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Commentaire de l'arrêt de la Cour de cassation du 27 février 2007 (droit)

Publié le 08/07/2012

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Cet arrêt étant un arrêt de rejet, tous les motifs et solutions que la Cour d’appel avait mis en œuvre ont été acceptés et soutenus par la Cour de cassation. C’est pourquoi lorsque la Cour d’appel « a réformé le jugement « de première instance « et a ouvert une procédure de redressement judiciaire «, si la Cour de cassation ne s’est pas prononcée en défaveur de cette solution, c’est qu’elle estime qu’elle était opportune. Pourquoi la Cour de cassation a-t-elle estimé qu’il valait mieux passer en redressement judiciaire plutôt que de poursuivre la procédure de liquidation judiciaire déjà mise en place ? A notre avis, c’est parce que, même si elle a reconnu l’insuffisance de l’actif disponible pour faire face au passif exigible du débiteur, elle n’en déduit pas pour autant l’insolvabilité de celui-ci. En effet, il ne faut pas confondre la cessation des paiements, qui résulte d’une difficulté de trésorerie non résolue, avec l’insolvabilité, à savoir le fait d’avoir un passif supérieur à son actif. Comme nous l’avons explicité précédemment, l’actif disponible se conçoit comme l’actif « immédiatement « disponible, et qu’ainsi les immeubles en sont exclus.

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« Il n'y a cessation des paiements que si le débiteur est dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible, c'est-à-dire l’ensemble de ses dettes échues, avec son actifdisponible9.

Cette condition étant suffisante, il n'y donc a pas lieu de rejeter la demande d'ouverture de procédure, dès lors qu'il est constaté que le débiteur n'est pasen mesure de se libérer du passif échu10.

Cela signifie que seules les dettes arrivées à échéance peuvent être comptabilisées dans le passif exigible.

En l’espèce, pourla Cour de cassation, la dette était arrivée à échéance car elle a confirmé la Cour d’appel en ne la contredisant pas alors que celle-ci avait retenu « l'état de cessationdes paiements de la société après avoir relevé que ses dettes étaient exigibles ».

Mais, selon le pourvoi, la société Avenir Ivry avait argué « qu'aucune poursuite n'esten cours concernant le passif déclaré lequel, dans ces conditions, n'est pas à ce jour exigé ».

Ici, le demandeur joue sur la distinction entre le passif exigible et lepassif exigé.

En effet, une dette peut être arrivée à échéance sans pour autant que son créancier ne réclame son paiement.

Ces dettes sont donc exigibles, du fait del’arrivée de leur échéance, mais non exigées.

Pour le demandeur, l’absence de poursuites concernant le passif exigible permettait donc d’écarter lesdites dettes nonexigées pour l’évaluation de l’étendue du passif à considérer pour déclarer la cessation de paiement.Mais, selon la Cour de cassation, s'il appartient à celui qui demande l'ouverture de la procédure collective de rapporter la preuve de l'impossibilité pour le débiteur defaire face à son passif exigible avec son actif disponible, il incombe en revanche au débiteur de démontrer que son actif disponible, tel qu'il paraît établi, s'est accrupar l'effet d'une réserve de crédit, ou que le passif exigible, tel qu'il résulte de la somme des dettes échues, doit être réduit de ce qui n'est plus exigé, en raison d'unreport d'échéance ou d'un moratoire accordé par tel ou tel créancier11.

En effet, la Cour de cassation avait répondu dans son arrêt en énonçant que « la société […]n'avait pas allégué devant la Cour d’appel qu'elle bénéficiait d'un moratoire de la part de ses créanciers, ne faisait valoir aucune contestation relative au montant ouaux caractéristiques de son passif » et qu’ainsi elle n’avait pas démenti la réalité des sommes mises à sa charge par le créancier.

On constate donc qu’il ne s’agit pasde savoir ce que réclame le créancier.

Peu importe que le passif ait été exigé, ce qui compte c’est que le débiteur n’ait pas allégué certaines prétentions pourcontredire le créancier.

La cessation des paiements étant caractérisée par l'impossibilité pour le débiteur de faire face au passif exigible avec son actif disponible,peu importe le montant du passif effectivement exigé12.La société Avenir Ivry aurait du contester les dettes mises à sa charge, et le temps de cette contestation les créances litigieuses auraient été exclues pour ladétermination du passif exigible13 ; il aurait pu aussi donner la preuve d’une réserve de crédit, cette possibilité ayant été consacrée par la jurisprudence depuisplusieurs années14.

Enfin, il aurait aussi pu mettre en avant un éventuel moratoire des créanciers15, un délai de paiement accordé par le créancier à son débiteur, cequi aurait eu pour effet d’exclure lesdites dettes du passif durant un temps.Selon la Cour de cassation, s'agissant de l'espèce rapportée, le simple fait que le liquidateur ait indiqué devant la Cour d’appel qu'aucune poursuite n'était en cours etque le passif déclaré n'était pas à ce jour exigé n'impliquait pas pour la Cour d’appel l'obligation de rechercher si le passif exigible devait être réduit […]16.

C’est ledernier point concernant les particularités quand au passif exigible du débiteur dans cette affaire.

La Cour de cassation confirme que la Cour d’appel n’avait pas àrechercher s’il y avait une réserve de crédit ou un moratoire.

En effet, cette démonstration incombe au débiteur.

Après que le créancier ait rapporté la preuve del'impossibilité pour le débiteur de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, la charge de la preuve passe à l’entreprise devenue alors débitrice.

C’estpourquoi, puisque dans cette espèce aucune contestation n’a été émise par la société Avenir Ivry, la Cour de cassation a considéré que « la société, qui n'avait pasallégué devant la Cour d’appel qu'elle bénéficiait d'un moratoire de la part de ses créanciers, ne faisait valoir aucune contestation relative au montant ou auxcaractéristiques de son passif, de sorte que la Cour d’appel, qui n'avait pas à effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision ».C’est uniquement au débiteur assigné en redressement judiciaire qu'il incombe d'établir qu'il peut contrebalancer les affirmations du créancier.

Cette affirmation n’estpas nouvelle, on a déjà vu un raisonnement similaire dans des jurisprudences antérieures.

Pour exemple, la Cour d’appel qui a prononcé l'ouverture du redressementjudiciaire d'une partie au vu d'un acte d'huissier non sérieusement contesté, selon lequel aucun actif immobilier ou matériel apparent n'est saisissable, n'est pas tenued'effectuer d'autres recherches, notamment quant à la situation bancaire du débiteur17.

Dès lors que les preuves du créancier concernant la cessation des paiementsd’un débiteur potentiel ne sont pas contestées sérieusement par celui-ci, comme c’était le cas dans notre arrêt, la Cour d’appel n’a pas à rechercher si oui ou non ledébiteur se trouvait effectivement en cessation des paiements. II.

L’exclusion des immeubles de l’actif disponible engendrant la confirmation de la réformation en redressement judiciaire. Après avoir déterminé un passif exigible à la charge de la société Avenir Ivry, la Cour de cassation doit évaluer les caractéristiques de son actif disponible pourconclure à une éventuelle cessation des paiements.

La société Ivry ayant argué qu’elle avait deux immeubles en tant qu’actif disponible, la Cour de cassation a du seprononcer sur la disponibilité de ces biens, en répondant par la négative (A), pour ensuite confirmer qu’il y avait lieu de réformer la liquidation judiciaire enredressement judiciaire tout en conservant la date d’ouverture première de la procédure collective (B).A) L’absence de disponibilité des immeubles de l’actif entrainant la cessation des paiements. Comme l’a énoncé un auteur18, en l'absence de définition légale de l'actif disponible, il est possible d'affirmer que cette notion regroupe toutes les liquidités, tous leséléments d'actifs réalisables à très court terme, ainsi que les réserves de crédit19, car la cessation des paiements est un problème de trésorerie non résolu20.

Selon lepourvoi, les deux immeubles qui constituaient l’actif de la société Avenir Ivry, après que la commune d’Ivry ait exercé un droit de préemption les concernant,« eussent constitué un actif disponible pour être immédiatement cessibles au bénéficiaire du droit préférentiel de les acheter, par la seule acceptation de son offre ».Pourtant, la Cour de cassation a confirmé la Cour d’appel en considérant que « l'arrêt a exactement retenu que l'actif de la société, constitué de deux immeubles nonencore vendus, n'était pas disponible ».

Nous pensons que cette solution découle du fait que les immeubles ne représentent pas une ressource exploitable pour ledirigeant car ils ne sont pas cessibles par la seule volonté du débiteur qui, de ce fait ne pouvait pas les transformer en liquidité rapidement.

Ces immeubles, mêmes’ils peuvent devenir une importante source de liquidités après une vente n’en restent pas moins des immeubles avant celle-ci.

Et rien ne garantit qu’ils vont êtrevendu au prix indiqué par le vendeur, ni même qu’un éventuel acheteur va lever une option d’achat ou conclure un contrat de vente portant sur ceux-ci.

Ils ne sontdonc pas de l’actif disponible, en ce sens que l’entreprise ne peut pas en disposer comme elle disposerait d’argent liquide.

L'existence d'une procédured'expropriation, ou plus exactement l'exercice d'un droit de préemption urbain par une commune ne modifie nullement la qualification des biens immobiliers.

Il s’agitici d’une confirmation de la position prise à propos de terrains à exproprier pour lesquelles elle avait rejeté la qualification d'actif disponible21.

C’est une solutionqui nous semble assez logique, car comme l'a remarqué P.-M Le Corre, les biens mobiliers ne faisant pas partie de l'actif disponible, a fortiori, les immeubles en sontexclus22.

En effet, pour la détermination de l'actif disponible ne peuvent être pris en compte ni le prix d'acquisition du fonds de commerce, ni le montant des travauxréalisés dans les lieux, ni la valeur du stock de marchandises23, ainsi que les participations dans des filiales et des créances sur celles-ci24.

Pour corroborer cetteanalyse du caractère rapide de la création de liquidités par le biais d’un élément de l’actif pour le considérer comme de l’actif disponible, on peut signaler que lesstocks sont exclus, à moins qu’ils ne soient en cours de réalisation25, ainsi que les créances, sauf celles qui arrivent immédiatement à terme26, et qu’enfin lesconcours financiers accordés par une banque27 ou les liquidités apportées par le dirigeant sont évidemment acceptées28, étant des liquidités en elles-mêmes.

On peutaussi mettre en lien les moratoires éventuels précédemment évoqués avec l’actif disponible.

En effet, une avance de trésorerie qui n'est pas bloquée ou dont leremboursement n'a pas été demandé constitue un actif disponible29.

Enfin, il faut comprendre par actif disponible, l’actif disponible pour le débiteur, quand bienmême il ne l’est pas pour le créancier30. In fine, c’est cette exclusion des immeubles de l’actif disponible de la société Avenir Ivry qui engendre la défaillance de celle-ci à équilibrer la balance entre son actifdisponible et son passif exigible puisque ces deux immeubles constituent son actif.

De ce fait, ce débiteur est en état de cessation des paiements et une procédurecollective peut être ouverte à son encontre. B) La réformation de la liquidation judiciaire en redressement judiciaire. Cet arrêt étant un arrêt de rejet, tous les motifs et solutions que la Cour d’appel avait mis en œuvre ont été acceptés et soutenus par la Cour de cassation.

C’estpourquoi lorsque la Cour d’appel « a réformé le jugement » de première instance « et a ouvert une procédure de redressement judiciaire », si la Cour de cassation nes’est pas prononcée en défaveur de cette solution, c’est qu’elle estime qu’elle était opportune.

Pourquoi la Cour de cassation a-t-elle estimé qu’il valait mieux passer. »

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