier, le jour où tous les anciens de Bolechow s'étaient réunis. Elle avait fait un pistolet avec le pouce et l'index, et l'avait pointé contre sa nuque. Je n'arrive pas à le retrouver. Quand je suis troublée, je ne peux pas me souvenir des choses.) Donc : les crépitements de la mitrailleuse, le froid, le tremblement. A un moment donné, ça a été son tour, elle s'est avancée sur la planche avec les autres. La planche avait probablement une certaine élasticité, peut-être qu'elle rebondissait un peu quand ils s'alignaient : comme dans un jeu, de façon incongrue. Puis une nouvelle rafale. L'a-t-elle entendue ? L'activité de son esprit à cet instant-là était-elle assez fervente pour qu'elle n'entende pas ; ou, au contraire, était-elle tout ouïe dans l'attente ? Nous ne pouvons pas le savoir. Nous savons seulement que son corps délicat de seize ans - qui, avec un peu de chance, était sans vie à ce moment-là, même si nous savons que d'autres étaient en vie quand ils sont tombés avec un bruit sourd et humide sur les corps chauds et ensanglantés, souillés d'excréments, de leurs concitoyens - est tombé dans la fosse, et que c'est la dernière chose que nous voyons d' elle ; même si, évidemment, nous ne l'avons pas du tout vue en réalité.     Et tout cela est arrivé probablement parce qu'elle était sortie de chez elle pour aller rejoindre son petit groupe, les trois camarades de classe, en fin de matinée, la veille. Un sixième de la population juive seulement a péri ce jour-là, nous a dit Jack. (Seulement.) Mais les trois quarts de ces quatre filles ont péri ce jour-là. J'ai remarqué, pas pour la première fois, que le verbe qu'employait invariablement Jack pour ceux qui ont été tués était périr, ce qui donnait, à mon oreille, une tonalité légèrement élevée, peut-être même biblique, à sa conversation lorsqu'il parlait de ceux qui n'avaient pas survécu à la guerre. Mort a cette finalité abrégée d'un monosyllabe et ne laisse, pour ainsi dire, aucune place pour l'argumentation. Périr, au contraire, tiré du latin pereo, dont le sens littéral signifie « passer à travers », donne une impression d'ampleur ; il suggère toujours pour moi une gamme de possibilités, bien au-delà du simple fait de mourir - impression confirmée par un coup d'oeil jeté à l'entrée du dictionnaire latin assez vieux que je possède : passer, n'être rien, disparaître, se volatiliser, se perdre ; passer, être détruit, périr ; périr, perdre vie, mourir... Etre égaré, manquer, être gaspillé, dépensé en vain ; être perdu, être ruiné, être défait. Compte tenu de ce que je sais aujourd'hui, après avoir parlé à tous les anciens de Bolechow encore vivants, j'en suis venu moi-même à préférer périr à tous les autres verbes, lorsque je parle de ceux qui sont morts. Les trois quarts de ces quatre filles ont péri ce jour-là, avait dit Jack. Et donc vous le saviez, ai-je dit. Il est resté silencieux un instant. Hé bien, a-t-il dit, ils savaient... je me souviens. Père était dans le Judenrat - mon père était un membre du Judenrat, je lui ai demandé ce qui était arrivé à la famille Jäger, il m'a donc répondu, Une fille a péri. Et j'ai découvert ensuite que c'était Ruchele. Cela, il me l'a dit lorsque tous les anciens de Bolechow étaient rassemblés autour de la table de sa salle à manger. Le lendemain, quand Matt et moi sommes retournés chez Jack pour l'interviewer seul, il m'a donné une version légèrement différente de cette histoire. L'Aktion a eu lieu le mardi, a-t-il dit. Et le mardi soir, mon père est rentré à la maison. Il était au Judenrat. Ils étaient venus arrêter ma mère à la maison, mais mon père était au Judenrat. Il pensait qu'ils allaient l'arrêter, il avait donc pris la fuite et était arrivé à la maison dans la nuit. Alors, vous savez, je ne sais pas si c'est ce soir-là ou le lendemain matin, mais j'ai commencé à lui demander, Qui ont-ils pris ? J'ai demandé, Et les Jäger ? Et il a répondu, Une des filles Jäger. J'ai demandé, Laquelle ? Et il ne savait pas, il ne savait pas ou bien il ne voulait pas me le dire - je ne sais même pas s'ils savaient que je sortais avec elle. Et deux ou trois jours plus tard, ils m'ont envoyé chez ma tante - vous savez, j'ai très mal pris de perdre ma mère et mon frère. Je ne savais que dire. Je suis donc allé chez ma tante pendant quelques jours. Je me souviens que le soir - peut-être dans l'après-midi, peut-être dans la soirée, la nuit - je suis venu demander, Ils ont pris une des filles Jäger... laquelle ? et ils ont dit, Ruchele. Ça m'a fichu un sale coup de nouveau. Je n'ai pas dormi de la nuit, je me souviens que ma tante ne savait pas pourquoi, elle pensait que j'étais encore... après la mort de ma mère... Il s'est tu un moment, puis il a poursuivi. Je me souviens que, toutes les heures environ, ma tante entrait dans la chambre où j'étais couché et disait, Tu ne dors pas encore, tu ne dors pas encore ? A ce moment-là, je pensais à Ruchele, parce que c'était un nouveau choc. Il est à jamais impossible de connaître ce qu'ont enduré, dans les jours suivant la première Aktion à Bolechow, Shmiel, Ester et les trois filles qui leur restaient, pour qui le sort de Ruchele était, jusqu'alors, la plus grande catastrophe de leur vie (même si nous savons que Shmiel, qui était encore vivant en 1941, a dû apporter sa contribution lorsque le Judenrat a ordonné une levée de fonds au début du mois de novembre, ce qui signifie que, de manière indirecte certes, il a payé la balle ou les balles qui ont mis fin à la vie de sa troisième fille). Mais, aujourd'hui, je sais ceci : très brièvement, il y a fort longtemps, dans la maison de la tante de Jack Greene, Ruchele avait beaucoup compté pour quelqu'un, et en considérant cela, alors que Jack continuait à me parler, j'étais heureux. Vous comprenez, j'avais su qu'une des filles avait péri, répétait-il, mais je ne savais pas laquelle. II se trouve que c'est la dernière chose que quiconque m'ait jamais dite à propos de Ruchele Jäger.  
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« derniers instants, àsa mère etàson père, àses sœurs, àsa maison ;mais peut-être (vous êtes une personne sentimentale, m'a ditunjour Mme Begley, avecmépris etindulgence àla fois), peut-être qu'untrèsbref instant elleapensé àJakob Grunschlag, legarçon avecquielle était sortie pendant unanetdemi, àses cheveux noirsetàson sourire intense – etdebout surla planche, oupeut-être aubord delafosse fraîchement creusée,aveclescorps au-dessous d'elle et l'air froid d'octobre au-dessus, elleaattendu.

L'airfroid d'octobre :nous savons qu'elleest nue àce moment préciset,entre latempérature etlaterreur, elledoit sûrement frissonner. Sans cesse, pendant qu'elleattendait – àmoins qu'elle aitété lapremière ?– le bruit dela mitrailleuse aretenti.

(Cen'était paslamort quelesgens enétaient venusàespérer, s'ils avaient eulamalchance desefaire prendre.

Le coup defeu dans lanuque, comment ils appelaient çaen allemand —le« coup degrâce » ? avait demandé MmeGrossbard àpersonne en particulier, lejour oùtous lesanciens deBolechow s'étaientréunis.Elleavait faitunpistolet avec lepouce etl'index, etl'avait pointé contre sanuque.

Je n'arrive pasàle retrouver.

Quand je suis troublée, jene peux pasmesouvenir deschoses.) Donc :les crépitements delamitrailleuse, lefroid, letremblement.

Aun moment donné,çaa été son tour, elles'est avancée surlaplanche aveclesautres.

Laplanche avaitprobablement une certaine élasticité, peut-êtrequ'ellerebondissait unpeu quand ilss'alignaient :comme dans unjeu, defaçon incongrue.

Puisunenouvelle rafale.L'a-t-elle entendue ?L'activité deson esprit àcet instant-là était-elleassezfervente pourqu'elle n'entende pas;ou, aucontraire, était-elle toutouïe dans l'attente ?Nous nepouvons paslesavoir.

Noussavons seulement que son corps délicat deseize ans– qui, avecunpeu dechance, étaitsansvieàce moment-là, même sinous savons qued'autres étaientenvie quand ilssont tombés avecunbruit sourd et humide surlescorps chauds etensanglantés, souillésd'excréments, deleurs concitoyens – est tombé danslafosse, etque c'est ladernière chosequenous voyons d’ elle;même si, évidemment, nousnel'avons pasdutout vueenréalité.     Et tout cela estarrivé probablement parcequ'elle étaitsortie dechez ellepour allerrejoindre son petit groupe, lestrois camarades declasse, enfin dematinée, laveille. Un sixième delapopulation juiveseulement apéri cejour-là, nousadit Jack.

(Seulement.) Mais les trois quarts deces quatre fillesontpéri cejour-là. J'ai remarqué, paspour lapremière fois,queleverbe qu'employait invariablement Jackpour ceux quiont ététués était périr, ce qui donnait, àmon oreille, unetonalité légèrement élevée, peut-être mêmebiblique, àsa conversation lorsqu'ilparlaitdeceux quin'avaient passurvécu à la guerre.

Mort a cette finalité abrégée d'unmonosyllabe etne laisse, pourainsidire,aucune place pourl'argumentation.

Périr, au contraire, tirédulatin pereo, dont lesens littéral signifie « passer àtravers », donneuneimpression d'ampleur;il suggère toujours pourmoiune gamme depossibilités, bienau-delà dusimple faitdemourir – impression confirméeparun coup d'œil jetéàl'entrée dudictionnaire latinassez vieuxquejepossède : passer, n’êtrerien, disparaître, sevolatiliser, seperdre ;passer, êtredétruit, périr;périr, perdre vie,mourir...

Etre égaré, manquer, êtregaspillé, dépensé envain ;être perdu, êtreruiné, êtredéfait.

Compte tenu deceque jesais aujourd'hui, aprèsavoirparlé àtous lesanciens deBolechow encore vivants, j'ensuis venu moi-même àpréférer périr à tous lesautres verbes, lorsque jeparle de ceux quisont morts. Les trois quarts deces quatre fillesontpéri cejour-là, avaitditJack.. »

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