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Arrêt en date du 28 février 1996, la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation

Publié le 24/08/2012

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cour de cassation

La chose est désormais entendue : la responsabilité du fait des choses est fondée sur le risque, et plus spécialement sur le risque – profit. En d’autres termes, le gardien est   responsable parce qu’il tire un profit quelconque de l’usage, du contrôle et de la direction de   la chose. Or, en l’espèce, c’est bien le magasin qui tire profit des objets qu’il propose à la   vente. Au demeurant, il a même choisi d’opter pour le libre-service afin de maximiser son   profit. De fait, lorsqu’un magasin laisse ses clients manipuler librement les objets offerts à la   vente, c’est évidemment afin de les inciter à acheter. 

cour de cassation

« B.

Les limites du principe. L’affirmation selon laquelle « dans un magasin où la clientèle peut se servir elle-même, il ne suffit pas qu’un client manipule un objet offert à la vente pour qu’il y ait transfertde garde » paraît, comme on vient de le voir, justifiée dans bien des hypothèses.

Il n’en vatoutefois pas toujours de la sorte.

Il est des cas où l’on pourrait admettre que le clientdevienne gardien de la chose, avant même d’avoir franchi les caisses du magasin.

Il pourraiten aller de la sorte, par exemple, en présence d’actes de malveillance commis dans le magasinà l’aide d’objets accessibles en libre-service.

La volonté de s’approprier ces objets ne faitalors guère de doute.

Il en va de même du client qui prend une denrée périssable et laconsomme en tout ou partie sur place, avant de franchir les caisses.

Le client en prendassurément le contrôle, l’usage et la direction dans l’enceinte du magasin. Au demeurant, l’arrêt commenté autorise parfaitement une telle nuance.

L’attendu deprincipe est ainsi permissif.

Ainsi, la Cour n’énonce nullement que dans un magasin libre-service, le client qui manipule les objets avant le passage en caisse ne peut jamais êtregardien.

Elle se borne à énoncer qu’une telle manipulation « ne suffit pas » pour qu’il y aittransfert de garde.

On peut alors penser qu’en présence d’éléments supplémentaires, letransfert de garde pourrait être admis.

D’ailleurs, après avoir consacré le principe précité, laCour de cassation prend soin de relever qu’en l’espèce, la bouteille avait chuté« accidentellement ».

Il pourrait en être déduit, par un raisonnement a contrario, que lasolution doit être différente lorsque la chute est volontaire, ce qui évoque les actes demalveillance. Définitivement, la définition matérielle de la garde justifie donc pleinement la solutionretenue par la Cour de cassation (et ses limites prévisibles) : le transfert de garde devait êtrerefusé en l’espèce.

Pour autant, ces considérations de « technique juridique » ne sonprobablement pas les seules qui ont emporté la conviction de la Cour decassation.

Desconsidérations d’opportunité ont pu, voire dû, jouer. II.

Un refus opportun. Deux considérations d’opportunité peuvent être avancées en faveur de la solutionretenue par la Cour de cassation.

D’une part, la solution opère une juste répartition des risques(A).

D’autre part, elle a le mérite d’être simple et d’éviter les discussions byzantines (B). A.

Une juste attribution des risques. La chose est désormais entendue : la responsabilité du fait des choses est fondée sur lerisque, et plus spécialement sur le risque – profit.

En d’autres termes, le gardien estresponsable parce qu’il tire un profit quelconque de l’usage, du contrôle et de la direction dela chose.

Or, en l’espèce, c’est bien le magasin qui tire profit des objets qu’il propose à lavente.

Au demeurant, il a même choisi d’opter pour le libre-service afin de maximiser sonprofit.

De fait, lorsqu’un magasin laisse ses clients manipuler librement les objets offerts à lavente, c’est évidemment afin de les inciter à acheter.

Parce qu’il peut mieux observer leproduit, le client sera plus enclin à l’acquérir.

Mais en procédant de la sorte le magasin prendun risque, celui qu’un de ses clients fasse tomber un produit.

Il paraît dès lors juste que lemagasin supporte les risques liés à une telle organisation, qu’il a choisie en pleineconnaissance de cause, afin d’en tirer profit. En outre, la solution retenue par la Cour de cassation fait coïncider propriété etresponsabilité.

Or, le propriétaire est le mieux placé pour souscrire une assurance en vue decouvrir la réparation des dommages causés par sa chose.

Ce n’est assurément pas le client quipeut prendre une telle assurance.

Au surplus, le magasin peut répercuter, dans une certainemesure, le coût de cette assurance sur les prix de vente de ses produits, de sorte qu’il nesaurait objecter qu’il y a là une charge qui serait financièrement insupportable pour lui.Partant, la solution retenue par la Cour de cassation paraît d’autant plus juste. Et ce n’est pas son seul mérite.

En effet, elle est également simple. B.

Une solution simple.La solution consacrée par la Cour de cassation a l’avantage d’être simple : en principe,le client d’un libre-service n’est pas gardien des objets offerts à la vente tant qu’il n’a pasfranchi les caisses.

Par opposition, la thèse préconisée par le pourvoi laisse entrevoir desdiscussions où le raffinement le disputerait à la subtilité.

Ainsi, que décider, par exemple,lorsqu’un client prend un objet qui tombe une fraction de seconde après avoir été remis enplace sur le rayon ? Qui est alors gardien de la chose ? De même, que décider lorsqu’un clientfait tomber un objet, non pas en le manipulant, mais en le heurtant à raison del’encombrement des rayons ? En aurait-il alors l’usage, le contrôle et la direction ? Enfin,comment apprécier la situation lors du passage en caisse où le client et le caissier ontalternativement la maîtrise de la chose ? Le client devrait-il être gardien lorsqu’il dépose lesobjets pris dans son chariot sur le tapis de caisse, avant de transférer lagarde de ces mêmeschoses (pour un instant !) au caissier qui les manipule… pour que la garde soit re-transféréeensuite de façon définitive au client ?. »

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