La philosophie d'ARISTOTE

Le second point nous est déjà familier, puisque nous venons d'établir que le mode d'être attribuable aux accidents n'est pas du même ordre que celui que dit l'essence, autrement dit, que l'accident de l'essence n'a pas un sens d'être dérivé de celui qui est dit par l'essence.

L'objet du savoir n'a donc nullement à être immuable (exigence qui conduisait Platon à rejeter l'hypoth�se d'une science de la nature et à abandonner l'être physique au «mythe vraisemblable� exposé dans le Timée), il suffit que cet objet soit su comme nécessaire au regard du jeu causal.

figue des causes suppose la préconnaissance non scientifique de certains principes.

Une supposition de signification constitue un principe (arkh�) spécifique que l'on peut nommer «th�se� ou «définition� (ainsi définit-on sans démonstration, en géométrie, le point, la droite ou le triangle) ; une supposition d'être est une «hypoth�se�, et de telles hypoth�ses principielles sont absolument nécessaires à la science2.

On sait enfin que «l'instrument� (to organon) du raisonnement scientifique est le syllogisme démonstratif à prémisses causales, immédiates et vraies3 (ce qui suppose, comme nous l'avons établi, une position d'existence réelle).

5. Cf. ibid., I, 13 en entier, où Aristote établit la différence entre «syllogisme du fait�, non scientifique, et «syllogisme du pourquoi�.

Plus qu'un simple «exercice� d'école2, la dialectique est une méthode d'examen des «probl�mes� qui se posent dans une discussion quelconque.

Elle peut, par conséquent, exercer à juste titre une fonction critique de «mise à l'épreuve du savoir, là où la philosophie le produit positivement� ; elle peut être peirastique3.

Mais, par sa fonction «examinatrice� (exetastik�) propre, la dialectique «ouvre [aussi] la route aux principes de toutes les recherches6�, puisque ceux-ci échappent par nature au syllogisme démonstratif.

Aristote ajoute une précision capitale : «Cette pensée et cette vérité dont nous parlons ici sont d'ordre pratique� (a 26-27).

On voit que la «vérité pratique� (al�theia praktik�), ou vérité de l'action, requiert la constance d'un «caract�re� bien éduqué, c'est pourquoi elle n'est pas une vérité théorique appliquée à l'action.

Dans ces conditions, quelle sera la méthode de la philosophie politique?

On doit se contenter, traitant de pareils sujets et partant de pareils principes, de montrer la vérité en appuyant le trait, c'est-à-dire typiquement (pakhulôs kai tupôt); quand on parle de choses ressortissant de la constance (peri tôn hôs epi to polo) et qu'on part de principes du même ordre, on ne peut aboutir qu'à des conclusions de même caract�re1.

Nous retrouvons dans ces lignes, dont la portée méthodologique est considérable, le principe de régionalité du savoir que nous connaissons déjà : à chaque genre d'objet ses principes et sa méthode d'analyse.

En l'occurrence, puisqu'il s'agit d'analyser la praxis humaine en tant qu'elle est toujours réglée par un jugement, les principes ne peuvent être trouvés que dans des opinions de poids, dans des endoxa ; ils ne peuvent consister qu'en ce dépôt de sens dont l'expérience et le jugement des hommes de qualité teinte les "faits" bruts que chacun rencontre dans sa pratique.

Partant des tels principes endoxaux, la méthode sera nécessairement dialectique, et ne sera jamais démonstrative : elle déterminera «typiquement� (tupôi) le mode d'être des conduites morales et des actions politiques.